— L’obscure berceuse ! C’est la seule que j’aime pas. Je comprends pas, Monsieur Ravi. Je comprends pas ce qu’elle fait là…
— Vous ne comprenez pas, Madame Paëlla ?
— On voit rien. Ça chante et ça danse mais on voit rien. La scène est plongée dans l’obscurité. Pourquoi ?
— Malgré l’obscurité, j’y vois très bien.
— Vous avez donc de meilleurs yeux que moi, soit. C’est pas bien de se vanter.
— Je ne me vantais pas. Quand on est survivaliste, on développe une vision de chauve-souris.
— Je suis ni une survivaliste, ni une chauve-souris.
— Je peux vous apprendre le survivalisme, Madame Paëlla.
— J’ai surtout besoin de la vision de chauve-souris, là, tout de suite.
— Comme il vous plaira.
— Comment fait-on pour voir dans le noir ?
— C’est simple. Il suffit de fermer les yeux très longtemps ou de se plonger dans une pièce sans lumière. Suffisamment longtemps. Les yeux s’habituent. Vous savez, je n’ai pas trop le choix dans les forêts hostiles, les déserts arides, en haute montagne… Dans ces milieux-là, si on ne voit pas en pleine nuit, on ne survit pas.
— Pas survivre, c’est un comble pour un survivaliste…
— Je ne vous le fais pas dire. C’est pour ça qu’avant d’avoir le diplôme de survivaliste, on passe le test de la vision chauve-souris.
— Le test, c’est quoi ? Trouver des objets dans une pièce pas éclairée ?
— Exactement !
— Vous deviez trouver quoi ?
— Vous allez rire, Madame Paëlla…
— Dites toujours.
— Un livre sur les chauve-souris, un mug chauve-souris, une peluche…
— Laissez-moi deviner… Une peluche chauve-souris ?
— Vous avez tout compris, Madame Paëlla.
— Et j’étais supposé rire ? Parce qu’ils vous ont mis des chauves-souris partout ?
— Euh… Oui…
— D’accord. Désolée, Monsieur Ravi, je ris pas.