10 juin 2010, peu après minuit, quand c'est l'heure de dormir

Par Clem32

Ce jour là, on se réveille, la tête dans les orteils, sans mémoire de la veille

On cherche dans notre cerveau des traces de démons et merveilles

Et en ouvrant les yeux, en les posant sur les vieux, on s'émerveille...

 

D'habitude on reste endormi, tout dissipé, tout dispersé dans notre lit

On se laisse pas une chance de vie autre qu'un long repos, qu'un long répit

Un répit, pas vraiment, puisqu'on n'est pas vraiment là, pas encore...

 

Quand on pose le pieds au sols, et qu'on dépose sur ces pieds notre chair molle

Ça fait mal, au début, et ça colle, le sol, bien plus que l'air quand on vole

Mais on ne vole plus

On se voile le visage et les ailes et les yeux

On voit plus rien, puis on s'habitue, à pas voler et à observer la voie lactée avec la vue voilée

A chaque pas, une punaise semble être un pieux pour les pieds

Et ça fait mal

Mais ça fait du bien, d'avoir mal...

 

A chaque pas de porte, on emporte un petit bout de la pièce de laquelle on vient

A chaque pareil on l'est pas, et chaque pièce dans nos poches est différente de la précédente

 

A la fin, ça fatigue de franchir les portes et de fouler de ses pieds les salles mortes

On finit enfin – fantastique – par foutre ses fesses sur un sofa

Et ça fait du bien

Maman nous fait manger, nous met à table en bonne ménagère

Et puis elle range les couverts, mais dans quelle étagère ?

On sait pas, on s'en fout, elle nous embrasse quand même, et puis elle a raison

Parce que ça fait du bien, un baiser, mais ça finit par faire mal, d'avoir du bien...

 

On se lève, on s'habille et on se dessine les pupilles au stylo à bille

On a les yeux qui tourne en rond dans leur orbite et la bite qui vrille dans le pantalon

On dessine sois-même la fille, la coquine, et on se désigne sois-même sa coquille

 

Les sens s'envahissent d'exquises saveur et se hissent à mesure qu'on avance

Et on sent même plus qu'on a mal au pieds

On est comme anesthésié par la beauté d'une terre enveloppée de déchets

Et aussi par ceux qu'on verse dans nos veines à force de vouloir vivre vraiment

Et au final, ça nous fait chier, l'anesthésie, l'anorexie des sentiments, des émotions, des pulsions

 

C'est la pulse qui place le petit carton sous le palais, la pulpe qui fait palpiter le tout

Et le poulpe dans la tête qui vient taper, doucement, sur les synapses

On a envie de tout casser, de se casser, mais on est tellement bien

Même si ça fait mal, d'être bien

Ça fait du bien, d'avoir mal...

 

On continue de marcher en marmonnant des mots doux sur tout et sur rien

Et quand le mal au pied revient, on se retourne et on marche sur les mains

C'est que les routes sont longues, quand la langue se délie

Et que les déroutes sont d'autant plus profondes qu'on languit et qu'on se lie

Qu'on lit dans des langues rituelles, de celles qui parles plus aux prunelles qu'au cortex

Et après tout, si la route est longue, même si ça fait mal aux pieds, de marcher sans arrêt

Et qu'on finit sur les mains sans l'avoir vu arriver

Y en a jamais assez, de ces chemins où règne le va et vient

Qui font mal, parfois, entre deux crises de foie, entre deux crises de rire,

Mais ça fait du bien, d'avoir mal...

 

Après avoir arpenté toutes ces Voies de Terre

Après avoir choisi celles qui sont biens

On retourne s’asseoir en terrasse, et on attend assis dans le bar, qu'il ferme

La tête pleine d'espoir et les yeux, qui se ferment, sur les sondages et les question d'âge

 

Alors trêve de bavardages, car il se fait tard, et qu'il y en a marre des malabars du soir,

Qu'il faut bien aller se coucher un jour même si on veut pas et qu'on a peur du noir

Qu'il faut bien les fermer à un moment ou un autre, les yeux, poussiéreux comme les portes d'une vieille armoire dans laquelle c'est le bordel, un vrai foutoir, une vraie foire

Pour que demain, on reste endormi, tout dissipé, tout dispersé dans notre lit

Qu'on se laisse pas une chance de vie autre qu'un long repos, qu'un répit

Un répit, pas vraiment, puisqu'on n'est plus vraiment là, et qu'un répit, comme tout le reste

Ça se vie...

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