💍36. Permission💍

Chez le Conquérant, l'heure fut aux retrouvailles. Joséphine passant le seuil de la porte d'entrée, fut immédiatement assailli de toutes portes entre les cris et les pleurs de tous ceux et celles l'ayant attendue de pieds fermes. Alors que les héros du jour n'eurent le droit à aucune reconnaissance de la part de la maisonnée, la jeune femme fut immédiatement conduise jusque dans sa chambre depuis laquelle, Ninon, fidèle à son poste, repartit aussitôt afin d'aller chercher le médecin de famille. Elle était certes revenue, mais dans un état faisant peine à voir.

Sur le trajet du retour, Jonah ne put s'empêcher de repenser à sa folle proposition, aux mots qu'ils ont échangés, à son regard déterminé, mais également à la réflexion qu'elle lui a faite : «Vous souriez». Il n'y avait pas de remarque plus banale que celle-ci et pourtant, venant des lèvres de Joséphine, cela ne put que le marquer davantage. Allez savoir pourquoi. Avait-il réellement sourit sans même s'en rendre compte ? Perdait-il ses moyens en sa présence comme Maximilien lui avait fait plusieurs fois remarqué ?

- Il est clair que je vais abuser de votre temps, Votre Excellence, mais pourriez-vous rester ? Je me dois d'aller rapporter notre retour et tout ce qu'il s'est passé, lui demande le jeune Lieutenant sur le départ.

A croire que son emploi du temps ne cesse d'être bouleversé dû aux Conquérant.

- Je ne peux, hélas, refuser une telle requête, sourit amicalement le Duc

- Je vous en serais éternellement reconnaissant. Pour tout ce que vous faites pour ma sœur également.

Souriant sur cette dernière remarque, Jonah ne relève pas et laisse le jeune homme s'en aller tandis qu'une domestique l'invite à s'installer dans le salon.

Il se souvient parfaitement de sa première visite dans cette modeste demeure. Bien qu'il fut face à une famille de barons, il s'attendait à quelque chose de différent, peut-être de plus spacieux, plus luxueux car il savait que les petites familles avaient tendance à faire étalage de tout ce qui pouvait démontrer leur niveau de richesse. Or, ce n'était pas le cas de cette famille-là. La fille aînée, bien atypique, lui avait déjà prouvé qu'elle n'était pas tout à fait comme toutes les autres jeunes filles contraintes par les normes. La décoration était épurée, légère, les murs, faute de tableaux, étaient remplis de photos de famille. Le seul portrait était celui d'une femme trônant au dessus des escaliers. Il ne l'avait jamais vue et pourtant, il se doutait de son identité. Une femme ressemblant sous bien des traits à Joséphine.

Pendant une dizaine de minutes, il ne fit rien. Resta majoritairement assis, posant ses yeux sur le moindre meuble, puis finit par se lever pour s'étirer. Ce fut une longue matinée et la journée qui l'attendait ne s'annonçait pas moins éprouvante tant il savait que Maximilien criserait à son retour. Il savait qu'il ne pouvait se permettre de flâner et pourtant, le voilà traînant dans un salon.

- Votre Excellence ? Madame souhaiterait s'entretenir avec vous, annonce une domestique.

Ses yeux fixent le tapis à même le sol tandis que quelques tremblements se font entendre dans sa voix. Avait-elle peur de lui ? Pour quelles raisons ? Ah. Probablement dû à sa dernière visite et quand il a troqué Caroline contre Joséphine. Là encore un goût amer en bouche. Ne l'avait-il pas abandonnée à son sort ? Ne savait-il pas que Joséphine avait eu raison ? Néanmoins, sa démarche était justifiée. Joséphine, en maîtresse de maison, héritière et nouvelle baronne ne pouvait se permettre se genre de tâche supplémentaire à sa réputation.

Suivant la domestique lui ouvrant la marche, il tombe nez à nez sur les deux plus jeunes, le regardant avec des étoiles pleins les yeux.

- Merci ! siffla Thomas en sortant son plus beau sourire.

- Voyons, ce n'est pas une façon de s'adresser à...les reprit une autre domestique

- Ce n'est grave, sourit Jonah, Tout le plaisir est pour moi, leur dit-il alors en rendant son sourire à Thomas.

Puis ils repartent tous deux au détour du couloir tandis que Jonah s'arrête devant la porte de la chambre de Joséphine. Cette foutue porte. Frappant délicatement à cette dernière, ce n'est qu'avec l'accord de la maîtresse de maison qu'il finit par en franchir le seuil, la découvrant à moitié allongée dans son lit, un léger sourire aux lèvres.

- Vous n'étiez pas obligé de rester, lui dit-elle alors

- Et manquer une telle vision ? Je m'en voudrais. Ne devriez-vous pas vous allonger convenablement et vous reposer en attendant la venue du médecin ?

- Puis-je seulement dormir sur mes deux oreilles quand un charmant personnage occupe mon salon ?

Il rit.

- Viens-je de prendre du grade ? D'étrange personnage, je passerais à charmant ? Il vous en a fallut du temps pour vous apercevoir de cela, lui fit-il remarquer

- Que nenni. Je l'ai toujours su, mais je refusais simplement le fait de le dire à haute voix. Votre ego doit m'en être reconnaissant.

- Je ne suis pas certain de cela. Pour maintenir sa forme la plus idéale, ce dernier a besoin d'au moins cinq compliments par jour. Avec vous, j'atteins à peine les deux.

- Je ne voudrais surtout pas vous habituer à la flatterie. Que me resterait-il sinon ?

- Et comment comptez-vous me séduire si vous n'utilisez pas cela ?

- Oh, mais je suis une femme pleines de ressources !

- J'ai cru voir ça, effectivement.

Tous deux rient et tandis que le Duc se rapproche du lit pour venir s'asseoir au bord de ce dernier, à hauteur des pieds de Joséphine, son regard se plonge dans le sien, comme s'il sondait son âme à la recherche de quelque chose de bien précis. Mais n'y a-t-il rien de plus mystérieux et piégeur que les yeux d'une femme ? Cette capacité qu'ils ont d'envoûter chaque fou pensant en ressortir sans avoir été marqué par ces derniers.

- Tout à fait entre nous Joséphine, comment vous sentez-vous ? s'inquiète-t-il

- Soulagée, je présume ?

- Pourquoi ne m'avez-vous jamais parlé de toute cette histoire ?

- Parce que vous êtes un homme bien occupé et que ceci ne regarde que moi. Non pas que je ne l'ai jamais envisagé, mais qu'alliez-vous faire pour moi ? Ce n'est pas à vous de régler cela, c'est à moi et à moi seule à qui revient cette tâche.

- Mais ne voulez-vous pas de mon aide ? Pourquoi vous résignez-vous à vous enfermer sur vous-même ? Vous n'êtes pas seule.

- Je présume que c'est quelque chose sur lequel je dois encore travailler, mais sachez qu'avec votre soutien compte énormément pour moi et que cela me suffit.

- Visiblement non étant donné que vous voulez m'épouser, plaisante Jonah

- Je ne veux pas vous épouser pour que vous soyez mon protecteur quoi que...bénéficier de votre nom et de votre réputation reviendrait au même.

- Dans ce cas, pourquoi ? Je dois bien admettre que ma curiosité à ce sujet n'est toujours pas satisfaite.

- N'avez-vous jamais eu de secrets ? Le genre que l'on préférerait garder pour soi.

- Bien évidemment que si.

- Alors vous comprendrez mon silence. Je vous ai déjà dit dans la forêt la nuit dernière pourquoi je souhaitais m'unir à vous.

- Ce que vous souhaitez se rapproche étrangement de l'alliance plutôt que du mariage.

Il n'a pas tort à ce sujet et Joséphine le sait. Depuis la nuit dernière, sa folle demande ne cesse de tourner en boucle dans sa tête. Pourquoi avait-elle soudainement formulé ces mots ? Elle qui les a fui pendant si longtemps ? Etait-ce vraiment pour les raisons qu'elle lui a énumérées ? Ou avait-elle un autre motif ?

- Vous m'avez dit que je ne serais pas heureuse à vos côtés. Que je ne vivrais pas selon mes désirs et mes rêves.

- C'est exact. Je ne vous ai en rien caché le sort qui vous attends.

- Ne trouvez-vous pas cela étrange ? Nous ne nous aimons pas et pourtant, aucun de nous ne semble totalement réticent à l'idée de s'unir à l'autre ? Pour ma part, je trouve cela tout à fait curieux.

- Peut-être est-ce dû au fait que nous nous entendons bien tous les deux. Chaque moment que je passe avec vous est un bonheur sans nom pour moi.

- Même quand il faut venir me sauver ? rit-elle

- Même quand il faut venir vous sauver. Et je viendrais autant de fois que cela est nécessaire.

- Jurez-vous d'être mon chevalier servant volant à ma rescousse ?

- N'ai-je pas déjà juré d'être à vos côtés si vous aviez besoin de moi ? Je suis un homme de paroles vous savez.

- A combien d'autres que moi l'avez-vous dit ?

A cet instant, Joséphine vit le sourire de Jonah disparaître pour laisser place à un regard plus sérieux. Non. Plus honnête.

- Vous êtes la seule Joséphine. Il faut le reconnaître à présent, vous êtes la seule femme capable de faire de moi ce que vous voulez. J'ai l'impression que mon bonheur dépend du vôtre. Que mon humeur de la journée dépend de vous, de si j'entends parler de vous ou si j'arrive à vous apercevoir. J'ai l'impression que mes soucis s'envoleront si je venais à vous en parler et je dois dire que tout ceci me rends aussi bien confus que complètement ravis. Suis-je devenu fou ? Fou de croire que ma vie dépend à ce point-là de la vôtre tant ces dernières n'arrêtent pas de s'entremêler ? Je ne comprends pas pourquoi le destin cherche à ce point à nous réunir, mais si cela doit être pour le meilleur et pour le pire, je veux être certain d'une chose.

S'approchant un peu plus d'elle, il prit sa main dans la sienne dans un tendre sourire avant de remonter ses yeux jusqu'aux siens. Oh. Effectivement. Il ne pouvait s'en défaire si aisément. Il l'avait cru pourtant. Il s'était pensé si fort et si malin à pouvoir mettre de la distance entre eux, mais hélas...Quel fou a-t-il été.

- Je veux être certain que vous ne veniez pas à regretter votre choix car Joséphine, vous et moi...cela peut durer une éternité.

- L'éternité me va, lui répondit-elle en rapprochant son visage du sien

Alors délicatement comme s'il avait peur de la briser ou d'aggraver son état, Jonah vient poser sa main sur son visage. Elle avait la joue si froide et pourtant ses joues étaient si rouges. Si chaudes. Ah qu'elle était belle. Même ainsi. Même marquée par les évènements. Parfois, dans de rares moments, la beauté de Joséphine semble lui revenir brutalement comme si elle n'existait pas et pourtant, cette dernière était bel et bien là. La rendant d'autant plus désirable. Captivante. Charmante. Irréelle.

- Ai-je la permission de vous embrasser ?

- Permission accordée.

Et dans un ultime souffle court, le cœur battant Jonah s'avance et s'empare dans une grande tendresse des lèvres de cette femme qui n'a eu de cesse de le rendre chèvre même quand elle n'était pas là. 

 

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