Liam, la vingtaine environ, avait de petits yeux verts rieurs qui inspiraient confiance. Les cheveux châtains foncés et quelques taches de rousseur sur une bouille bien ronde, il portait une chemise à carreaux rouge et blanc qui faisait ressortir sa carrure de rugby man.
Après avoir mis la moto de Mathias à l'arrière de son pick-up, ils avaient roulé un peu moins d'une heure sur une route très fréquentée, traversant une grande forêt. Ils passèrent plusieurs lieux-dits avant d'arriver à une ville de taille plus importante. Liam se gara sur un petit parking, en face d’un pub, le Carlson Inn, là où il leur avait réservé deux chambres.
L'établissement était fait de pierres très sombres et de colombages. Le propriétaire avait laissé le lierre prendre d'assaut cette façade, sans pour autant l'étouffer, ce qui donnait encore plus de cachet au lieu.
Pour accentuer encore le côté épique, le nom du pub était inscrit en lettres dorées sur une plaque de métal forgée en forme de parchemin, accrochée au-dessus de la grande porte d'entrée. Le tout était illuminé par une lanterne de chaque côté.
Dès qu’ils passèrent l’entrée, ils se retrouvèrent en face du comptoir où, Owen, le propriétaire, les reçus avec un large sourire. De chaque côté du zinc, les tables étaient occupées par les clients qui buvaient leurs consommations tout en écoutant les musiciens au fond de la pièce. Les murs intérieurs étaient en pierre apparente et de nombreuses poutres de bois soutenaient les étages. Maïwenn était ravie de cette atmosphère chaleureuse, mais Mathias était moins à l'aise.
Owen les conduisit ensuite à leur chambre respective où ils purent se laver de cette journée éprouvante. Ceci fait, ils rejoignirent Liam qui voulait tout savoir d'eux : depuis quand ils se connaissaient, comment ils s'étaient connus... Ce type de questions déplaisait à Mathias qui parlait peu, alors que Maïwenn trouvait sympathique qu'il s'intéresse à eux. Au fur et à mesure de la soirée, Liam et elle se découvraient des points communs tandis que Mathias semblait de plus en plus agacé par ce jeune homme trop décontracté à son goût. D'ailleurs, il avait sorti sa pièce fétiche qu'il faisait glisser frénétiquement entre ses doigts.
— Tu as l'air un peu tendu Mathias, lui lança Liam.
— Nous ne sommes pas ici en vacances et nous devrions nous reposer pour aller dès demain chez Pierre, répondit Mathias d'un ton froid.
— Mon père m’a expliqué rapidement la situation. Ça va être compliqué de démasquer le coupable, continua le jeune homme d'un air amusé.
Liam était d'humeur à titiller Mathias. Une sorte de rivalité s'était instaurée entre les deux hommes.
— Non, mais je comprends que tu ne fasses pas ton boulot correctement. Moi aussi je serais perturbé avec Maïwenn à mes côtés, insista encore le jeune anglais.
Liam n'avait guère apprécié le ton agressif de Mathias et tout en disant ces mots, il ne put s'empêcher de le fixer avec un petit sourire provocateur. L’enquêteur, piqué au vif, allait lui répondre lorsque le portable de Liam sonna. Il s'en saisit, écouta son interlocuteur puis raccrocha sans un mot.
— Que se passe-t-il ? Quelque chose ne va pas ? demanda Maïwenn.
— Ce n'est rien, c'est juste mon père qui n'est pas encore rentré du travail, il a probablement dû s'arrêter au pub avec des collègues et ma mère s'impatiente. Ah les femmes... dit-il tapant sur l'épaule de Mathias avant de saisir Maïwenn par la main.
— Mais non, je te taquine, finit-il par dire à la jeune femme.
— Sur ces bonnes paroles, je vais me coucher, trancha le guide.
Mathias ne pouvait plus supporter le jeune homme qui, selon lui, était beaucoup trop familier. Il bondit de sa chaise, salua Liam du bout des lèvres et fusilla la jeune femme du regard avant de s’éloigner.
— Et bien, ton ami était pressé de se coucher d'un coup, enchaîna Liam en feignant la surprise.
— Oui, c'est étrange, il est insomniaque, rétorqua-t-elle froidement.
En réalité, elle était contrariée par le regard que Mathias lui avait lancé, mais ne voulait pas le faire savoir. Son attention fut alors détournée par Owen qui s’approcha de leur table et y posa une bougie, créant ainsi une ambiance intimiste.
— Tu sais Maïwenn, je pense qu'il n'a pas apprécié que je te prenne la main. Il est juste jaloux.
La jeune femme éclata de rire.
— Non, tu ne le connais pas, ce n’est pas son genre. Il veut juste protéger ce qui lui est utile, c’est tout, expliqua-t-elle.
— Tant mieux pour moi alors, rétorqua Liam.
Maïwenn ne savait pas quoi répondre à cette phrase et l’entrée d’une femme dans le pub l’en dispensa. Des murmures s’élevèrent sur son passage, mais cela ne l’empêcha pas de prendre place au comptoir. Elle portait avec grâce de longs cheveux blancs tressés et une robe noire lui tombant sur les pieds, recouverte en partie par une cape en velours de la même couleur.
— C'est Daïlia, une sorcière de Burley, murmura Liam.
— Une quoi ? s'exclama Maïwenn.
Liam esquissa un sourire gêné.
— Tu sais Maïwenn, nous sommes ici dans une forêt pleine d'histoire, de légendes. À quelques kilomètres, il y a un petit village qui s'appelle Burley, connu pour avoir été un repère de sorcières. C'est maintenant devenu le fonds de commerce des habitants.
— Non mais vous ne croyez pas à ces histoires quand même ?
Le jeune homme ne répondit rien et baissa juste la tête.
— J'ai une amie qui serait au paradis ici ! reprit la jeune femme.
— Personnellement, j'y crois. Ces gens ne volent pas sur des balais bien sûr, mais ont une connaissance des plantes, une relation à la nature, qui pourrait vraiment te surprendre.
— Des herboristes améliorées en gros, compléta la jeune femme, avec légèreté.
— Tu ne devrais pas te moquer. Il n'y a pas si longtemps, tu n'aurais pas cru aux Guides, n'est-ce pas ?
— Tu marques un point, là. Je garde l'esprit ouvert alors. Par contre, elle n'arrête pas de regarder par ici et ça commence à me faire flipper.
Liam se retourna discrètement et vit Daïlia se diriger vers eux.
— Maïwenn, je suis très heureuse de te rencontrer, dit la femme tout en lui serrant la main.
— Euh... Bonsoir. Comment connaissez-vous mon nom ?
Faisant mine de ne pas entendre sa question, la femme prit une chaise, s'assit près d'eux et continua :
— Je ne vais pas vous importuner très longtemps, mais j'ai quelque chose pour toi.
Elle sortit de sa bourse en cuir une petite fiole plate de forme ovale remplie d'un liquide violet. Cette dernière était refermée par un bouchon de liège transpercé par un minuscule anneau dans lequel passait une longue chaîne d'argent.
— Tiens. Je dois te remettre ceci, dit Daïlia en tendant le pendentif à la jeune fille.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Un porte-bonheur. Garde-le autour de ton cou. Crois-moi, il te sera utile.
La femme se leva ensuite et quitta le pub laissant Maïwenn et Liam à leurs interrogations.
— Suis-je la seule à trouver étrange ce qui vient de se passer ? Pourquoi m’a-t-elle donné ceci ? s’interrogea la jeune femme tout en regardant le pendentif.
— Je ne sais pas pourquoi, ni comment elle connaît ton prénom mais si j’étais toi, je l’écouterais.
Les deux jeunes gens remarquèrent alors les regards appuyés des vieillards au comptoir, probablement les habitués des lieux.
— Faut pas plaisanter avec la sorcière ma p’tite, lui lança l’un d’eux.
Maïwenn lui fit alors un signe de tête, gênée, pour lui indiquer qu’elle avait compris le message et posa l’objet sur la table.
— Une bizarrerie de plus sur ma liste, souffla-t-elle.
— Il y en a tant d’autres ? demanda Liam.
— Oui. Par exemple, qui ou qu’est-ce qu’un Varlarc’h exactement ?
— Ah…Et bien, c’est un combattant redoutable. Un apprenti Varlarc'h apprend à se battre dès seize ans et je peux te dire que ce n'est pas de la rigolade. De seize à dix-huit ans, ils ne vont pas sur le terrain, mais ont un entraînement intensif durant lequel ils doivent subir des tortures physiques et morales pour les endurcir. Puis de dix-huit à vingt-quatre ans, ils vont sur le terrain et doivent prouver leur loyauté.
— On les torture ?
— Enfin, je veux dire qu’ils doivent faire des stages de survie intenses. Je connais plusieurs personnes qui ont abandonné et ne s'en sont jamais remis.
— Et ils doivent prêter serment, c'est bien ça ?
— L'année de leurs vingt-cinq ans. Les meilleurs ont le privilège de servir notre chef désigné, eux sont vraiment respectés. Pour bien les distinguer, ils possèdent une dague au manche doré. Les autres vont dans les différentes branches et ont une dague au manche couleur fer.
— J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer des apprentis et j'en garde un mauvais souvenir.
— Ah oui ? Mathias aurait pu te renseigner.
— Il est resté vague sur ce sujet, répondit-elle gênée. Comme pour beaucoup de choses d’ailleurs, pensa-t-elle encore.
— C’est vrai, dans un sens, je le comprends. L’apprenti qui a refusé de prêter serment, ça fait mauvais genre.
— Tu en as entendu parler ?
— Ca a fait grand bruit et on en reparle souvent, oui. C’était l’un des meilleurs et du jour au lendemain, il plaque tout pour devenir un vulgaire enquêteur.
— On ne l’apprécie pas trop si je comprends bien.
— Les enquêteurs fouinent et débusquent ceux qui abusent de leur pouvoir. Même s’ils sont soit disant indépendants des branches, ils doivent rendre des comptes au chef désigné.
— Ca veut dire non donc…
Liam rit.
— Ca veut dire non. Beaucoup les détestent même.
— Les ? Il y en a beaucoup ?
— Pour la suite tu demanderas à Mathias, botta en touche le jeune homme.
Il sera intéressant de connaître petit à petit le passé de Mathias et ce qui le motive à faire ce qu'il fait malgré les risques.
Enfin bref, c'est toujours un plaisir de te lire et j'ai hâte de voir la suite arriver ^^
Merci de continuer à lire!
C'est vrai, Maïwenn a sa petite réputation ;-p et je te rassure, cela a une logique, mais qui n'apparaitra que bien plus tard.
Concernant Mathias, une partie de son passé va bientôt refaire surface et cela ne devrait pas être au goût de Maïwenn...J'espère que la suite te plaira!
A bientôt peut être