Chère amie,
J’espère de tout cœur que tu vas bien. Ton séjour ici date presque de six mois, et pourtant je t’assure que l’île est exactement comme tu l’as quittée. L’automne est excessivement doux cette année, l’air a un arôme printanier. Cela étant, nous avons tout de même pris soin de bien couvrir les enfants avant d’aller passer l’après-midi dans le bois. Tu n’imagines pas à quel point les écharpes que tu as tricotées pour eux leur plaisent. Léon a gardé sans interruption son visage emmitouflé dans la laine et Basile ne voulait plus quitter la sienne lorsque nous sommes rentrés au palais pour le goûter. Quant à ma petite Hermine, son enthousiasme à porter cette écharpe tient du miracle et tu es donc l’objet de ma plus fervente adoration.
Tu sais comme ma fille rechigne constamment à s’habiller comme je le lui dis, sous prétexte que les vêtements chauds l’empêchent « d’explorer ». Les bonnets, cols et chandails que je lui impose de porter depuis toute petite l’ont toujours furieusement incommodée, au point qu’elle les a souvent abandonnés derrière elle pour aller jouer comme elle l’entendait.
Hermine est une enfant très intelligente, elle sait pertinemment qu’elle a hérité de ma santé pour le moins fragile. Tu te rappelles sans doute la fièvre terrible qui l’a alitée plusieurs semaines l’année de ses quatre ans. Malheureusement, son cœur d’enfant abrite aussi un violent désir de profiter au jour le jour de la vie. J’avais bien dit à Jasmin qu’elle était trop jeune pour apprendre le latin. Mon botaniste de mari n’a rien voulu entendre, et voilà qu’au lieu de donner le nom savant des plantes, elle nous assène carpe diem plusieurs fois par jour.
Oh, en parlant de ma fille et des espoirs botaniques que son père avait pour elle, j’ai une anecdote à te raconter. Nous étions donc tous ensemble au bois cet après-midi. Les couleurs de l’automne irradiaient sous un soleil d’une douceur onirique. Un bras passé sous celui de Jasmin, j’aurais pu m’endormir debout contre son épaule si trois enfants surexcités ne babillaient pas sans arrêt autour de nous. Tu sais qu’en dépit de leurs petites excentricités, ils sont d’un naturel plutôt calmes. Pourtant je t’assure qu’aujourd’hui, ils faisaient preuve de la même énergie que les chevreaux du pré voisin. Cela me rappelle nos promenades de printemps avec toi, j’ai hâte que tu reviennes nous voir.
Ainsi donc, pour occuper un peu ces trois biquets, Jasmin a lancé la première idée qui lui est venue. Il a demandé aux enfants d’aller chercher une plante dans la nature, mais pas n’importe laquelle : ils avaient chacun pour mission de ramener leur fleur préférée. Sa proposition a aussitôt fait l’unanimité. Nous nous sommes assis sur un banc en pierre pour regarder les enfants partir en quête de leur trésor. Je n’ai pas tardé à lover ma joue contre le col de Jasmin, la fourrure de son manteau est si douce. Il s’est inquiété de savoir si je n’avais pas trop froid, et après que je l’ai rassuré du contraire et qu’il a quand même pris mes mains gantées dans les siennes, nous sommes restés blottis dans un silence délicieux. Ma pauvre Jade, je te promets une anecdote amusante et me voilà à babiller bêtement sur mes petites satisfactions de grande amoureuse, pardonne-moi.
Léon est revenu le premier et, le nez dans son écharpe, nous a présenté un charmant bouton d’or. Jasmin a tout de suite donné le nom latin de la fleur, que le cher petit a très certainement retenu. Non content d’être doté d’une mémoire prodigieuse, cet enfant compense très largement le désintérêt de notre fille pour les sciences naturelles. Je crois d’ailleurs qu’à partir d’aujourd’hui, Jasmin va véritablement placer tous ses espoirs en lui. Tu vas vite comprendre pourquoi.
Nous avons aperçu Basile sortir avec précaution d’entre les arbres. Son visage rosi par le froid affichait un air sérieux tout bonnement adorable. C’est tout de même fou qu’à six ans il puisse déjà être aussi appliqué à tout ce qu’il fait. Hermine ferait bien de l’imiter un peu plus. Du haut de ses dix ans, elle a surgi en trombe derrière son cousin et l’a dépassé en le narguant qu’il serait dernier. Tout occupée à gagner la course qu’elle s’était imaginée, notre chère fille avait visiblement oublié la véritable teneur de leur mission. Tu ne devineras jamais ce qu’elle tenait fièrement dans ses mains : un gros champignon !
Pendant que je riais, mon mari bien plus pédagogue lui a demandé pourquoi elle n’avait pas ramené une fleur. Très fière d’elle, Hermine a dit qu’elle préférait largement ce champignon à n’importe quelle jolie plante. L’air dépité de Jasmin ne m’a pas aidée à calmer mon hilarité. Mais le meilleur reste à venir, car écoute un peu ce que ma fille a déclamé ensuite : « Je l’aime parce qu’il est tout rond et tout moelleux comme Léon. » J’aime autant te dire que le pauvre Léon en question n’avait pas assez de laine pour cacher son teint de pivoine. Hermine n’a même pas pris la peine de mimer un air innocent. Ma fille sait bien ce qu’elle fait, et elle en est très fière. À défaut d’être subtiles, ses avances sont au moins bienveillantes. Je vais tout de même faire attention à ce qu’elle ne l’embête pas avec ses histoires. Léon a tout de même deux ans de moins qu’elle et il est très intimidé par son cran.
Au moins Basile, lui, ne se laisse pas marcher sur les pieds par sa cousine. Proclamant que c’était à son tour de montrer sa fleur, il s’est fait une place jusqu’à nous en tenant son butin à bout de doigts. C’était une jolie pâquerette. Basile s’est tout de même senti obligé de souligner que ce n’était pas du tout sa fleur préférée mais la seule qu’il avait trouvée. Après un compliment élogieux à chacun, nous avons repris notre promenade pour rentrer à la maison avant que les derniers rayons du soleil ne s’étiolent.
Je m’arrête ici, on m’appelle pour dire bonne nuit aux enfants. Malheureusement, l’anxiété de Basile au moment de se coucher ne s’est pas beaucoup atténuée depuis six mois. En revanche, il ne se réveille plus en pleurant la nuit, ce qui est un réel soulagement. Nous étions prêts à faire dormir Hermine dans une chambre séparée si cela continuait, mais cette décision m’aurait brisé le cœur. Savoir qu’ils seront toujours là l’un pour l’autre m’apporte un tel réconfort.
J’espère que mes histoires t’ont donné envie de revenir nous voir bientôt. Jasmin et moi nous disions justement que ce serait formidable que tu viennes fêter la nouvelle année avec nous. Ce serait bien sûr un plaisir d’accueillir aussi l’amie dont tu m’avais parlée si d’aventure elle avait déjà prévu de te visiter à ce moment-là.
Je t’embrasse,
Gaëlle
Tes lettres sont absolument adorables <3 Je fonds, je suis sous le charme :3
Quand je lis, j'ai l'impression d'être enroulée dans un plaid devant un feu de cheminé avec un chocolat chaud :3
Trop mignonne Hermine qui lance des carpe diem et décide de faire comme ça lui chante x)
"Ma pauvre Jade, je te promets une anecdote amusante et me voilà à babiller bêtement sur mes petites satisfactions de grande amoureuse, pardonne-moi."
-> Mais c'est tellement trop adorable ! C'est tout doux, tout mimi ! <3
Je kiffe trop, voilà c'est dit x)
Moooh merci beaucoup T^T ça me fait trop trop trop plaisir tout ce que tu me dis en commentaire (dans TOUS tes commentaires d'ailleurs XD j'ai pas pu résister et j'ai tout lu avant de prendre le temps de répondre, résultat : je SAIS que je vais te dire la même chose à chaque fois, pardon d'avance ^^" )
Vi, je me suis super éclatée avec le personnage d'Hermine ^^ Je savais pas du tout comment l'imaginer en écrivant le Talisman mais elle est genre apparue comme par magie au début de ce Nano ^^
owi j'adore savoir THE passages qui vous plaisent * - *
On retrouve vraiment l'univers du Talisman, c'est tout chou ! Je ne saisis pas encore bien les relations entre les trois petits (ils sont cousins du coup ? Honte à moi, je devrais sans doute m'en souvenir après le Talisman... Bon ça me fait une excuse pour le relire cela dit ^^), mais ça ne pose pas problème. Tout est si visuel... plus que ça même, rempli de sensations. Pourtant d'habitude j'ai du mal avec l'épistolaire parce que j'ai justement l'impression qu'on n'est pas assez plongé au coeur des choses, mais là aucun problème de ce point de vue !
Je sens que je vais adorer ^^
Aww je suis contente que ça te plaise !!
Oui, c'est plus que le même univers en fait, c'est carrément la même histoire mais dans le passé ^^
Aaah pardon, c'est vrai que ce n'est pas clair : Basile et Hermine sont cousin-cousine, Léon est simplement un ami, voilà :)
Merci pour tout ce que tu me dis là, ça me fait super plaisir tu n'as pas idée T^T Surtout venant de toi et de ta plume incroyable d'ailleurs !
Ah, moi j'ai toujours bien aimé l'épistolaire, sauf quand ça tourne trop autour du pot XD En tout cas c'est très détendant à écrire, donc je suis bien contente d'avoir choisi ce format pour mon Nano de cette année !
A bientôt peut-être en bas d'une autre lettre ;)
Oui, j'ai déjà une PàL plus qu'énorme, mais devine quoi ? Eh bien je suis ici 🤦♀️😭😂
J'aime beaucoup ce système de lettres que tu as choisi, et tes personnages ont l'air adorables, même si je n'ai pas lu "Le Talisman" ^^"
Je n'ai juste pas très bien compris (mais c'est peut-être parce que je suis trop fatiguée 😆) la relation entre Hermine et Léon. Tu parles "d'avances" de la part d'Hermine, mais je n'ai pas saisi s'ils étaient cousins, amis, voisins, que sais-je 😅
Enfin voilà ^^ J'ai adoré la comparaison d'Hermine, de Léon et de son champignon XD
Bisous ! :3
Aaaaah mais je suis trop contente que tu sois là !!! <3 <3
Haha, je comprends que tu sois perdue XD Laisse moi t'aider, tu vas voir c'est très simple : Hermine et Basile sont cousin-cousine, Léon est un ami, et voilà ! Donc non, cette histoire ne cautionne pas la consanguinité haha XD
Ah, je suis contente que cette petite comparaison te plaise ^^ Je suis trop contente d'avoir un petit thème à caser à chaque fois, je trouve ça hyper stimulant huhu
Merciii pour ton commentaire <3