💍 34. Jeu dangereux💍

- Je demande votre main en mariage Votre Excellence.

Sous le coup de la nouvelle, Jonah failli bien s'étrangler avec sa propre salive si cela n'avait pas été pour le sérieux de la demande. Pendant un instant, ses yeux sondèrent son âme comme s'ils étaient mystérieusement à la recherche d'un élément, ne serait-ce qu'un minuscule élément, pouvant lui faire comprendre que Joséphine plaisantait. Car elle devait forcément dire cela sans avoir toute la mesure de ses mots. Peut-être était-ce dû au choc de l'aventure qu'elle venait de vivre ? Non, cela devait être dû à cela. Il le fallait car après tout ce qu'il venait d'entendre sur elle, Joséphine Conquérant ne pouvait envisager de se marier avec quiconque. Pas même avec lui.

- Et je vous refuse votre requête, dit-il le plus sereinement possible s'affairant aux soins de cette dernière, posant alors ses yeux sur ses plaies à panser plutôt que les siens.

- Vous ne pouvez pas me dire non alors que vous venez de me promettre d'être toujours là pour moi. Epousez-moi.

- C'est ridicule, je ne vais pas vous épouser. Et j'ai effectivement promis d'être là si vous aviez besoin de moi, je n'ai pas promis de me marier avec vous.

- Cela revient au même.

- Non, cela est très différent.

- Epousez-moi, insiste-t-elle

- Non.

Malheureusement pour le jeune Duc, la jeune Baronne avait une obstination sans limite et l'idée de l'avoir à l'usure ne fut pas totalement déplaisante pour Joséphine.

- Epousez-moi, reprit-elle.

- Arrêtez avec cela.

- Pourquoi me dire non ? Je suis charmante, de bonne compagnie, je ne manque pas de personnalité et...

- Joséphine, la coupe-t-il, Nous n'allons pas nous marier. Le mariage est un vœu sacré fait devant Dieu. Voulez-vous mentir à ce dernier en joignant votre vie à celle d'un homme que vous n'aimez même pas ?

- Qui donc a tenu de tels propos ?

- M'aimez-vous ?

- Je vous apprécie. Cela n'est-il pas suffisant ?

Un sourire survenu au moment où le jeune homme secoua la tête, visiblement désespéré par le comportement de son amie. Elle n'avait pas les idées claires, cela ne pouvait être que ça.

- Je vous demande sérieusement de revoir votre demande Joséphine. Ce n'est pas quelque chose que l'on fait et que l'on défait comme son lit, cela va plus loin que ça. Le mariage tient du sacré. De la promesse éternelle, mais surtout de la reconnaissance et de la confiance mutuelle.

- Les bases même de l'amitié, non ? Je conçois que dans un monde où nous voyons le mariage dans une optique de partenariat, d'arrangement, ma demande sort du lot et paraît être soudaine, mais j'y ai réfléchis. Longuement. Il est vrai que nous ne nous aimons pas vous et moi. Il est vrai que nous partageons une vision similaire quant au fait de s'engager. Il est aussi vrai que je n'ai rien à vous offrir. Je le dis honnêtement et le reconnaît : Je ne suis rien ni personne. Vous connaissez les déboires de ma famille, nos problèmes...Vous savez aussi quel regard ont les gens sur moi. Néanmoins, je vous prie de réfléchir à ma demande et de la voir comme une offre honnête.

- Très bien, si nous jouons la carte de l'honnêteté...dites-moi pourquoi moi ? Pourquoi désirez-vous soudainement vous marier avec moi ?

- Pour une raison égoïste : La sécurité. Je l'admets. Je sais que le simple fait de porter votre nom ou d'être vu ensemble pourrait m'apporter la paix dont j'ai besoin et celle dont je rêve tant. Je sais que vous seriez compréhensif et que vous me laisseriez être libre. Par là, je n'entends pas avoir une liaison, mais je souhaite rendre justice à ma famille et rétablir l'entreprise. Je souhaite mettre à profit ce pour quoi je suis née, ce que l'on m'a apprit pendant tant d'années. Très égoïstement, je veux vous épouser parce que je sais que, peu importe mes choix, mes décisions, vous serez en mesure de me supporter et d'être à mes côtés.

- Mais vous ne seriez pas heureuse, finit par avouer Jonah.

Il y avait pensé aussi de son côté, et ce, depuis la visite du jeune Bartolomé. Il s'était surprit à imaginer ce à quoi une vie à ses côtés pourrait ressembler. Et effectivement, les mots qu'elle venait d'avoir, il les avaient eu à son égard. Il savait qu'elle comprendrait, qu'elle entendrait et que jamais ô grand jamais elle ne le restreindrait. Ils seraient libres. Tous deux. Mais ils ne seraient pas heureux.

Et ça, c'est une vie que Jonah ne souhaite pas lui infliger.

- Je suis Duc, Joséphine et par conséquent, cela s'accompagne d'une montagne de responsabilités vis à vis aux gens qui vivent sous ma tutelle. Si vous deveniez Duchesse, vous ne pourriez pas mener cette vie. Vous auriez vous aussi des responsabilités et probablement trop pour vous permettre le moindre temps de repos. Cette vie finirait par vous arracher tout ce à quoi vous aspirez et je ne peux malheureusement pas être en accord avec cela. Je ne vous veux aucun mal et je ne souhaite pas que mon refus vous offense d'une quelconque manière que ce soit, loin de là. J'espère même que nous resterons amis car cela compte énormément pour moi, plus que ce que vous ne pourrez jamais imaginer. Mais je ne peux pas vous épouser car j'aurais à vivre avec ça sur la conscience. Je devrais vous voir abandonner vos rêves dans le seul but de satisfaire et combler vos responsabilités et ce n'est guère envisageable. Vous m'en voyez désolé.

Tous deux arborèrent alors ce même regard attristé. Hélas, c'était là la juste réalité. Jonah avait parfaitement conscience du poids qui pourrait peser sur ses frêles épaules tandis que Joséphine savait qu'elle ne lui serait d'aucun soutien. Elle ne pouvait pas le combler. Elle ne pouvait pas le rendre heureux. Pourtant n'y arrivaient-ils pas sans rien faire si ce n'est en se rencontrant de temps à autre ? Est-ce à cela que se résume leur relation ? A des rencontres volées ? A un moment de bonheur succins et éphémère ?

- Essayons, lance Joséphine d'autant plus déterminée.

- Je vous demande pardon ? reprit Jonah

- Nous nous basons sur des hypothèses et des éventualités et nous partons du principe que jamais cela ne pourrait fonctionner, or je ne suis pas d'accord. Je n'ai pas grandie dans un monde où les hypothèses et les «peut-être» avaient leurs places.

- Mais nous venons de...commence Jonah toujours scotché par sa réaction

- Il est fort probable que vous ayez raison. Peut-être que nous serons malheureux à souhait. Peut-être que nous viendrions à nous détester. Peut-être que nous n'aurons que des regrets, mais une fois encore, cela n'est qu'un ensemble de «peut-être» car peut-être, justement, que cela sera tout l'inverse. Nous ne le savons pas. En outre, je préfère vivre une vie pleine de remords qu'une vie pleine de regrets.

- N'avez-vous pas écouté un traître mot de ce que je viens de vous expliquer ?

- Je vous ai écouté et je ne partage pas votre vision, voilà tout. Vous semblez me voir comme une rêveuse ayant de grands projets et en effet, j'en suis certainement une, mais je préfère mille fois me qualifier de femme à objectif et vous savez ce qui différencie un rêve d'un objectif ? Ce dernier est atteignable.

- Pourtant, je ne changerais pas d'avis. Pas même pour vous Joséphine. Soyez assurée que cela m'attriste, mais je ne peux participer à ce genre de chose.

- Essayez-vous de défendre mon bonheur contre mon gré ? reprit-elle un tantinet suspicieuse

- C'est exactement la position que je défends ! affirme Jonah plus fier que jamais, Parce que vous méritez d'être heureuse. Pleinement heureuse j'entends.

- Alors épousez-moi et je vous ferais la promesse solennelle d'être la femme la plus heureuse du monde.

- Non. Et n'insistez pas. N'avez-vous donc pas appris à respecter le choix et les décisions d'autrui ?

- Uniquement quand je sais ces dernières définitives or la vôtre ne l'est pas, poursuit Joséphine

- Et qu'en savez-vous exactement ? Prétendez-vous me connaître ?

Non, mais il y avait des signes qui ne pouvaient tromper un œil bien avisé.

- Vous souriez. Vous n'avez cessé de sourire depuis le début de notre conversation. Savez-vous ce qu'est un sourire ?

- Éclairez donc ma chandelle.

- Un signe de bonheur, lui dit-elle en lui rendant son sourire

Alors il y avait pour sa folle idée, un brin d'espoir et ça Joséphine le savait.

- Ne me regardez pas comme cela. Ma décision est prise, affirme Jonah en tentant de supprimer le rictus suspendu à ses lèvres

- L'est-elle ? poursuit-elle en le titillant toujours un peu plus

- Vous ne lâcherez pas l'affaire, n'est-ce pas ?

- C'est un trait que j'ai hérité de mon père. Nous sommes de fins négociateurs chez les Conquérant.

- Dans ce cas...

S'approchant d'elle jusqu'à mettre son visage à hauteur du sien, plissant légèrement les yeux et souriant dans un air de défi, Jonah amusé par cette Joséphine se tenant présentement à ses côtés lui dit alors :

- Convainquez-moi. Vous voulez ma main ? Faites le nécessaire pour l'obtenir. Courtisez-moi.

- Vous voulez que je vous fasse la cour ?

- Tout à fait. Faites-moi comprendre à côté de quoi je passerais si je venais à vous refuser une nouvelle fois.

- Est-ce un défi ?

- Allez savoir. Peut-être bien. L'acceptez-vous ? Vous, Joséphine Conquérant, acceptez-vous de me montrer quel fou je serais si je ne vous épousais pas ?

Jonah confiant de son tour de charme pouvait presque s'imaginer vainqueur, la voyant reculer brusquement, très certainement chamboulée par ce soudain rapprochement. Mais quelle ne fut pas sa surprise quand Joséphine lui répondit avec la même confiance, allant jusqu'à plaquer son front contre le sien.

- J'accepte.

A cet instant, tous deux venaient d'entrer dans un jeu bien plus dangereux qu'ils ne l'auraient alors imaginé. Un jeu n'ayant règle, aucune limite dans le temps et n'ayant ni grand gagnant ni perdant. Un jeu de sentiments. Un jeu que l'on vit sur le moment. Un de ceux que l'on aimerait faire durer éternellement. 

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
CelCis
Posté le 09/05/2023
Coucou Manon,

Hébé, ils sont vraiment un mélange entre stéréotypes des personnages de ce temps et leur opposé! Mais je me surprends à sourire en lisant cela. Déjà le chapitre dernier (avec un bon cliffhanger) et cette question m'avait laissé en suspends... Et là, hop, Joséphine qui y va pour proposer un mariage de raison (même s'il est mâtiné d'amitié) qui lui donnerait liberté et soutien.

Elle doit vraiment avoir la tête très très froide pour faire cela à peine sortie de sa prison. Elle est forte, hein. Mais en même temps, cela peut la protéger de son geôlier, s'il revenait à la charge...(mais oserait-il)?

Maintenant, il reste la question aussi de Jonah et de tous ses soucis de domaine, etc. Je suppose qu'on va en entendre parler...

J'attends la suite :D
À tout bientôt!
ManonSeguin
Posté le 10/05/2023
Coucou !
Décidemment tes commentaires sont toujours un plaisir pour moi que ce soit de les lire, mais surtout de les découvrir :3

Et promis, je vais être sage et m'y tenir... Un chapitre par semaine ! :D
Vous lisez