La pluie qui tombait drue sur les pavées maculait de buée les carreaux de ses lunettes. Les deux dernières semaines de beaux temps étaient bel et bien terminées. Rachid ôta ses verres et les essuya sur le coin de son t-shirt, puis les replaça sur son nez. L’air frais et humide de ce soir de mars contrastait à la chaleur étouffante de la salle de cinéma. Un mois qu’il voulait voir ce remake de Robocop.
Mouais, ça ne vaut pas l’original.
Plaçant sa capuche sur sa tête pour se réchauffer, il resta à observer l’averse sous le perron du complexe en attendant qu’elle se calme. Hors de question de rentrer trempé et de choper un rhume. Au bout de quelques minutes, les cordes se transformèrent en crachin, et il quitta le seuil du bâtiment pour retourner chez lui, à quelques pas de la gare. La soirée était assez clair, les épais nuages n’arrivant pas à cacher la belle lune qui, entre deux cumulonimbus se reflétait dans les flaques, contrastant avec les pavés noirs ; cela lui permettait de voir convenablement devant lui. La pluie fine imprégna tout de même sa veste à capuche, l’obligeant à adopter un pas rapide pour s’éviter une pneumonie. Peu de monde circulaient dans les rues, le froid humide du printemps sur le point d’éclore calmant les ardeurs de la population.
Il manquait de glisser à chacun de ses pas sur les pavés humides, ses vieilles chaussures délavées et défraichies n’ayant pas une bonne adhérence ; son pas en était hésitant, son jean trop grand n’aidant pas non plus à la tâche. Mais tout n’était pas horrible dans cette pluie glaciale, le parfum que dégageait la rue mouillée était agréable, et l’idée d’un bon chocolat chaud devant l’ordinateur en écoutant la pluie battant les carreaux était une perspective réjouissante. Il pressa donc le pas, ses chaussures détrempées produisant un « scouic scouic » comique en recrachant de l’eau par les semelles.
Rachid atteignit enfin la gare avec ses vêtements qui lui collaient désormais à la peau. Des pleurs, une joute verbale ; à côté de l’entrée, derrière un banc, deux personnes semblaient rudoyer une tierce. Interloqué, Rachid se rapprocha du groupe pour savoir précisément ce qui se passait ; deux jeunes, d’à peine une vingtaine d’années, était en train de raquetter un gamin de douze piges. Rachid pressa le pas et les interpella :
— Hey !
Il retira sa capuche, découvrant son visage à leur vue.
Les deux molesteurs arrêtèrent de menacer l’adolescent et se retournèrent vers Rachid, incrédules. Il est vrai qu’avec son visage rond, ses lunettes carrées qui lui grossissait les yeux et une barbe de trois jours éparse, il ne payait pas de mine. Sa taille moyenne, son embonpoint sympathique ne permettait pas d’envisager une grande menace. La veste noire à fermeture éclair et le jean délavé lui donnait une dégaine débauchée plutôt geek que sportif. Non, il est clair qu’on ne pouvait pas qualifier Rachid de combattant. Il était, à première vue, une personne tout à fait normale.
Monumentale erreur.
Sa route avait croisé un bien étrange météore, il y a dix ans de cela. Depuis, on ne pouvait plus le qualifier de normal. Encore fallait-il le savoir.
Rachid s’approcha des deux jeunes hommes, et continua :
— Vous devriez vous en prendre à quelqu’un de votre taille.
Les deux microcéphales le regardèrent avec des yeux vides, globuleux, comme deux poissons idiots.
— Hey azy’ dégage bouffon laisse-nous tranquille, répondit le plus petit d’entre eux, faisant en même temps un geste déplacé avec son doigt.
Rachid regarda le sol et soupira un bon coup.
— Des intellectuels, je vois.
Il se mit droit pour s’agrandir, les regardant de haut, les mains dans les poches de sa veste. Tout en relâchant ses épaules, il leur expliqua :
— Non mais les gars, je vais être sympa cinq minutes, je vais vous laisser le choix de partir, en redonnant au petit ce que vous lui avait volé. Ils t’ont volé quelque chose ?
Le gamin fit oui de la tête, les larmes aux yeux, maintenu en l’air par le col par le deuxième des deux crétins, plus grand et à l’air encore plus stupide (si c’était possible).
— Hey azy qu’est ce tu nous parles là bâtard ! s’énerva le premier. Tu vas nous laisser tranquille on discutait gentiment avec notre ami alors dégage maintenant on n’a pas de temps à perdre avec un bouffon comme toi.
Rachid leva les yeux au ciel.
— Vraiment un beau langage soutenu. Vous êtes des flèches vous. Je ne vais pas avoir le choix du coup. Je vais devoir vous donner une leçon.
Les deux raquetteurs s’excitèrent alors, piqués au vif. Ils relâchèrent le jeune garçon, et s’approchèrent d’un air qui se voulait menaçant pour Rachid.
— On va te niquer la gueule gros bâtard ! aboya le deuxième type, qui le dépassait de vingt bons centimètres.
— Approchez, qu’on se marre un bon coup, répondit-il en effectuant le geste avec la main.
Les autres s’empourprèrent et accélérèrent le pas, bouillonnant de rage, le poing levé. A deux mètres de lui, Rachid leur fit un stop de la main.
— Attendez-attendez ! J’oubliais.
Il chercha dans la poche interne de sa veste une boite à lunette qu’il ouvrit et plaça ses binocles dedans, le rendant pratiquement aveugle. Puis il remit la boite dans sa poche en tâtonnant.
— Non parce que à chaque fois c’est la même chose. Vous visez la tête et ça me pète mes lunettes. Et c’est franchement chiant, je n’ai pas le temps d’aller chez l’opticien.
Le premier type, fou de rage, s’avança en hurlant, prenant le plus grand élan possible avec son bras pour asséner le coup de poing le plus phénoménal qu’il pouvait donner dans la mâchoire de Rachid, qui ne bougea pas. On entendit alors un prodigieux craquement, indiquant la fracture d’un ou plusieurs os. La mâchoire de Rachid n’avait rien, il n’eut même pas un grincement de dent. La main de l’homme par contre…
L’homme poussa un hurlement de douleur, et tomba à genoux, les larmes aux yeux, tenant son poignet droit dans sa main gauche. Il releva la main blessée au niveau de ses yeux ; trois de ses doigts avaient un angle très anormal, et son poignet vira tout de suite au violet, tordu sur la droite. Son pote, en voyant cela, s’élança à son tour.
— Je vais te butter espèce d’enfoiré !
Une course de quelques pas d’élan, et il se jeta les pieds en avant sur le ventre légèrement enrobé de Rachid. Il se heurta à un véritable mur et retomba avec lourdeur au sol. Rachid, qui n’avait pas bougé d’un centimètre, rigola en le regardant à terre.
— C’est tout ce que tu as ?
L’homme déboussolé mais fulminant encore plus de rage devant cette débâcle, sortit un couteau rétractable de sa poche et se releva, la haine déformant ses traits déjà fort ingrats. La pointe de sa lame menaçait désormais Rachid.
— S’il te plait pas les vêtements ! soupira Rachid en se protégeant des deux mains en avant.
L’homme cria de nouveau de fureur et commença à taillader en direction de Rachid, en coups amples, facile à esquiver où à parer de la main, une véritable formalité. Le type ne comprenait plus rien à ce manège, et cela amusait fortement Rachid, lui rappelant ses longues séances d’entrainement. Au bout de quelques passes dans le vide, l’homme au regard vide et à la peau boutonneuse s’énerva de plus belle et lança des coups plus vifs et frénétiques, si bien que dans la confusion, il finit par entailler la manche gauche de Rachid, provoquant enfin son énervement. Ce dernier l’attrapa par le poignet, et dirigea la lame sur sa propre main ; la lame, au lieu de s’enfoncer dans sa peau comme dans du beurre, se tordit contre l’épiderme et devint inutilisable. L’homme, abasourdi, ouvrit de grands yeux terrorisés. Rachid en profita pour lui assener un coup de tête en plein dans le nez qui craqua dans un bruit sourd et une explosion sanguine ; de douleur, l’homme porta ses mains à son visage et se laissa tomber au sol, à côté de son comparse, qui hurlait toujours à terre en position de fœtus, regardant sa main méchamment tordue devenant de plus en plus violette. Les deux gémissaient lamentablement sur les pavés humides. Rachid ressortit alors sa boîte de lunette et les replaça sur son nez, les enfonçant avec l’index.
— Leçon terminée.
Il s’approcha du gamin qu’ils avaient volé, lui demandant ce qu’ils lui avaient prit. Le garçon balbutia entre deux pleurs qu’ils l’avaient délesté de son porte-monnaie et de son croissant. Rachid retourna voir les deux hommes gisant à terre, qui eurent des spasmes de peur en le voyant s’approcher, et fouilla dans la veste de celui avec le nez cassé. Il y reprit le porte monnaie du petit et emprunta tout l’argent qu’avait les deux types sur eux, apportant le tout au jeune garçon.
— Tiens, rachète toi un gouter avec ça, dit-il en lui tendant les billets. Et si jamais ils reviennent t’embêter, tu peux m’appeler sur ce numéro.
Rachid lui donna une carte sur laquelle figuraient juste un numéro de téléphone, et une enclume gris foncé sur un fond gris.
Le jeune garçon le remercia et repartit en courant, sous l’œil protecteur de Rachid. Les deux autres se relevèrent avec mal et, effrayés, s’échappèrent dans l’autre direction, tenant chacun leurs membres cassés. Rachid sourit. De son autre poche intérieure, il sortit sa Ventoline, et en aspira une pulsion. La pluie se remit à tomber, et il laissa son visage s’humecter. De toute façon, il était déjà trempé. Son téléphone vibra dans la poche de son jean ; il le sortit pour savoir qui l’appelait. C’était Rose.
J'avoue avoir du mal à comprendre, dans ce premier chapitre, pourquoi ce serait interdit aux moins de 18 ans...
Le reste de l'histoire reste dans les mêmes limites ou cela monte en niveaux?
Il y a des coquilles comme par exemple le mot "clair", il me semble que cela s'écrit "claire".
Aussi, certaines phrases me paraissent beaucoup trop longues. J'aurais placé des "." à certains endroits pour alléger le texte.
En dehors de cela, j'ai besoin d'en lire un peu plus pour me situer...
Donc à suivre :-)
Je le place en moins de 18 ans pour avoir un cran de sûreté (et ne pas me prendre un blame).
Certains chapitres seront plus trash, après rien de sensationnel non plus.
Je vais regarder pour les coquilles et oui, je pense que j'ai moyen d'alleger le texte ;).
Comme c'est une suite je me permets de ne développer l'histoire que par petites touches! ;)
Merci encore pour ton commentaire :)