- Et c’est pourquoi l’horizon d’un trou noir décrit intégralement toutes les informations qu’il contient.
Brucylis frappa bruyamment son menton contre la table de bois.
Toute la classe se retourna sur lui.
Confus, mais les paupières encore lourdes, il se redressa péniblement sur son siège.
- Nous vous avons réveillé peut-être, Monsieur Brucylis ? Demanda ironiquement le professeur Hermétique.
- Mais, … je ne dormais pas, professeur. Répondit l’élève gêné.
- Peut-être, est-ce un problème de digestion, après un repas trop copieux ?
- Oui, Euh, …sans doute …
Le robot-professeur reprit ses explications.
Brucylis, encore assoupi, ne savait comment se positionner sur son dur fauteuil de bois.
Johnina s’approcha de lui.
- Cà va Bruc ? tu as l’air fatigué aujourd’hui.
- Oulah, ne m’en parle pas ; j’ai fait la teuf toute la nuit. J’ai rencontré une vraie bombe en début de soirée. On a dansé jusqu’à 4h du mat, et j’espérais bien la ramener chez moi. Mais au moment de partir, elle a changé de sexe, alors je l’ai raccompagné chez lui, et je suis rentré me coucher seul. Pourtant, entre temps, il est devenu un super asiatique avec des yeux en amande et tout, mais ça ne me tentait plus.
- Et tu n’as pas voulu en profiter pour changer de sexe aussi ?
- Non, je n’avais pas envie. Ce soir, je serai plus dans l’ambiance, si j’arrive à dormir un peu, d’ici là.
- Monsieur Brucylis et madame Johnina, mon cours ne vous dérange pas trop, j’espère ? sinon, je peux parler plus bas.
- Oh pardon Professeur. Répondit Brucylis. Non, ça ne nous dérange pas.
La classe éclata de rire.
Le robot-professeur Hermétique, agacé, demanda le silence en tapant sa règle plusieurs fois sur la table.
- Je rappelle à tous, que ces cours ne sont nullement obligatoires, et qu’ils ne sont sanctionnés par aucun examen, ni aucun diplôme. Donc si certaines personnes ne sont pas intéressées par le sujet que j’aborde, elles peuvent se lever et partir immédiatement.
Le professeur s’interrompit quelques instants pour laisser les personnes non motivées quitter la salle, mais personne ne bougeât.
- Alors, je poursuis ma présentation … Donc, je disais que celui qui disposera du tableau complet, en deux dimensions, de la surface du trou noir, aura la connaissance de toutes les occurrences de son espace intérieur quadridimensionnel. Avez-vous des questions ?
- Sais-ton comment sont codées les informations à la surface du trou noir ? Demanda l’élève Stevenine.
- Non pas encore, le robot Magnétique travaille actuellement sur ce sujet. Nous devrions avoir les premiers résultats d’ici quelques années. Avez-vous une autre question, avant que nous ne nous séparions ?
- Oui Professeur. Annonça l’élève Bobellia. Savons-nous si un algorithme naturel de compression est utilisé pour coder les informations de la surface du trou noir ?
- Evidemment Bobellia, … question idiote ! Comment voulez-vous coder quatre dimensions sur deux, sans un algorithme de compression. La séance est terminée, vous pouvez quitter la salle.
Tous les élèves se levèrent, et s’avancèrent vers la porte latérale de la salle, tandis que le robot professeur quittait la salle par la porte arrière ; on ne mélange pas les serviettes-robots avec les torchons-humains.
Brucylis, voyant que Bobellia s’attardait dans la salle, s’approcha d’elle.
- Quel crétin cet Hermétique! Lança-t-il. Pourtant, il me semble que le professeur Statistique, lors d’un des ces derniers cours sur les travaux de Cantor, nous avait indiqué que les dimensions N, quelque soit N tant qu’il n’est pas infini, restent du même ordre de grandeur, et donc ne provoquerait pas de perte de valeurs mutuelles.
- Tu crois ? Répondit Bobellia. Il faudrait que je révise Cantor.
- Je ne suis pas sûr de moi, mais de toute façon il n’avait pas à te parler comme ça ; ce n’est qu’un robot après tout. Affirma Brucylis. Ce prof est vraiment soporifique. À sa place, je demanderais un changement de version à Quantique, notre meilleur informaticien.
- C’est gentil de me soutenir, Brucylis, tu fais quelque chose de particulier ce soir ?
- Je change de sexe …
- Ah ok. Répondit Bobellia déçue. Bon, et bien à demain alors.
- À demain. Conclut Brucylis, en lançant un baiser à Bobellia, avant de déployer ses ailes et de s’envoler.
Bobellia, restée seule devant la porte de la salle de classe, caressa pensivement le collier doré qui entourait son cou.
Sa poitrine commençait à se réduire, sa peau à s’éclaircir, son sexe à se modifier.
Elle fit quelques pas pour accompagner ce changement de sa physionomie toujours perturbant.
Bobellia déploya ses ailes à son tour, puis il s’éleva vivement dans l’air, essayant de rattraper ce petit point qui se détachait encore à l’horizon, et qui était Brucylis.