24. La taverne du Scorpion.

Par Arod29

Le brouhaha de la célèbre taverne du Scorpion débutait à l'aube quand la chaleur devenait plus douce. Il se répandait dans les rues comme annonciateur d'une nouvelle nuit. La taverne prenait vie jusqu'à l'aurore puis elle s'assoupirait sous la chaleur étouffante du jour. L'établissement était tout en longueur, le bar courait jusqu'au fond. Les clients se disputaient une dizaine de tables. Les rixes étaient fréquentes mais faisaient partie du charme de l'endroit.

Au comptoir, assis sur un tabouret, Grys dégustait la fameuse bière brune du Scorpion, breuvage réputée jusqu'aux confins des Terres Sauvages. La légende racontait que le patron ajoutait quelques gouttes de venin de scorpion vert qui lui donnait ce goût amer. En vérité rien n'était plus faux. Le mercenaire connaissait le vrai mystère de cette boisson. D'aucuns rendraient leur dîner sur le plancher en apprenant que cette petite saveur spéciale était due à l'ajout d'urine de rat. Grys avait un don pour trouver le petit secret inavouable qui pouvait lui servir à obtenir quelques privilèges. Il buvait d'ailleurs gratuitement ici depuis qu'il avait découvert la composition du nectar du patron. Sa quatrième chopine vidée, Une cinquième fut commandée. 

Le mercenaire ressassait les derniers évènements. Grys pouvait encaisser de nombreuses contrariétés mais entre le fiasco de sa mission, sa femme, Alzebal et tout le reste. Les tonneaux de bière de la taverne ne seraient peut-être pas suffisant pour éponger sa colère et sa peine. Tyssy avait été au centre de son existence pendant de longues années, à l'époque il avait tout mis de côté pour elle. En quelques minutes son passé avait éclaté en une myriade de doutes et d'incertitudes. Il se sentait humilié et trahi. Il tapa furieusement plusieurs fois du poing sur le comptoir. Il pensa aux enfants qu'elle avait abandonné. La colère grondait. Grys se souvint d'une phrase que lui disait souvent son paternel avant qu'il lui file une rouste.

L'amour peut se changer en haine aussi vite que le vent d'une tempête du désert des Maelstroms.

A cet instant il haissait Tyssy autant que son père.

— C'est comme ça que tu travailles petit Grys.

Le mercenaire ne se retourna pas. Il reconnut cette voix presque féminine.

— Tiens c'est cette putain de Lodith!

La guerrière rougit de colère.

— Tiens ta langue petit mercenaire si tu veux pas qu'elle termine dans mon assiette.

Dilur ne releva pas la tête.

— Dégage Lodith. Je n'ai pas encore assez picolé pour te supporter.

Grys but une longue gorgée de bière.

— T'as l'air bien énervé.

— Peut-être parce je viens de découvrir que ma femme que je croyais morte s'appelle à présent Alzebal et qu'elle m'a remplacé par...

Il s'interrompit désigna Lodith avec sa main et rota.

— Ca. Même pour moi ça fait beaucoup.

Lodith ricana.

— Allez Grys! Ca t'a pas excité un peu?

— Si tu ne ressemblais pas à mon grand oncle Talgert peut-être, mais là c'est répugnant.

Le regard de Lodith se fit moins avenant.

— Tyssy te veux en vie, et c'est la seule raison pour laquelle t'as encore la tête sur les épaules petit homme.

La mercenaire sentit une petite piqûre sur la cuisse. Elle baissa les yeux, une dague appuyait sur son pantalon de cuir.

— Ne me sous estime pas géante de pacotille. Tu me manques encore une fois de respect et je t'étripe comme une morue.

Lodith fit un pas en arrière et leva les deux mains en l'air.

— Très bien Grys. Je te laisse tranquille mais n'oublie pas le contrat.

— Ne t'inquiète pas pour moi. Je sais ce que j'ai à faire et je n'ai jamais échoué.

— Tu as pourtant raté ta cible une première fois.

Lodith lui fit un clin d'oeil.

— Dégage!

La géante sortit de la taverne en bousculant un ivrogne qui tomba lourdement sur le sol sans vraiment réaliser comment il s'était retrouvé là.

Grys se retourna vers le comptoir et alors qu'il entamait sa cinquième chopine, une voix gutturale l'interrompit.

— Qu'Auxane me foudroie le trou d' cul! Je refusais de croire mon cochon de fils! Mais c'est bien lui! C'est ce pisse-froid de Dilur!!!! 

Un gros homme fixait le mercenaire avec un regard fallatieux.

Le mercenaire secoua la tête de dépit.

— C'est une conspiration pour me gâcher ma cuite. Laisse moi tanquille Thédomo. Je ne suis vraiment pas d'humeur.

L'homme massif continua avec un regard de défi.

— Je suis déçu de voir encore en vie le seul client qui ne paye jamais son ardoise.

— Je peux la payer si tu veux Thédomo mais tu vas perdre quelques clients. Il y a des secrets qui peuvent tuer un commerce. N'oublie pas.

Grys entendu le grincement de dent du tavernier et l'admonesta pour enfoncer le clou.

— Ecoute face d'étron de porc, c'est la dernière fois que tu m'adresses la parole. La prochaine fois je te garanti que tout Milsden saura que ton venin de scorpion pue l'urine de rat.

Thédomo paniqua. Ses yeux balayèrent la taverne  de long en large puis son regard se fixa sur Grys. Il agita les bras.

— Chuuuutt! 

Dilur ricana.

— T'inquiètes pas pour les soiffards de ta bicoque. Ils sont trop souls pour entendre quoi ce soit. Maintenant tu dégages de ma vue.

Thédomo Rostel s'éloigna en maugréant. C'était un petit roublard pleutre sans envergure. Sa famille était très riche ce qui était sans doute sa seule qualité.

Le mercenaire secoua la tête tentant d'oublier les visions qui frappait son esprit. Il se concentra sur son objectif quelques minutes. Curieusement, il pensait mieux dans le vacarme d'une taverne, surtout après quelques verres.

Ce Loup était un malin mais il était blessé moralement. Il avait probablement caché son fils en lieu sûr pour n'avoir qu'à penser à sa vengeance car il se vengerait c'était certain et sa faiblesse était là. Cela rendrait la tâche plus facile à Grys. Il allait se précipiter directement dans le piège tendu. Avec quelques renforts, il n'aurait aucune chance. Il fallait juste l'amener là où il le voulait. Une fois ce contrat rempli, il réglerait le problème Alzebal.

En attendant son verre était vide.

— Tavernier! Un dernier pour la route! Tu mets ça sur mon compte! 

Il se mit à rire mais s'arrêta brusquement. Curieusement la sixième chopine lui donnait toujours une idée bonne ou mauvaise. Mais à chaque fois une idée.

Le portail de Trieste. Loup devait le connaitre. Il l'utiliserait sans aucun doute. L'endroit était tout trouvé pour un guet-apens mais peut-être l'avait-il déjà utilisé. Il fallait faire vite. 

Grys abandonna son verre et sortit rapidement de la taverne.

— Lodith, cria t-il scrutant la pénombre.

— Je suis là, pas besoin de hurler. 

La géante sortit d'une ruelle en face de la porte de la taverne du Scorpion.

— J'étais sûr que tu étais encore dans le coin.

— Oui! Je voulais te filer une raclée.

Lodith fit craquer les jointures de ses doigts. 

— Ca attendra pour les papouilles. Je sais où attraper notre cible.

— Crache le morceau! Tu m'intéresses.

— Le portail de Trieste. 

La géante souffla et secoua la tête.

— Il ne peut pas le connaitre!

— C'est un chasseur, il connait parfaitement la Forêt des Larmes. Impossible qu'il soit passé à côté. Mais il faut faire vite. C'est peut-être déjà trop tard. Il me faut des hommes, et un mage des ombres.

— Un mage des ombres? 

La géante tenta de feindre l'ignorance.

— Arrête Lodith. Tyssy m'a prit pour un crétin. Ne joue pas à ça avec moi. Je sais que vous avez des adeptes des ombres dans vos rangs.

— Pour quand?

— Pour hier! Tu ne comprends rien grande cruche. Il doit être déjà sur ma piste! Le temps presse!

Lodith se retourna vers la ruelle où elle s'était dissimulée.

Des ombres mouvantes de la nuit surgit silencieusement une silhouette vaporeuse. 

La forme sombre sans visage susurra.

— C'est comme si j'y étais.  

Grys ricana.

— Vous me faites suivre par une ombre? Je m'en doutais. J'ai senti son haleine fétide il y a quelques jours.

Il cracha sur le sol en guise de dégoût.

— Saleté!

— Nous ne sommes pas aimé, il est vrai. 

La voix était douce et calme.

— Pas aimé? Haïs plutôt. 

— Effectivement. Nous étions haïs mais qui se souvient de nous à présent?

— Ce qui vous rend d'autant plus dangereux.

Lodith interrompit la conversation.

— Silence! Ombre tu devrais déjà être au portail de Trieste.

— Oui Ombre! Obéis à ta patronne!  

Avant que Grys ne termine sa phrase le mage obscur s'était évaporé dans les ténèbres.

— J'espère que tu ne te trompes pas Grys. C'est ta dernière chance.

Le mercenaire fit un clin d'oeil.

— T'inquiète pas pour moi je connais la patronne. 

Grys disparut dans le dédale des rues sombres de Cyryul.

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Baladine
Posté le 22/11/2022
Ca m'amuse, cette pisse de rat au goût âcre ! Jolie taverne bien puante, dis donc ! L'ambiance est bien rendue au début, pour la suite, ça va peut-être un petit peu vite et on ne voit plus bien où on évolue.
Je continue.
Arod29
Posté le 23/11/2022
Merci! :-) Une taverne bien crasseuse mais la bière y est excellente! ;-)
Oui en effet ça va peut-être un peu vite sur la fin. Je mets tout ça sur ma longue liste de modifications!! ;-)
Merci!
Edouard PArle
Posté le 07/05/2022
Coucou !
Le danger que courre le loup en cherchant à obtenir vengeance se précise. Ca risque d'être compliqué pour lui de s'en sortir indemne. J'ai hâte de voir quel sera son plan. (en tout cas j'ai choisi mon camp xD)
Le nom de la taverne est très bien trouvé et colle bien avec l'ambiance fétide du lieu.
Mes remarques :
"elle s'assoupirait sous la chaleur étouffante" -> s'assoupissait
"Alzebal et tout le reste." trois point de suspension vu que tu n'as pas fini ta phrase ?
"C'est comme ça que tu travailles petit Grys." point d'interrogation ?
"— Ne me sous estime pas géante de pacotille." virgule après pas ?
"— Nous ne sommes pas aimé, il est vrai." -> aimés
"— Pas aimé? Haïs plutôt." idem (jolie réplique au passage)
Un plaisir,
A très bientôt !
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