20/02/2025 – Dans les cartons jamais défaits

Par Apès

Je fouille, j’observe, je respire, je m’interroge et je découvre comme à chaque fois cette chambre chez mes parents. Ici tout semble figé dans le temps, même la poussière n’ose pas entacher ce décor. Je pars, pendant des siècles, et en revenant, ma chambre est la même. Je sais qu’un jour elle disparaîtra mais aujourd’hui elle est inaltérable. Je parcours l’étage à la recherche de souvenirs oubliés, ces reliques du passé qui me rappellent que j’ai vécu. Mais ces reliques semblent avoir pris congé, seuls les murs demeurent, témoins de scènes à jamais oubliées.

Rien ne change, ni dedans, ni dehors.

À travers ma fenêtre se trouve toujours ce jardin impersonnel dont nos voisins sont si fiers. Ce que je reconnais à cette parcelle de terre, c’est son olivier, qui à lui seul donne vie à cette mascarade et la sauve du maussade. Rien n’a changé ici, et pourtant nos vies avancent et nous sculptent chaque jour en de nouveaux personnages.

C’est une étrange sensation que de se sentir étranger à un quotidien passé. Il y’a comme une posture de sagesse que je revêts. Je regarde tendrement mes jeunes années défilées, et je me vois trébucher, pleurer, lutter, aimer, tout en ressentant la distance de l’absence.

Je sens au fond de moi que cette maison ce n’est plus chez moi, que ce n’est plus l’adresse que je mettrais pour recevoir mes colis, celle que j’ai rempli sur ma fiche d’imposition. Non je suis parti, je ne suis aujourd’hui qu’un invité de mon passé.

À vrai dire, je sens que cette chambre attend mon nouveau départ. Je sens que cette chambre vibre d’excitation à l’idée de me voir partir et vivre le nouveau. Ces murs qui sont garants de mon passé me rassurent et me murmurent que je peux partir, qu’il n’y a pas de raisons de me retenir, que ce morceau qui m’empêchait de résonner avec la vie, je ne l’avais jamais perdu, j’avais juste arrêté d’écouter.

C’est dans les cartons jamais défaits dans le coin de ma chambre, et les affaires entassées sous mon lit que je vois le départ. Cette chambre mérite mieux que le statut de débarras. Oui, un jour je les emporterai ces cartons, je rendrai mon lit à la communauté et ces murs à la nouveauté. Pour un étranger, ses murs seront blancs, mais pour moi ils seront à jamais drapés des milles et unes couleurs qui émanent de mon cœur.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Abbiry regorger
Posté le 21/02/2025
Bonjour, Ce texte me touche particulièrement. Cette chambre que l'on ne verra plus et que d'autres vont s'approprier. Le passé nous construit et nous déconstruit. Très beau texte qui mélange énormément de sentiments. Bravo
Apès
Posté le 21/02/2025
Bonjour, c'est un plaisir d'avoir pu vous offrir cette vision !

Merci pour vos mots !
Justine H
Posté le 20/02/2025
Bonjour ! Très belle plume, on ressent toutes les émotions, la tristesse est palpable, et la création de l’atmosphère est incroyable, vraiment très joli texte 😁
Apès
Posté le 20/02/2025
Merci beaucoup !!

C'est vrai que ce texte porte des teintes de tristesses, mais aussi beaucoup d'attentes pour l'avenir. C'est un peu un point de départ, avec les abandons que cela sous-entend !
Portequigrince
Posté le 20/02/2025
Bonjour,
Ce que ton texte est beau! Il décrit avec simplicité mais précision ce que je ressens aussi, dans cette chambre. Ralala la nostalgie! Cette marrant d'ailleurs de ce dire que nous ne venons pas du tout du même lieu ou de la même vie mais que ce sentiment est identique!
Merci pour ce texte!
Apès
Posté le 20/02/2025
Ton commentaire me touche énormément, c'est exactement ce que j'espérais en publiant mes textes pour le première fois, mettre en avant la part de commun dans toutes nos vies (dé)connectées !!

Merci beaucoup, ça me motive haha
Vous lisez