00h29

Par Leyesna

00h29_

 

« Un soir, assise sur mon lit, appuyée contre mon mur, les jambes pendant dans le vide, je regardai les volutes de fumées que recrachait ma bouche. Les yeux brillant d'excitation nouvelle, puis larmoyant la seconde d'après d'une peine non-dissimulée, j'avais l'impression de me rendre compte de tout. Que ce soit de mes erreurs, de mon passé, de mon présent, ou même de mon futur. J'ignorai le pourquoi du comment, et je l'ignorerai encore par la suite très certainement, mais tout ce qui m'entourait semblait avoir du sens.

Que ce soit mes trois bouteilles de Grimbergen laissées vides et abandonnées sur mon bureau, mes trois livres de chevet posés à même le sol, mes inscriptions aux murs, ou encore mon éternel blouson de friperie sur mon piano, tombant à moitié. Ma tasse de café du matin même se postait aux côtés des bières, comme si elle cherchait à rivaliser lamentablement avec elle de hauteur et de présence. Pourtant, elle était bien là.

Une chambre. Ma. Chambre. Mon dieu, cet endroit était ma putain de chambre. Reliant parfaitement les définitions mêmes du bordel bien rangé et de la propreté poussiéreuse.Un sourire dessina mes traits. Je voulu renifler d'un air dédaigneux, comme à mon habitude, mais avais oublié la nicotine envahissant mes cloisons nasales, et finis par tousser lamentablement. Ce n'était pourtant pas ma première cigarette. Je l'ai fumé ici, ma première. Il y a de cela cinq ans.

À l'époque, mon antre était rose, teintée de bandes violines sur un des murs. Des posters de groupes pas franchement convaincants jonchaient tout ce qui se trouvait à portée de ma main, et mon plafond en faisait partie. Je me souvenais avoir un lit en hauteur à l'époque. Mais alors vraiment très, très haut. C'était limite si je pouvais me tenir assise quand j'étais dedans. Pourtant, je l'avais toujours bien aimé. Dans le sens que je dormais sur même pas vingt centimètres carré, et que tout le reste se trouvait envahit par des bouquins. Ils me tombaient souvent dessus quand je dormais, me réveillant en sursaut, comme pour me rappeler qu'ils étaient là, bien là, et que j'avais interdiction d'oublier leur existence.

À y repenser, cette décoration était vraiment ignoble. Et ne me ressemblait absolument pas. Perdue dans ma période de fille facilement critiquable et victime première de nombreux bizutages, je m'étais perdue. Petit mouton noir au collège, princesse à la maison. Peut être était-ce une couverture pour que ma tendre mère n'en sache rien, croit que j'étais heureuse, que j'étais comme les autres enfants, je ne le saurai jamais. Quoiqu'il en soit, pendant cette période, le nez plongé dans des romans la plupart du temps à l'eau de rose, dans un élan de folie, j'avais volé sans grande difficulté une cigarette à ma génitrice. La crapotant plus qu'autre chose au bord de ma fenêtre, en m'inventant la sensation de bien être que les légendes urbaines disent qu'il était censé arriver.

Oui, parce que, soyons honnêtes, la clope, ça ne détend pas. Les fumeurs le ressentent juste par simple réponse à leur addiction. T'as envie de fumer, tu fumes, t'es content d'avoir fumé. Un besoin parmi tant d'autres.

L'été précédant mon entrée au lycée, cet univers teinté de rose et ne sentant pas réellement bon disparu. Deux murs furent recouverts de blanc, et les derniers de rouge. Un côté un peu populaire vous me diriez, et vous auriez bien raison. Mon lit baissa aussi, et devint un deux places simple. En réalité, tout fut simplifié. Tout se mit à me ressembler, peut être bien.

Je me mis à écrire sur mes murs en fin de première année lycée. Un air béa écrasa mon visage quand la réaction de ma mère face à cela me revint en mémoire. Hystérique, face à mon mutisme, elle avait fini par abdiquer en allant fumer une cigarette, avant que je la rejoigne.

Cette pièce, depuis ce jour là, n'avait pas bougé.

Je me rallumai un de ces tubes de nicotine au goût écœurant et à l'odeur nauséabonde, puis soufflai lentement. Malgré tout, cette addiction faisait partie de moi désormais.

Hier, j'étais une collégienne sans confiance en elle se réfugiant dans ses bouquins pour fuir le monde.

Aujourd'hui, je clôturais le lycée, et je me retrouvai assise sur le lit où j'avais fait ma première fois à mes quinze ans avec le premier minable que j'avais rencontré. Certainement pour me dire que j'étais aussi avancée que les autres, et pour leur montrer que mon passé à me faire huer se trouvait bien loin.

Demain, je serai quelque part, je ne savais réellement où, mes ambitions se trouvaient peut être trop grandes pour ce que je valais.

Pourtant, ce soir là, tout cela me semblait futile. J'étais moi. Mes souvenirs, bien que cachés derrière de la peinture, ou clôturés à ce jour sur ma porte ou mon mur, m'avaient forgé. Ils me permettaient de quitter le monde à ma manière, et à m'accepter.

Je tirai une dernière et ultime latte. J'étais fatiguée. Mais euphorique.

Aujourd'hui, et la raison avait beau me dépasser, j'aimais la vie. »

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Fannie
Posté le 07/03/2018
Re-coucou,
Comme pour l’autre nouvelle, je trouve dommage que tu n’aies pas choisi un titre plus évocateur et plus attrayant.<br /> C’est intéressant de voir cette jeune fille en mutation, sur le chemin qui la mène de l’enfance à l’âge adulte. Ce passage ne se fait pas sans heurts, mais la conclusion est très positive.
Coquilles et remarques :
je regardai les volutes de fumées [je regardais]
d'une peine non-dissimulée [non dissimulée]
de mon passé, de mon présent, ou même de mon futur [mon avenir ; le futur est plus lointain]
J'ignorai le pourquoi du comment, et je l'ignorerai encore par la suite très certainement, mais tout ce qui m'entourait semblait avoir du sens [J'ignorais / je l'ignorerais ; dans un récit au passé, on emploie le conditionnel présent pour exprimer une action future]
Que ce soit [La phrase qui commence par « Que ce soit » me semble incomplète]
se postait aux côtés des bières, comme si elle cherchait à rivaliser lamentablement avec elle [avec elles]
Mon dieu, cet endroit était ma putain de chambre [mon Dieu]
Un sourire dessina mes traits [« se dessina sur mes traits », plutôt]
Je voulu renifler d'un air dédaigneux [voulus]
mais avais oublié la nicotine envahissant mes cloisons nasales, et finis par tousser lamentablement [j’avais/je finis ; il faut répéter le sujet parce que le verbe précédent n’est pas conjugué au même temps]
Je l'ai fumé ici, ma première [fumée]
même pas vingt centimètres carré [carrés]
mon antre était rose, teintée de bandes violines sur un des murs [teinté]
et que tout le reste se trouvait envahit [envahi]
pour que ma tendre mère n'en sache rien, croit que j'étais heureuse [croie ; subjonctif]
en m'inventant la sensation de bien être [de bien-être]
que les légendes urbaines disent qu'il était censé arriver [dont les légendes (…) / ce passage est un peu maladroit ; je propose : que racontent (relatent, promettent, prédisent, font miroiter) les légendes urbaines]
Peut être était-ce une couverture [Peut-être]
Quoiqu'il en soit, pendant cette période [Quoi qu'il en soit]
cet univers teinté de rose et ne sentant pas réellement bon disparu [disparut]
Mon lit baissa aussi, et devint un deux places simple [s’abaissa ; un simple deux places]
Tout se mit à me ressembler, peut être bien [peut-être]
en fin de première année lycée [de lycée]
Un air béa écrasa mon visage [béat]
Cette pièce, depuis ce jour là [ce jour-là]
Aujourd'hui, je clôturais le lycée, et je me retrouvai assise sur le lit [je terminais, achevais, bouclais / retrouvais]
Demain, je serai quelque part, je ne savais réellement où [je serais ; dans un récit au passé, on emploie le conditionnel présent pour exprimer une action future / je dirais plutôt « je ne savais pas réellement où »]
mes ambitions se trouvaient peut être trop grandes pour ce que je valais [« étaient » ou « se trouvaient être » / peut-être]
Pourtant, ce soir là, tout cela me semblait futile [ce soir-là]
ou clôturés à ce jour sur ma porte ou mon mur [épinglés, accrochés, fixés]
Ils me permettaient de quitter le monde à ma manière, et à m'accepter [de m’accepter]
Je tirai une dernière et ultime latte [« dernière et ultime » est redondant]
Sad
Posté le 23/05/2015
C'est diificile de commenter ces petite brèves, mais elles ne laissent pas indifférentes.
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