23. Rails de sel

Aymée dormit comme une souche pendant le reste de la traversée. Ses nuits se prolongeaient sur quatorze, quinze, seize heures. Déliée de la toile, elle errait dans le monde physique pendant ses heures de veille avec un étonnement palpable. Elle n’avait jamais vu les mailles du filet, contrairement à Diane. Pourtant, maintenant qu’elle n’y était plus connectée, elle sentait un vide immense, un silence étrange. La mer ne l’ennuyait jamais. Elle ouvrait ses bras autour d’elle comme une mouette au-dessus des flots et se laissait porter, avec le vent sur son visage.

Les matelots se maintenaient loin d’elle mais leur méfiance s’estompait au fil des nuits calmes. Ils cessèrent de lui jeter des regards désapprobateurs et lui déposèrent même anonymement du pain de la veille avec un broc d’eau près de la caisse sur laquelle elle s’asseyait sur le pont. Peut-être avaient-ils compris à sa pâleur que sa maladie menaçait ses jours, et peut-être trouvaient-ils cela plus excusable maintenant qu’ils n’avaient plus à en subir les conséquences.

Si Merle était soulagé pour sa sœur, il n’en était pas moins nauséeux qu’avant. Il confectionnait sur son carnet des moyens de transport qui pourraient relier les Terres Éclairées sans jamais toucher l’eau. Il inventa un tunnel qui passerait au fond de l’océan, affubla les hordes de chevaux sauvages de réacteurs à hélices qui leur permettraient de s’envoler, imagina des magilés maintenir un chemin de glace sur l’eau pour le passage de traîneaux, et grommela contre les dragons qui refusaient de fournir un service qui étaient tout à fait à leur portée. Son imagination pouvait maintenir les relents acides loin pendant des heures : tant qu’il inventait, il était à l’abri. Dès qu’il terminait, il reprenait sa place au-dessus du seau, résigné et serein.

Chaque soir, comme ils ne pouvaient pas travailler, ils reprirent leur habitude d’enfance : ils se racontaient une histoire ensemble, une phrase chacun son tour. Aymée adorait en tisser de longues, qui déroulaient des détails improbables et absurdes qui la faisaient rire. Merle, au contraire, aimait les pointes efficaces qui changeaient complètement la direction du récit. L’un d’entre eux finissait par s’endormir, et l’autre ne tardait pas.

Ainsi, le trajet jusqu’à Ilyn leur parut bref et ensoleillé. La chaleur augmentait chaque solède, jusqu’à ce qu’Aymée renonce à ses moments dehors. Dans la cale, l’humidité était forte, mais les degrés étaient acceptables.

 

Ils se sentirent expulsés de l’œuf lorsqu’enfin la terre apparut. Alors qu’ils avaient craint ne jamais arriver, soudain Charlotte leur tendit leur malle, leurs papiers, un sourire et une main qu’ils serrèrent d’un air hébété, puis elle leur indiqua de descendre immédiatement de son navire. Les autres matelots se hâtaient de partir en ville, pour des excursions bien méritées. Le frère et la sœur, eux, restèrent sur le quai, assis sur un banc face à l’eau.

— Tu ne vas pas me croire, dit Merle d’un ton mi-amusé, mi-déconfit.

— T’as le mal de terre ? devina Aymée.

Ils rirent longtemps, secoués de ces éclats de lumière qui les soulageaient de toute la tension de la traversée. Ils étaient arrivés sur le bon continent, dans le bon pays, à quelques heures seulement de leur destination finale. Ils avaient quelques jours à passer à Arroyos pour les formalités d’immigration, et ensuite ils pourraient prendre le train jusqu’à la cure.

Sans le savoir, leur premier moment dans la capitale fut celui que Diane avait fait tant de fois elle aussi : ils regardèrent le coucher de soleil sur la jetée.

La ville se rafraîchit enfin. Ils s’étirèrent, acquiescèrent et se mirent en route vers leur auberge.

 

Les bras posés sur la rambarde, Aymée reniflait le sel, les épices, l’air chaud et humide du sud. Jamais elle n’avait baigné son visage dans un soleil si intense. Il ressemblait à un poupon en colère qui ne cesserait de crier en jetant ses poings en toutes directions. Une brise soufflait parfois, capricieuse et légère, puis repartait, et toute la population de la ville se languissait alors pour qu’elle revienne bientôt. Du haut du troisième étage, Aymée ne risquait rien à part les coups de soleil. Son frère lui avait laissé un onguent à l’aloe vera et au nopal qu’elle devait badigeonner sur son visage dès qu’elle trouvait sa peau un peu trop chaude ou un peu trop rose. Il lui avait également préparé des crudités, qu’elle grignotait sans s’en rendre compte, bien trop fascinée par le monde du dehors.

Elle avait essayé de se promener au réveil, mais très vite avait dû s’appuyer sur le bras de Merle. Le chemin du retour avait mis longtemps. Essoufflée, elle s’était traînée dans les rues qui lui semblaient soudain interminables et hautes.

— Ce n’est pas grave, avait-il dit, avec dans sa voix la nostalgie de la traversée, je visiterai depuis la fenêtre.

Elle était bien déterminée à tenir sa parole, désormais. Tandis que Merle accomplissait les démarches administratives pour eux deux, elle détaillait chaque passant. Les tenues étaient bien plus colorées que ce dont elle avait l’habitude : du rose fuchsia, du mauve crocus, du jaune canari, de l’ocre, du rouge coquelicot, du bleu saphir. Les tissus semblaient soyeux et légers : en coton et en soie, ils étaient fins et s’envolaient au moindre coup de vent. Hommes et femmes portaient robes ou jupes et secouaient des éventails aux divers motifs devant leur visage. Certains avaient également accroché leurs cheveux longs — une mode locale, déduisit-elle — avec des bâtons de nacre qui brillaient au soleil. Ils n’étaient pas les seuls à refléter la lumière : les bijoux se précipitaient autour des poignets, des oreilles, du cou, des doigts et des chevilles. De l’or, de l’argent, du cuivre, du jade, des saphirs, des rubis, ou bien des imitations très réussies — qu’ils soient vrais ou faux importait peu, visiblement ; ce qui comptait, c’était qu’on les voie de loin. Aymée scruta, bouche bée, les douzaines d’anneaux qu’une vieille femme portait aux oreilles. Les lobes et la peau autour du cartilage pendaient sous le poids, sans rien enlever à la dame de sa prestance. Elle repéra également un homme dont les deux sourcils étaient couverts de fines boucles en or.

Secouant la tête, la madéenne se dit que, vraiment, c’était comme un autre monde… ce qui faisait d’elle une exploratrice.

Elle siffla un air joyeux et leva le regard vers la mer, qui brillait à une dizaine de rues de là. L’auberge que leur avait recommandée Basile était située dans le quartier recommandable des Amandines. Ici, leur avait-il assuré, ils ne se feraient pas enguirlander par des criminels de bas étage ni par des bandes de jeunes étudiants bruyants. Comme ils venaient pour un motif de santé, avec la lettre qu’il avait rédigée pour eux envers l’administration, leurs frais d’hébergement seraient remboursés pour quatre nuits. Ils pouvaient donc se permettre un luxe étrange. Bien sûr, ils partageaient, comme toujours, une chambre, mais au moins elle était spacieuse, lumineuse, et donnait sur Jaän.

Aymée se pencha sur la gauche, intriguée malgré elle par des canaux peints en violet et noir. La foule s’y pressait avec une impatience étrange, communicative. Ils étaient trop loin pour qu’elle distingue leurs visages ou leurs menus mouvements, mais en revanche elle voyait bien les flèches lumineuses qui essayaient d’attirer les passants dans les établissements, ainsi que les racoleurs devant les portes. Elle n’avait pas besoin qu’on lui dise que c’était la Ceinture pour le deviner. Ça, c’était un quartier qu’elle aurait aimé visiter, mais bien sûr Merle n’accepterait jamais, et elle ne pouvait pas prendre le risque d’y aller seule et s’évanouir comme une gourde parmi des malfrats et des joueurs endettés. Elle se contentait donc de rêver à sa fenêtre des horreurs qui pouvaient bien s’y produire, et ça la ravissait. Ce qu’elle ne savait pas qu’elle avait les yeux rivés droit sur Merle.

 

En effet, hélas et très fâcheusement, le jeune canopéen s’était perdu dès qu’il avait mis un pied seul dehors. Tant qu’il avait soutenu Aymée, il avait fait attention à tout, depuis les panneaux jusqu’aux noms des enseignes : au rythme où elle allait, il pouvait se repérer à loisir. Lorsqu’il était reparti sans elle, cependant, il avait décidé de se presser pour ne pas la faire attendre trop longtemps. S’il lui arrivait quelque chose en son absence, il ne se le permettrait jamais. Basile avait beau recommander le quartier, Merle n’était pas convaincu par la sécurité qui régnait à Arroyos. Les casqués y étaient bien trop souriants et détendus, une limonade à la main, le visage bronzé et avenant. C’était louche.

Alors il avait filé à toute allure. Méfiant comme il était, il n’avait évidemment pas voulu demander son chemin, de peur qu’on le découvre touriste et qu’on lui fasse les poches. Il avait laissé le gros des économies restantes (une somme ridicule, soit dit en passant) à l’auberge mais il se baladait avec ce qui était bien plus précieux : les documents qui prouvaient leur légitimité à s’aventurer à l’intérieur des terres. Si les marnés étaient poussés de force à reprendre le train d’où ils étaient venus, les étrangers au contraire n’étaient pas du tout encouragés à s’y perdre : eux devaient dépenser tout leur argent dans la capitale puis repartir aussi sec du côté de l’océan. C’était un ménage simple et strict, assurant que la ville soit visitée, utilisée, investie, arrosée, puis vidée. Au moins, ça mettait tous les résidents natifs d’accord : qu’on soit haut fonctionnaire ou tenancier de boutique, on préférait rester entre soi — du moins, la Couronne prétendait qu’une unité parfaite était atteinte, une entente harmonieuse.

Merle ne trouvait aucune harmonie dans les canaux sinueux d’Arroyos. Il avait eu envie d’aimer cette ville, de la trouver aussi belle que dans les livres, mais il s’avoua au bout d’une demi-journée qu’il la haïssait. Il détestait sa chaleur absurde, ses foules compactes, les gens louches qui vous passaient tout près avec des mains baladeuses, les touristes qui vidaient leur bourse d’un air béat à la moindre occasion, les vendeurs et racoleurs qui le cajolaient pour qu’il s’approche puis le fustigeaient lorsqu’il passait son chemin. Il détestait le chaos de ses pavés et des façades colorées, la calligraphie illisible sur les panneaux, les canaux qui semblaient adorer faire des boucles, les interminables marches qui menaient à des ponts puis en redescendaient, pour atterrir sur une placette identique à celle de trois îlots auparavant. Il eut envie de s’accrocher au bras de quelqu’un, lui aussi, comme Aymée l’avait fait avec lui, et de renoncer tout à fait, mais il n’y avait personne d’autre dans la chaîne. Il n’y avait jamais eu personne d’autre.

Plutôt que de ralentir et observer, Merle eut le réflexe de beaucoup de personnes qui ont chaud et paniquent : il accéléra. Il fonçait dans les ruelles, bousculait les inconnus sur son chemin, aboyait aux boutiquiers qu’il n’était pas intéressé du tout. « Première solède ici et je perds déjà la boussole, pensa-t-il. Je me demande comment Diane a fait pour vivre ici pendant des voltes. » Sa forêt lui manquait. Les cabanes lui manquaient. Le civisme de deux personnes par passerelle lui manquait. Le bruit du vent dans les feuilles d’arbre lui manquait.

De canal en canal, il tomba donc en plein dans la Ceinture. Il ne le comprit pas tout de suite, bien que les signes fussent évidents. Ce ne fut pas au premier danseur couvert de plumes qui remua sa cheville sous son nez, ni à la troupe qui faisait des paris autour d’un duel de serpents. Non, ce qui le fit percuter, ce fut la troupe de colporteurs qui déblatérait les dernières nouvelles devant une terrasse bondée. Ils utilisaient le même ton que les autres : flamboyant, théâtral, la voix poussée aux décibels les plus élevés, passant du caverneux au suraigu pour faire sursauter la foule. Ils se poussaient, dansaient, chantaient, grognaient, grondaient, bref utilisaient toutes les techniques habituelles pour soutenir l’attention de leur public. Ce qui distinguait cette troupe des quatre autres devant lesquelles Merle était déjà passé, c’était qu’ils étaient complètement, absolument et entièrement nus. Le canopéen était capable de faire abstraction de beaucoup de choses lorsqu’il avait un objectif en tête, mais cette fois il se figea et ouvrit de grands yeux.

De sa vie, il n’avait jamais vu quelqu’un de nu. Il n’en était pas fier mais il ne se morfondait pas non plus. Il avait accepté certains faits pragmatiques de son existence, comme celui que sa famille avait peu d’argent, qu’il partageait une chambre avec sa sœur, et que par conséquent, d’un point de vue de développement de la sexualité, sa vie était au point mort depuis l’enfance. Il aurait pu voir des corps ailleurs, en sortant au mauvais moment à la cabine de douche extérieure de la maison par exemple, mais ils avaient établi des horaires stricts et clairs, car ses parents étaient aussi pudiques qu’organisés. Ça aurait pu arriver à l’école, à l’hôpital, dans la forêt, à l’Alcôve. Sur un malentendu, oui, ça aurait pu arriver n’importe où. Le fait était pourtant là : ça n’était jamais arrivé.

Pour tout dire, n’ayant pas de grand miroir dans la demeure familiale, Merle ne s’était même jamais vu complètement nu lui-même.

Il resta donc tout à fait ébahi et pendant un temps considérable devant les colporteurs, n’entendant pas un mot de ce qu’ils racontaient, les yeux descendant et remontant avec une avidité et une panique équivalentes.

Les formes étaient fascinantes, tant d’un point de vue du désir que de l’artiste. Il s’imaginait les sculpter et c’était comme s’imaginer les tenir. Les ombres et lumières se déplaçaient à toute vitesse sur les muscles des uns et les bourrelets des autres, dansant sur les silhouettes, les façonnant.

Il ne sortit de sa transe que lorsqu’un homme lui donna un coup de coude et lui lança :

— Ce qu’on voudrait toucher sa paye pour mettre tout ce monde dans son lit, hein ? Surtout la petite à droite, là.

Merle jeta un regard horrifié à l’enfant dont il parlait, qui ne pouvait pas avoir plus de quatorze voltes, et sentit un frisson parcourir son échine à l’idée que d’autres adultes autour la regardaient de la même façon. Elle ne devrait pas se produire dans cette troupe ; sa place n’y était pas.

Il quitta à toute vitesse les lieux, avec le goût d’une faute partagée. Dans les autres rues de la Ceinture, il voyait soudain les regards aguicheurs et sentait l’air rance d’une misère commune, tant de ceux qui vendaient que de ceux qui achetaient. Plus il voulait s’enfuir de cette zone, plus il s’y retrouvait empêtré.

Il devait arrêter de courir. Il devait réfléchir.

Quelques grandes inspirations plus tard, il s’adressa à la tenancière d’une boutique haute en couleurs et fantaisie. Il lui demanda le chemin de l’Office Migratoire et obtint en retour des conseils sur comment augmenter sa virilité, car son aura était manifestement toute flétrie, « bien trop aquatique pour être tout à fait mâle ». Il la fixa avec l’air stupéfait de celui qu’on a giflé. Mâle ? Aquatique ?

Il obtint des réponses tout aussi hasardeuses de la part d’un trio de passants, qui faisaient sonner leur bourse en marchant et s’attiraient ainsi des caresses d’hommes et femmes peu vêtus.

Merle pensa fort à la forêt et à l’écorce des arbres, aux passerelles entre les troncs et aux familles d’écureuils. Il revit la rivière sinueuse parmi les fleurs, et soudain pensa : suivre l’eau, en ligne droite ; ne pas dévier. Ne pas dévier.

Il choisit un canal — peu importait lequel, puisque tous se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, comme un monstre géant qui pointait ses mille têtes avec des mâchoires carnassières — et le longea d’un pas décidé. Les gens sortaient de son passage tant ils le voyaient déterminé à fendre la foule, coûte que coûte.

Les bougies fleuries perdirent en puissance et furent remplacées par de l’encens envoûtant : il était arrivé au quartier des Salines. Il poussa un cri enthousiaste, qui fit sursauter une voyante.

— Vous avez gagné au jeu ? lui demanda-t-elle d’un ton ravi. Vous avez bien quelques sous pour votre futur, alors ?

— J’ai quelques sous pour la direction de l’Office Migratoire, répondit-il, grand seigneur soudain.

Elle fut manifestement réjouie de ne pas avoir à inventer des mensonges en fixant de l’eau bouillante et salée. Ses sinus étaient assez débouchés pour quinze générations et elle n’avait plus d’idée originale à raconter. En revanche, elle lui donna des instructions d’une précision interminable sur la route à prendre.

— Et donc là, quand vous verrez la bouchère, avec ses saucissons qui pendent — d’ailleurs, n’hésitez pas à en goûter, le premier morceau est gratuit, et si vous êtes gentil, le deuxième aussi —, vous prenez à droite. Ou à gauche. Je les confonds toujours. Vous prenez vers la mer, quoi. Vous suivez, jusque-là ?

Merle ne suivait rien du tout mais adorait ces explications. Leur innocence nettoyait un peu de la couche de gras qui s’était amoncelée sur lui dans la Ceinture. Il acquiesça, l’air de comprendre de quoi il s’agissait. Elle poursuivit donc :

— Bon, bon, et vous passerez devant le magasin de friandises le plus incontournable du pays. Évidemment, ce sont des septains, il n’y a qu’eux pour inventer des trucs pareils : dans toutes les formes, dans toutes les couleurs. Si vous avez le temps, vous pouvez m’en ramener, je les adore tous. Alors, une fois là-bas, vous savez qu’il ne vous reste plus que quelques rues, mais c’est là qu’il faut pas se tromper.

Merle fut secoué d’un rire joyeux, qui surprit la voyante. Elle continua néanmoins, bien décidée à aller au bout de sa mission. Lorsqu’il la paya en partant, il se dit que c’était l’argent le mieux dépensé de la volte.

 

— T’en as mis du temps, hier, bâilla Aymée dans le train.

Les adelphes avaient renoncé à profiter des quatre nuits gratuites à l’auberge. Au bout de la deuxième solède, Aymée avait appris par cœur l’apparence de chaque façade de la rue et reconnaissait même les boutiquiers et certains des clients. Quant à Merle, une fois qu’il avait obtenu les six signatures obligatoires pour voyager, il avait refusé de mettre un pied dehors. Il trouvait Arroyos définitivement détestable et cherchait même des moyens de ne pas avoir à y passer au retour.

À l’époque, il y a fort, fort longtemps, des bateaux circulaient sur la mer d’Islo, au détroit des Murnes. On disait qu’il y avait eu un isthme là, un pan de terre qui avait unifié le continent, et qu’on pouvait alors circuler avec ses troupeaux depuis les dunes d’Alba jusqu’aux glaciers de la côte dentelée. Dans les archives de l’Académie, des récits de voyage écrits en langues perdues attestaient de ces voyages ; pourtant, ils prenaient la poussière depuis l’avènement du Triangle d’Or, puisqu’il était devenu inconcevable que le monde ait pu exister autrement.

— Ohé, ça va, là-dedans ? insista Aymée pour sortir Merle de ses pensées.

Elle se faisait du souci pour lui. Il avait toujours été silencieux, mais depuis leur départ de Canopée, elle lui trouvait une tendance à s’enfermer dans des épisodes de mutisme. Il disparaissait en lui pendant des heures et revenait sans se rendre compte du temps écoulé. Si cela l’agaçait, c’était surtout parce qu’elle s’en voulait. Il était parti à cause d’elle, et sûrement le regrettait-il. Pourtant, elle résistait à ses pensées. Au fond, elle aussi était partie à cause de lui.

— Bon, je vais explorer le train, conclut-elle avec un claquement de langue.

— Je ne pense pas, non, dit son frère avec un rire jaune. Tu as du mal à aligner dix pas sans t’évanouir, donc dans un train en mouvement, ça me semble déconseillé pour toi de partir en exploration.

— Pardon ? dit-elle en haussant un sourcil. Tu as quelque chose à me dire sur ma façon de gérer ma maladie ?

— Oui, répliqua-t-il aussi sec. C’est moi qui suis là pour m’occuper de toi, donc laisse-moi le faire.

Aymée était soufflée. Elle se redressa sur son siège pour que sa tête soit légèrement au-dessus de celle de son frère : elle était plus grande que lui, ce qui ne se voyait guère à cause du temps qu’elle passait avachie de douleur et fatigue.

— Donc c’est ça ? demanda-t-elle. T’as un problème ? T’es fâché d’être parti et maintenant tu vas me bouder ? Mais boude, Merle, boude autant que tu veux, mais en tout cas n’essaye pas de me dire ce que je dois faire.

— D’accord. Donc moi, je vends mon magasin pour qu’on puisse partir à l’autre bout du monde chercher des médecins pour t’aider, et toi t’es pas fichue de rester assise vingt-cinq secondes dans un train parce que ce serait trop brider ta liberté ?

— Tu as fait quoi ?

Les deux se regardèrent silencieusement. La douleur était tangible entre eux, soudain. Ils détournèrent les yeux vers la vitre, le temps d’intégrer lui sa gaffe, et elle cette révélation. Elle n’avait jamais su qu’il avait vendu son magasin.

Le train traversait, en traçant un cercle inouï et somptueux autour du pays, l’intérieur des terres. Les rails survolaient les marais et les prés. La plaine humide s’étendait ainsi jusqu’à de très lointaines montagnes qu’on apercevait à peine entre deux nuages. Des oiseaux étranges volaient au-dessus des buissons fleuris aux baies gigantesques.

— Je ne crois pas vraiment qu’ils pourront me guérir, dit Aymée d’une toute petite voix. Je suis partie pour que tu puisses voyager. Et parce que…

Merle leva les yeux vers elle, réticent, redoutant la fin de sa phrase.

— Parce que tu avais tellement envie qu’il y ait encore de l’espoir, termina-t-elle avec une grimace navrée.

— Et je suis convaincu qu’il y en a, asséna-t-il.

Sa certitude n’était que façade, pourtant. Elle dissimulait le gouffre de tristesse qui se creusait en lui, de comprendre qu’ils étaient partis l’un pour l’autre, qu’ils s’étaient offert ce voyage comme une dernière chance et une libération, en sacrifiant tout pour y parvenir.

Il avait cru être un saint, il s’était rêvé martyr ; et finalement, il n’était que le reflet de sa petite sœur, avec qui ils s’étaient construits en miroir, faute d’autres interlocuteurs.

— Je t’accompagne visiter le train ? proposa-t-il pour mettre un terme au silence.

Le train était drastiquement différent de celui de Madeira. Ici, les surfaces blanches et argentées réfléchissaient les couleurs et silhouettes de tout ce qui les entourait. Les wagons étaient silencieux, gardés par des casqués qui restaient debout. Les sièges étaient confortables et vieux : on s’y enfonçait comme dans une brioche.

La différence la plus notable, cependant, était que le train n’était pas posé sur des rails métalliques, comme à Fedha et Madeira : il survolait une ligne de sel magique qui avait été placé en cercle parfait autour du pays. Il tournait en permanence, jamais usé, jamais cassé. Il n’y avait ni soubresauts, ni sifflements de roues, ni équipes de maintenance.

On racontait que les Albains, lorsqu’ils l’avaient vu pour la première fois, s’étaient inclinés comme face à une divinité. Pourtant, avait soupiré Diane, c’était probablement juste un autre commentaire raciste à l’égard de ce peuple des dunes et des montagnes, qui refusait de se soumettre à la Couronne et à la Triade. Merle s’était gardé de répondre que, pour sa part, il appréciait l’idée d’une religion qui aurait pour idole un train circulaire.

Puisque le train ne s’arrêtait pas, et qu’il fallait bien en descendre, on l’avait fait très lent. Il ne fallait pas être pressé, car le temps de voyage entre Arroyos et la cure Aux Quatre Vents était de trente-quatre heures. Elle n’était pourtant pas située près du lac le plus lointain, bien au contraire. L’Ambré était seulement le troisième lac à partir de la capitale ; enfant du milieu, il n’était pas aussi visité que les auberges bondées des premiers, ni aussi réputé pour son exotisme et ses propriétés médicinales que ses cadets. C’était donc là qu’on pouvait trouver les villages les plus authentiques, ainsi que des cures expérimentales qui recevaient des patients aux conditions lourdes et complexes.

Toutes les parois du train devinrent ambrées pendant l’heure qui précéda leur arrivée au troisième lac. Merle et Aymée clignaient des yeux faiblement, abrutis par la fatigue. Ils n’avaient dormi que par siestes peu reposantes et n’avaient qu’une hâte : arriver à destination. Ils se réveillèrent promptement lorsqu’il s’agit de descendre les marches avec leurs malles sans s’écraser par terre. Heureusement, un casqué les aida en leur passant leurs bagages. Aymée se confondit en remerciements tandis que Merle examinait déjà les alentours.

 

La gare était une création orangée et solaire, faite de pierres et vitres. À l’intérieur, il faisait une chaleur douce, et deux enfants s’étaient assoupis près de leurs parents qui les secouèrent : ils devaient se hâter pour rattraper le train qui commençait doucement (très doucement) à s’éloigner.

En sortant du bâtiment (« c’est si joli », remarquèrent tant Merle qu’Aymée), il y avait six chemins qui partaient dans des directions différentes, en serpentant comme à loisir. On aurait dit les lignes de la paume.

— Tu penses qu’ils mènent tous au même endroit ? demanda Aymée d’un ton malicieux.

— Franchement, plus rien ne m’étonnerait de ce pays, marmonna son frère.

À même le chemin, sur la terre, étaient inscrites en gravures impérissables les destinations de chacun. Manifestement, les habitants pouvaient ajouter et modifier leurs propres indications, mais pas retirer celles des autres — bien que des ratures inefficaces laissassent supposer que certains l’avaient tenté. Sur l’une des routes, le dessin d’une pâtisserie en rouge côtoyait une botte verte, les mots GOUVERNAIL FLEURI. Sur un autre, c’était des lunettes et un télescope, ainsi que PEINTRES EN FAMILLE. Merle et Aymée cherchèrent longuement quelque chose qui correspondrait à la cure, quand soudain ils comprirent en même temps : c’était le losange avec le portrait sommaire d’un visage qui soufflait.

— Non, mais franchement, rouspéta Merle, tandis qu’Aymée riait à en pleurer.

Il fut gagné par son hilarité parce que ses gloussements ressemblaient tantôt à des couinements, tantôt à des aboiements.

Comme il n’y avait pas un semblant de circulation et que le soleil s’approchait de l’horizon, Merle et Aymée décidèrent de marcher jusqu’à la cure, en espérant qu’elle ne soit pas trop loin.

— On ne vous attendait pas si tôt ! s’exclama une soignante aux yeux démesurément larges.

Aymée trouva qu’elle ressemblait à une chouette et considéra que c’était de très bon augure.

— Va falloir qu’on annule la charrette pour l’autre soir, continua la chouette, qui se présenta comme Marilyne. Je m’en vais faire préparer votre chambre, déjà. Vous avez trouvé facilement ?

Sans attendre la réponse, elle partit vers le couloir, en leur montrant d’un geste vague du bras une pièce voisine.

 

Indécis, Merle et Aymée suivirent donc cette indication, traversèrent une salle d’attente et arrivèrent dans un gigantesque réfectoire, qui avait bien les capacités d’accueillir deux cents personnes.

— Mais ils comptent faire des bals ou quoi ? demanda Aymée, bouche bée.

Seules trois tables sur la vingtaine étaient occupées.

La faim travaillait suffisamment les estomacs des canopéens pour qu’ils se dirigent vers le buffet avec curiosité. Merle laissa leurs malles dans un coin et ils se servirent chacun une assiette remplie de légumes et poissons. Il prit ce qu’il avait déjà vu et goûté ; à l’inverse, Aymée se servit uniquement de choses qui lui étaient complètement inconnues.

Lorsqu’ils se tournèrent pour s’asseoir quelque part, ils furent hélés par trois hommes, notamment un qui secouait sa canne.

— Ohé, par ici, cria-t-il d’une voix forte malgré ses trois cheveux blancs et son dentier.

— Du calme, Arthur, tu vas leur faire peur, dit un autre dans un fauteuil roulant, à qui il manquait ses deux jambes.

— Bonsoir et bienvenue, leur dit le troisième, dont les mains tremblaient tant qu’il fit tomber son morceau de pain.

Oh, oh, pensa Merle, peu rassuré par l’aspect loufoque des compères.

— Bonsoir, dit Aymée d’une voix réjouie en s’installant avec eux. Moi, c’est Aymée, et mon frère s’appelle Merle.

— Andromède, dit celui qui tremblait.

— Antoine, dit l’homme en fauteuil.

— Attendez, euh, hésita le très vieil homme.

— Il fait une blague, dit Antoine en levant les yeux au ciel. Il adore faire son intéressant.

— Je suis très drôle, répliqua l’ancien en faisant mine de donner des coups de canne sur la tête d’Antoine. Et je m’appelle Arthur. À votre service.

— Nos quatre prénoms commencent par un A ! s’exclama Andromède, avec un premier sourire. Mais c’est merveilleux !

— Damnation, il va nous écrire un poème, soupira Antoine.

— Et sinon, vous êtes là depuis longtemps ? demanda Aymée.

Les trois autres se turent soudain, gênés.

— On ne parle pas de la cure ? devina-t-elle avec un sourire crispé.

Ils secouèrent la tête. Ils subissaient bien assez de traitements pour ne pas en plus en discuter une fois sortis de l’aile médicale. Quand ils étaient dans l’aile résidentielle, ils parlaient de collections de boutons perdus, de gravures de l’Archipel des Danseuses, de la couleur des pétales des iris lorsque le soleil se couchait.

— Non, trancha Antoine. Ça, c’est les sujets d’Andromède, qui nous rabâche les oreilles avec des sornettes.

Ils se lancèrent un regard rempli d’une telle affection que Merle fronça les sourcils. Ces gens disaient tout le contraire de ce qu’ils pensaient. Ils formaient un groupe uni, solide. Ça ferait du bien à Aymée d’avoir au moins quelqu’un avec qui parler. Il se redressa sur sa chaise.

— En tout cas, c’est un plaisir de faire votre connaissance, dit-il, plus solennel qu’il ne l’avait anticipé.

Antoine pouffa de rire, mais Arthur lui sourit et Andromède inclina la tête.

— Vous avez l’air fatigués, remarqua Arthur.

— Vous arrivez d’Arroyos ? demanda Andromède.

— De Canopée, dit Aymée tout naturellement.

Les fourchettes des compères retombèrent sur leurs plateaux. Ils scrutèrent son visage avec une attention redoublée.

— Vous êtes une princesse des forêts ? s’enquit Andromède.

— Ou un de ces esprits maléfiques de Madeira dont on parle tant ?

— Esprit maléfique ? s’offusqua Merle.

— Non, rit Aymée, j’ai juste eu un peu de chance.

— Et une longue traversée… conclut Antoine, l’air soucieux soudain. Vous feriez mieux de vous reposer.

Il regarda autour de lui, cherchant la soignante qui devait venir chercher Aymée.

— Je suis sûr qu’elle en profite pour faire encore une pause, soupira-t-il en secouant la tête.

— Ne les accable pas, protesta Andromède, il y a tant de patients et nous ne sommes pas les plus faciles à vivre. Qu’est-ce qu’on deviendrait sans nos soignants ?

— Bon, bon, ne t’emballe pas quand même.

La femme revint lorsqu’ils avaient terminé leur plateau et qu’ils somnolaient en écoutant le trio. Aymée se mit à la suivre, et Merle s’attarda seulement une seconde en arrière.

— Comment vous avez su ? Que c’était ma sœur qui est malade, je veux dire.

— Elle parle avec la liberté des mourants, dit Andromède d’une voix qu’il voulut légère.

 

La chambre d’Aymée était parfaite. Merle aurait voulu se plaindre de quelque chose, juste pour évacuer l’angoisse qu’il éprouvait maintenant que venait l’heure de la quitter ici jusqu’au lendemain, mais il n’y avait rien à dire. Elle avait un grand lit avec des couvertures épaisses et lourdes pour l’emmitoufler. Des rideaux fleuris couvraient la fenêtre, par laquelle on voyait le parc et le lac. Elle pouvait disposer ses affaires dans les tiroirs d’une commode et sur ses deux tables de nuit. Sur la commode, il y avait une carafe d’eau et un verre, une fiole antidouleur si besoin, une infusion calmante, des serviettes, et une boîte de produits pour la toilette générale et intime, ainsi que les règles.

Merle et Aymée restèrent plantés là, les yeux écarquillés par tant de luxe et d’attentions. Il avait envie de pleurer de soulagement et elle rit fort, touchant toutes les textures, tous les tissus.

Aucun des deux n’osa le dire à haute voix, mais si tout échouait, ce serait un bon endroit où mourir.

 

Merle jeta plusieurs regards à la cure tandis qu’il s’en éloignait, sur la pelouse fraîche et humide. Le bâtiment faisait quatre étages, tout en briques. Dans l’obscurité du soir, les lumières de certaines chambres brillaient par la fenêtre ; peut-être certains patients préféraient dormir avec les rideaux ouverts pour se réveiller avec le soleil.

Il avait signé toute la paperasse et noté l’heure du rendez-vous avec le médecin le lendemain. La soignante lui avait expliqué clairement la route à suivre pour arriver chez Hortense (« ah, Mille et Mille Feuilles, la meilleure boulangerie de la région ! quelle chance ! »). Il avait acquiescé en priant pour que la fatigue n’efface pas chacun de ses mots immédiatement.

Le chemin fut facile à retrouver mais long à suivre : Merle prit le détour. Il ne faisait pas confiance au chemin direct, car à défaut de ponts, les locaux marchaient sur des pans de terre minuscule, qu’ils appelaient des arious, et qui traversaient lacs et marais sans logique apparente. Un adulte avait à peine la place de s’y tenir debout, donc il fallait faire attention à ne pas tomber. La nuit, l’eau regorgeait de goules et créatures aquatiques affamées. Il ne tenait pas à devenir un repas lors de son premier soir aux Lacs.

Il contourna donc tout l’Ambré, ce qui prit une éternité, car il était majestueusement ample. Des lucioles formaient des campements près du chemin, éclairent de-ci, de-là, l’assurant qu’il ne se perdait pas.

Enfin, tandis que sonnait une cloche lointaine, Merle parvint enfin à un village où se tenaient, éparpillées, des maisons et commerces. Un peu à l’écart de la place aux pavés et à la fontaine, sur un terrain couvert d’herbes hautes et de fleurs qui attendaient le retour du soleil, face à un marais, une petite bâtisse de trois courts étages s’élevait. Sur les façades des côtés, il y avait des fresques de viennoiseries, pâtisseries, pains. Merle fit le tour pour atteindre la porte principale et toqua sans même réfléchir, épuisé.

Il entendit du grabuge de l’autre côté : une chaise qu’on faisait crisser sur le sol, une conversation étouffée, peut-être une dispute, et enfin quatre loquets distincts qu’on déverrouillait. La porte s’ouvrit sur la lumière douce des chandelles, une odeur délicieuse de farine, œufs et beurre, et une vieille dame minuscule. La grand-mère de Diane, comprit-il aussitôt, amusé par la similarité de leur taille.

— Mais qu’est-ce qu’il veut, çui-là ? demanda-t-elle en le regardant de haut en bas, consternée.

— Euh, bonsoir Madame, je viens suite à la lettre de Diane.

— La quoi ? demanda une voix à l’intérieur.

Une femme, bien plus grande, se précipita vers la porte. Elle avait une étonnante chevelure blonde qui s’amassait pour l’heure en une myriade de tresses — sauf qu’un côté n’était pas fini, et frisottait vers le haut.

— Est-ce qu’il est arrivé quelque chose à Diane ? demanda-t-elle, paniquée.

— Mais non, enfin, pesta la grand-mère. Même l’ouïe, tu l’as héritée de ton père. Les cheveux et la taille, ça ne suffisait pas ? Il dit que Diane a envoyé une lettre.

Elle se tourna vers Merle, qui était mortifié.

— On n’a rien reçu, nous. Ça disait quoi ?

— Que, que, que j’allais arriver et que j’aurais besoin d’un logement pendant un temps.

— Ben, voyons.

— Si, si, je vous assure, protesta-t-il, avec l’impression terrible que rien ne pourrait les amener à le croire. Je l’ai rencontrée à Canopée.

— À Canopée ? ! rétorqua la mère, effarée. Mais qu’est-ce qui est arrivé à son boulot au palais ?

— Son boulot au palais… répéta Merle, les yeux écarquillés comme un poisson qui a un hameçon au fond de la gorge. Alors, oui, tout à fait, tout à fait. Son boulot au palais.

— Ah oui, d’accord. Elle nous a fait manger de la salade jusqu’à l’indigestion, la gamine, comprit la grand-mère en secouant la tête. Bon, entre, petit. Tu es si mauvais menteur que tu es forcément là sur vœu de Diane.

Il voulut tout annuler, tout reprendre, revenir en arrière et ne pas mettre son amie dans l’embarras, mais il voyait au regard ferme et amusé de la vieille femme qu’il n’y avait rien à faire.

Il se repassa la conversation cent fois lorsqu’il essaya de s’endormir, dans la chambre d’enfance de Diane, les couvertures remontées jusqu’au menton. Il faisait froid et humide, de nuit, bien plus que la chaleur accablante d’Arroyos l’aurait laissé penser. Il pensa à Aymée, aux trois compères, au train, à son magasin, au bateau, à Charlotte, aux cauchemars, au labyrinthe, jusqu’à ce que sa respiration devienne si haletante qu’il s’en étouffe presque.

Il ralluma la chandelle.

Des peintures représentant des squelettes d’animaux décoraient les murs. Une bibliothèque regroupait une horde de livres et revues scientifiques et de carnets de voyage, ainsi que toutes sortes de spécimens ramassés dans la nature. Sur une étagère, des figurines animales étaient alignées avec un soin méticuleux. Il les compta et recompta jusqu’à s’endormir.

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Raza
Posté le 29/09/2024
Ce chapitre est découpé en 2. Ils arrivent à Arroyos, il y a l’exploration de la ville et surtout de la ceinture, et ils repartent. Puis la deuxième partie, ils arrivent au lieu de Cure, rencontrent des patients et des soignants, Merle fait la fin du voyage pour voir la famille de Diane et ils s’installent. Pour moi, ce chapitre devrait complètement être coupé en deux :)
En effet, les deux parties sont loin dans le temps et l’espace, les enjeux ne sont pas les mêmes, les interactions ne sont pas les mêmes. J'ai jeté un coup d'oeil à la taille de chapitre aussi, il est énorme (6k!), donc pas de soucis pour couper, ça ne fera pas de petits chapitres.
Pour la partie 1, le problème je pense c’est qu’il n’y a pas de transformation. La seule chose qui se passe c’est Merle se perd, et se retrouve. En tant que lecteur, je n’ai pas vu de progression, seulement une ballade. Sans aller jusqu’à faire perdre un bras à Merle, il y a quelque chose qui pourrait se passer plus fort? Il ne perd pas son innocence, au sens où finalement il voit des gens nus, mais ça ne le change pas, ni dans ses croyances, ni dans ses convictions.
Pour la seconde partie, le moment fort est vraiment la réflexion sur la liberté de ceux qui vont mourir. Les patients qui les accueillent sont étonnants en termes de profil. N’est ce pas un endroit où les cendrés sont soignés? Ne devrait-il pas y avoir pas mal de jeunes mal en point? Des crises de pouvoir mal maîtrisés? Quelque chose qui rappelle plus la maladie que la fin de vie. Les patients n’ont pas l’air malade, seulement âgés, si tu vois ce que je veux dire?

Style:
“recommandée Basile était située dans le quartier recommandable”: répétition.
“Ce qu’elle ne savait pas qu’elle avait les yeux rivés droit sur Merle.” Typo il manque des mots.
“grand seigneur soudain” ->?
“À l’époque, il y a fort, fort longtemps, des bateaux circulaient sur la mer d’Islo, au détroit des Murnes”: bah, pourquoi ce paragraphe d’introduction soudainement?
“elle était plus grande que lui” : fiouf, c’est tard tard tard dans le récit, pas sûr que l’explication suffise.
“à Charlotte” : ici j’aurai mis “la capitaine du ..”, parce que l’utilisation du prénom me parait relever d’une familiarité que ni les personnages, ni nous, n'avons eu avec elle.
Histoire: “Elle n’avait jamais su qu’il avait vendu son magasin” : ouch, il va y avoir une conversation salée! Ou pas?
J’ai déjà un peu tout dit en 1ère partie. :)
Monde: ce joli train sur rails de sel, c’est super chouette! Mais on ne pourrait pas l’arrêter avec juste un obstacle qui le retient, et puis on l’enlève pour qu’il reparte? Par rapport au titre, est ce vraiment un élément central dans ce chapitre? L'accueil au lieu de cure est un peu sommaire, non?
Personnages: les comparses patients sont bien nombreux! Perso j'ai un groupe de gens qui vient m'accueillir je prétexte une toux soudaine et je pars. Comme dit plus haut, n’y a t il pas des cendrés jeunes par ici?
Rythme: à part couper en 2, je pense que ça va. :)
Thème: le thème du sacrifice est en plein lors de la double révélation, mais le dialogue et les sentiments qui vont avec sont un peu vite expédiés je trouve? Tu pourrais aller plus loin, plus longtemps. Vraiment, qu’est ce que ça leur fait, là? Ça exige d’aller dans la douleur certainement, c’est pas facile facile à écrire ce genre de scènes.
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