18. Traitre.

Par Arod29

Sur le toit de la vieille demeure Arcis se détendaient, assis, les jambes ballantes dans le vide. Des nuages noirs vagabondaient dans le ciel rouge du soir tombant. Il aimait se retrouver ici pour échapper quelques instants aux sollicitations nombreuses. Tout le monde se tournait vers lui pour tout et n'importe quoi mais il ne se plaignait pas. Simplement le jeune homme se sentait parfois éreinté et un peu dépassé par les évènements. Le retour de son père l'avait soulagé. Pourtant quand le calme revenait, son esprit ne le laissait pas tranquille. Et il pensait à Iria. Il songeait à ce qu'elle avait fait pour Grys en le libérant.

Arcis, j'aimerais qu'on parle.

Le jeune homme ne bougea pas.

Alors je parlerai, tu écouteras. Grys n'a pas raconté toute l'histoire qui m'a amené à le libérer. Il menaçait de te tuer toi et Ereïm. Loup pensait qu'il bluffait, pas moi.  Bien sûr ton père avait raison. Il m'a rejeté. Pour être complètement honnête, j'étais là quand Alzebal l'a retrouvé. J'ai voulu intervenir mais il a refusé et m'a demandé de te protéger. Je n'avais que seize ans Arcis. Tu vas me faire la tête longtemps?

Arcis sentit l'émotion dans la voix de son amie.

Il tendit le bras vers elle.

— Viens là. 

Il la serra fort.

— Je suis désolé Iria. Je ne suis parfois qu'un idiot.

Ha ha cette fois ce n'est pas moi qui l'ai dit.

Arcis souffla.

Il y a autre chose qui te tracasse, je le sens.

— Je ne pense pas que Grys reviendra en vie.

Ton père ne fera pas ça. Il y a trop en jeu.

— Je ne sais plus trop que penser. Je réfléchit sans doute trop.

Je pensais que tu serais à l'abri de tout ça pourtant!

— Arrête Iria. Je suis sérieux. Admettons on les tue tous, Alzebal, Grys. C'est la fin et après?

Je te suis pas Arcis.

-— La vie va reprendre comme ça.

Ils doivent payer.

— La mort n'engendre que la mort.

On dirait un vieux sage sénile mais là il ne s'agit plus de toi ou de ton père. Il s'agit de survie. Milsden est ravagé par les guerres.

Arcis pouffa.

— Milsden a toujours été en guerre. Et tu crois qu'en assassinant Alzebal. Tout va s'arrêter?

Non je ne crois pas ça.

— Alors dis moi. Que crois tu?

Peut-être que cela ne résoudra rien mais ce ne sera pas pire.

Arcis posa ses mains sur son visage et le frotta.

— Alors on en est là? Que ce ne soit pas pire. Je pensais que l'on voulait que ce monde soit vraiment meilleur?

Le jeune homme soupira.

— Je ne sais plus quoi penser. Tout se bouscule.

Arcis redressa la tête et regarda l'horizon.

— Aujourd'hui Tilly aurait eu quinze ans.

Iria posa sa main sur l'épaule de son ami.

— Tu sais, je me souviens à peine de son visage. Parfois la nuit j'entends son rire, je sens son odeur mais les traits de son visage m'échappe, comme un soleil pâle et fragile, prisonnier d'une brume d'hiver capricieuse qui, tantôt le révèle, tantôt l’obscurcisse. J'ai peur qu'elle ne meurt une deuxième fois, dans mon esprit.

Il se tourna vers Iria, les yeux larmoyants.

— Je ne veux pas l'oublier.

La jeune femme délicatement tendit les mains vers le visage d'Arcis et les posa sur ses joues.

Tu ne l'oublieras jamais. Comme je n'ai jamais oublié mon père.

Arcis ferma les yeux, le contact de la peau d'Iria sur son visage, le fit frissonner. La jeune femme le ressentit et retira ses mains vivement.

— Merci Iria. Tu es toujours là pour moi.

Je ne fais rien de plus que ce que tu ferais pour moi.

Il acquiesça d'un mouvement de tête.

Iria frissonna une brise légère mais fraîche s'engouffra sous son manteau.

Il est temps de rentrer. Je ne dirais pas non à un bon café chaud.

— Pour moi ce sera une bière.

Poivrot.

— Sorcière.

Les deux amis se réfugièrent à l'intérieur de la maison. Une douce chaleur les accueillit mais un vacarme assourdissant résonna dans la vieille bâtisse.

— Nous sommes attaqués!!!!!!! 

C'était Sinfen qui hurlait.

— Des Orombres! Fuyez!

Provenant des étages du dessous, des cris de douleurs, de rage et des bruits de luttes retentirent.

Iria et Arcis entendirent des bruits de pas rapides dans les escaliers, ils se regardèrent fugacement et dégainèrent leurs armes.

Comment nous ont ils trouvé?!

La porte s'ouvrit violemment et se referma immédiatement. C'était Sinfen. Son visage était ensanglantée.

— Fuyez! 

Arcis rugit.

— Nous ne sommes pas des lâches. On va les combattre.

SInfen empoigna le bras du jeune homme.

— C'est peine perdue. Ils sont trop nombreux. Je n'ai rien pu faire. Tout le monde est mort en bas.

Le toit!

Les trois compagnons grimpèrent par la fenêtre mais les mages étaient déjà dans la pièce. Le pied de Kjeld fut retenu par une main gantée. Iria la trancha au niveau du poignet.  

Kjeld marmonna quelques mots. Et une langue de feu entra dans la pièce. Des hurlements retentirent.

Arcis écarquilla les yeux.

— Tu sais faire ça?!

— Ce n'est qu'une illusion mais ca va les retenir quelques instants.

Le jeune homme observa rapidement les possibilités de s'échapper. Il n'en vit qu'une.

— Allez on saute sur le toit en face.

Kjeld eut un air ébaubi.

— Je ne pourrais pas faire ça. C'est trop loin.

Arcis prit son élan et se jeta sur la maison attenante. Il atterrit sans encombre, se retourna et tendit le bras.

— Sinfen! Saute bougre de mage!

Le mage était paralysé.

— Iria!

La jeune femme prit le maximum d'élan et se rua vers Sinfen. Elle l'embarqua avec lui, il fut forcé de sauter.

— Non, non, non!!!

Les deux oiseaux éphémères s'envolèrent quelques secondes. Le mage cria. Ils se posèrent sans dommage.

— Par ici!

Les trois compagnons s'engouffrèrent dans une fenêtre ouverte.

***

Les trois fuyards reprenaient leur souffle dans une petite ruelle mal éclairée de Stannarg. Des patrouilles d'Alzebal continuaient de rôder dans les environs.

Arcis demanda à Sinfen.

— Qui est mort?

— Beaucoup de nos sentinelles, quelques Noxis mais la plupart n'étaient pas là.

— Arshard?

— Il n'était pas là.

Sinfen toussa.

— Comment ont ils trouvé notre quartier général?

Arcis serra les dents et les poings.

—  Je ne vois qu'une personne. Grys. C'est de ma faute. Ce salopard nous a trahi. Papa avait raison.

Il faut que l'on trouve un nouvel endroit de ralliement.

— Un lieu où personne ne viendra nous chercher. Le Mont Noir. 

— Une place maudite!

— Sinfen mon ami, j'ai passé une partie de mon enfance là-bas et je t'assure qu'il n'y a rien de maudit dans ce lieu. 

— Iria tu vas le guider jusqu'au Mont noir. Je vais chercher mon père et cette ordure de Grys.

Non c'est moi qui vais chercher Loup et nous ne sommes pas sûr que ce soit Grys.

Arcis pouffa.

— Oui bien sûr, c'est peut-être toi Iria? Ou Sinfen peut-être?

Tu arrêtes ça Arcis. Nous ne sommes pas sûr. Je te trouve bien prompt à accuser Grys alors que tu étais le premier à vouloir le garder en vie. Je comprends que tu sentes coupable mais là tu perds le contrôle.

— Tu...

Le regard de la jeune femme le dissuada de continuer sa phrase et d'insister. Il se résigna.

— Fais attention à toi.

Iria lui fit un clin d'oeil et Arcis posa une main sur le dos de Sinfen.

— En route mon ami! Et on ne traîne pas en route! Nous avons deux jours de marche.

— Nous n'avons rien à manger.

— Et bien nous chasserons.

Il regarda Sinfen et rectifia.

— Je chasserai.

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