Les lumières me brûlent les yeux alors que j'entre dans ce repère de drogue et d'alcool. Je n'ai pas le temps de me diriger vers le bar que j'ai déjà un verre à la main et une meuf contre moi. La musique me hurlant aux oreilles, je bois cul sec ma bière et me laisse tirer par la blonde vers la piste. Pas besoin de danser, elle se frotte contre moi alors que je plaque son cul contre ma verge qui commence déjà à grossir sous le manque. Je ne pensais pas être aussi accro à cette adrénaline que me procure la musique. Je la sens s'infiltrer sous ma peau et vibrer à en faire lâcher mon cœur. Si je pouvais mourir en musique, je serais le macabé le plus heureux du monde.
La jolie blonde se tourne et me regarde. Elle attend que je décide ce que je vais faire. Je la tire par les fesses et lui roule une pelle qu'elle me rend. Elle embrasse assez bien. Pas le meilleur coup du monde, mais pas le pire non plus, à mon avis. Je la pousse donc aux toilettes avant de lui régler son affaire. Pas mal, mais trop soumise.
— Depuis quand tu te tapes des petits culs toi ? Me lance Owen, le barman qui me sert de collègue.
— Depuis que ma queue hurle au soulagement, je lâche.
— Je vois, rit-il, tu joues au Wisk's demain ?
— Yup.
Il hoche la tête et file servir les autres clients. Il sait que parler c'est pas mon fort. Je n'aime ni les gens, ni parler avec eux. Je n'en vois pas l'intérêt. La vie est déjà assez chiante que pour s'ajouter des problèmes supplémentaires. Converser, c'est donner de l'importance à des choses futiles. Je préfère parler seulement quand c'est nécessaire. Mon frère, c'est l'opposé. S'il pouvait se montrer à la Terre entière, il le ferait. Ce n'est pas pour rien qu'il m'agace. J'ai pas besoin des autres pour me sentir vivre. La musique me suffit amplement. Quand j'y plonge, c'est comme un champ de drogue d'où je ne pourrai jamais ressortir. Putain. J'ai envie de jouer.
Je décide de vider un autre verre avant de vite rentrer. Musique, j'arrive.
* * *
Une abjecte odeur de vomis et de transpi' m'accueille quand je rentre. De gros corps chauds sont vautrés par terre dans le salon, entourés de dizaines de bouteilles d'alcool et de reste de coke. Je souffle. Impossible de distinguer ma mère parmi cette merde. Je prends le sifflet que j'ai laissé accrocher dans l'entrée par habitude et siffle dedans. Certains se réveillent direct, d'autres ont besoin de deux/trois sifflements supplémentaires.
— Tout le monde dehors ! La fête est terminée, je gueule bien fort.
— Ferme-la, petit con et laisse-nous dormir, râle un vieux chauve baraqué.
Je l'attrape par le cou et le soulève sous le regard surpris des autres.
— C'est ma maison donc tu dégages ou je m'occupe de ton cas, le menaçai-je, les dents serrées. Il me dégoûte. J'ai envie de le défoncer. Je sens la colère qui monte.
— Ah ouais ? Raille-t-il en me montrant ses babines.
Je ne le laisse pas terminer et lui fous un droit qui lui pète le nez. Ce con essaie de répliquer, mais avec toutes les saloperies qu'il a fumées, je le mets K.O. en même pas trois secondes. Sale clochard. Comment ose-t-il me toucher avec la bave qui lui coule de la bouche ? Il me dégoûte.
— D'autres ont quelque chose à répliquer ? Je tente de les dissuader de s'approcher de moi et de vite quitter ma maison avant que je doive encore me salir les mains.
Les mecs, déjà pâles, ne répliquent pas et quittent la maison en traînant l'autre boulet. Je peux enfin nettoyer toute cette merde, tranquille. J'allume mon baffle et mets à fond People = Shit de Slipknot. Possédé par la musique, je range et jette toutes ces merdes. D'abord l'alcool, puis les clopes et enfin, la coke dans les chiottes.
D'un coup, j'entends crier en haut. Je grimpe en quatrième vitesse et voit un gars en train d'essayer de sauter ma mère. Le regard rouge et le cœur qui cogne, je l'arrache du lit par les cheveux. Il se débat, mais je ne le laisse pas m'échapper. Je lui éclate la mâchoire, lui broie les jambes, lui déboîte l'épaule. Je suis possédé par la même rage qu'il y a des années avec Lui. C'est en entendant ma mère hurler que je m'arrête. Il y a du sang absolument partout. Seuls les gémissements de cet enfoiré m'assurent qu'il est toujours en vie. J'ai envie de hurler. J'ai putain envie de tout exploser. La rage me consume. Putain. Putain. Putain.
Je m'attrape la tête et tire sur mes cheveux. Je suis à bout de souffle.
— Mais t'es malade ! Hurle ma mère. Dégage ! Dégage, putain !
Je l'écoute et sort en vitesse de la chambre. C'est là que je croise le regard de Brandon. Son regard que je déteste le plus. Celui qui me rappelle que je ne suis qu'un connard. Putain. Je retiens mon cri et me barre en courant.
* * *
J'arrive d'une humeur maussade à la fac. J'ai encore les marques de ma conduite d'hier ancrée sur les mains. Je n'avais pas pété les plombs comme ça depuis longtemps. Je ne supporte pas de perdre le contrôle. Le contrôle, c'est ce qui permet de vivre correctement. Pour moi, en tout cas. Je n'ai même pas pu voir mon frère ce matin, il s'est cassé super tôt. Quant à ma mère, elle somnolait dans son lit, encore trop cuite de la veille. J'en ai profité pour nettoyer le sang de l'autre raclure.
Je prends une grosse taffe de ma clope m'étouffant presque, avant de la souffler vers le ciel. Une petite partie de mes emmerdes s'échappe avec elle vers un monde, je l'espère, plus calme. Un jour, je m'y échapperai aussi. Je serais enfin en paix.
— Tu l'as vue, toi ? Me questionne Kai.
— Mhm..? Je lâche, désintéressé.
Je vois Kai jeter un œil à mes blessures, mais il se retient de me questionner. Il sait que je ne répondrai pas. Je vois bien que parfois, lui comme Vincent, ont du mal à me comprendre, mais je m'en fous, ils n'ont pas besoin de tout savoir. C'est ça que j'aime chez eux, ils m'acceptent comme je suis sans poser de questions. Ils se feraient recaler aussi sec sinon.
— La nouvelle. Elle traîne avec la baleine. Juste là, regarde, me montre du doigt Vincent.
Un regard brun envoûtant et des formes là où il faut en avoir m'accueillent. Je prends bien le temps de la mater sans prêter attention à son regard assassin. Malgré qu'elle soit musclée, la nouvelle a un corps harmonieux et du maintien. Sûrement une danseuse ou une gymnaste. Vu comment elle me regarde, elle doit déjà me haïr. Ça, ça m'intéresse. J'adore les défis et... La haine. Me détester, c'est le plus beau cadeau qu'on puisse me faire.
— Pas mal, dis-je en haussant les épaules. Je pourrais me la faire.
— Tu pourrais ? C'est tout ? S'amuse Vinc' qui me connaît très bien.
— Vincent, grogne Kai.
Kai a toujours été le gentil du groupe. Il essaie de rattraper nos merdes quand on en fait. Il a pas mal de boulot avec Vincent. Je n'ai jamais vu un mec aussi maladroit de ma vie. Sans Kai, il serait en taule ou mort depuis longtemps. Les limites, c'est pas son truc.
— Tu viens ? Me demande Kai quand on entend la sonnerie.
— Je vous rejoins après, je lui réponds en partant dans l'autre sens.
Ils savent que c'est faux, mais ils hochent la tête et retournent en cours. Je prends le temps de finir ma clope en marchant le long du trottoir. Sentir la fumée quitter doucement mes lèvres me soulage un peu.
Après avoir jeté le mégot au sol, je fonce au bar. Je dois me préparer pour ce soir. Je n'ai pas chanté sur scène depuis une lune. Si je me ramasse, Jay va me dégager aussi sec. Il accorde beaucoup d'importance à son bar. Il y a consacré sa vie. Il y tient presque plus qu'à ses burnes, je parie.
— Te voilà enfin tête de gland, me lance ce con dès mon arrivée.
— Me tente pas ou je reviens dans quinze minutes, je réponds du tac au tac.
— Et moi, je te retire du programme.
Je grogne face à son petit sourire victorieux. Jay est un sale gosse malgré ses trente piges passées. Je n'ai jamais connu un mec aussi mature et aussi gamin en même temps.
— Tu comptes chanter quoi ?
— Warhol de Palaye Royale.
— Pas mal, me confirme-t-il, calmement. Tu n'as pas intérêt à te rater. On ne détruit pas PP sinon, je te détruis, me lance-t-il avec un sourire goguenard avant de partir rejoindre Owen qui l'appelle. Juste avant d'être trop loin, il m'apostrophe.
Ce soir, tu coach la nouvelle ! Crie-t-il en prenant la fuite.