3- Premier rêve brûlé

Par Dédé

Je suis seul en cuisine. La lumière vacille. Le silence est assourdissant.

Les plats qui mijotent me donnent l’impression d’être au cœur d’une cantine scolaire. Un steak haché bouillonne au fond d’une casserole. Une forte odeur de graisse s’évapore d’une poêle laissée à l’abandon. Je devine un fond de purée de pommes de terre dans ce qui ressemble à de la peinture acrylique dans le coin d’une assiette. Je ne suis même plus capable de faire un steak-frites ou une simple purée.

Qu’est-ce que je fais là, en cuisine ? Pourquoi avoir ouvert un restaurant ? Que faire d’autre, si je ne suis plus capable de faire ça ? Élever des chèvres en haute montagne ? Je ne sais même pas m’occuper d’une plante, ni même d’un enfant. Alors, un troupeau… Même élever un enfant, j’en ai été incapable. Je ne remercierai jamais assez ma chère Désirée, d’avoir éduqué notre fils comme elle l’a fait, pendant que je bâtissais mon empire gastronomique.

« Tout est fini. Tout est fini ! ». C’est ce que me nargue un pauvre brocoli laissé au sol, quasiment à mes pieds. Il me chante un air sur la fin de la gloire, le début du malheur et de la misère. J’essaie de me boucher les oreilles mais d’autres brocolis viennent le rejoindre. Tous chantent à tue-tête des pensées négatives. Je suis un incapable, un bon à rien. Même le rien, je finirai par le rater un jour ou l’autre. Tout cela tourbillonne et finit par me donner la nausée.

Les brocolis rient de plus belle jusqu’à ce que j’ouvre les yeux, aussi ronds que des billes. La cantine scolaire, les brocolis qui parlent, ce n’est qu’un cauchemar.

Mais, le brocoli brûlé au fond de la casserole est, quant à lui, bien réel.

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aranck
Posté le 28/03/2025
Alors mis à part que la descente aux enfers pour ce pauvre chef cuisinier commence et semble inéluctable, j'ai quelques petites remarques.

Je me serait attendue à quelque chose de plus progressif sur la perte de confiance, alors que là, le cuisinier semble avoir accepté très rapidement le fait qu'il est nul et il le fait presque trop sereinement au début. (ce n'est que mon avis, mais vu la mauvaise foi du chapitre précédent, je trouve qu'il capitule un peu vite).

"C’est ce que me nargue un pauvre brocoli laissé au sol" cette phrase est curieuse, je vois ce que tu veux dire, mais j'aurais mis "même ce pauvre brocoli laissé au sol me nargue" ? Et laissé au sol dans le sens de laissé par terre ?

J'adore par contre le délire de la fin ! L'armada des brocolis ! Génial ! Et finalement, attaquer directement sur ces incertitudes en réduisant la description de la cuisine au début qui casse un peu le rythme, je me demande si ça n'aurait pas été plus sympa (mais c'est toi le chef !).

Cela dit l'idée de cette histoire est vraiment top et hyper originale !
Dédé
Posté le 29/03/2025
J'ai dû faire un choix sur la progression, vu le format court (30 épisodes de 200-300 mots). Mais je comprends que la perte de confiance puisse être perçue comme rapide. Pour autant, avec le côté absurde de l'histoire, ça ne me perturbait pas tant que ça.

Oui, le mot "narguer" en a perturbé plus d'un et plus d'une, c'est vrai... Oups...

Je voulais garder le meilleur pour la fin mais oui, j'aurais pu attaquer direct par le cœur du propos et distiller la description. Je l'avoue.

Merci, Aranck, pour tous ces retours !
Camille Vernell
Posté le 20/03/2025
Je soutiens les commentaires précédents, surtout l'emploi du verbe narguer. J'ai moi aussi eut un petit bug sur la phrase et j'avais préparé un petit texte pour te le signaler, mais Erwel l'a déjà dis :)
Pour le reste, c'est du bon !
Dédé
Posté le 20/03/2025
Si le reste, c'est du bon... Ouf ! Tant mieux !

A bientôt !
Rouky
Posté le 18/03/2025
Salut !
Alors déjà bravo pour le style d'écriture. C'est léger, fluide, simple à lire, et sans prise de tête ! Cette petite histoire comique sait où elle va, et ça se sent !

Hâte de lire la suite, mais ces trois premiers chapitres sont déjà parfaitement maîtrisées, je te félicite, et je retourne à ma lecture ! :-)
Dédé
Posté le 18/03/2025
Merci Rouky ! (ton pseudo réactive mon vieux trauma d'enfance Rox et Rouky...)

Tes retours font chaud au cœur. J'essaie, en effet, de faire dans la légèreté et la simplicité. Si tu sens la maîtrise, tant mieux. Parce que, des fois, je ne sais pas trop où je vais... ahahaha !

Bonne suite de lecture !
Plume de Poney
Posté le 07/03/2025
Moi j'ai toujours dit les brocolis... Méfiance... C'est le complexe d'infériorité vis à vis des choux romanesco ça, ça rend aigri.

Sinon ça plaisanter, c'est bien sympa et de tenir le rythme chaque jour c'est fort.
Dédé
Posté le 08/03/2025
On essaie de tenir le rythme, on essaie.

Il faut se méfier de tout. De tout.

Merci de ta lecture, Plume de Poney !
Erwel.le
Posté le 07/03/2025
Hello,
J'ai commencé à lire cette histoire de malédiction, je n'avais rien à dire sur les deux premiers chapitres (juste envie de poursuivre, parce que c'est chouette).

Mais ce chapitre attire mon attention. Un passage en focalisation interne ! Je trouve que ça donne de la profondeur au personnage principal. Je n'ai pas lu tous tes écrits encore, mais il me semble n'avoir lu que des dialogues jusque-là.
J'espère que cette alternance va continuer. En termes de rythme aussi, je trouve ça intéressant, d'avoir eu ces deux dialogues, puis d'avoir ce passage plus long.

Cette histoire de brocolis est à la fois drôle et touchante, j'admire la façon dont tu allies les deux dans ton écriture en général. Je vais poursuivre avec plaisir.

Je relève une coquille dans l'utilisation du verbe "narguer" : "C’est ce que me nargue" -> narguer n'est pas transitif, alors cette formulation me semble incorrecte.
A bientôt
Dédé
Posté le 08/03/2025
Peut-être que "narguer" comme ça peut passer en focalisation interne mais oui, je ferai attention la prochaine fois, dans ce cas.

Je compte bien mettre des rêves brûlés ci et là. Content que l'alternance te plaise. Et merci pour tout ce que tu as relevé sur ma plume. Ca me touche énormément !

J'essaie de faire dans le drôle et touchant à la fois. J'ai remarqué ces dernières années que le "uniquement drôle" ne me suffisait plus. Et j'adore mélanger les émotions, les faire tourbillonner pour que ça explose de partout dans le cœur des lecteurices.

A bientôt !
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