37 | Les momies'rionnettes (1/4)

Notes de l’auteur : Chapitre mis à jour le 03.11.2024.

JULES.

Toc-toc-toc-toc dans la tête. Sss-sss-sss-sss siffle les oreilles. Bzz-bzz-bzz-bzz les abeilles. Ma migraine c’est terrible comme elle s’fâche sous l’front. Et ça fait d’puis qu’on a atterri dans l’esprit du vieux qu’elle me bzz fiche ça. Le battement des ailes, les piqures que j’appréhende depuis l’départ bzz, comme si l’essaim bzz était là, au-dessus de ma nuque, et qu’à bzz tout instant il pouvait foncer. Fuser sur ma peau. Enjabler là bzz tout là. J’les sens toutes proches ces mouches à miel, et pourtant l’y restent invisibles, collées j’sais pas trop où, dans un parage pas vu encore ¿ L’y viennent pas. Mais fichtre où qu’elles sont ?¡ Argh c’que ça m’fout l’angoisse d’pas savoir, ça empire tout. Surtout qu’elles sont pas les seules à siffler dans mes bzz-pensées. Depuis qu’on a posé notre premier pas sur c’te loque de bateau, c’est les échos du bzz passé qui s’y sont mis et c’est terrible c’que ça braille là-dessous ! Tout c’fourbi d’souvenirs qui traversent les années, des marins qui crient des non ! les noms de ceux qu’ils aiment et qu’ils voient passer par-dessus l’pont et la mort ils hurlent la mort et ça m’fout l’cafard tout c’vestige sonore. M’intimidant, m’rendant toute patraque à imaginer c’qu’il s’est passé tout ici et m’demandant pourquoi dans l’fond pourquoi tout ça et est-ce qu’on aurait pas pu évi–

_ Oh oui, petite clarté… Vois le carnage, comprends le ravage. Tout ceci n’est-il pas déplorable ?

J’sursaute. Cabriole du coeur. J’me retourne. Rien. Bzz. Fait noir, rien d’autre. Mes yeux s’sont habitués à l’obscu-bzz-rité mais quand même, l’y a personne là-bas. Sueur froide qui floue bzz sur mon dos. J’cours rattraper Orée qui clopine toujours devant bzz. Sa haute silhouette s’découpe mieux, j’chuchote son prénom. Bzz. Aussitôt l’y s’raidit, s’arrête, me jette un regard anxiosé.

— Qu’est-ce qu’il y a ? qu’il murmure, avec un éclat de peur dans la voix.

— Tu l’as entendue ?

— Lévie. Tu sais bien que je n’entends rien de tout ce que tu entends.

— Non mais… c’te fois, c’était différent.

— Différent comment ?

— C’était une voix féminine, qui a sonné bien plus fort que ces autres bidules du passé. Et résonante. Et… et… froide ? Surtout j’suis sûre, c’était actuel ? C’était pas un souvenir. J’te l’jure. C’était pas… Comme s’il y avait quelqu’un… là. Derrière, devant… Juste, j’sais pas trop où ?

Soudain cette voix bondit encore, sauf que bzz cette fois c’est un rire et pas n’importe quel rire. C’est un rire qui donne la pétoche et vous flanque l’envie de déguerpir bzz tellement c’est glaçant et méchant, à peine si ça sonne humain cette cisaille dans les oreilles. J’pense, mon visage se décompose pask’ Orée bzz il fronce ses sourcils et m’appelle Lévie Lévie ? Et si l’rire polaire, si blanc façon j’sors-des-tombes, bzz s’est arrêté, il résonne encore. Les échos s’amplifient et c’est une cathédrale dans ma tête.

— Lévie ? Dis ? Tu m’entends ?

— Elle a ri. Elle a… ri.

Et moi aussi un rire nerveux m’échappe, qui bientôt s’transforme en hilarité à la bzz lisière d’être sangloté. J’regarde derrière nous en me triturant les doigts, mais l’y a rien dans c’décor penché. Crotasse. Fichtrement rien. Orée m’demande si j’préfère aller devant ? Et il couvre mes arrières ? La gorge sèche, j’acquiesce, et nous nous remettons en marche, tous nos sens aux aguets. D’mes bras, j’dégage les toiles d’araignées ternissant l’chemin, le nez grinchon à cause que c’est pourrave l’haleine du couloir. Amer, fichtrement grinçant l’vieux sel de mer, les cadavres que j’entends encore mourir là-haut. Et… fichtre ! Il peut pas faire moins d’bruit l’Orée derrière ? Bien sûr il a une saleté de blessure à la jambe, bien sûr sa béquille son os c’est obligé que ça traîne avec tous ces clac clac au sol. Mais quand bzz même ! Tout est trop fracassant à force que ça raffute de partout. Bousasse ! Pis d’ailleurs, déjà sur le lac l’y s’déplaçait avec turbulence. Il y avait les hachures dans son souffle, et tous ses déglutis qui, à mal passer à travers la gorge, s’entendaient à des kilomètres à la ronde. Donc ouais : blessure ou pas blessure, Orée il a une façon d’être balourde et indiscrète.

On avance on avance on avance encore. La démarche fanée, le coeur cireux, on avance bzz avec l’impression qu’à chaque pose de pied, c’est un pas dans la bzz vieillesse qui est fait bzz en plus. Les dos s’arrondissent, les bzz jambes s’alourdissent bzz. Et l’air glacé nous mange l’souffle. Orée là-derrière s’étiole, j’l’entends bien comment ça dépérit ses mouvements et les larmes ça renifle. Toutefois il s’bzz plaint pas le p’tit bonhomme. J’peux bzz au moins lui reconnaître ça. J’dénoue une toile d’araignée. Nez froncé. Bzz bzz. Clac clac la béquille d’Orion. On avance on avance bzz encore.

_ Là, petite clarté… C’est là. Ne le sens-tu pas ? Éprouve la souffrance. Entends la douleur qui pulse en toi. Ne sont-elles pas une incroyable force créatrice ? N’y a-t-il vraiment rien à en tirer ?

J’me crispe. Lèvre mordue, coup d’oeil à l’arrière, j’contrôle qu’Orée est encore là et que rien s’jette sur lui. J’repère rien de suspect. Nos regards s’croisent. Tout pâlichon il me sourit petit. Se voulant rassurant. Ouais ben ça rassure rien du tout. En fait ça fiche plutôt la trouille de voir ça, comme un cadavre qui sourit.

— C’est encore elle ? me chuchote-t-il.

J’hoche la tête.

— Et qu’est-ce qu’elle dit ?

J’hausse des épaules. Pis lui tourne le dos, reposant ma vigilance sur l’avant du couloir enténébré.

— T’es sûre que ça va ? souffle-t-il.

— Mais oui ! Tu veux pas m’lâcher les basques ?

Orée répond rien. J’le sais vexé alors forcément j’lève les yeux au ciel. Franch’, c’est quoi son ‘blème au joyeux luron là-derrière ? À s’faire moucher pour un rien du tout ? Si moi aussi j’réagissais comme lui à chaque fois qu’on m’fait une remarque toute crotteuse, j’peux dire que je serais pas là où j’en suis aujourd’hui ! Alors faut qu’il apprenne lui, à pas constamment s’enfiler les rosseries des autres ! Où on va, sinon ? Et… et… bzzzzzz

L’bourdonné à mes oreilles s’était atténué mais là l’est revenu à la charge. Il cogne si fort subito, beaucoup plus fort qu’avant, comme bzzz si nous étions tout près maintenant, bzzz bzzz et près de quoi, au juste, hein ?¡¡? Bzzz bzzz bzzz le tumulte s’bouscule si pressé que ça m’fait vaciller l’crâne qui éclate, regard pointillé d’noir, bzzzz j’progresse bzz encore, une main prenant appui contre l’mur, clopine-clopante, hystérie dans ma tête.

_ C’est ça, petite clarté… Viens, viens… Approche toujours plus hargne… Donne-moi ta main offre-moi ton mal, ce n’est que dans la violence et le sang qu’on se révèle réellement…

Clac CLAC la béquille BZZZ d’Orée, j’aimerais tellement que tout s’arrête et que tout se taise, surtout la voix qui m’a ouvert le front cette douleur. Quelque chose coule hors de mes oreilles, du sang… p’t-être ? J’sais pas trop, tympans perforés, les choses ça déborde tellement tristées, ac-cou-phè-phè-phènes maintenant, vrombillon d’lugubré c’est moche, alors nous débouchons sur BZZZZ j’ouvre grand mes yeux. Les abeilles. Elles sont là. Toutes accolées contre la paroi. Au plafond plutôt, façon chauves-souris. Et bzzz bzz bzzzz bz au bout du couloir, il y a des escaliers qui bzzz montent, sur lesquels on a versé bz la bzzz lumière du dehors. Alors quoi, bzz ça veut dire qu’en haut bzzzzz c’est le pont ? Le pont du bzateau ? Et que c’est là-bas qu’il nous faut cheminer ?

Et les bzestioles j’sais pas ce qu’elles font. Et elles sont tellement plus grosses, tellement plus bruyantes qu’une abzeille normale. Plus trépidantes que tout, c’est terrible comme ça s’affole là-haut. Taille d’ma paume elles font, j’pense ? Elles s’déplacent et s’entassent au plafond, passent d’une paroi à l’autre, et vraiment j’sais pas ce qu’elles fichent. C’est comme si, trop occupées à faire c’qu’elle font, elles nous ont pas vus ou qu’alors elles s’en fichent total’ de notre présence. Et l’âcreté qui émane de toute la colonie me nauséeuse, ces satanés insectes schlinguent le sanguinaire, mais pourquoi tout a constamment le goût de l’agonie par ici ?

Derrière moi, la silhouette d’Orée s’approche et m’recouvre. Il baisse son buste pour chuchoter à mon oreille, la voix tremblotante :

— Tu sais Lévie…

— Quoi ?

— Tout ceci me fait penser à une ruche.

Et à voir toutes ces p’tites pattes gratiner la paroi, c’est bzzz vrai que bzz sa réflexion j’suis bz bzzz bzz assez d’acc’. Les ouvrières sont toutes là et recouvrent le plafond entier, grouillant se bousculant, se détachant parfois d’une place volent pour s’en trouver une autre, mais rien d’tout ça me réjouit les ruches bzzz c’est pourtant joli la vie, et ça me fiche l’effet inverse. Ça abeille tellement partout le grouillis des insectes, avec un brondissement qui coule sur les murs. C’est infect et trop humide le miel noir qu’elles fabriquent. J’le lui fais remarquer, d’ailleurs, à Orée. Que leur miel ça fouette le nez. Et lui m’a glissé, tout contre l’oreille, qu’il doute que ce soit du miel, et il a dégluti et il n’a rien ajouté et il a bien eu raison. Aucun d’nous deux veut vraiment s’imaginer c’que c’est, cette chose saliveuse qui grasse la paroi, encore moins c’que les abzeilles ont butiné pour arriver jusqu’ici, la seule chose nutritive dans l’coin étant nous et surtout les charognes gisantes sur la plage.

— Qu’est-ce qu’on fait ? m’murmure Orée.

— J’crois pas qu’elles nous ont remarqués.

— T’as raison. Faisons marche arrière avant qu’elles le fassent.

— Quoi ? T’es toqué ?

— T’as une meilleure idée, peut-être ?

Interloquée, j’me retourne pour l’observer. Vraiment ? Le joyeux luron il veut reculer ? Et lorsque l’Orée l’y surprend l’expression de ma fichue binette et qu’il comprend mon intention, sa face à lui pâlit, plus encore qu’il n’était déjà cadavérique Orée. Et d’une voix étonnamment affirmée, toujours en chuchotant, il dit :

— C’est hors de question.

— Ah. Pask’ tu t’imagines qu’on a le choix ?

— Je ne passe pas là-dessous, Lévie.

— Si on est suffisamment discrets et attentifs à pas fâcher une seule d’entre elles…

— Mais qu’est-ce que tu en sais ? On fait un pas supplémentaire qu’elles nous foncent peut-être toutes dessus !

— On peut pas savoir tant qu’on essaie pas. Et pis…

— Oui ? Quelle autre insanité vas-tu me débiter encore ?

— C’est une technique que j’ai déjà essayée et qui fonctionne.

Un rire sangloté lui échappe.

— Ah oui ? murmure-t-il pressé. Cela fait donc partie de l’accoutumance de madame que de se promener sous des ruches géantes avec des abeilles géantes qui vous produisent une variété de miel dont l’arôme vous rappelle délicieusement la saveur du pus et du sang ?

Soufflée par sa riposte, j’réponds pas tout de suite. Franch’, il est allé trouver où sa remarque ? Surtout dans un moment pareil ? Néanmoins, assez vite j’réplique :

— P’t-être c’était pas des abeilles, mais plusieurs fois moi ça m’est arrivé d’passer d’vant des gens toute p’tite comme ça en espérant qu’ils m’repèrent pas et tu sais quoi ? Bah les gens ils font pas attention. Les gens ils m’voient pas ils m’ont jamais vue, alors même que j’ai toujours été là, juste devant leurs yeux. Pourquoi ça pourrait pas faire pareil avec les abeilles ?

Orée ouvre sa bouche mais rien ne sort. Un machin triste filasse dans ses pupilles et j’comprends pas pourquoi fichtre et j’déteste ça alors j’pose mes mains sur les hanches pour lui montrer que quoi hein ?? J’suis pas une dégonflette moi. Et bzz bzz partout dans la tête, et ça m’tord les yeux, et Orée souffle :

— Mais… ça t’arrive souvent ça ?

— Bah ouais. Quoi tu m’crois pas ?

— Si, si… c’est juste que…

L’y m’regarde avec un truc vraiment zarbo dans les yeux maintenant. Bzz un long moment bzz. Enfin il secoue sa tête. Pis :

— Une chose est sûre : passer là-dessous, c’est tout sauf raisonnable.

— Si tu m’traites encore une fois de déséquilibrée, j’te préviens…

— Oh ! Il ne fait aucun doute que tu l’es. Mais c’est peut-être aussi ça qui soulève le courage. Bon. On y va ?

Alors Orée lâche un sourire béat, naïf presque, tout comme un enfant… Et moi là-dessous, ben voilà quoi ! Fichtre ! Ça y rate pas que j’sois laissée total’ déstabilisée. Franch’ ? J’capische que dalle à ses réactions. Une seconde Orée est décoloré il va verser il me sarcasme des remarques cinglantes et il veut tout se désister, la seconde d’après il m’accorde toute sa confiance il me sourit en me disant que ma folie redonne de la force à l’estomac. Sérieux, c’est qui c’gulus ? Surtout qu’alors les courants d’air sur sa figure lividée reprennent d’la fichue vie, pareil pour les ruisseaux qui filent filent autour d’ses yeux sa bouche, moustache en perles d’sueur, si bien qu’à la fin moi ça m’comprend encore moins et après j’sais pas, j’sais pas, j’sais pas quoi faire d’lui. Mes bras retombent, j’me dandine d’un pied à l’autre et, me surprenant moi-même, j’lui demande :

— Ta jambe ?

— On ne peut mieux. Cette béquille est une merveille, très agréable au toucher. Taillée sur mesure pour moi. Tu as vu, le bout d’os rongé ? Cadeau des rats qui ont pensé à la décorer.

J’lève les yeux au ciel. Des blagues, encore ? Mon coin d’lèvres s’étire malgré tout, la face d’Orée s’illumine. Fiérot, il m’courbette une maladroite révérence, comme il peut avec son corps tout cabossé, et il me dit :

— Après vous, madame.

Et à moi de répondre, goguenarde :

— Vous m’en voyez flattée, monsieur.

J’me tourne direction la ruche. J’regarde les abzeilles. La frousse croule dans mon ventre et j’ai tout sauf l’envie de m’embourber là-bas dedans. En même temps, c’est tellement follo l’truc que ma peur s’transforme en rage et alors, c’est comme si j’devenais capable de tout. Surtout des trucs des plus foufuriosés. Mon sourire-sauvagerie. Mes pires maboulismes. Rien ne m’arrête plus, j’suis incapturable lorsque je m’élance au beau milieu des bzestioles, les yeux injectés de sang, sans plus me soucier de la mort ou du précipice dans lequel la démence nous a jetés, hilare, Orée et moi.

_Oh mais mes enfants… mes pauvres enfants de l’orage… Savez-vous distinguer le courage de la témérité ?

À nouveau c’rire glaçant qui vous infernale tout dedans la tête. J’tressaille. Mais j’me laisse pas faire. Pas cette fois. Jamais plus je m’arrête maintenant que j’suis lancée sous les abzeilles BZZ BZZ et même si leur foutu gueulement s’catapulte partout avec tellement de noirceur. Nan. J’vacille à cause d’mon mal-crâne je m’aide du mur mais j’m’arrête pas et la dame des enfers qui rigolboche méchant sous mon front n’a qu’à bien se tenir, gnia ! Surtout que, pour le moment, rien nous attaque. On progresse comme on peut. Mon front s’fend en deux tellement ça vacarme, et j’me mords tellement fort la lèvre pour retenir mon gémissement… Et voilà ça y éclate toutes mes vieilles entailles à la bouche. Goût métallique. Derrière, Orée il gère pas mieux. Malgré tout l’vacarme en bzz, je l’entends qui peine avec sa jambe en traviole. Et il a un coeur tout essoufflé, hypra douloureusé, et si j’ai envie de m’retourner pour lui dire pschit ! j’me retiens. Mes mains qui tremblotent. Orée me colle presque : ça chauffe pressé près de mon oreille son souffle oppressé. Et j’voudrais qu’il s’éloigne, j’aimerais lui dire laisse-moi de l’espace s’il te plaît… En fait non, qu’il soit aussi proche c’est bien : j’le sais là, il me sait là, comme ça on avance ensemble.

Par terre, on écrabouille des trucs. J’veux pas savoir ce que c’est. J’refuse, j’veux rien m’imaginer c’que j’fracasse avec mes pieds. On avance. Mais le vrombissement est si fort que ça m’obscurcit la vue, j’vois noir, mes jambes ça chancelle et voilà ça y est que j’perds encore l’équilibre. J’pose ma main sur le mur pour m’empêcher de tomber mais fichtre ! Ma paume c’est surtout sur une bzestiole qu’elle s’appuie. Cuic ! Dard qui s’enfonce. Mon cri. Sa froide main qui se plaque contre ma bouche. Mon sanglot retenu et tu. Le subit silence des abzeilles. Il n’y a d’audible plus que la terreur qui se hâte dans nos deux affol’respirations. Ma ‘tite patouille elle gonfle et la douleur s’effile plus loin dans les veines. La flambée remonte le long d’mon bras, comme du venin qui s’répand, et le silence des insectes est trop explosif maintenant, qu’est-ce qu’il se passe, qu’est-ce qu’il se passe, qu’est-ce qu’il se passe ¿?¿?¿? !!!!! Brûle-frisson, j’me sens toute gadouille, et ce n’est que lorsque le boucan frappe à nouveau, façon coup-d’massue, que les choses ça m’comprend : le silence des abzeilles, ce n’était que la grande préparation avant la terrible offensive.

Alors le plafond tombe, alors les murs se lèvent, la nuée fuse et c’est comme si on me sciait la tête · ̇ ̇.·. ̇··.·· ̇..· ̇··· ̇. points· ̇·noi·.. rs·.·· ̇dans·.· ̇les· ̇·y·· ̇eux··.·trop· ̇ ̇incap’ de ̇.. bouger et c’est une main qui m’emmène lorsqu’elle s’empare de la mienne. Quelqu’un me tire en avant, mes jambes suivent mécaniquement, pulsées par l’instinct de survie. Par terre ça craquouille toujours, l’air se dresse les ailes nous frôlent et il me reste plus qu’à observer, désarmée, l’effroi basculer mon ventre avant que tout, là, les choses, la souffrance, ça m’atteigne. Mon corps criblé de partout. Mon hurlement ça grille mon gosier. Je tombe, Orée crie lui aussi, et ça n’arrête plus de bondir ruer et perforer. C’est de la dynamite, volcanique, de la boursoufflepeau qui se couche sur vous sans que vous puissiez vous l’ôter malgré les gestes déchaînés et foufurieusés. La panique tourne tourne dans l’fichu bidon et incontrôle toute la tête. J’essaie de me protéger la binette et les yeux et je hurle en même temps, irrécupérable, de l’angoisse la douleur dans la voix. Et ça suce et venin si fort, si chagrin, alors j’essaie de ramper mais, sûrement, ça y rate, hein, tellement c’est déchirant, et pour la première fois d’ma vie j’rencontre la souffrance, la vraie, celle qui vous sauve même plus puisque l’envie de se l’arracher est partie. On ne gagne pas contre elle, pas lorsqu’elle est aussi crucifiante et qu’elle vous pose à la lisière de la mort, comme ça, dévastant tout ce que je suis, tout ce que je ne veux plus me battre. D’toute façon, les choses sont vouées à l’échec, alors je me laisse choir, je me laisse souffrir, et les abzeilles entrent dans mes oreilles mon nez ma bouche. Langoureuses les ‘tites bestioles elles glissent dedans, j’suffoque et j’pleurerai pas, non, nan… J’souffrirai et j’pleurerai pas, jamais j’les vomis vos larmes, jamais j’tristoune, plutôt crever, et p’t-être c’est exactement ce qui est en train de m’arriver : ma vie en crevure, lorsque les ‘tites pattes griffent mon oesophage, descendent, et bientôt mon estomac tout entier en sera rempli et j’en boufferai des abzeilles, j’vous les croustillerai enfin ces saletés d’bzestioles et vos saletés d’bzestioles je l’sais elles me piqueront autant à l’extérieur qu’à l’intérieur, et leur venin aspirera mon chagrin et j’serai vide, vide, vide, si vide et si remplie par le criblement des dards, des regrets, et moi j’mourrai mais j’pleurerai pas, sang’ sangl’ sangl’ sanglot qui me coupe le hurlement, mais j’vous l’jure, promis-juré-craché-aucune-larme, moi même à la toute fin de tout, quand il ne sera même plus digne d’espérer, j’pleurerai pas.

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