— Je n'ai rien fait à Kenneth.
Maïwenn avait l'esprit un peu plus clair et voyait en Lukian l'opportunité de gagner du temps avant qu'ils ne décident de l'achever. En furie, Julie la saisit par la gorge et serra de toutes ses forces.
— Si tu m'étrangles, tu ne sauras jamais ce qui s'est réellement passé, réussi à articuler Maïwenn.
— Elle a raison Julie, renvoie les gardes au chevet de Kenneth. Tu vois bien qu'elle ne peut pas s'enfuir, tempéra Lukian.
Les gardes se tournèrent vers Julie qui, après un temps de réflexion, leur fit signe de partir. Maïwenn, accroupit sur le sol, reprenait doucement son souffle lorsque ce fut au tour d'Agathe d'entrer dans la pièce.
— mais qu'est-ce qu'il se passe ici ? dit-elle en se précipitant auprès de Maïwenn. Vous avez tous perdu la tête ou quoi ? Aider à retrouver Pierre d'accord, mais devenir des meurtriers, sûrement pas !
— Julie, tu devrais retourner auprès de Kenneth, on s'occupe d'elle, enchaîna Lukian, content de trouver un prétexte pour l'éloigner.
Sa sœur céda à contre cœur et regagna le salon. Agathe saisit alors une serviette qu'elle donna à Maïwenn par essuyer ses cheveux et se réchauffer un peu.
— Lukian, nous devons la faire sortir d'ici. Lui faire peur dans ses rêves, c'était drôle, mais je ne peux pas cautionner cela.
Le visage d'Agathe était devenu livide et la panique pouvait se lire dans ses yeux. Son frère acquiesça volontiers et ils entreprirent alors de soulever Maïwenn pour l'aider à se relever. Il demanda ensuite à son ainée de trouver un passage par lequel ils pourraient la faire sortir pendant que lui restait à ses côtés. Elle ouvrit une première porte, mais il s’agissait des toilettes avec une petite lucarne. Toujours en silence, elle ouvrit la seconde porte. Elle venait de trouver le bureau de Richard, pourvut d'une fenêtre coulissante donnant sur l’entrée de la maison.
Agathe entra dans la pièce, ouvrit la fenêtre et passa la tête. Elle aperçut alors deux ombres se faufiler entre les voitures.
— Mathias, c'est toi ? Mathias ? C'est Agathe, viens par là... Vite, murmura-t-elle dans la nuit.
Liam et l’enquêteur se regardèrent, méfiants.
— j’y vais. Nous sommes découverts de toute façon. Vas chercher ta voiture au cas où ça tourne mal, dit Mathias.
Le jeune homme s'exécuta et regagna la route pendant que son compagnon s'approchait avec prudence.
— Lukian et moi voulons faire sortir Maïwenn d'ici. Ils sont devenus fous, ils vont la tuer et nous ne voulons pas être mêlés à ça. On voulait la faire sortir par la fenêtre. Rentre.
— Et Joffrey, où est-il ?
— Il ne savait pas grand-chose et il était bien trop amoché pour parler. Ils l’ont abandonné devant les urgences de Southampton. Tu comprends, c’est l'un des nôtres tout de même, ironisa-t-elle.
Mathias hésita encore un instant, mais s'il voulait sauver sa protégée, il n'avait pas le choix. Agathe vérifia d'abord que le chemin soit libre, puis le conduit dans la salle de bain. Quand elle le vit, Maïwenn poussa un soupir de soulagement. Lui, la serra de toutes ses forces, choqué de voir son état.
— mais qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? demanda-t-il horrifié.
Il réalisait l'erreur qu'il avait faite en l'entraînant dans cette histoire. Lui-même était surpris de l'acharnement dont faisaient preuve les alliés de Richard, mais il connaissait les Guides et il avait appris à se défendre... Pas elle.
Ce qui venait de se passer dans cette maison allait à l'encontre de toutes les règles qu'on lui avait inculquées.
Lukian, quant à lui, observait. Il n'avait pas ouvert la bouche, même à l'arrivée de Mathias. Éduqué pour être Varlarc’h, il savait qu'ils étaient allés beaucoup trop loin. La seule manière qu'avait Kenneth pour s'en sortir, c’était d'éliminer la fille.
— Nous devons absolument la faire sortir d'ici au plus vite, finit-il par dire.
Mathias acquiesça et, tout en soutenant Maïwenn, prit la direction du bureau, c’est alors que Lukian lui attrapa le bras :
— Laisse Agathe s'en charger.
Les deux femmes quittèrent alors la pièce.
— Que veux-tu Lukian ? Plus je reste ici, plus je risque de me faire prendre. Je suis surpris que personne ne soit encore venu voir ce qui se passe ici d'ailleurs.
— Ils sont trop occupés par Kenneth. Il est comme dans le coma et Julie pense que Maïwenn en est la responsable. Sache que même si je laisse ta copine partir, je continuerai à chercher Pierre. Nous serons amenés à nous revoir.
— Tu penses toujours que ton grand-père est le mieux placé pour diriger ?
— Pierre a caché l’existence de son fils alors qu’a-t-il fait à Victor ? Pour moi, la réponse est évidente. Il doit répondre de ses actes.
— Tu juges sans savoir. Je suis l’enquêteur ici, laisse-moi faire mon travail.
— Je crois que tu n’es plus objectif. As-tu des preuves qu’il n’ait pas trahi ?
Mathias tourna la tête, embarrassé, il ne pouvait rien révéler pour le moment.
— C'est bien ce que je pensais, continua Lukian.
— Je trouverai de quoi disculper Pierre, ne t'inquiète pas. En attendant, merci de ton aide.
— C'est la première et la dernière fois. Après cette nuit, chacun pour soi.
Agathe revint dans la pièce, seule.
— C'est bon Mathias, ton ami l'a prise avec lui, vous pouvez y aller, dit-elle nerveusement.
— Il y a trois gardes dans le salon, il va falloir que tu coures vite Mathias et maintenant, frappe moi, c'est la seule façon de nous couvrir.
Sans aucune hésitation, Mathias le frappa puis il repartit prudemment vers le bureau de Richard. Lukian, dont la lèvre était rougie par le sang qui coulait, s'allongea ensuite sur le sol pendant qu'Agathe donnait l'alerte. Les gardes se précipitèrent dans la salle de bains pour constater l'évasion de leur prisonnière et le temps qu'ils rejoignent leur véhicule, la fugitive avait une bonne avance. Ceci ne les empêcha pas de se lancer à sa poursuite.
Liam appuyait sur l'accélérateur pour être sûr de ne pas être rattrapé, mais il n'y avait qu'un seul chemin pour rejoindre la route principale, impossible de tromper leurs poursuivants.
— Putain Liam ! Ils ne vont pas nous laisser partir comme ça, accélère ! cria Mathias.
— Je ne fais que cela.
Accélérant un peu plus sur la petite route, le contrôle du pick-up devenait approximatif.
— Attention ! s'écria Mathias.
Une paire de feu venait en face d’eux dans l’autre sens alors que la voie était trop étroite.
— Un tracteur ? Non mais on est maudit ou quoi ? hurla Liam.
L'engin venait de mettre son clignotant pour tourner dans un petit chemin de terre sur leur gauche, mais ils ne pouvaient pas risquer de s'arrêter. Liam accéléra encore et contourna le tracteur en entrant dans le fossé sous les hurlements de ses passagers. Le tracteur s'immobilisa immédiatement. Dans le rétroviseur, Liam vit le conducteur brandir son poing dans leur direction en hurlant de toutes ses forces.
— Où allons-nous maintenant ? demanda-t-elle à Liam.
L'adrénaline venait de retomber et le jeune homme était à présent silencieux.
— Et mon père, Mathias ? Ils vont le tuer après ça, hein ? dit-il sans répondre à la question de Maïwenn.
— Agathe m'a dit qu'ils l'ont déposé à l'hôpital avant d'enlever Maïwenn. C'est l'un des nôtres, ils savent qu'il ne parlera pas de cela à la police ou même au grand cercle tant que Pierre ne sera pas revenu.
Le jeune anglais prit alors son portable. Sa mère lui avait laissé un message l'informant que son père se trouvait effectivement aux urgences. Bien que soulagé de savoir son père en vie, l'angoisse de ne pas avoir plus de précisions lui fit garder le silence quelques minutes avant de reprendre la parole :
— Nous avons un bateau à la Marina de Southampton, je vous amène là-bas pour la nuit. J'irais demain récupérer vos affaires au Carlson Inn, annonça-t-il.
À trois heures du matin passé, ils étaient tous exténués, peu importait où ils passaient la nuit. Maïwenn finit même par s'endormir sur la banquette arrière.
Une heure plus tard, Liam gara sa voiture sur le parking de la marina. Le bateau familial était très spacieux et avait tout le confort nécessaire.
— Mon père est banquier, il aime impressionner ses clients.
— Je n'ai rien dit, précisa Mathias.
— Tu n'avais pas besoin, j'ai vu ton regard, souri le jeune anglais.
Pendant ce temps, Maïwenn dormait toujours. Lorsque Mathias ouvrit la portière, il resta immobile un instant, les yeux rivés sur la jeune femme.
— J'espère que ça valait le coup de la mêler à tout ça, lâcha Liam.
— Je vais être plus prudent à l'avenir, répondit Mathias, embarrassé.