💍23. Tempête en approche💍

C'est aux aurores que Ninon se précipita dans la chambre de Joséphine afin de la réveiller en urgence. Il y aurait apparemment une bagarre au marché et les principales concernées seraient les domestiques de la maisonnée. Cela aurait pu probablement s'arrêter là si ce n'était la mention de leurs adversaires : les domestiques de la Princesse Sophia. En effet, alors que ces dernières se sont croisées au détour d'une étale, il se pourrait bien qu'une langue ou deux se soient déliées : Le Duc de Varsox viendrait prendre le thé cette après-midi avec Son Altesse Royal et cela mettrait alors la petite Baronne de côté. Ne lésinant en rien sur les critiques et les méchancetés, les domestiques de la maison des Conquérant ne se sont vue d'autres choix que de répliquer.

Arrivant sur place, la moitié du centre-ville s'était déjà réunie autour de la bande faisant un carnage, opérant entre les étales, se hurlant dessus, se frappant, s'insultant, se mordant, se tirant les cheveux. Un véritable petit combat de poulets que Joséphine vient interrompre.

- Assez ! vocifére-t-elle au beau milieu de la place

Sa voix perçante et pleine de colère devant un tel spectacle fit cesser tout mouvement tandis qu'une domestique de chez elle, Lisa, en profita largement pour asséner un dernier coup de poing à une adversaire à la lèvre en sang.

A peine vêtue d'un manteau venu couvrir sa chemise de nuit, la jeune Baronne, furieuse rapatria ses ouailles jusque chez elle, mais il n'était pas exceptionnel pour un passant d'entendre un cri ou deux.

- Avez-vous seulement la moindre idée de ce que vous venez de faire ? fit-elle en faisant les cent pas devant eux, prête à s'arracher les cheveux

- Elles ont commencées,lança une jeune fille d'habitude cachée dans les cuisines.

- Vraiment ? Et vous pensez qu'en vous dédouanant ainsi de votre responsabilité, je serais plus clémente ? Si la Princesse ne demande pas vos têtes, je serais plus que surprise ! Vous venez de vous battre contre les domestiques de la famille royale !

S'agitant et ne sachant plus quoi faire de ses mains qu'elle plaque dans les poches de sa chemise de nuit, Joséphine campe devant le petit groupe tel un soldat au garde à vous, les dévisageant l'une après l'autre. Leurs blessures ne semblaient que superficielles, quelques touffes de cheveux en moins tout au plus avec des griffures et des ecchymoses. Tout laisse à penser qu'elles ne se sont pas laissé faire, pas même en sachant pertinemment contre qui elles se battaient. Elle connaissait ses filles, aucune d'elle n'a un tempérament violent ou irrespectueux. Aucune d'elle n'a une seule fois fauté dans la maison. Aucune d'elle n'a fait défaut à cette famille, répondant toujours au moindre des caprices de chacun.

Alors qu'avaient-elles entendus pour ainsi se lancer corps et âme dans une lutte publique allant jusqu'à massacrer consciemment leurs adversaires ?

- J'espère au moins que vous leur avez donné une leçon, soupire-t-elle en se résignant

Devant le regard attendrie de leur maîtresse, le petit groupe eut de nouveau de l'espoir. N'allaient-elles pas être renvoyées pour s'être ainsi comportées ?

- Elles ne sont pas prêtes de nous oublier, Madame ! Ni de quelle maison nous venons !

- Par tous les saints...Allez nettoyer vos plaies et une fois que c'est fait, remettez-vous au travail. Et la prochaine fois...La prochaine fois, évitez de faire cela dans un lieu public. Ne vous ai-je pas appris que certaines choses se faisaient dans l'ombre ?

- Oui Madame ! Merci Madame !

- Allez filer ! Et ne me montrez plus vos têtes pour la journée.

S'asseyant dans le canapé, Joséphine se passe une main sur le visage tandis que Ninon arrive avec une tasse de thé ne dissimulant en rien un sourire satisfait.

- Cela fait plusieurs jours déjà que la situation est tendue. J'ai ouïe dire que les domestiques de la Princesse profitaient un petit peu trop des dernières rumeurs. Les filles ont tenues bon.

- Tu n'as pas à les défendre, Ninon. Ce que je redoute à présent, c'est comment cela va se passer du côté de la Princesse.

Et effectivement, il ne fallut pas bien longtemps à la jeune Baronne pour recevoir une lettre portant le cachet de la famille royale. Le contenu de cette enveloppe ne lui faisait guère peur et elle prendrait la responsabilité pour ce qu'il s'était passé en espérant que cette affaire se règle sans trop de vagues. Malheureusement, c'était sans compter que cette même après-midi où Joséphine se retrouve convoquée au Palais...La Princesse tient un goûter avec quelques amies et surtout avec la source principale de cet incendie : Le Duc de Varsox.

Arrivant au Château, Joséphine fut immédiatement escortée jusque dans un salon dans lequel la Princesse était déjà installé. Cette dernière ne lui adresse qu'un regard curieux tandis que la jeune femme venue se planter devant elle afin de la saluer.

- Baronne Conquérant, je présume ? J'ai récemment beaucoup entendu parler de vous.

Son intonation, loin d'être hostile, lui donne un air détachée, presque amusée. La Princesse ne put alors s'empêcher de détailler la jeune femme du regard. Elle qui avait un penchant pour les belles choses fut ravie par l'apparence de la Baronne se tenant devant elle. Effectivement, toute une réputation la précédait. On lui prêtait bien des rumeurs également. Mais visiblement, aucune ne su lui rendre justice. Elle était belle, c'était bel et bien un fait avéré, mais qu'avait-elle en plus ? Qu'est-ce qui rendait le Duc si intrigué par sa personne ?

Elle ne pouvait être que cette «fleur» dont il avait fait mention lors de la soirée à la Galerie des Lumières. Mais tout fleur quelle qu'elle soit doit être maîtrisée par l'habile main d'un jardinier afin de ne pas devenir sauvage.

- Asseyez-vous, je vous en prie, l'invite la Princesse, les mains posées de part et d'autres des accoudoirs du fauteuil dans lequel elle était installée.

- Merci, Votre Altesse.

Gardant le silence un moment, Joséphine ne put s'empêcher de soutenir le regard que la Princesse portait à son égard. Peut-être réfléchissait-elle à la façon dont elle allait régler cette affaire ?

- Votre Altesse, à propos de ce matin...

- Silence, voulez-vous ? Je réfléchis et je ne vous ai clairement pas autorisé à parler.

«Ce n'est qu'un mauvais moment» se répète la jeune femme au plus profond d'elle-même. Dans une heure elle devrait être partie d'ici. Partie de cet endroit suffoquant. Partie loin de cette femme ayant probablement son âge, mais lui faisant comprendre clairement par sa position, son intonation et sa façon de la regarder qu'elle lui était supérieure en bien des points.

- Il est vrai qu'un incident s'est produit tôt dans la matinée. Mon personnel le plus qualifié s'est brutalement fait agressé par un groupe que je qualifierais de...chipies. J'ai ouïe dire que vous étiez également dans une période de deuil après la mort soudaine de votre père, Mademoiselle.

«Mademoiselle». Chaque syllabe avait été pertinemment appuyée. Soulignée. Elle lui faisait ainsi comprendre qu'elle ne reconnaissait en rien sa position et ainsi reniait son autorité.

- S'en prendre à un membre du personnel de la famille royale revient à s'en prendre à la famille royale elle-même. Ceci est un crime, en avez-vous conscience ?

- Oui, Votre Altesse.

- Dans ce cas, je présume que vous n'avez rien contre le châtiment adéquate ?

Se détachant du dossier de son fauteuil en velours, la Princesse Sophia s'approche de Joséphine.

- Vous avez de la chance, je me sens d'humeur clémente car je m'apprête à passer une délicieuse après-midi. Vingt-quatre heures en prison devrait vous faire retenir la leçon.

- Votre Altesse ! intervient Joséphine en se levant.

- Assis ! Je parle et je n'ai pas finis. Votre impolitesse montre bel et bien quel genre d'éducation est donnée dans votre maison. Si vous étiez une noble, vous feriez de la peine à l'image de notre Royaume, mais heureusement, vous n'êtes qu'une fille de marchand. Mes gardes vous escorterons. Vingt-quatre heures n'est pas cher payé l'offense, mais continuez ainsi et je pourrais tout à fait revoir ma position.

Sortant de la pièce, laissant un air froid derrière elle, la Princesse Sophia, satisfaite, ne put s'empêcher d'apprécier sa victoire. Ce n'était pas tant Joséphine qu'elle souhaitait punir, mais il s'agissait d'en faire un exemple. Non. Il s'agissait de montrer à tous à quel point elle est magnanime et clémente. Il s'agissait de parfaire sa réputation.

Et il s'agissait surtout d'attirer un certain petit poisson fuyant ses filets avec un acharnement qui lui échappait. Mais peut-être qu'avec le bon appât, ce dernier sera un petit peu plus disposé.

L'après-midi s'annonce particulièrement palpitante et follement amusante. Cela devrait à présent calmer plus d'une personne doutant de son autorité en tant que future souveraine et empêcher quiconque la défier de sitôt. Cela devrait également lui permettre de faire un pas en avant vers son propre objectif : Faire sien le célibataire le plus convoité du Royaume. Un trophée, qui, cela va s'en dire, ajoutera un petit plus à cette croyance populaire de la «Princesse Pieuse et Aimée». Car si Jonah de Varsox ne résiste pas alors qui serait en mesure de le faire ? Probablement personne.

L'heure tourne d'ailleurs, ne devrait-il pas tarder ?

- Comme tout ceci est excitant ! Je me demande bien comment il va réagir ? Peu importe. Il me mangera dans la main comme tant d'autres avant lui. 

 

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CelCis
Posté le 09/01/2023
Bonjour Manon,

J'ai lu tout ton livre hier, en une traite!

C'est léger, doux, mignon, et en même temps, pas sirupeux. Je réussis à rentrer dans les personnages, les scènes que tu décris. Les personnages ont plusieurs facettes que tu nous fais découvrir avec le temps. J'aimerais avoir le courage de Joséphine ;) Et je me demande ce que le Duc nous prépare, du côté de la reprise de son duché...

Tu écris très bien - c'est fluide, naturel. Il n'y a rien de superflu.
Bravo pour les dialogues! Et pourtant, ce n'est pas le plus simple...

J'attends vraiment la suite :D
ManonSeguin
Posté le 09/01/2023
Coucou !
Mon dieu quel commentaire tu m'écris là, ça me va droit au coeur et ça me touche tellement ! Merci infiniment pour cela. Je suis tellement contente que les petites mésaventures de Joséphine fassent leur bout de chemin :)

Et personnellement, j'ai toujours trouvé les dialogues plus faciles à écrire, les échanges, les expressions, tout ça...Je sais pas, mais c'est ce qui m'amuse le plus à faire :)

En tout cas, je ne te remercierais jamais assez et promis, la suite arrivera très vite !
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