💍 2. A la solitude accompagnée 💍

Un dernier regard dans le miroir. Une dernière retouche et un dernier soupire.

- Est-ce vrai que tu vas au bal ce soir ? demanda une voix en arrivant précipitamment dans la chambre

- Ambre, combien de fois t’ai-je déjà dit de frapper avant d’entrée ? Et oui, je vais au bal ce soir.

- Tu crois que je peux venir avec toi ? J’ai envie de sortir ! Thomas me rends folle.

- Crois-moi, si je pouvais j’échangerais volontiers nos places. Tu irais à ce stupide bal et moi je resterais là à surveiller notre idiot de frère.

- Pourquoi tu n’aimes pas les bals ? Il y a tout pour s’amuser là-bas.

Il y avait fort à parier que la jeune Ambre et son imagination débordante idéalise un peu trop ce genre de soirées, mais n’était-ce pas le cas de la majorité des jeunes filles s’attendant, en s’y rendant, à passer la meilleure soirée de leur vie ? Peut-être même en étant escortée sur le chemin du retour par leur brave cavalier. Malheureusement, la réalité fut toute autre. Les bals étaient comparables à des coupe gorges. Chaque cercle bien restreint calomniait son voisin en essayant de trouver le petit élément gênant à dévoiler sur autrui. Il n’y avait que rumeurs et bassesses d’esprit. Vantardise et combat d’égocentrisme. Tout ce qui déplaisait et horripilait au plus profond Joséphine qui, à chaque soirée, se retrouve isolée.

- Dans deux ans tu seras en mesure d’aller aux bals dont tu rêves tant. Cela te laisse le temps de travailler certains petits défauts, souleva l’aînée en souriant à sa cadette.

- Madame Florand dit que je danse avec merveille.

- Les yeux de Madame Florand sont bien fatigués si elle commence à te complimenter.

Lui tirant la langue, la cadette quitte la pièce, vexée sous la remarque taquine. Joséphine le sait, si Ambre n’est pas en mesure de se défendre convenablement contre ses petites piques lancées ici et là, alors elle ne risque pas de survivre une fois là-bas. Il y aura bien une fille ou deux pour venir la titiller et dont elle devra apprendre à se débarrasser seule sans perdre la face.

Parce que c’est ainsi que cela marche : Une joute de mots jusqu’aux premières larmes.

- J’ai le visage d’un condamné, siffle-t-elle en se regardant une ultime fois avant de quitter la maison sous le regard satisfait de son père.

Montant dans la voiture, Joséphine fit cap jusqu’à la demeure, située non loin de chez elle, de la Comtesse Haven. Partie relativement tôt de chez elle, la jeune femme fut surprise de constater la queue de voitures attendant patiemment de déposer au pas du hall d’entrée chaque invité. Voilà une soirée où toute la société mondaine a décidée de se retrouver, mais pouvait-elle attendre autre chose qu’un élan de curiosité quand on sait en quel honneur ce bal est-il porté ? Elle ne devait pas être la seule à s’interroger sur le retour du Duc Varsox et il est fort parié que chaque jeune fille bonne à marier va ce soir tenter sa chance auprès de l’homme tant convoité.

Descendant de la voiture, Joséphine se glisse parmi la foule tandis que certaines personnes la salue. Elle n’est que fille de Baron et pourtant sa réputation n’est plus à faire. Certains furent même étonnés. Joséphine Conquérant a donc elle aussi succombé à la curiosité ? Elle qui, jusqu’à présent n’était en rien motivée, se retrouve au milieu des invités.

- Joséphine ! Quel bonheur de te voir ici ce soir ! s’écrit une voix se frayant un passage en bousculant quelques gentils jeunes gens.

- Tania, souffla alors la principale intéressée

Tania Reed, fille du Marquis Reed, était ce que l’on pouvait appeler une épine dans le pied. Non pas qu’elle ait mauvais fond, mais elle n’avait pas réellement bonne réputation. Bien des rumeurs couraient sur elle et sur ses étranges fréquentations.

Elle était aux antipodes de Joséphine. Un petit démon.

- Je ne savais pas que tu venais, si je l’avais su plutôt, j’aurais demandé à ce que l’on fasse voiture commune. Ainsi, nous aurions pu profiter du trajet pour papoter.

- C’est gentil, mais je ne voulais pas te déranger et puis je n’étais moi-même pas convaincue de venir.

- Puis-je te demander ce qui t’as fait changer d’avis ? La curiosité ? L’envie d’en apprendre plus sur le principal invité ou comme toutes ces délirantes demoiselles tu vas essayer de mettre la main dessus ? Après tout, tu es, il me semble, la seule a n’avoir aucune fréquentation du sexe opposé.

- Disons simplement que je suis venue prendre l’air. Il paraîtrait que les jardins de la Comtesse sont de toute beauté.

- Oh voyons Joséphine, pas à moi ! Que veux-tu voir alors qu’il fait nuit noire dehors ? Ne sois pas gênée, vas-y dis-moi la vérité.

Voilà ce qui déplaisait tant à la jeune fille. Cette sensation de se faire interroger constamment. Tania avait cette manie de tirer les vers du nez à chaque personne pour obtenir ce qu’elle voulait. Malheureusement pour elle, la fille Conquérant était une adversaire ne se laissant que rarement faire.

- Suis-je obligée d’être comme toutes ces autres en me rendant ici dans le seul but de me trouver un parti avant minuit ? siffla-t-elle agacée.

- Bien évidemment que non, mais toi qui ne sors pratiquement jamais sauf obligation, te voir ici me laisse me poser des questions.

- Eh bien Tania, peut-être auras-tu ta réponse en fin de soirée en voyant que je n’ai strictement rien fait si ce n’est profité du buffet. Maintenant, tu m’excuseras, mais je vais essayer de me trouver un coin où me poser.

Quittant les côtés de cet étrange personnage qu’est Tania Reed, Joséphine se faufila jusqu’à réussir à entrer dans la salle de réception où convives et domestiques étaient déjà réunis. La musique couvrait les discussions et à peine avait-elle franchis les portes de ladite pièce que certains regards se posèrent déjà sur elle. Voilà ce qu’elle tenait à éviter. Cette sensation d’être épiée, espionnée, où tous ses faits et gestes seraient traqués, analysés et discutés. Elle n’a jamais été à l’aise avec ce monde-là. Le monde superficiel des plus riches. Sa famille n’en faisait pas partie, mais son père portait bel et bien un titre qui lui reviendra. Chaque enfant n’a jamais manqué de rien et dès qu’il fut question de dépense, tout fut calculé d’avance. Ainsi, elle en avait des robes et des bijoux à porter pour ce genre de soirées, mais rarement elle ne les montraient préférant sortir tissus et souliers lui apportant confort et sécurité si jamais elle avait besoin de s’enfuir de cette étouffante atmosphère en courant.

Alors que la soirée battait son plein, Joséphine et son verre de vin, quittèrent la salle de réception car visiblement, l’invité de la réception ne désirait guère se montrer. Deux heures que chacun attendait patiemment tandis que la Comtesse passa saluer tous ceux s’étant rendu jusqu’ici. Peut-être n’était-ce qu’un coup gigantesque de publicité pour relancer sa réputation qui jusqu’ici avait souffert depuis son récent divorce ?

Passant sur le balcon extérieur où il n’y avait pas un chat car personne n’osait s’absentait de la pièce principale au cas où le mystérieux Duc ferait son apparition, Joséphine grimpe sur la rambarde, enlève ses talons et se perds à regarder le ciel étoilé.

- Un jour viendra où je n’aurais pas à subir tout cela, dit-elle à haute voix.

- J’espère que ce jour ne tardera pas.

Surprise, elle bascule légèrement en avant, manquant de tomber avant de s’agripper.

Elle se pensait seule alors qui aurait pu arriver sans avoir réussi à attirer son attention ?

Détournant le regard, ce dernier se posa sur une silhouette masculine au costume sombre et aux broderies dorées.

- Mille excuses, je ne comptais pas vous faire peur, se précipita ce dernier pour l’aider

- Je n’ai nullement eu peur, mais j’aurai préféré ne pas être prise la main dans le sac à déclarer mes pensées, dit-elle alors

- N’êtes-vous pas satisfaite par la soirée ? l’interroge-t-il en lui tendant son verre

- Disons que je n’ai que faire de festivités célébrant un absent.

- Oh, vous êtes venue pour le Duc de Varsox ? J’ai ouïe dire qu’il aimait se faire désirer.

- Il y a une différence entre aimer faire attendre et l’impolitesse d’être absent alors que des gens se sont donnés la peine de venir le saluer, siffla Joséphine en dévisageant son interlocuteur.

- Effectivement, cela est bien impoli, mais il me semble qu’il a passé beaucoup de temps à l’étranger, peut-être n’est-il plus accommodé aux uses et coutumes ?

- Essayez-vous de le défendre ?

- Non et vous ? Essayez-vous de l’accuser d’un quelconque crime ? Vous semblez bien amère à son sujet et pourtant vous ne l’avez jamais rencontré.

Il avait raison. D’une façon ou d’une autre Joséphine déversait sa frustration accumulée sur une personne qui ne lui avait strictement rien fait.

- Il est vrai, avoua-t-elle en soupirant un instant en tentant de reprendre ses esprits, Je n’ai jamais rencontré le Duc. Néanmoins si j’avais su qu’il serait aux abonnés absents, je ne serais pas venue.

- Puis-je vous demander la raison ? Toutes les jeunes filles adorent ce genre de soirée. La musique est plaisante, le buffet est bon, les invités ont l’air charmant. Il y a tous les ingrédients pour s’amuser.

- Peut-être que l’amusement pour vous, Monsieur, se définit à cela, mais ce n’est pas mon cas. La musique ne cache que les commérages de gens venus faire étalage de leur dernier potin durement acquit, le buffet couvre à peine l’appétit vorace que certains nobles ont alors ils se réfugient dans l’alcool leur donnant un comportement tout à fait déplaisant et les invités ne sont là que par curiosité. Aucun n’est venu ici s’amuser.

- Vous avez une façon effroyable de décrire les choses, rigole-t-il. En outre, étant donné que vous avez vous-même un verre, je peux imaginer que vous faites partie de ces gens ayant un comportement inapproprié ?

Alors qu’il la regarde visiblement amusé en pointant son verre posée à ses côtés du doigt, Joséphine ne peut s’empêcher de saisir ce dernier et d’en vider le contenu d’une traite sous son regard étonné.

- Effectivement, je vous prierais donc, Monsieur, de bien vouloir me laisser seule à présent !

- Il serait fort dangereux de laisser une demoiselle, seule jouant avec la gravité surtout quand cette dernière a un verre dans le nez.

- Allez vous rester ici durant toute la soirée ? soupira-t-elle en espérant se débarrasser de cet individu gênant.

Des hommes, elle en avait croisé toute sa vie et elle savait pertinemment que ces derniers aimaient faire étalage de certains de leurs talents ou de leurs charmes mais peu avaient réussis à tenir tête à son tempérament. Il suffisait qu’elle les fusille du regard ou soit légèrement renfermée pour que ces derniers comprennent et s’en aillent. Malheureusement, il paraît que ce soir elle ait déniché un cas exceptionnel.

- Certes, je pourrais m’en aller et vous laisser, l’informe-t-il, mais j’étais ici le premier.

- Cela m’étonnerait, je n’ai vue personne quand je me suis installée, répond-t-elle alors.

- C’est que vous n’avez pas bien regardé, continue le jeune homme sur sa lancée en voyant son regard agacé

- J’ai parfaitement regardé !

- Même en ayant bu ?

- Il me faut plus qu’un verre pour que je ne puisse pas reconnaître mes alentours.

- A la bonne heure ! rit-il sous son nez , Donc nous pouvons passer notre soirée ici, tous les deux en profitant d’une bonne bouteille ?

Il s’écarte soudainement et attrape une bouteille de vin, jusqu’ici dissimulée derrière un pot de fleurs.

- Je ne suis pas certaine que la Comtesse soit ravie d’apprendre que nous dilapidons sa cave en cachette, lance Joséphine en tendant son verre à son interlocuteur inconnu

- Tout à fait entre nous, je ne suis pas certain qu’elle y prête grande attention. Elle a l’air occupée avec tous ses invités mécontents.

- Cela a l’air de vous amuser ?

- Il faut bien avouer que j’y prends un certain plaisir. Peut-être ne devrais-je pas, mais c’est tout simplement plus fort que moi.

- N’aimez-vous pas la Comtesse ?

- Si je devais choisir entre cet excellent bordeaux et la Comtesse, je choisirais la bouteille sans hésiter. Et vous alors ?

- Si je devais choisir entre un noble à l’égo trop grand pour se montrer et les petits canapés forts appétissants, je choisirais de satisfaire mon palais.

Un éclat de rire partagé tandis que les voilà trinquant au clair de lune, bercés par les notes s’échappant de la salle de réception et venant s’infiltrer jusqu’au balcon.

- Par pur curiosité, reprit l’illustre inconnu, que lui diriez-vous au Duc si vous aviez l’occasion de le croiser ?

- Je n’en ai pas la moindre idée à dire vrai. Je crois même que je ne lui parlerais jamais, affirme-t-elle en pouffant

- Pourquoi cela ? N’aimez-vous pas vous faire de nouveaux amis ?

- Pour commencer, je n’ai pas vraiment d’amis car je tiens en horreur ces soirées et ensuite, je n’ai aucune intention d’avoir dans ma liste de connaissance un homme pareil. Je connais la réputation qu’on lui donne.

- Donc vous êtes plutôt du genre à juger un livre par sa couverture ?

- Disons plutôt que certaines histoires sont dangereuses à lire.

- Pourquoi donc ?

- Parce qu’elles peuvent vous donner des idées.

- Est-ce si mal ?

- J’aime ma vie comme elle est. Ma routine. Mes habitudes.

- Dit la fille qui soupirer en avoir marre il n’y a pas si longtemps.

- Avez-vous pour habitude de retenir tout ce que vous entendez ?

- Uniquement quand je cherche à m’occuper et je dois dire que jusqu’ici...J’ai trouvé une excellente occupation !

Trinquant une énième fois, il ne leur fallut pas moins d’une bonne demie-heure pour faire un sort à la bouteille avant d’en chiper une deuxième. Enchaînant les verres et les discussions, Joséphine se surprit à être amusée par l’échange qu’elle entretenait alors qu’elle n’avait pas la moindre idée de l’identité de la personne avec laquelle elle discutait depuis bientôt près de deux heures.

- Alors ? Vous n’allez pas me dire que vous n’avez pas passer une belle soirée jusqu’à présent ? lui demande-t-il en finissant son verre tandis que Joséphine, les yeux à moitié clos, le regardait à peine, concentrée à ne pas finir les fesses à même le sol.

- Je dois reconnaître que vous êtes légèrement charmant, répondit cette dernière en continuant à piquer du nez.

- «Légèrement» ? Me voilà vexé.

- Vous en faut-il si peu ?

- Habituellement non, mais venant de vous et après tout ce que nous avons pu nous dire, ma fierté est heurtée.

- Tant mieux.

Riant à gorge déployée et titubant, il ne lui fallut qu’un faux mouvement pour se retrouver contre la baie vitrée n’ayant même pas pris la peine de lâcher son verre.

- Je crois qu’il serait temps de rentrer. Quelle voiture est la vôtre que je demande à la faire préparer ?

A peine consciente de la question qui venait de lui être posée, cette dernière s’endort paisiblement, un sourire aux lèvres en se disant qu’il n’y a qu’un rêve qui aurait pu d’une compagnie aussi plaisante.

Et tout le monde sait que les rêves disparaissent au lendemain matin.

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DB18
Posté le 09/04/2021
Wow super chapitre! C'est extrêmement prenant! Ce mystérieux inconnu me fait un peu penser à Owen dans sa manière d'être!
C'est très intéressant la manière dont tu analyses ces soirées mondaines, parce que on idéalise les bals du XIXe siècle en rêvant d'y avoir été alors quen réalité c'était surtout ça qui s'y passait: des messes basses, de l'hypocrisie...
ManonSeguin
Posté le 11/04/2021
J'avoue qu'au début il me faisait aussi un peu penser à Owen quand j'ai commencé à écrire avec lui...Mais il a un petit truc en plus, mais je te laisse découvrir tout ça :)
Et je suis ravie que ma manière de présenter les choses te plaisent ^^ J'espère que ça sera le cas de l'histoire dans sa plus grosse globalité !
Zephililoute
Posté le 23/01/2021
J'aime beaucoup ce chapitre, c'est un beau rapprochement entre ces deux-là. Il arrive tôt, mais je le trouve très bien amené !
J'aime ce moment d'échange et de confession entre eux.

Par ailleurs, j'aime beaucoup le décalage de Joséphine par rapport aux autres. Il est un peu perturbant pour moi, parce que je n'ai pas l'habitude d'un personnage aussi décalée en perso principal, mais j'aime beaucoup !
ManonSeguin
Posté le 24/01/2021
Ah bah si Joséphine vient perturber quelques habitudes, je suis plutôt satisfaite :D
HarleyAWarren
Posté le 19/01/2021
Quelle complicité entre ces deux-là ! En un seul dialogue, on sent déjà une alchimie qui nait, entre les taquineries et les petites piques glissées comme si de rien n'était. Ces deux-là sont faits pour s'entendre, c'est certain. En tout cas, moi, je file lire la suite :D
ManonSeguin
Posté le 19/01/2021
:D Ouiiii au début j'étais hésitante en me disant "C'est un peu rapide non?" après je me suis dis "Pourquoi pas ? Deux âmes seules qui cherchent à passer leur soirée, ça le fait" ! :D
Alison CXC
Posté le 17/01/2021
Ah Manon... Comment t'expliquer que je finis ce chapitre avec un énorme sourire aux lèvres ! J'adore cette dynamique que tu sais retranscrire à travers tes dialogues. D'ailleurs, la lecture est toujours aussi fluide et agréable, alors merci ^^

On attend la suite maintenant :D
ManonSeguin
Posté le 18/01/2021
Eh bien maintenant que tu me connaitras pour mes histoires niaises et romantiques <3 Celles qui font sourire au bout de deux chapitres à peine ahaha ! Promis la suite arrive très vite ! <3
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