Lielyne en avait marre de toujours surveiller le ciel. Rien ne s’y passait jamais. Il était vraiment injuste que ce soit toujours elle qui se retrouve collée à ce poste. Mais elle n'avait pas le choix. Elle était la seule à posséder un don comme le sien. Elle avait dessiné des petites étoiles un peu partout dans Arkeide et une dernière sur sa main, mais incomplète. Lorsqu'elle voudrait signaler un danger aux autres Scribes, elle n'aurait qu'à terminer la petite étoile sur sa main et tous les autres dessins s'enflammeraient.
La petite fille restait donc pendant des journées entières à regarder par la fenêtre, tout en haut d’un gigantesque immeuble. Après les pemières heures, elle s’amusait à jeter des petits objets dans le vide. Elle les voyait tomber et disparaître dans les méandres d’Arkeide. Ne pas voir le sol lui donnait un peu le vertige, ce qu'elle trouvait assez agréable. Mais au bout d’un moment, elle finissait quand-même par s’ennuyer. Ce jour là, elle décida de graver son nom dans le bois, à l’aide d’un petit couteau trouvé dans le tiroir d’un bureau. Elle enfonça la lame dans le bois et tenta de la faire glisser pour écrire un «L».
- Oh ! fit une voix.
Qui avait bien pu prononcer un «oh» devant elle, alors qu'elle se trouvait à trente mètres de hauteur ? Lielyne leva la tête. Un Ange. Il flottait devant elle.
Oristan ne savait pas quoi faire. Il avait tellement peur que ses molécules se mirent à trembler. Il espérait ne rien voir, ne rien trouver et revenir bredouille. C’était la meilleure chose qu’il pouvait leur arriver à Arkeide. Mais il avait trouvé une fillette au dernier étage d’un immeuble. Une fillette blonde recouverte de tatouages. Etait-ce donc une Scribe ? Des Scribes avaient-ils rejoint les Résistanges ? Oristan prépara ses molécules pour envoyer un message d'alerte.
Lielyne lança le signal.
Oristan lança le signal.
Lorsque les dessins de Lielyne s’enflammèrent, tous les enfants des environs se regroupèrent, leurs bâtons d’encre en main. Ils avaient un avantage sur les Anges, c’est qu’ils étaient cachés dans les immeubles. En revanche, les Anges étaient très nombreux. Et les Scribes peinaient à enchaîner leurs coups magiques. Ils étaient beaucoup plus lents que leurs ennemis.
Les coups les plus efficaces étaient ceux qui blessaient. Certains Scribes n’avaient qu’a se dessiner un longue bande d’encre sur le corps pour que leurs ennemis arborent une plaie au même endroit. Plusieurs Anges virent ainsi de gigantesque coupures s’ouvrir dans leurs corps, sans comprendre pourquoi. D’autres Scribes pouvaient dessiner de petits signes qui faisaient perdre connaissance à toute personne qui les voyait. Ils les dessinaient sur une de leurs mains et la présentaient aux Anges qui s’évanouissaient instantanément et chutaient dans les ruines d’Arkeide. D’autres encore pouvaient créer des leurres en dessinant deux petits pentacles. Ils se mettaient dans l’un d’entre eux et leur hologramme apparaissait dans l’autre, afin que les Anges se trompent de cible. Et finalement, il y avait ceux qui soignaient. Ils entouraient les blessures de leurs amis pour qu’elles guérissent toute seules.
Les Anges étaient morts de peur, face à cette magie qu’ils ne connaissaient pas. Ils ignoraient que de simples petits dessins pouvaient être mortels. Ils envisagèrent tout d'abord de détruire les immeubles dans lesquels se trouvaient leurs ennemis, mais cela signifiait détruire tous les quartiers autour d'Arkeide. Les principales tactiques que les magiciens mirent en place furent donc l’étranglement et les coups, qu'ils infligeaient avec leurs molécules. Heureusement pour eux, les Scribes étaient tous des enfants qui n’avaient pas encore des corps très résistants. Les Anges prirent le dessus de la bataille. Les résistants n’étaient pas si résistants que ça finalement. Les Anges de la Tour finirent par reprendre espoir.
Grave erreur, car soudain, une énorme douleur irradia leurs corps. Mais heureusement pour eux, il n’eurent pas à la supporter longtemps, car ils mouraient à la seconde.
Les Anges tombaient tous, sans que les petits Scribes ne comprennent pourquoi. De la lumière bleue sortait de leurs yeux, de leur nez et de leur bouche. Et ils tombaient. Les enfants n’avaient jamais vu une mort aussi terrible, et jamais de si près. Pourquoi explosaient-ils ? Lorsque le dernier Ange tomba, les enfants encore valides le suivirent du regard. Ses longs cheveux noirs prolongèrent sa chute.
Des bruits de pas. Les Scribes tournèrent la tête, mais n’osèrent pas bouger d'un pouce. Le Perce-Magie était sorti de sa cachette. A trois pas du vide, il admirait son œuvre.
May’ké sonde les environs.
Tous les Anges sont en bas. Et ils sont en train de mourir. Il sent aussi Abeln qui s'occupe des corps.
Il sonde toute la magie scripturale autour de lui.
Y a aussi des Scribes qui sont mourants.
Leur magie est là, ils sont pas encore morts. Mais elle fait des drôles de vibrations.
Le Perce-Magie s’approche de l’enfant le plus proche de lui. Un anneau de magie l’étrangle encore. Il étouffe.
Il tardera pas à mourir.
May’ké sort une petite machine et la dépose à côté de l’anneau de magie. Il l’active. Elle fait des mouvements à l’intérieur d’elle même. Elle imite les organes des Anges, ceux qui donnent des ordres aux molécules.
La magie a compris le message. Elle se retire. Elle s’écarte du cou de l’enfant et entre dans la petite boîte. Le Perce-Magie ordonne aux autres enfants de lui tenir la tête en arrière jusqu’à ce qu’il respire normalement.
Et il répète la manœuvre pour trente-quatre enfants.
- Mon prince ! Alyz ! hurla un enfant, nous avons été attaqués !
Alyz s’immobilisa, une bouilloire à la main. Le prince figea son sourire, attendant la suite du discours
- C’était des Anges, y en avait des centaines ! expliqua le petit garçon essoufflé.
- Que l’on prévienne Terels, ordonna le prince, il faut leur faire face.
- Y a plus d’Anges, le Perce-Magie, il les a tous tués… Mais on a des blessés...
Alyz et le prince n’attendirent pas. Ils se lancèrent dans une course effrénée et suivirent l’enfant. Les Anges avaient été redoutables. Presque tous les petits Scribes avaient été touchés. Heureusement, le prince leur avait à tous enseigné quelques notions de premiers soins et finalement, ils n’eurent pas beaucoup de pertes. Un dizaine de morts et une trentaine de blessés. En revanche, Alyz fut étonnée que les enfants qui avaient été étranglés soient tous sains et saufs. Ils portaient encore les traces de molécules sur leurs cous, mais n’en souffraient plus.
- C’est le Perce-Magie qui est venu nous sauver, expliqua l’un des enfants.
Il était une fois la victoire des petits Scribes.
Il était une fois le Perce-Magie qui s’était transformé en héros.
Alyz était en proie à un gigantesque dilemme. Devait-elle oui ou non aller remercier le Perce-Magie pour son acte ? Après l'avoir accusé d'être dangereux pour le prince Arkaël, c'était la moindre des choses. Elle avait envie de le remercier, mais elle avait vraiment peur. Les prévisions d’Elkind signifiaient-elles qu’il était capable de la tuer ou plutôt qu’il pouvait nuire à la réussite de faire tomber la Tour ? Elle ne pouvait plus garder ces réflexions pour elle et décida d’en parler avec le prince Arkaël.
- Je vois. C’est pour la prédiction de l’Omnisciente que tu te méfies de lui, constata le jeune prince. Alyzana, ne t’arrête pas aux paroles farfelues d’une petite fille et laisse à cet homme la possibilité de faire ses preuves.
Ce fut ainsi qu'Alyz prit sa décision. Le prince avait raison. C’était en le rejetant que le Perce-Magie deviendrait malveillant. Et elle ne ferait pas cette erreur.
Il était une fois Alyz qui avait décidé d'ignorer la prédiction de l'Omnisciente et d’accepter le Perce-Magie.