Depuis qu'elle avait commencé, je faisais en sorte d'éviter la guerre du Nilfgaard contre la Redania. J'avais pensé quitter mon petit village près d'Oxenfurt et mon métier de lavandière pour me rendre à Novigrad, prendre le premier bateau partant pour les îles de Skellige. Il me fallut couper mes cheveux longs et m'accoutrer comme un homme pour passer un peu plus inaperçue. J'étais tout juste arrivée aux portes, que je vis les bûchers brûlants des non-humains.
J'avais appris que les mages avaient quitté la ville et que les chasseurs de sorcières ne s'en prenaient plus seulement à ces derniers. Faire demi-tours me semblait beaucoup plus raisonnable, mais je devais partir d'ici, quitter cette région rongée par la guerre.
Mon autre choix était de me rendre à Toussaint dans l'empire du Nilfgaard qui restait malgré cela indépendante du règne de l'empereur Emhyr Var-Emreis. Le temps d'éviter les batailles qui m'ont contraint à faire le tour du pays, je n'avais pas encore atteint le royaume du sud que la guerre était finie. Le trajet se faisant tantôt à pied tantôt en charrette, avec des semaines entières passé dans des villages à attendre que les routes soit sécurisées, tout en cachant ma véritable identité, m'ont fait perdre un temps conséquent.
Pendant mon voyage, je ouïs dire qu'un monstre avait été découvert dans les égouts d'Oxenfurt. Ce fut une surprise, car pour moi il s'agissait juste d'une rumeur, mais l'on m'informa également qu'un Sorceleur avait réglé son compte à la créature.
Hmm.. Au moins ils avaient fait appel à un professionnel.
Ce n'est qu'un an plus tard que je pus fouler la terre de Toussaint, qui semblait en proie au deuil. Il ne me fallut pas longtemps pour apprendre ce qui avait causé les réparations de plusieurs bâtiments, des rues et des places. Ainsi que l'incinération collective de cadavres dans l'arène du Duché. La bête de Toussaint, des vampires attaquant la ville de Beauclair sous les ordres de cette dernière, tout cela à cause d'une seule personne. La sœur bannie de la Duchesse Anna Henrietta, Syanna. Née sous la malédiction du soleil noir, son destin était déjà tout tracé. Considéré comme mauvaise alors qu'elle ouvrait à peine les yeux et remplissait ses poumons d'air pour la première fois. Mais l'on ne joue pas avec le cœur, que ce soit celui d'un humain ou d'un monstre. Syanna l'a payée de sa vie.
Le Sorceleur chargé de l'affaire, était le même qui avait occis le monstre des égouts d'Oxenfurt. Geralt de Riv de l'école du Loup. Il résidait dorénavant au vignoble de Corvo Bianco, sous ordre de ne plus jamais voir la Duchesse.
Je quittais une triste ambiance, pour une autre.
***
Un an après mon arrivé j'avais doucement pris mes marques et le rythme de vie de la région d'été. Je vivais d'arrangements et de petits boulots divers et variés, dont la livraison de fûts de vin pour le palais ou le marché. J'en oubliais de reprendre entièrement une apparence de jeune femme, mais ne la cachait à personne. Je n'en avait plus l'utilité.
La période de deuil avait pris fin peu de temps après le début de la nouvelle année, les festivités n'ont jamais cessé d'être célébrées, seulement cette fois le cœur de tous y serait.
Et quelle fêtes !! Beauclair sait mettre le fond et les formes ! Rien n'est laissé au hasard.
Devant l'animation vigoureuse quotidienne, j'ai plaisir à rentrer dans ma petite maison un peu après la Porte de Metinna à l'extérieur de la ville. À la base il s'agissait d'un entrepôt de stockage de fûts de vin, mais le propriétaire ayant fait l'acquisition d'une cave, le laissait vide. J'ai put trouver un arrangement avec ce dernier, je travaillais pour lui gratuitement mais en échange il me laissait vivre dans cette petite bâtisse qui ne lui servait plus.
Pour les aménagements et les réparations, plusieurs mois à travailler chez les bons artisans m'ont permis de faire les installations et les travaux nécessaires. Et comme l'entrepôt appartenait toujours au vigneron, je lui donnais quelques pièces pour payer l'impôt au Duché. Et voilà comment s'organiser pour ne pas faire la manche et dormir dans la rue !
Je ne vous cache pas que j'y étais contraint au début, mais avoir une oreille attentive au marché permet de récolter bon nombre d'informations utiles. Et pour vraiment avoir une certaine... Aisance, mon physique et mon faciès me permirent de travailler comme courtisane. Certes ce n'est pas des plus prestigieux, mais au moins je dispose du minimum nécessaire. Bon ça m'attire les foudres et les railleries de certains, mais je n'en ai cure.
J'étais enfin dans un endroit où je me sentais chez moi.
Il faut que je conte le jour où j'ai fait la rencontre d'un ami très cher !
L'aube avait pointé sur la colline et je préparais le chariot pour une livraison matinale au château. Les dix tonneaux chargés, je fis avancer les chevaux dans les rues encore calme, seuls les oiseaux perturbaient le silence. En gravissant le chemin pavé j'avais une vue sur la vallée plongée dans une légère brume matinale, le soleil teintait le ciel d'un orange flamboyant. Cela laissait présager une belle journée.
Arrivés dans la cour, deux gardes demandèrent le but de ma présence. Après avoir confirmé la livraison en leur montrant le bon de commande signé par la Duchesse, je fis le tour pour arriver dans l'arrière-cour où cette fois un homme un peu plus jeune que moi tenait un rouleau ouvert devant lui en tentant de masquer un bâillement.
Uhuh ! Pas tout le monde est matinale on dirait.
Il portait une tenue de lettré, un petit chapeau avec une plume de perdrix incrusté, il arborait une moustache taillée avec la barbichette assortie. Ses cheveux mi-longs châtains presque blonds, étaient maintenus à l'arrière de sa tête par le biais d'un flot vert, de la même teinte que ses yeux se trouvant derrière une paire de lunettes rondes. Charmant damoiseau que voilà n'est-il pas ?
Tout en me saluant il s'affaira à vérifier et annoter la cargaison.
- Mnsjdh deuuux jndjj cinq... Roh merde ! Laissa t-il échapper à voix basse entre deux marmonnement.
Surprise je me retournais légèrement.
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- Uhuhu et bien que voilà un langage fleurit !
- Oh toute mes excuses messire cela m'a échappé ! Ses joues se colorèrent d'un léger rouge.
- Hmm... Quel est votre nom ?
Le jeune homme fronça les sourcils en entendant ma voix.
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- Jean-Baptiste.. Messire ?
- Pas de messire je ne suis point un Noble et c'est Madame ! Je me nomme Sonya ! Et je suis ravi de voir qu'un lettré n'ait pas complètement un balais enfoncé dans le cul.
Nous étouffions nos rirent pour ne pas attirer l'attention et une grande amitié naquit de cette mâtinée.