Noah dut expliquer à ses parents ce qui l'avait poussé à s'ouvrir les veines. Il n'entendit pas leurs arguments rassurants, tout submergé qu'il était par une autre sensation : son père et sa mère se demandaient comment ils avaient pu passer à côté de ça, de tout ce mal être, pour une raison qui leur paraissait dérisoire.
Le climat se détraque, l'être humain détruit tout, un monde apocalyptique les attend, et ils trouvent ça… dérisoire ? Bordel !
Noah ne pouvait rien répliquer. Il n'y avait pas eu de mots. Il avait senti cela dans ce que ses parents n'avaient pas dit. Alors, il leur avait promis de ne pas recommencer, sans y croire le moins du monde. Sa mère lui avait dit que la sensation dans ses mains reviendrait, que c'était certainement dû au choc et que les médecins allaient en trouver la cause. Puis il avait fallu se séparer sur ordre de l'infirmier. Noah devait se reposer.
Il ressassait ses pensées, ce sentiment étrange de moins suffoquer à présent que ses parents étaient partis, quand Théo entra.
— Je dois rester tranquille, lui annonça Noah dans l'espoir de l'éconduire.
— Ce n'est pas près d'arriver, rétorqua imperturbablement Théo. Si tu savais être tranquille, tu n'en serais pas arrivé là, et je n'aurais pas été appelé à ton chevet.
— Qu'est-ce que t'en sais ?
— Je le sais. C'est fou à quel point les gens peuvent croire que ce qui se passe dans leur tête est inaccessible aux autres. Cela fait plusieurs dizaines de milliers d'années que d'illustres humains ont pourtant écrit que nous sommes un.
— T'es chtarbé, toi, tu sais ?!
— Si par là tu entends que mon niveau de conscience et de perception dépasse le tien, sans doute. Mais peu importe ce que je suis. Ce qui compte, c'est ce que tu peux prendre de moi pour aller mieux. Te dresser contre moi ne t'aidera pas à récupérer l'usage de tes mains.
Noah voulait juste qu'il se casse. Il voulait…
— Tu t'attends à ce que l'univers, qui t'a laissé en vie, te laisse macérer dans les remords et aviver les pensées qui t'ont poussé à l'acte ? demanda Théo. Ça ne sa passe pas comme ça, mon pote. Il y a deux sortes de rencontres : celles qui t'enfoncent dans tes conneries et celles qui te montrent comment en sortir. Veux-tu en sortir, Noah ?
— Je veux qu'on me foute la paix.
— Tu auras la paix quand la paix règnera dans ton esprit.
Noah n'était pas d'humeur pour les proverbes à la noix. Il allait lui dire, droit dans les yeux, de ficher le camp.
Putain ! Ces yeux ! On dirait un gouffre.
Et puis quoi ? Au pire, il lui volerait son âme et Noah pourrait quitter ce monde de merde. Il soutint le regard.
Il vit.