La pluie s’est arrêtée depuis déjà quelques minutes. La tête appuyée contre la fenêtre du bus, elle pense. « Au moins, je ne vais pas me tremper.» « Pourvu que je ne croise pas l’autre ahuri aujourd’hui.» « 1645, défaite de Naseby contre les forces de Cromwell. Quel gland, ce Charles. ». L’engin se stoppe, elle se précipite à la sortie pour mieux glisser dans l’immense flaque étendue devant elle. Fyuiiiip, splash, « Et merde. ».
Elle se relève et, grommelant diverses insultes fleuries à l'égard de la mare, tente tant bien que mal d’enlever l’eau boueuse de ses vêtements. Le campus se dresse devant ses yeux. Imposantes bâtisses d’architecture moderne et pelouses ponctuées de quelques bouleaux, d’un pommier par-ci par-là, sont agencées de façon quasiment anarchique. Elle réprime une grimace au contact désagréable du tissu humide sur sa peau.
Alors qu’elle se dirige vers l’entrée de la fac, son regard est attiré par un attroupement devant le bâtiment principal. Ce n’est pas qu’un attroupement, il y a un camion rouge aussi. Le brouhaha est bientôt perceptible. Animée d'une curiosité presque malsaine, elle s’approche prudemment. Assez pour voir un visage familier, défiguré par la tragédie, se dessiner devant ses yeux, la saisir par les épaules, la serrer avant de s’effondrer. Un autre visage, figé par le choc. Elle commence à craindre d’arriver au centre du troupeau, de découvrir la cause de cette agitation.
C’est là, à cet instant précis qu’elle distingue des cheveux. Et un bras. Étendus sur la pelouse. La boule se forme dans sa gorge. Son estomac se noue. Encore un pas, et elle ne peut plus que voir. Brisé, le corps lui est familier. Une expression qu’elle ne comprend pas est comme gravée sur son visage livide. Les cheveux sont ensanglantés, comme une partie de l’herbe où ils reposent. Est-ce que les pompiers vont nettoyer le rouge sur la pelouse ? Le choc et la nouvelle font tranquillement leur chemin dans sa tête jusqu’à exploser en confettis noirs. Elle réalise difficilement. La perte est trop invraisemblable, c’est impossible. Elle se détourne de la scène, monte doucement les marches. Son esprit habituellement en ébullition est vide et blanc. Flou comme une goutte d’eau sur l’objectif. Elle pousse la porte de la cafétéria. Il n’y a personne. Elle glisse sa pièce dans la machine à café, choisit son chocolat. Toujours en silence. Elle le boit, se brûlant la langue à chaque minuscule lampée. Les larmes démarrent seules. Elles dégringolent. Et elle continue de vider son gobelet bouillant.
Tu parviens à nous emmener dans l'intrigue posée par ce corps.
Cependant, je pense que tu gagnerais à chercher un vocabulaire plus riche et à travailler quelques tournures pour rendre le tout plus intense, plus solide.
Je ne suis pas très fan de la série de pensées entre guillemets qui s'ouvrent, se ferment, s'ouvrent, se ferment et ainsi de suite.
As-tu essayé une autre mise en forme ? Un bloc de pensées à la ligne ou les pensées en italiques, par exemple. Cela serait plus léger sans entraver le rythme que tu souhaites imprimer.
"La tête appuyée contre la fenêtre du bus, elle pense."
• A mon sens, tu pourrais induire un état d'esprit en changeant d'adjectif et en ajoutant une description du paysage auquel elle ne prête pas attention.
"L’engin se stoppe, elle se précipite à la sortie pour mieux glisser dans l’immense flaque étendue devant elle."
• Un engin renvoie plutôt une idée de machine ou de quelque chose difficile à décrire. "Véhicule" me semblerait plus opportun.
• "Se stoppe" me renvoie à quelque chose qui s'éteint plus qu'elle ne freine, s'arrête à un endroit précis.
• En lisant "glisser", je n'ai pas compris que ton personnage tombe. Tu pourrais utiliser "s'étaler", "se vautrer" ou tout autre verbe qui exprime la chute inattendue.
• "Pour mieux" : d'un début de scène assez sérieux, tu passes à une suite comique. Cette expression, à ma lecture, ressemble à un commentaire ou au regard d'une autre personne (le narrateur ou un témoin).
Au sujet de ce début, je te suggère d'être ton personnage et de décrire cette scène avec des mots simples, mais plus riches. Des descriptions plus fournies.
Prends ton temps pour concevoir cette scène, sans l'écrire. Les mots viendront plus facilement une fois que le déroulement sera dans ta tête.
Montre-nous plus le désintérêt qu'elle éprouve à ce moment et le choc de sa confrontation avec la réalité.
Par exemple, elle sort du bus, se ramasse dans l'eau. Personne ne l'aide ou ne se moque d'elle ?
• La flaque étendue me paraît maladroit. Elle est ni allongée ni étirée.
L'onomatopée est un peu alambiquée à mon goût "Fyuiiip". Tu peux t'en passer pour ne conserver que "splatch" (plus Français à l'oreille que "splash" qui est anglo-saxon).
"Et merde"
• "Eh, merde !"
J'imagine l'ambiance que tu souhaites créer et le type de séquence que tu élabores. Je peux me tromper, bien sûr, mais j'ai cette impression que tu la développes tout en l'écrivant.
As-tu imaginé cette scène en étant dans son action ou en étant dans l'action de l'écrire ?
Continue !
Ce début parvient à toucher le coeur de l'émotion. J'aime énormément comment la description suit le regard du personnage principal, et comment le choc est décrit. On a aussi l'impression que plus aucun son ne l'atteint, comme dans les représentations cinématographiques des moments de choc, justement.
L'émotion suscitée par ce début me donne vraiment envie de lire la suite en tout cas.
Bravo pour ce chapitre génial !
J'aime beaucoup l'entrée en matière ! On voit que les petites malheurs ''quotidiens'' (aka elle tombe dans la flaque d'eau) sont parfois si petit par rapport à une perte... Breeeef trêve de philo : bravo ! (En plus ça rime)
J'ai très envie de découvrir qui est la personne principal et le/la (euh... Comment définir la personne qui est en pietre état ?) Blessé/décédée ! Hâte de découvrir leur histoire et le pourquoi du comment !
Peace :)
Très bon premier chapitre ! J'adore ton style.
Tu laisses un très gros suspens qui donne envie de lire la suite. Qui est cet.te homme. Femme ? S'est-il suicidé ? A-t-il été tué ? Vivement le prochain chapitre.
Bien à toi,
Trisanna.