Ce jour là, on se réveille, la tête dans les orteils, sans mémoire de la veille
On cherche dans notre cerveau des traces de démons et merveilles
Et en ouvrant les yeux, en les posant sur les vieux, on s'émerveille...
D'habitude on reste endormi, tout dissipé, tout dispersé dans notre lit
On se laisse pas une chance de vie autre qu'un long repos, qu'un long répit
Un répit, pas vraiment, puisqu'on n'est pas vraiment là, pas encore...
Quand on pose le pieds au sols, et qu'on dépose sur ces pieds notre chair molle
Ça fait mal, au début, et ça colle, le sol, bien plus que l'air quand on vole
Mais on ne vole plus
On se voile le visage et les ailes et les yeux
On voit plus rien, puis on s'habitue, à pas voler et à observer la voie lactée avec la vue voilée
A chaque pas, une punaise semble être un pieux pour les pieds
Et ça fait mal
Mais ça fait du bien, d'avoir mal...
A chaque pas de porte, on emporte un petit bout de la pièce de laquelle on vient
A chaque pareil on l'est pas, et chaque pièce dans nos poches est différente de la précédente
A la fin, ça fatigue de franchir les portes et de fouler de ses pieds les salles mortes
On finit enfin – fantastique – par foutre ses fesses sur un sofa
Et ça fait du bien
Maman nous fait manger, nous met à table en bonne ménagère
Et puis elle range les couverts, mais dans quelle étagère ?
On sait pas, on s'en fout, elle nous embrasse quand même, et puis elle a raison
Parce que ça fait du bien, un baiser, mais ça finit par faire mal, d'avoir du bien...
On se lève, on s'habille et on se dessine les pupilles au stylo à bille
On a les yeux qui tourne en rond dans leur orbite et la bite qui vrille dans le pantalon
On dessine sois-même la fille, la coquine, et on se désigne sois-même sa coquille
Les sens s'envahissent d'exquises saveur et se hissent à mesure qu'on avance
Et on sent même plus qu'on a mal au pieds
On est comme anesthésié par la beauté d'une terre enveloppée de déchets
Et aussi par ceux qu'on verse dans nos veines à force de vouloir vivre vraiment
Et au final, ça nous fait chier, l'anesthésie, l'anorexie des sentiments, des émotions, des pulsions
C'est la pulse qui place le petit carton sous le palais, la pulpe qui fait palpiter le tout
Et le poulpe dans la tête qui vient taper, doucement, sur les synapses
On a envie de tout casser, de se casser, mais on est tellement bien
Même si ça fait mal, d'être bien
Ça fait du bien, d'avoir mal...
On continue de marcher en marmonnant des mots doux sur tout et sur rien
Et quand le mal au pied revient, on se retourne et on marche sur les mains
C'est que les routes sont longues, quand la langue se délie
Et que les déroutes sont d'autant plus profondes qu'on languit et qu'on se lie
Qu'on lit dans des langues rituelles, de celles qui parles plus aux prunelles qu'au cortex
Et après tout, si la route est longue, même si ça fait mal aux pieds, de marcher sans arrêt
Et qu'on finit sur les mains sans l'avoir vu arriver
Y en a jamais assez, de ces chemins où règne le va et vient
Qui font mal, parfois, entre deux crises de foie, entre deux crises de rire,
Mais ça fait du bien, d'avoir mal...
Après avoir arpenté toutes ces Voies de Terre
Après avoir choisi celles qui sont biens
On retourne s’asseoir en terrasse, et on attend assis dans le bar, qu'il ferme
La tête pleine d'espoir et les yeux, qui se ferment, sur les sondages et les question d'âge
Alors trêve de bavardages, car il se fait tard, et qu'il y en a marre des malabars du soir,
Qu'il faut bien aller se coucher un jour même si on veut pas et qu'on a peur du noir
Qu'il faut bien les fermer à un moment ou un autre, les yeux, poussiéreux comme les portes d'une vieille armoire dans laquelle c'est le bordel, un vrai foutoir, une vraie foire
Pour que demain, on reste endormi, tout dissipé, tout dispersé dans notre lit
Qu'on se laisse pas une chance de vie autre qu'un long repos, qu'un répit
Un répit, pas vraiment, puisqu'on n'est plus vraiment là, et qu'un répit, comme tout le reste
Ça se vie...