Depuis leur discussion, Ismael eut l’impression que Lyz se sentait plus à l’aise avec lui, plus ouvert. Plusieurs fois, son ami se révéla souriant et blagueur – généralement loin de la foule -, en classe ils échangeaient des mots via la marge de leurs cahiers. Et quand ils partageaient un banc de la cour sans discuter, l’un sur son téléphone et l’autre plongé dans un livre, il n’y avait rien de pesant.
Un lien de confiance mutuelle, plus solide, était venu se tresser au précédent. Il devint bientôt plus aisé pour Ismael de traîner avec Lyz plutôt que ses autres amis. Lucy et Alejo semblaient se montrer relativement compréhensifs, mais Damian se mit à l’ignorer. De fait, Ismael n’osait plus tenter d’approches, et il se contentait de culpabiliser tout en épiant Alejo de loin.
— Tu devrais retourner les voir, recommanda Lyz un après-midi.
Ils passaient la récréation à l’écart, et le regard d’Ismael s’était perdu en direction du trio.
— Tu dois leur manquer, ajouta-t-il.
— Ça me plaît pas de te lâcher pour aller les voir. Je devrais plutôt appeler Damian, qu’on aille se faire un ciné.
Et puis, s’il leur manquait vraiment, ils seraient venus le trouver, non ?
— Ça fait une bonne semaine que tu es censé l’appeler.
Ismael lui coula un regard agacé ; Lyz le fixait. C’était une journée couverte, mais le soleil commençait à percer. Les yeux de Lyz brillaient de façon hypnotique.
— D’ailleurs, c’est bientôt la pleine lune, poursuivit-il. Je risque de manquer les cours un jour, peut-être deux. Tu veux vraiment retourner les voir juste parce que tu seras tout seul ?
La justesse de son propos blessa Ismael. Il ne s’était pas rendu compte que Lyz l’avait si bien cerné.
— C’est injuste de te laisser pour eux, insista faiblement Ismael.
— Je suis un grand garçon, Ismael.
Il l’avait dit sans animosité apparente, mais Ismael s’en senti gêné.
— Ça ne me dérange pas d’être seul, reprit Lyz, peut-être pour le rassurer.
— Tu préfères que je te laisse ?
— Mais non, s’impatienta Lyz en refermant son livre, je dis juste que tu ne dois pas te retenir d’aller les voir.
Ismael jeta un œil en direction du petit groupe. Ils avaient l’air de passer un bon moment, la seule idée de se pointer vers eux lui nouait l’estomac. Il était sûr que Damian ne l’accueillerait pas à bras ouverts.
Il se mura dans le silence, Lyz dans son livre. Quand il ne le supporta plus, Ismael lança :
— Au soleil tes yeux sont carrément jaunes, c’est chouette.
Lyz soupira, parut énervé, mais le dissimula rapidement et accepta la conversation.
— Je vais me mettre à porter des lunettes de soleil, je crois.
— Mais non, ce serait con. J’adorerais avoir des yeux comme les tiens.
— Tu ne me feras pas aimer la partie anormale de ma personne.
— T’as les oreilles en pointe, je te rappelle.
— Mais… ça n’a rien à voir avec ma condition, ça.
Ismael écarquilla les yeux.
— Sérieux ? Je pensais.
— Mais non ! Mon grand-père avait le bout pointu aussi.
— Ah merde, j’ai vraiment cru.
— J’aurais les cheveux plus longs pour les cacher, si c’était le cas !
La sonnerie retentit sur ses entrefaites et, en se levant, Ismael ne put s’empêcher de regarder vers Alejo de nouveau. Il tomba sur le regard de Damian qui, pour une fois, n’était pas noir de colère.
Plutôt gris de chagrin.
Ismael se détourna, se détestant pour ça.
Lysander regardait par la fenêtre quand une odeur lui fit lever les yeux. Il ne l’avait vu qu’une fois, mais dans une situation assez forte pour qu’il s’en souvienne. La femme au parapluie turquoise, qui lui avait demandé le chemin de la direction, conversait avec leur professeur d’anglais devant la salle de classe.
Quand ils entrèrent, les chuchotis curieux formaient comme un concert de cigales aux oreilles de Lysander. L’autre n’aimait pas la nouveauté, il grondait dans un coin de son esprit. Lysander tenta de l’apaiser, respirant profondément mais discrètement.
La femme se posta devant le tableau, un sourire apaisant éclairant ses traits soigneusement maquillés. Elle portait son tailleur comme une armure, songea Lysander ; droite comme un i sur ses talons hauts, elle étudiait la classe avec un calme que les élèves lui rendirent progressivement.
— Bonjour, démarra-t-elle quand le silence fut parfait, je m’appelle Isabel Baxter et je travaille pour Akoniton Pharmacologist.
Un vague marmonnement lui répondit. Akoniton Pharmacologist, une franchise pharmaceutique qui avait récemment construit un laboratoire de recherche juste à la sortie de la ville.
— Dans le cadre de nos recherches sur les besoins des consommateurs, nous faisons des études pour chaque tranche d’âge. Je vous demande aujourd’hui de remplir ce questionnaire (elle prit son attaché-case pour en sortir une liasse de documents recto-verso). Je vous rassure, ils sont anonymes.
Son sourire s’agrandit et elle commença à distribuer ses papiers. Ismael profita de la dissipation pour se pencher vers Lysander.
— Je savais pas qu’on pouvait autoriser ce genre de truc dans les écoles.
— À mon avis, on vient de trouver d’où est venu le financement de tous les nouveaux ordinateurs de Priestlands.
Ismael écarquilla les yeux mais acquiesça, convaincu.
À coup de claquements de langue et d’aller-retour dans la classe, leur prof les força à ne pas traîner. Lysander mentit en sentant le regard de Baxter peser sur lui. Non, il n’avait pas de problèmes d’acnés, pas de maladie particulière, pas de migraines et passait entre 1 et 5 heures d’ordinateur par jour.
— J’espère que tu vas mieux, lui dit Baxter quand elle ramassa son questionnaire.
Il bredouilla un remerciement, conscient de l’attention de ses camarades de classe, et se tourna vers la vitre pour ne plus croiser son regard.
Son cœur fit un bond. La fille était là, la mêlée de ses cheveux courts brassée par le vent, sa silhouette gracile faisant les cent pas comme un animal à l’affût. Il sursauta quand son prof tapa dans ses mains, soulagé de pouvoir commencer. Il n’avait pas entendu Baxter sortir.
J'ai commencé par commenter la fin, mais j'aime tout autant le reste de ce chapitre ! Le début a quelque chose d'un peu plus léger et c'est agréable. L'évolution de leur relation est claire et c'est comme un soulagement pour eux et pour le lecteur aussi. Même si Damian fait la tête... Mais Lyz s'en soucie, c'est déjà bien. Et Ismael est trop mimi de ne pas vouloir le laisser seul pour retrouver ses autres potes. Là encore, c'est difficile de résister à ce dire qu'il en pince un peu pour lui ; )
Leur échange sur les yeux et les oreilles, j'ai bien rigolé XD
Mais est-ce que ça sous-entend que Lyz n'aime pas ses yeux ?? Avec les descriptions qu'Ismael en fait régulièrement, on ne peut que les imaginer magnifiques !!
Des coquillettes pour finir :
- « De fait, Ismael n’osait plus tenter d’approches… » -> d’approche (au pluriel, c’est un peu excessif)
- « Il l’avait dit sans animosité apparente, mais Ismael s’en senti gêné. » -> sentit
- « Au soleil tes yeux sont carrément jaunes, c’est chouette. » -> virgule après « soleil »
- « Il ne l’avait vu qu’une fois, mais dans une situation assez forte pour qu’il s’en souvienne. » -> vue (la femme au parapluie)
- « …il n’avait pas de problèmes d’acnés, pas de maladie particulière, pas de migraines et passait entre 1 et 5 heures d’ordinateur par jour. » -> d’acné / sur l’ordinateur
Bien deviné, oui ! (et non, il n'en pince pas pour lui :p sorry not sorry)
Le questionnaire pour repérer des lycans dans le lycée, ça craint… Akoniton Pharmacologist, je n'ai aucune confiance en cette histoire. Ca sent les expériences scientifiques interdites à plein nez. On achète des ordis pour le lycée et tout est permis. C'est moche.
On sent vraiment l'évolution après le "viens, je connais un coin tranquille". On dirait qu'ils osent davantage l'un envers l'autre. Lyz se livre beaucoup plus, on sent qu'il a vraiment honte de ce qu'il est, Ismael ose poser des questions sur sa condition. Le coup des oreilles, j'ai trouvé ça trop drôle, bien joué ! Je me rends compte que je ne me posais pas la question de savoir si ça avait un lien avec son côté lycan ou pas. Pour moi, il était comme ça, c'est tout. Même si l'association "oreilles pointues/lycan" se fait très aisément.
La fille devient flippante. Je détesterais me sentir observé comme ça, à longueur de journée !
A très vite pour la suite ! :D
A mon avis c'est bien normal d'oublier le début de l'histoire. Ca ne me dérange pas, tant qu'on fait le lien, c'est le plus important !
Des expériences, tout de suite ! Il faut avoir davantage conscience en le genre humain, Dé... :p
Oh, c'est chouette si on sent une transition ! Lyz en est à se dire que tant qu'elle approche pas, bon... Et puis, ça rend curieux, et aucun de ses congénères ne l'avait observé comme ça. Mais je pense que si Ismael se rendait compte à quel point elle est dans le paysage, il en mènerait pas large non plus.
A bientôt Dé ♥ merci pour ton commentaire !
Allons, c'est important d'avoir des industries pharmaceutiques sur le territoire... non ? :p
Merci de ta lecture Keina !
Bon et cette meuf, brrr... ACONITON putain Lyz!! Ça te fait pas tilter ! Quelle idée d'être aussi honnête ! (pour de vrai, je trouve ça étrange qu'il ne lui soit pas facile de mentir sur le papier, dans un entretien j'aurais compris qu'il dise la vérité mais là je sais pas, c'est juste stupide... Mais bon, la phrase comme quoi ses symptômes sont pas non plus rares ou spéciaux est pertinente et l'excuse pas mal)
Oh, et j'adore l'anecdote sur les oreilles de Lyz haha, moi aussi je croyais que c'était à cause de sa malédiction XD
Je file lire la suite, merci d'avoir posté <3
Lyz est pas lecteur, pourquoi il se méfierait ? En plus l'aconit était vraiment utilisé en médicament uhu (ou alors on dit qu'il a moyen le sens de la survie, au choix)
Je reprendrai le passage sur le papier à remplir. L'idée c'est surtout que ses symptômes n'ont rien d'extraordinaire et, du coup, c'est l'occasion de dire la vérité. Mentir tout le temps, ça peut être chiant, alors quand ce n'est pas obligatoire...
Bref, un passage à reprendre, merci de le mentionner !
Et merci de ta lecture <3