Après avoir raccompagné la jeune fille jusqu’à la demeure cossue de ses hôtes, Ennius prit un vélo antigrav pour se rapprocher de chez lui et l’abandonna au bas de la colline pour la gravir à pied par le sentier privé. L’engin débita le montant de la location via son implant, puis s’éloigna à vive allure vers un autre usager.
Marcher calmait ses angoisses. Devant lui, le grand domaine était plongé dans le noir. Seules des balises lumineuses l’accueillirent en soulignant pour lui le chemin tortueux caché dans la végétation. Elles s’éteignaient ensuite. Au-dessus, une lune verdâtre prêtait une teinte livide à l’obscurité.
Depuis trois semaines, Ennius ressentait à la fois impatience et anxiété au moment de rentrer chez lui.
Trois semaines… depuis cette soirée où le passé avait fait une irruption fracassante dans son présent.
Ennius était mal en point ce jour-là, dénigré et rabaissé par son père, une fois de plus. Miesko aurait voulu un fils énergique, un fils viril, capable de prendre sa part des pressions que subissait la Fondation avec son principe controversé de neutralité.
Mais Ennius n’était rien de tout cela. Il aimait s’occuper du musée de la Fondation, composer, peindre, s’étourdir de fêtes et dormir dans son petit studio au centre d’Ithéus plutôt que dans la spacieuse maison familiale sur son trône au sommet de la cinquième colline. Il ne tenait pas à entrer dans les jeux de pouvoir qui occupaient ses nombreux frères, sœurs et cousins, tous beaucoup plus âgés que lui et placés à des postes clés de la Fondation. Il laissait à Nevra, l’aînée, déjà une femme d’âge mûr, le projet de remplacer un jour Miesko. Si elle avait été la seule ! Jehort, vingt ans plus jeune, nourrissait la même ambition, ainsi que Bregan, qui critiquait ouvertement la politique de la Fondation. La liste des prétendants ne s’arrêtait pas là et ils devaient bien être une douzaine à intriguer avec plus ou moins de succès. Ennius les laissait se haïr avec civilité et s’entredéchirer dans les coulisses. Il était étranger… non, allergique à tout cela.
Mais à trop s’évertuer à exister pour lui-même en dépit de sa famille, Ennius finissait généralement par plonger dans un marasme nihiliste : ses efforts étaient vains, futiles ; au lieu de sa voie propre, il ne trouverait que les preuves de sa médiocrité.
C’était le cas ce soir-là.
En de semblables circonstances, il s’éloignait de ses amis pour ne contaminer personne avec sa tristesse et errait dans les coins sombres d’Ithéus. Ennius s’y était déjà retrouvé au matin, à moitié nu en pleine rue, dépouillé et transi, mais il y avait aussi vécu des nuits de plaisir mémorables, bien que pas très racontables. La structure architecturale de la ville prenait tout son sens là-bas : les bâtiments semi-enterrés en U abritaient des microcosmes avec bars et boutiques où l’on ne vendait pas que des objets.
— On boit un verre ? proposa l’homme sans même un bonjour.
Aux trois quarts dissimulé sous le capuchon d’une veste, il présentait à Ennius un profil au nez droit et au front lisse habillé de mèches rebelles qui dépassaient du tissu. Jeune, avenant ; un visage qui lui rappelait quelque chose sans qu’il puisse mettre le doigt dessus. Sa bouche était entrouverte sur un sourire goguenard. Ennius hésita ; dans quoi allait-il se fourrer cette fois-ci ? Puis il sentit un frisson nerveux le parcourir de bas en haut.
La voix, grave et tranquille, avait résonné dans sa tête !
Un télépathe ! Ennius n’en avait jamais rencontré qui se soit permis ce genre d’intrusions.
Il n’avait en outre jamais eu d’expériences érotiques avec l’un d’entre eux. Sur Ione, on ne les trouvait pas dans les bas-fonds, plutôt dans les hautes sphères : la société mettait leurs facultés à profit et on ne les traitait de spions que derrière leur dos.
Dans son état normal, Ennius aurait poliment décliné une invitation aussi singulière. Mais là, il fallait compter avec les quelques verres déjà avalés pour noyer sa tristesse et avec l’ambiance énigmatique : dans la lumière mourante des lampes cernées par la brume de mer, cela paraissait trop alléchant. Les télépathes étaient réputés pour leurs talents à amplifier les sensations érotiques.
Il s’efforça de discerner les lignes de ce visage mangé par l’obscurité, n’y parvint pas et murmura :
— Je me nomme… Ennius.
— Keizo. Pour le moment.
Assis avec le mystérieux individu à une table peu éclairée, Ennius scruta les ombres vacillantes en aspirant à la paille un breuvage alcoolisé et lui livra une version geignarde de sa vie. Le pauvre petit gosse de riche écrasé sous les responsabilités. Ou quelque chose comme ça… Les mots de la conversation s’effaçaient aussitôt prononcés. Enfin, si l’on pouvait appeler cet échange de pensées une conversation. Étrange… Les traits de son vis-à-vis restaient désespérément flous, un détail qu’Ennius mit sur le compte de sa propre ivresse.
L’inconnu ne compatit pas ; encore heureux ! Dans son état d’esprit, Ennius aurait fui en courant.
Quand il se tut, honteux de ce déballage verbal, l’autre déclara, penché sur lui :
— J’ai beaucoup appris sur toi ce soir.
Au ton plein de sous-entendus, Ennius avala de travers et toussa bruyamment. Finir avec ses pensées éventrées et étalées au soleil, comme les markates, ces mollusques marins, sur les séchoirs de la grève, voilà ce à quoi on s’exposait à la fréquentation des télépathes.
— Tu veux que je te parle de moi ?
Là, de nouveau, il était encore temps de refuser.
Ennius l’emmena chez lui. Aberrant. D’habitude, il privilégiait les hôtels : on payait, on baisait et on filait. À cet instant, cela lui sembla pourtant la chose à faire. Après dix minutes de marche qui lui rafraîchirent la cervelle, il regrettait déjà sa décision. Ils arrivèrent devant son immeuble, une structure plus haute, plus luxueuse et plus arrogante que tout ce qu’on trouvait dans le quartier qu’ils avaient quitté. Les riches se fichaient des tempêtes, on reconstruisait après leur passage, ce n’était qu’une question d’argent. Ennius voyait bien qu’il tergiversait, les fesses entre deux mondes, trop gâté pour abandonner son statut afin de vivre la vie qu’il croyait désirer. Là, en ramenant cet étranger chez lui, il fut possédé du sentiment qu’il enclenchait un processus qui allait le dépasser.
S’il avait su à quel point !
L’autre sentit tout cela, peut-être dans le regard qu’Ennius avait jeté sur l’immeuble, dans son hésitation, ou bien il lut ses doutes dans son esprit, car il émit un grognement désapprobateur et le poussa en avant.
— Humff ! Trop tard pour regretter.
Trois semaines plus tard, Ennius était toujours incapable de décrire les émotions qui le submergèrent quelques minutes après, quand Keizo ou plutôt Eshan rejeta en arrière son capuchon pour dévoiler son visage. Il put enfin discerner ses traits et il se crut fou ou en proie à une hallucination. Quelques pilules de caféine assorties de longues explications furent nécessaires avant qu’il considère Keizo autrement que comme un sosie de son ancêtre, un affabulateur doué aux objectifs louches.
La rencontre avec Eshan avait chamboulé l’existence d’Ennius. Le premier avait besoin de l’aide du second et si Ennius se sentait privilégié – transporté, sens dessus dessous, extatique – qu’il soit venu la chercher auprès de lui, cela rendait ses journées un brin compliquées. Comment gérer quelqu’un qui était génial, au sens premier du terme, mais aussi amnésique, peu patient, sans compter qu’il avait aux trousses une ahurissante quantité de gens tous plus dangereux les uns que les autres ? Ennius n’avait rien d’un conspirateur ; de sa propre évaluation, il péchait par naïveté, avec une tendance naturelle à donner sa confiance à ceux qui ne le méritaient pas. Juste ce qu’il fallait !
Heureusement, malgré la disparition de ses souvenirs, Eshan était méfiant pour deux. À son débarquement, il n’avait dû la préservation de sa liberté qu’à sa prudence, ainsi qu’à la découverte rapide de sa vraie identité.
— Tu sais, réaliser qui j’étais, ça a été un choc bien plus monumental pour moi que pour toi tout à l’heure, lui avait-il dit dès ce premier soir.
Il lui avait rejoué sa mine ahurie et l’avait fait éclater de rire. D’humeur rieuse malgré sa situation épineuse, il se révélait plein d’humour et de fantaisie, un trait passé sous silence par les biographes.
— Vous ne vous rappelez… rien ?… Cela n’a rien évoqué ?
— Non. Un grand vide.
— Comment… comment avez-vous… percé le mystère ?
— Grâce à toi. Au musée. Je me suis retrouvé en face de mes portraits. Heureusement, j’étais grimé et personne parmi ceux qui me pourchassent ne m’a vu ou reconnu. Ensuite, j’ai fait encore plus attention. C’était… bizarre. Malgré tout, j’étais soulagé de comprendre enfin pourquoi tout le monde me courait après.
La découverte de son identité, trois jours avant sa décision de contacter Ennius, n’avait non seulement rien éveillé, mais l’avait sérieusement déstabilisé. Selon lui, il n’était plus cette personne sur laquelle tous s’efforçaient de mettre la main. Il ne voulait aider ni les uns ni les autres et pas davantage trouver refuge à la Fondation, où il aurait pourtant pu sécuriser sa situation. Et il était têtu. Devant l’absence d’une solution simple à ses ennuis, il avait sobrement déclaré à Ennius qu’il n’avait sûrement pas inventé ce qu’on lui attribuait en se contentant de suivre les sentiers balisés.
— À longer la ligne de moindre résistance, on finit par vivre ce que d’autres ont décidé pour vous, non ce qu’on désire vraiment. Ça vaut pour chacun d’entre nous.
— Mais vous… vous n’avez pas l’intention de faire ce que d’autres souhaitent.
— Exactement. Rassure-toi, avait-il conclu, je ne compte pas sur toi pour régler mes problèmes. Le gîte, le couvert et la discrétion pour quelques jours me suffiront amplement. Pour le reste, je me débrouille.
Keizo/Eshan avait formé la ferme résolution de prendre le temps de chercher sa voie.
¤¤¤
L’esprit dans les réminiscences, Ennius avait monté sans mollir le sentier jusqu’à l’entrée de la demeure familiale. C’est là qu’il avait installé Eshan. Son père n’y passait pour ainsi dire jamais ; il préférait son loft au centre, juste à côté des bureaux de la Fondation.
La grande bâtisse traditionnelle était encastrée dans la colline selon la classique structure en U. Repliée sur elle-même, elle était d’un abord austère avec ses murs de béton lavés par les intempéries et ses volets anti-tempête prêts à se déployer pour la transformer en bunker indestructible. Ses trois étages donnaient sur une cour privée, espace découvert qui lui apportait de la lumière. Bien qu’elle manquât terriblement de fantaisie, elle rappelait à Ennius de bons souvenirs de fêtes débridées, payées par des lendemains migraineux.
Le parc autour était immense, protégé des curieux par des haies impénétrables. Il rendait la maison invisible du ciel grâce à des arbres exotiques à la large canopée qu’on était parvenu à acclimater là. L’endroit idéal.
Eshan passait ses journées à lire tout un tas de choses : beaucoup d’articles scientifiques, des ouvrages historiques sur le déroulement du conflit, des analyses de la machine de guerre de l’Expérion ou des traités sur la philosophie de pureté raciale de l’Alliance. Sans oublier son histoire personnelle, tirée des archives de la Fondation. Il sautait de l’un à l’autre avec facilité et interrogeait Ennius le soir sur des points de détails qui dépassaient généralement les compétences du jeune homme.
— Je suis rentré, annonça Ennius.
— Pas trop tôt, je me dessèche d’ennui.
— Je croyais que j’étais fade… et assommant.
— Désolé pour hier, j’étais un peu énervé. Je tourne en rond ici.
Ennius nota le semblant d’excuse et s’efforça de mettre de côté leur dernière prise de bec. Vénérer un illustre ancêtre se révélait très différent de l’accueillir en chair et en os. Eshan progressait extrêmement vite dans sa connaissance du monde nouveau dans lequel il avait été projeté. On eût dit qu’il cherchait à combler son retard de deux cent cinquante ans. Et il mettait les bouchées doubles. Ennius était le témoin privilégié du maelström d'émotions que son visage impassible dissimulait. Il s’impatientait dès qu’Ennius avouait son ignorance sur un sujet et passait par des moments d’abattement durant lesquels son hôte ne savait comment le réconforter. À d’autres, il débordait d’enthousiasme, au point de s’émerveiller de tout ce qu’il découvrait. Il ressemblait à un adolescent en pleine crise existentielle. Très humain, ou en tout cas très très loin de l’ultra sans sentiments qu’Ennius avait évoqué devant Mu. Épuisant même…
— Hum… Une anecdote qui pourrait te distraire aujourd’hui : j’ai rencontré une jeune fille… enfin… plutôt… une jeune femme. J’en garde une sensation… curieuse, je voulais t’en parler.
— Une fille jolie ?
Ennius se remémora sa surprise et cela raviva sa première impression.
— Plutôt, oui.
L’autre souleva un sourcil.
— Bon, dans ce cas, ce n’est sûrement pas si passionnant que ça.
— Eh, oh ! je te rappelle que la gent féminine… me… me laisse froid…
Eshan fit un geste pour l’engager à continuer.
— Elle était au milieu de la salle du musée, assise par terre avec un air perdu. Elle a… bredouillé une excuse… elle avait été… frappée par les photos, mais… mais cela ne sonnait pas juste. Et puis c’est une étrangère, pas une Ionienne.
— Hum, ça sonnait comme quoi, d’après toi ?
— Attends ! Pour… satisfaire… satisfaire ma curiosité, je l’ai retrouvée pour boire un verre et je lui ai raconté ton histoire. En tant que responsable de la salle, tu vois ? J’ai eu l’impression qu’elle était intéressée… prodigieusement intéressée. Mais pas par moi.
— Tu en penses quoi ?
— Je n’en sais rien, cela m’a semblé suspect… c’est tout. Je n’ai pas d’explication. J’ai supposé qu’elle te connaissait peut-être, mais depuis… non, cela me paraît absurde.
— Comment s’appelle-t-elle ?
— Lori… enfin, elle s’est présentée comme Lori.
— Ça ne me dit rien. Montre-la-moi !
Ennius s’exécuta avec réticence. Il était loin de se sentir à l’aise avec certains aspects de la personnalité de son hôte.
Un grand sourire illumina le visage d’Eshan. Dans ces instants-là, Ennius devenait douloureusement conscient de la raison pour laquelle il se pliait à tous les desiderata de son ancêtre. Il était incapable de résister à ce sourire rare, cette expression de joie d’une pureté enfantine, cet éclair de vie dans ses yeux bleus d’orage.
— Mu ! Mu est ici.
Eshan se renfrogna en un instant. Puis, ses traits retrouvèrent leur sérénité habituelle, devant un Ennius stupéfait par son changement d’humeur :
— Elle a le chic pour se fourrer au plus mauvais endroit, au plus mauvais moment…
¤¤¤
Assise à une petite table sur la terrasse du musée qu’Ennius avait mentionné la veille, Mu faisait le point en griffonnant dans son carnet. Elle avait voulu de l’information ? Voilà qu’elle en avait maintenant bien trop à digérer : Ennius, la Fondation, Miesko Ardéirim… et au centre de tout ça, Eshan.
Elle leva le nez et s’absorba dans la contemplation du musée d’architecture d’Ithéus avec des sentiments confus. C’était sa maison, celle où Eshan habitait du temps où il travaillait à imaginer et construire ce qui allait révolutionner le fonctionnement de toute la civilisation, pour le meilleur et le pire. Le pire… Par une aberration proprement humaine, la possibilité de se rejoindre les uns les autres avec une quasi-instantanéité avait amené la guerre…
Joyau de la capitale, le domaine occupait une colline entière, sur de nombreux niveaux. Il mêlait bâtiments et jardins en partie accessibles aux promeneurs. La villa principale était antérieure à la période du fondateur. Malgré sa forme traditionnelle en U semi-enterré, elle réussissait à paraître exotique avec des ouvertures en ogive dehors comme dedans, témoins d’une passade architecturale qui n’avait pas eu de descendance. Sur le prospectus de la visite, on lisait que ce style avait probablement inspiré le fondateur pour le dessin en arche des portails de transfert par l’hyperespace. Après avoir finalisé les arches de transport de marchandises, il travaillait encore ici à l’époque de sa disparition. Il avait l’ambition de développer le déplacement instantané des individus depuis le sol des planètes. Un rêve jamais réalisé, puisqu’on utilisait toujours des vaisseaux pour sauter dans l’hyperespace.
Mu soupira et tourna la page de son carnet. Sur la nouvelle page vierge, elle écrivit au centre « Keizo/Eshan » et entreprit de résumer ce qu’elle savait.
Après une hésitation, elle fit partir une branche intitulée « Ennius ». Les mots s’empilèrent vite : passionné par son ancêtre, bien informé sur lui, mais aussi débauché (d’après les rumeurs), superficiel (d’après la propre évaluation de Mu). Fiable ou pas ? Keizo aurait-il pu se rapprocher de lui ?
Elle fit pivoter la page d’un quart de tour et une seconde branche s’étira : « Fondation ». Keizo aurait-il pu aller chercher refuge à la Fondation ? Là, c’était plus difficile et, après une longue réflexion, elle traça « politique », « Miesko Ardéirim », puis « neutralité ». Sauf que la neutralité aboutissait petit à petit à la destruction de l’Alliance, alors Mu écrivit « Expérion », le nez froncé.
Restait le plus important : sur une troisième branche, elle inscrivit « Mu ». Malgré ses réticences, le mot qui se formait presque de lui-même était « naïveté » ou, si elle désirait s’épargner, candeur. Maintenant qu’elle savait qui était Keizo, elle ne pouvait croire que ceux qui l’avaient interrogée sur le Vieux Marp l’ignoraient. Quoi que lui veuille l’Alliance, ne risquait-elle pas de les mener jusqu’à lui ? Elle gribouilla un éclair, puis à côté le mot « DANGER ». L’entreprise bien intentionnée de Mu était un danger pour Keizo.
Et puis, n’était-ce pas d’une naïveté astronomique, ça aussi, d’imaginer que Keizo pouvait d’une manière ou d’une autre contribuer à arrêter la guerre ?
Pour la première fois, Mu envisagea d’abandonner… s’il n’était pas déjà trop tard.
¤¤¤
Bryn lut avec intérêt la mise à jour du dossier de la fille, Murcile Fortazzar. On y trouvait son emploi du temps des trois derniers jours : elle avait rencontré un des rejetons du président de la Fondation et partagé un verre avec lui dans un bar. Bryn ne croyait pas aux coïncidences. Le service non plus, en témoignait leur synthèse des informations rassemblées sur ce fils au cours du temps.
Bryn ricana : le modèle même du fils prodigue. Il avait reçu une éducation irréprochable, puis il était parti en vrille. Buveur, fêtard, adepte des quartiers mal fréquentés, il se voulait artiste et entretenait des liens chaotiques avec le reste de la famille. Rien de très original. Bryn voyait là en filigrane ce qu’il aurait pu devenir lui-même si sa famille n’avait pas fui Nigato et les envahisseurs autrefois : un descendant d’aristocrates qui se rebellait contre les exigences de la tradition et se perdait dans des plaisirs sans issue.
Plus intrigante était sa passion pour le fondateur de la famille. Une ferveur qui l’avait amené à organiser la partie du musée consacrée à la découverte de l’hyperespace. Tiens, tiens…
Bryn consulta le résumé de ses activités depuis un mois. On y observait une rupture de ses habitudes : alors qu’il vivait depuis longtemps en ville, dans un appartement en haut d’une de ces nouvelles tours qu’affectionnaient les riches, il avait soudain pris ses quartiers dans la demeure familiale, un domaine occupant tout un pan de colline.
Bryn sentit l’excitation le gagner. Une habitation de ce genre, enfouie dans un parc boisé, voilà un endroit commode pour loger un hôte encombrant.
Il dirigea l’équipe de surveillance sur le fils, ainsi que sur la propriété.
Le rencontre avec Keizo est vraiment géniale : on ne se doute de rien, puis un peu quand même, et quand enfin Keizo se révèle on est à la fois surpris et super content. En tout cas, c'est ce que j'ai ressenti.
Et c'est marrant que Keizo fasse appel à la famille :-) je trouve ça super bien trouvé ! Même si Ennius n'est pas toujours à la hauteur des attentes immenses de Keizo. Un Keizo fidèle à lui-même, droit dans ses bottes quoiqu'il lui en coûte.
Mu n'est pas en reste dans ce chapitre, et surtout, elle n'est pas si naïve que ça. Elle a parfaitement bien compris dans quel guêpier elle vient de se fourrer.
Et Brynn qui a oublié d'être stupide devine où se trouve Keizo... Je sens que la suite ne va pas être triste. Je me demande d'ailleurs ce que fera Keizo devant tous ses fans, et surtout devant Mu et son innocence, car il me semble que la rencontre entre tous les protagonistes est imminente.
Keizo a trouvé en Ennius un allié : il est au cœur des choses, il a accès à des archives précieuses et il ne porte pas sa famille dans son cœur. Et il lui est acquis d'avance. Mais cela ne veut pas dire que c'est facile à gérer au quotidien, pour l'un comme pour l'autre.
Keizo/Eshan n’a pas raté son entrée en scène ! On dirait qu’il ne se contente pas de dialoguer par télépathie, mais qu’il influence également Ennius pour qu’il l’emmène à la maison, bien qu’il n’ait pas l’habitude d’agir de la sorte.
Le caractère changeant de Keizo/Eshan confirme qu’il n’est pas dans son état normal. Va-t-il redevenir lui-même ou ces séquelles sont-elles irréversibles ? Peut-être qu’à ce stade, on n’a pas le droit de savoir...
Coquilles et remarques :
cela m'a semblé suspicieux [suspect ; la confusion entre suspect et suspicieux vient de l’anglais]
espace décaissé qui lui apportait de la lumière [Le terme « décaissé » m’a paru étrange et en effet, je ne l’ai pas trouvé dans les dictionnaires comme contraire d’encaissé pour un espace, une vallée, etc. ; je propose : exposé, dégagé, découvert, ouvert...]
le mot qui se formait presque de lui-même était « naiveté » [naïveté]
le dossier préparé par les services de renseignement sur la fille, Mu [On parle d’un dossier officiel ; il me semble qu’il faudrait écrire son prénom en entier et même son nom de famille.]
Tu as entièrement raison pour le nom... j'ai tellement pris l'habitude de l'appeler Mu que j'en oublie qu'elle a un nom complet (avec nom de famille en effet)... Je vais aller corriger ça. Allons bon, l'anglais a encore frappé avec suspicieux... je sais pourtant que ça a un sens différent en français. Je lis trop en anglais...
Merci, ton oeil de lynx est redoutable et précieux ! Il va falloir que j'avance ma relecture, pour te mettre la suite !
Par ailleurs, c'est fou l'effet qu'il a sur chaque personne qu'il rencontre. Ils tombent quasiment tous amoureux de lui. Ça me pose question tout de même, sur la possibilité qu'il pourrait user de son pouvoir en ce sens, même à un niveau inconscient...
Eh, eh, j'aime tes questions, et c'est en effet celles que se posent ceux qui l'entourent, consciemment ou non...