1ère Crue

Je me fous que toutes mes culottes soient roses, après cette machine, fatale. Je me fous que ma voiture soit sale, et cabossée. Je me fous d'avoir l'air fatiguée, avec des cernes et des cheveux mal peignés. Je me fous qu'il y ai des saletés sur ma gazinière. Et je dis saletés pour être polie. Je me fous du crâmé, du faim, du froid, de la terre sur mon sol. 

Mais. Je ne me fous pas. Des bruits qu'il y a autour de moi. Des mots, des phrases, des images, que je laisse entrer à l'interieur. Par les oreilles et par les yeux. Je ne me fous pas. Des regards que je croise. Et j'en croise beaucoup, tous les jours. Même en voiture je regarde dans les yeux des gens. Juste pour voir si ça fait quelque chose. 
Je ne me fous pas. De ce que je mange, et de combien je mange. De ce que je bois, et de comment je bois. Je ne me fous pas. Des couchers de soleil. Et des étoiles dans la nuit, immense. De l'herbe qui commence à repousser aux endroits où j'ai coupé l'herbe haute. Je ne me fous pas de moi. 

Ou du moins j'essaye. Je me le répète souvent. Arrête de te foutre de toi-même. Y a pas de raison que tu prennes soin de tout sauf de toi. Donc j'ai lavé mes draps. J'ai honte de le dire mais ça faisait deux mois que je l'avais pas fait. Deux mois que j'étais la seule à dormir dedans, donc je voyais pas trop l'intérêt. 
Je fais le ménage chez moi seulement avant que mes ami.es viennent diner. Sinon je le fais pas. Je me lave seulement pour pas avoir l'air trop sale. Et après je me rends compte que c'est quand même vachement agréable. 
Je me fous de tout, sauf de moi. C'est donc ça, que le monde voudrait que je sois. J'y arrive pas. Penser d'abord à soi. Prendre d'abord soin de soi. Ou d'abord soin du reste. Dans quel ordre. Dans quel monde. Et mes culottes qui sont toute roses. Et puis merde.