1. Soline

3 ans plus tôt...

Le soleil tape sur ma peau, allongée sur le sable je pleure. Pas de petites larmes, non, de gros sanglots qui me détruisent de l'intérieur. Aujourd'hui, c'est le 19 juillet, le seul jour où je laisse ma tristesse m'envahir complètement. Je regarde la mer, il l'aimait tellement, cette étendue infinie et bleue. Des souvenirs de lui traversent mes paupières fermées. Je me perds dans mes souvenirs, quand nous étions heureux et vivants.

Un an déjà, un an depuis que je suis seule. Un an qu'il n'est plus là, mon cœur se serre. Je sens les larmes se remettre à couler, une peine immense me lacère de l'intérieur. Des souvenirs me traversent les uns après les autres, je le revois me portant sur ses épaules, je le revois m'embrassant la joue. Le jour de ma remise de diplôme, le jour de mes 18 ans. Mon père me manque tellement. Pourquoi est-il parti si vite, si tôt ? Je ne connais pas ma mère, mais lui, c'est la personne qui m'a élevée.

En pleine peine, je sens les mains de Niels attraper mes épaules. Il me fait bouger, enlevant ma tête de mes mains avant de me serrer contre lui du plus fort qu'il le peut. Mes larmes tachent son t-shirt et le mouillent petit à petit. Il ne me parle pas, se contente de me coller contre son cœur et de me réconforter.

— Tout va bien se passer, tu verras.

Il souffle des mots apaisants dans mon cou, m'embrasse doucement juste en dessous de l'oreille. Je le serre plus fort, je ne sais pas ce que je ferais sans lui, s'il n'existait pas, s'il ne faisait pas partie de ma vie. Nous restons comme ça pendant encore une dizaine de minutes, avant que je ne me détache de lui. Je le regarde dans les yeux, ces yeux bleu océan qui me rendent toujours aussi amoureuse après toutes ces années. Il me sourit doucement, ses fossettes apparaissent aussi, et tout à coup, j'ai moi aussi envie de sourire.

Il approche son visage de moi, le prenant dans ses grandes mains. Je ferme les yeux, sachant ce qu'il va se passer. Effectivement, ses lèvres se posent sur les miennes, me faisant gémir de bonheur. Je passe les mains dans ses cheveux, il n'y a que lui pour me faire ressentir ça, pour me faire aimer la vie, pour me soutenir quoi qu'il arrive. Je continue de l'embrasser, doucement, comme si nous avions toute la vie pour le faire. Au bout d'un petit moment, il me relâche, pose son nez contre le mien, puis se lève. Dans ses yeux brille un tel amour que j'ai envie de passer le reste de ma vie à le regarder illuminer son regard.

— Viens, nous devons partir.

Je hoche la tête, et me lève à mon tour. J'essuie le sable qui me colle à la cuisse, attrape mes habits et me rhabille du mieux que je peux. Ma peau sent l'océan et le sel. Je plonge mon regard dans les flots bleus, dans ma tête je lui crie tout mon amour. Je lui dis que je l'aime et que je serai toujours sa petite fille chérie, que jamais je ne me perdrai sur la route de la vie.

Quand je tourne la tête, Niels me tend la main, toutes les affaires rangées dans un sac sur son épaule. Je serre mes doigts dans les siens et nous retournons silencieusement à notre voiture, garée quelques mètres plus loin. Je prends les clés et ouvre la portière avant de me placer devant le volant, prête à rentrer chez moi. Il range les affaires dans le coffre, et se met sur le siège passager.

Je démarre le moteur et lance la radio, ne voulant surtout pas parler, le cœur encore en deuil. Il ne brise pas le silence, respectant ce que je lui fais comprendre sans parler. Une fois arrivée dans notre location, je ne parle toujours pas, me dirigeant vers la salle de bain pour me laver.

L'eau chaude coulant sur mon corps me fait le plus grand bien, rien ne vaut une bonne douche chaude. Je savonne mes cheveux, laissant le massage du crâne me relaxer. Niels ne vient pas me rejoindre, je suis étonnée. En temps normal, il serait venu. Mais je ne fais pas plus attention, me disant que sans doute il a voulu me laisser respirer.

Je sors de la douche, mes pieds glissant sur les carreaux mouillés. J'enroule une grande serviette toute douce autour de mon corps et me dirige vers la chambre. Une fois arrivée là-bas, je fouille dans mon sac de voyage, sortant un pyjama. Je vais pour l'enfiler quand j'entends un gros bruit dans l'appartement. Il me fait sursauter, je sens mon corps s'emballer. C'est comme si un meuble venait de tomber, je sens un mauvais pressentiment m'envahir toute entière. Je crie le nom de mon copain.

— Niels ?

Il ne répond pas. Mon ventre se serre encore, je me dirige le plus vite possible vers le salon. Je ne le vois pas. Où est-il ? D'où vient ce bruit ? Je continue d'avancer, allant cette fois-ci vers la cuisine. Et là, mon cœur s'arrête un instant. Je reste figée, ne sachant que faire. Là. Sur le sol. Allongé.

Niels.

Les battements de mon cœur se font erratiques, je ne bouge plus. La panique envahit tout mon organisme, je ne sais que faire. Je sors finalement de ma paralysie et me laisse tomber à côté de lui, essayant tant bien que mal de le réveiller. Je lui frappe doucement les joues en espérant qu'il va ouvrir les yeux. Mais il ne bouge pas. Je panique. Et s'il était mort ? Si son cœur s'était arrêté ? Je mets mes mains sur son cou, je souffle de soulagement en entendant son pouls battre faiblement. Je ne sais que faire, j'essaie tant bien que mal de me souvenir de tout ce que j'ai appris à la fac de médecine, mais rien à faire. En désespoir de cause, je tente un bouche-à-bouche, mais rien.

Je dois appeler les secours. Cette phrase s'imprime dans ma tête. Je fouille deux minutes dans sa poche et trouve son téléphone. Au moment où je compose le numéro des urgences, il ouvre les yeux. Un interlocuteur au bout du fil me demande ce qu'il se passe.

— Mon copain a fait un malaise, je ne sais pas pourquoi il s'est écroulé sur mon carrelage. Aidez-moi. Venez. Je ne sais pas quoi faire.

Des larmes sillonnent mes joues, l'ambulancier de l'autre côté me dit qu'ils vont bientôt arriver. Je finis par raccrocher et regarde Niels. Un air triste est peint sur son visage, je sens que quelque chose ne va pas. Il prend faiblement la parole.

— Soline, je... je...

— Ne parle pas, tu n'en as pas la force. Tout va bien se passer, les secours arrivent.

En disant ces mots, des larmes coulent sur mes joues. Je lui caresse doucement les cheveux de la main.

— Soline... Écoute.

— Garde tes forces.

Il me serre faiblement la main avant de me regarder droit dans les yeux. En ce moment précis, je sens que quelque chose ne va pas, je vois une lueur particulière au fond de ces yeux. Quelque chose qui fait arrêter mon cœur de battre et qui me serre le ventre.

— Soline... J'ai un... un cancer.

C'est à ce moment-là, ce moment précis, que ma vie a sombré. Que j'ai perdu la lumière de ma vie pour de bon.

A suivre...