Huitième rouleau de Kaecilius
Deux jours avant le mariage
Valens insista pour être celui qui nous ferait pénétrer dans le domaine du divin Vindictus Libertus. Silvia Domna avait jugé que mon spiritus n’était pas assez stabilisé pour que j’entreprenne pareille tâche.
À peine étions-nous arrivés dans cette peinture idyllique que nous rencontrâmes ma sœur et ma future épouse sur le point de s’échapper. Fidèle à sa réputation, la beauté de Sophia Domitillia était incomparable, de même que ses manières singulières. Elle refusa de poser ses yeux sur moi, me donnant l’impression que j’étais un fantôme à l’existence incertaine. Légèrement vexé, je l’ignorai à mon tour. Il était clair que notre union ne s’embarrasserait pas de sentiments, ce qui ne manquerait pas de simplifier nos rapports.
Valens m’adressa un regard que je connaissais bien, celui qu’il me réservait quand il avait pitié de ma situation.
Tout en ne lâchant pas la main de Sophia Domitillia, ma sœur s’approcha de moi et arrangea un pli de ma veste brodée.
« Il ne t’a pas encore tué, à ce que je vois. Il doit vraiment tenir à ce mariage.
— Silvia, nous devons retourner… commença Sophia Domitillia.
— Ma chère, laisse donc Kaecilius prouver sa valeur.
— Le démon se trouve dans les geôles de la villa », indiqua ma promise à mon cousin, qui ne lui avait rien demandé.
Elle fit un geste vague en direction des bâtisses situées en contrebas.
Pendant ce temps, Silvia, qui continuait d’observer mes réactions avec un plaisir non-dissimulé, me dit :
« J’espère que tu as un plan de secours, petit frère, car j’ai promis à notre mère que j’empêcherais ce mariage à tout prix. Puisse la chance te sourire – ou non ! »
Autour de nous, l’air se mit à s’épaissir. Elle venait de faire crépiter son spiritus. Je voulus l’interrompre en posant ma main sur son épaule, mais elle fut plus rapide. Elle projeta son énergie spirituelle dans la brèche que nous avions utilisée et fut aussitôt absorbée, emportant avec elle une Sophia Domitillia réfractaire.
« Nous aurions peut-être dû lui dire que Fulvia Domna les attend de l’autre côté en compagnie d’un nombre impressionnant de gardes impériaux, remarqua Valens.
— J’espère qu’elle a un plan de secours, singeai-je, sans cacher mon amertume. Je hais les femmes.
— N’exagère pas. Tu détestes simplement ta mère, ta sœur jumelle et, semble-t-il, ta future épouse. Trois femmes ne peuvent pas représenter un genre entier. »
Sans attendre, il se mit à descendre le chemin qui menait à la villa.
« Mais où est-ce que tu vas ? lui criai-je.
— Tu as entendu la mère de tes futurs enfants. Nous devons aller libérer le Démon blanc. »
*
Je posai ma main sur l’épaule de mon cousin afin de l’arrêter. Il était sur le point de s’engouffrer dans le couloir humide qui menait aux geôles de la villa. Lao ne s’y trouvait pas. J’en étais convaincu, mais, quand Valens exigea d’en connaître la raison, je fus incapable de lui en donner une. Pour autant, il ne remit pas mon instinct en cause.
« Dépêchons-nous, me dit-il. Je n’ai aucune envie de rencontrer Vindictus Libertus. Aujourd’hui n’est pas un jour faste. Il vaut mieux que nous nous tenions éloignés du divin.
— J’imagine que tu mesures toute l’ironie de tes propos », notai-je en regardant autour de nous.
Il se retourna vers moi, les plis de sa bouche crispés par l’agacement.
« Si nous finissons emprisonnés, ce sera de ta faute, Kae.
— Je t’assure qu’il n’est pas dans cette direction, déclarai-je, en levant les mains en signe d’apaisement.
— Dans ce cas-là, prends les devants. Je te suis. »
Mais je ne bougeai pas. J’ignorai où le Démon blanc se trouvait avec exactitude.
Valens laissa échapper un juron avant de partir dans la direction opposée.
« Si un condamné n’est pas dans la prison, l’entendis-je murmurer, où se trouve-t-il ?
— Il est peut-être déjà sur le lieu de son exécution, proposai-je.
— J’ai entrevu l’échafaud quand nous descendions vers la villa, me répondit-il. Il n’y avait personne. Non… Avant de mourir, on accorde un repas au condamné.
— Allons en direction des cuisines, dans ce cas », proposai-je.
Il ne prit pas le temps de la réflexion, car il savait déjà où elles se trouvaient. Sa mère avait aiguisé son sens de l’observation dès le moment où elle l’avait recueilli. Elle avait voulu faire de lui l’un des plus grands espions de la couronne impériale, mais il avait décidé d’emprunter un chemin différent.
La manière qu’il avait de positionner son corps devant le mien garantissait ma sécurité, si jamais une attaque devait venir de front. Alors que nous avancions le plus silencieusement possible en direction des cuisines, il m’apparut que je ne méritais pas la dévotion absolue de mon cousin. Si nos rapports avaient été inversés, aurais-je été capable de venir ici, sachant qu’il était probable que je finisse maudit par un dieu furieux ?
Valens me fit signe de m’arrêter, ce qui interrompit aussi les pensées que j’entretenais à son sujet. Il m’indiqua une porte translucide qu’il comptait ouvrir. En alerte, je remarquai que la qualité de l’air était devenue étrange, comme humide. Un spectre d’eau se cachait-il dans cette pièce ?
Délicatement, il fit glisser la porte sur ses rails. Sa respiration s’arrêta ostensiblement quand il découvrit le spectacle qui s’offrait à nous. Mon humeur devint aussi sombre qu’un ciel tempétueux. Dans mon for intérieur, je me mis à maudire tous les esclaves de l’Empire, passé, présent et futur.
Sur le point de mourir, le Démon blanc avait organisé une dernière partie fine. Parmi tous les amants qu’il aurait pu choisir, son choix s’était porté sur un représentant de la race la plus dangereuse en pareille circonstance : un Goupil.
« Je ne me l’imaginais pas aussi grand, bafouilla Valens, dont les yeux écarquillés étaient fixés sur Lao.
— Sa… taille est proportionnelle à sa bêtise », déclarai-je, la bouche soudainement sèche.
Notre irruption affola le Goupil qui se leva aussitôt pour se défendre contre une possible attaque. Epuisé par ses jeux érotiques, Lao se laissa glisser au fond de son bain au risque de se noyer.
Valens m’indiqua qu’il s’occupait de l’esclave de ma future épouse tandis que je me chargerais de l’autre. Je fus surpris de cette division des tâches, car, habituellement, il se réservait les actions les plus dangereuses. Mais Valens était un fin observateur : il venait de m’offrir un exutoire à la méchante humeur qui avait pris possession de mon corps.
« Comment oses-tu t’en prendre à mon esclave ? » alla même jusqu’à déclarer ma colère.
Malheureusement pour mon adversaire, je ne pris conscience de la violence qui m’habitait que lorsqu’il fut à moitié sonné au sol, le visage sévèrement contusionné. Je me tournai vers Lao pour partager le fond de ma pensée sur son comportement inacceptable, mais les mots moururent dans ma gorge. Son état n’était guère meilleur que celui de son amant, à la différence que son visage était intact. Il semblait au bord de l’évanouissement et gémissait des gazouillis incompréhensibles. Valens avait recouvert sa modestie d’un peignoir de bain qu’il avait trouvé accroché au mur et, le visage émerveillé par la présence du Démon blanc, prenait soin de lui avec une attention méticuleuse.
« C’était de la charité, grommela le Goupil, ce qui m’obligea à reporter mon attention sur lui. Son exécution est prévue au crépuscule. Vindictus Libertus a ordonné au bourreau de faire du mauvais travail. Sa cruauté ne connaît aucune limite. Je voulais lui offrir une fin agréable. Il le voulait lui aussi. Sa vie a été assez misérable comme ça. Tu ne crois pas, Kaecilius ? »
Je ne fus pas surpris que ce Goupil ait deviné mon identité, malgré la qualité médiocre des tissus que je portais.
« Je me fiche de cet esclave. Je n’apprécie pas qu’on joue avec la propriété de ma future épouse, déclarai-je en essayant de me donner un semblant de dignité.
— Est-ce là la vérité ? demanda-t-il avec un demi-sourire ensanglanté. Ou est-ce que tes vies passées ont pris le contrôle de tes poings ?
— De quoi est-ce que tu parles ? demandai-je, tout en jetant un coup d’œil inquiet en direction de Lao.
— Et cet échange de spiritus que les humains proscrivent habituellement ? Est-il à l’origine de ce lien qui vous unit ? ou existait-il déjà ?
— Tu délires, fut la seule réponse que je trouvais appropriée en pareille circonstance.
— Oui, ton spiritus impérial m’a soûlé, reconnut-il avec un rire joyeux, que je voulus effacer à coups de poing. Ne t’inquiète pas pour lui. Il survivra. Dès que tu l’auras touché, il retrouvera assez de force pour s’échapper avec toi. Vos destinées sont liées. Elles l’ont toujours été. Prends soin de lui, car s’il meurt, tu mourras à ton tour. »
L’idée était à ce point absurde que je ne cachai pas ce qu’elle m’inspirait. Je levai les yeux au ciel, secouai la tête… mais je finis par adresser un regard inquiet au Démon blanc, dont la tête ne cessait de dodeliner. Quand il ouvrit les yeux et que son regard clair vint se poser sur moi, il déclara à nouveau :
« J’ai failli attendre, mon prince. Et qui est ce charmant acolyte ? »
Le sourire qu’il offrit alors à mon cousin m’irrita à ce point que je me précipitai pour les séparer sans ménagement.
Comme le Goupil l’avait prédit, à peine l’avais-je touché que je sentis une partie de mon spiritus se déverser dans le corps de Lao. L’effet fut immédiat. Aussitôt, il étira ses membres comme s’il venait de se réveiller d’une sieste. Quand il prit vraiment conscience de ma présence à ses côtés, il cligna des yeux.
« Ce n’était donc pas un rêve… marmonna-t-il.
— Non, c’est un cauchemar, affirmai-je avant de le forcer à se lever. Nous devons partir avant qu’il ne s’aggrave. »
Valens voulut alors se présenter, mais je lui coupai la parole. Nous partîmes sur le champ, mais pas assez vite pour empêcher Lao de remercier le Goupil, qui n’avait toujours pas bougé depuis notre altercation et gardait ce demi-sourire exaspérant sur son visage tuméfié.
Mon poing se resserra autour du poignet de l’esclave. Je le tirai sans ménagement dans le couloir de service.
« Je t’ai promis cent coups de férule. Nous les multiplierons par dix, grinçai-je.
— Ne me dis pas que tu m’en veux de t’avoir abandonné dans la villa… C’est la faute à ta sœur jumelle. Si ça n’avait tenu qu’à moi, je…
— Si tu dis ne serait-ce qu’un seul mot… je te jure que je t’amènerai moi-même à l’échafaud et que je ferai taire pour de bon le menteur invétéré que tu es. »
Choqué, il me regarda comme si c’était moi qui avais perdu le sens, mais il ferma ostensiblement sa bouche et me fit une courbette servile. Il faillit perdre l’équilibre, mais je resserrai ma poigne et le ramenai de force contre moi. Même quand il était réduit au silence, il savait m’exaspérer. Il posa sa main sur ma poitrine. Son regard plongea dans le mien.
« Je ne sais pas ce que le monde t’a fait pour te rendre à ce point irritable, Kaecilius, mais il va falloir que tu apprennes à contrôler ces accès de colère. »
Je chassai sa main. Le sang afflua à mon visage.
« Tout est de ta faute », accusai-je sur la défensive.
Il soupira, se détourna de moi et suivit Valens qui nous faisait signe de nous dépêcher. Il valait mieux ne pas s’éterniser.
« Si je recevais une pièce de monnaie à chaque fois qu’on me le disait, je serais l’esclave le plus riche de l’Empire sérien.
— Encore faudrait-il que tu ne la dépenses pas en eau-de-vie à la première opportunité, rétorquai-je d’une voix sourde.
— Touché ! » déclara-t-il, avant de laisser échapper un éclat de rire, heureux de sa médiocrité.
*
À cette occasion, les dieux nous furent favorables. La disparition du Démon blanc ne fut remarquée que lorsque nous atteignîmes le pied de la montagne. Nous eûmes le temps de poursuivre notre ascension et d’arriver à destination avant que les Goupils de Vindictus Libertus ne nous repèrent et ne se lancent à notre poursuite. Mais même là, ils ne se pressèrent pas pour nous intercepter. Contrairement au maître qu’ils servaient, ils n’avaient, semblait-il, aucune envie de nous arrêter. Peut-être jugeaient-ils que le Démon blanc était innocent, quels que soient les crimes dont on l’avait accusé. Quand je l’interrogeai à ce sujet, il demeura vague à dessein.
Le trajet de retour au Palais des Harmonies se fit donc comme dans un rêve. Mais la réalité se rappela à nous avec brutalité.
Comme je l’avais prédit, ma sœur avait trouvé les gardes de Fulvia Domna à son arrivée. Pour éviter qu’elle ne s’enfuie, ils lui avaient même passé des menottes autour de ses poignets. Elle les portait avec toute la dignité de son rang, même si son exil l’avait déchue de ses privilèges et de ses titres. Seule Sophia Domitillia demeurait libre de ses mouvements. Elle avait engagé une discussion animée avec sa grand-mère à quelques pas de nous, assez loin toutefois pour que nous n’entendions que quelques éclats de voix.
Le Fils du Ciel en personne avait fait le déplacement. Son humeur était aussi mauvaise que la mienne. Son fiel semblait s’être cristallisé, en partie sur ma sœur jumelle, en partie sur Lao. Ce dernier n’avait pas ouvert la bouche depuis notre arrivée dans les jardins de mon Pavillon. De temps en temps, il m’adressait un regard qui trahissait son incompréhension. Avait-il cru que j’étais allé le sauver parce que j’avais son intérêt à cœur ? À l’idée que je l’avais arraché d’une mort certaine pour le maintenir dans un esclavage à perpétuité, j’éprouvai une sensation étrange. De la tristesse, peut-être, mêlée à de la pitié et du dégoût.
La seule personne qui souriait était Euphemio : dans les coulisses, il avait manœuvré pour sauver ma vie et mon mariage. Il semblait avoir réussi avec brio. Je ne savais si je devais lui en être reconnaissant ou éprouver du ressentiment à son égard.
À peine arrivé, Valens avait disparu. Sa mère ne lui avait pas laissé le temps de se reposer et lui avait donné un ordre qu’il avait seul entendu.
Quand Lao ouvrit enfin la bouche, ce fut pour déclarer :
« Et moi qui pensais que la situation ne pouvait pas empirer… »
Je ne pouvais que lui donner raison.
Mais il ne faisait pas référence à la situation difficile dans laquelle nous nous trouvions tous.
Il regardait par-dessus mon épaule, les sourcils froncés. Sans réfléchir, je me retournai. Sous le coup de l’émotion, je fis un pas en arrière et percutai Lao. Sa main saisit mon bras pour m’arrêter, mais il ne la retira pas une fois que j’eus retrouvé ma contenance et mon équilibre.
Escortée par mes cousins Valens et Crassus, entourée d’une poignée de gardes impériaux, ma mère venait de pénétrer le clos du Pavillion de la Longévité Tranquille. Aucune entrave ne la liait. Elle était aussi libre et légère que la brise du printemps. La première pensée que j’eus à son sujet fut qu’elle avait vieilli. La seconde, qu’elle n’aurait pas dû se trouver parmi nous.
Quand elle passa devant ma sœur jumelle, elle murmura :
« Bonne à rien. »
Silvia baissa la tête pour cacher son émotion. Honte ou colère ? Je fus incapable de le déterminer.
Elle s’arrêta devant son frère. Non sans réticence, elle fit la révérence. Le visage de mon oncle ne trahit aucune réaction, mais je le connaissais assez bien pour savoir que la rage dévorait ses entrailles.
« Je remercie le Fils du Ciel de m’avoir rappelée de mon exil afin d’assister au mariage de mon fils et à ce triomphe de diplomatie. Toi seul étais capable d’un tel exploit.
— Drusilla, toujours aussi charmante… répondit-il sèchement. Tu es en bonne santé. L’île des Cinq-Bêtes semble t’avoir fait du bien.
— Tu devrais venir m’y rendre visite à l’occasion. »
Le sourire qu’elle lui adressa promettait mille trahisons. À la place de mon oncle, je l’aurais immédiatement renvoyée d’où elle venait.
Elle salua de nouveau son frère, puis vint dans ma direction. Mon corps se raidit aussitôt. La main de Lao était la seule source de chaleur que je pouvais sentir.
Elle s’approcha de moi avec des larmes aux yeux et un sourire tendre que je ne lui avais pas vu depuis la mort de mon père.
« Kae, mon enfant. Maman est revenue. »
Elle posa sa main sur ma joue, puis me prit dans ses bras. Je restai immobile, comme paralysé. Ses lèvres s’approchèrent de mon oreille.
« Ne t’inquiète pas. Maman va empêcher cette union contre nature », murmura-t-elle.
Elle s’écarta de moi, comme pour mieux me voir. Son sourire était resplendissant, son émotion sincère. Sa main vint sécher ma joue.
La main de Lao raffermit sa grippe afin me rappeler à l’ordre ; je m’étais mis à trembler.
Elle se tourna en direction de Sophia Domitillia qui discutait encore avec sa grand-mère.
« Quelle plante exquise ! Je ne pourrais être plus heureuse de cette union. »
Sept longues années d’exil n’avaient pas émoussé son hypocrisie. Elle poussa même le vice jusqu’à aller les saluer.
« Tu as commis une grave erreur », fis-je à l’attention de mon oncle, tout en ne quittant pas ma génitrice des yeux.
Il s’approcha de moi. Sa colère s’était émoussée. Les tremblements qui m’agitaient devaient lui procurer un plaisir certain.
« Voici mon cadeau de noces, ironisa-t-il. Une promesse est une promesse. Tu as ramené ta future épouse et le Démon blanc. En échange, tu retrouveras ta liberté et ta réputation après ton mariage… Toutes deux seront intactes. Quant à ta mère et ta sœur, elles recevront un pardon officiel. Si elles se tiennent tranquilles…
— Et si elles s’agitent ? voulus-je savoir.
— On se souviendra de ton union avec Sophia Domitillia sous le surnom de “noces écarlates”. »
Il éclata de rire. Tout comme moi, il savait qu’elles seraient incapables d’assister aux festivités sans ourdir un énième complot.
« Il se fait tard, remarqua-t-il. Belle Sophia, tu ne verras aucun inconvénient à ce que le Démon blanc m’accompagne, n’est-ce pas ? Nous ne voudrions pas qu’il parte se promener à nouveau. »
Quand les gardes de l’Empereur se saisirent de lui, la chaleur de Lao quitta mon bras. Il protesta pour la forme, mais je pouvais entendre que son cœur n’y était pas.
Je restai immobile, comme paralysé. Je fus incapable de le regarder alors qu’il quittait le jardin de mon Pavillon.
Honteux de l’avoir trahi.
J’eus beau me raisonner, cette impression refusa de me quitter.
Valens vint poser sa main sur mon épaule, mais sa chaleur ne m’apporta pas autant de réconfort que celle du Démon blanc.
« Des nuages noirs s’amassent, m’indiqua-t-il. Il vaudrait mieux que nous nous mettions à l’abri avant que l’orage ne se déclenche.
— Trop tard, répondis-je, le regard posé sur le sol. Il est déjà trop tard. »