Conan
Lucas avançait dans les galeries des souterrains comme au ralenti. Son esprit semblait brouillé par des milliers de questions, le laissant flotter dans un brouillard opaque. Tout se bousculait dans sa tête. Entre l’attaque inquiétante et l’apparition d’une voix dans ses entrailles, il se voyait écarté et éloigné peu à peu de ses responsabilités. L’attentat paraissait développer une angoisse liée à des événements passés, beaucoup d’obscurité et une histoire d’ombres. Quant à sa seconde sollicitude, il transpirait l’incompréhension d’être possédé par un homme qu’il ne connaissait pas et qui se disait être son parent.
Complètement absorbé par ses interrogations personnelles, le garçon ne s’apercevait pas des exclamations de joie et des salutations enjouées qui l’accompagnaient alors qu’il traversait à présent le château sans réelle destination. Les nouvelles se répandaient apparemment très vite dans l’Entre-Deux pour qu’autant de personnes aient déjà connaissance de ses prouesses. Et ils semblaient bien naïfs de penser que Lucas était le Sauveur de quoi que ce soit, une fois encore.
À ce moment-là, aucune fierté n’habitait le jeune Créateur tandis qu’il continuait d’avancer lentement. Il venait de découvrir une scène des plus affolante et déroutante dans les souterrains, alors il était normal qu’il ressente plus de crainte que de satisfaction. Ses idées se précisèrent un instant et des images vieilles de deux ans se croisèrent dans sa tête. Une mauvaise intuition s’infiltrait en lui tandis qu’il se souvenait des ombres vivantes paralysant la moitié de l’Entre-Deux. Un autre flash venant de sa mémoire montra une texture noirâtre avalant des Occupants, dont son jeune frère et une femme à la chevelure de feu. Lucas paraissait comparer ces anciennes épreuves aux filaments argentés perforateurs de corps humain.
Dans un tic nerveux, le garçon se tripota le bas de son aile gauche. Caresser la douceur des plumes noires semblait le rassurer. Pendant ce temps, Conan se délectait de toutes les informations qui passaient dans le crâne de son descendant. Il voyait tout : les émotions, les souvenirs et les songes. Mais il avait également accès à ses réactions physiques, ses douleurs, ses désirs. Le logeur discernait les cinq sens du petit en ne possédant que ses propres pensées. Pour l’instant, il était seulement capable de communiquer avec lui.
— Retourne dans la Salle de Création, dicta l’homme, décédé l’année de ses 25 ans.
Lucas errait depuis trop longtemps dans le hall du château sans s’en être aperçu. Il avait chassé les Occupants d’un regard noir, les rendant certainement plus inquiets, et faisait à présent les cent pas devant les toiles figées de paysages terrestres. Une pointe de colère augmenta la température des joues du garçon. Une sensation de bouillonnement se ressentit dans ses tripes tandis qu’il grognait. Il s’arrêta physiquement et mentalement face à un des nombreux miroirs bordés d’or et de pierres précieuses.
Conan eut alors l’occasion de s’observer, de le regarder. Lucas n’était pas du genre à se contempler dans une glace. C’était donc la première fois que l’ancêtre avait la possibilité de détailler les traits de son cohabitant. Il lui ressemblait beaucoup, ce n’étaient pas des mensonges. Ses cheveux courts et fins ondulaient délicatement sur son front. Ils avaient cette teinte particulière qu’avait portée le cinq-centenaire dans sa vie, un blond très clair qui approchait le gris argent s’il restait longtemps au soleil.
Quelques différences étaient cependant visibles entre les deux parents. Le nez du plus jeune n’était pas aussi relevé que celui de son aîné, au-dessus de leur fine bouche. Quant à sa musculature, elle était bien plus développée au niveau des épaules et des bras, contrairement à Conan qui avait eu des cuisses fermes dues à son activité favorite, l’équitation.
Et puis il y avait les vêtements. Lucas portait des tissus moins nobles, des pièces plus grossières et plus épaisses. Mais le tout avait le mérite d’être confortable, surtout ce qu’il nommait pantalon comparé aux jupes du XVIe siècle. Le garçon aussi observait son reflet. Il ne se détaillait pas, mais paraissait contrarié.
« Retourne au château, retourne dans la Salle de Création... Pour qui se prend-il ? » se demanda-t-il alors que ses pas le dirigeaient malgré tout vers l’escalier central.
— Tu le sauras bien assez tôt, fit l’ancêtre d’un ton sans équivoque.
Lucas semblait se battre contre lui-même. Conan sentit les ailes de son descendant se tendre dans son dos, tout comme les muscles de sa mâchoire. Le jeune homme essayait de vider sa tête, de ne plus penser, mais son aîné apercevait les nouvelles questions et les injures qui déferlaient à son encontre. Ils furent tous les deux soulagés lorsque la porte de métal s’ouvrit sur la caverne du Créateur.
Le dénommé Plik paraissait heureux de retrouver les lieux. Il se dandina vers un tas d’objets et reprit son rangement qu’il avait mis en suspens plus tôt. Dénué de conscience, le petit robot n’avait aucune idée de la tourmente qui habitait l’esprit de son concepteur. Ce dernier se laissa tomber dans sa bulle bleu ciel en soupirant. La tension dans son corps était toujours présente et Conan le ressentait.
— Il faut vraiment que tu trouves un nom à cette création, parla très sérieusement l’ancêtre.
À travers les yeux de son descendant, il le vit alors s’observer à son tour et regarder son ventre. Ses fins et longs doigts passèrent dans son champ de vision tandis qu’il semblait chercher une anomalie sur lui.
— Qui es-tu ? Que fais-tu à... à l’intérieur de moi ? Et, pourquoi es-tu là ? questionna finalement Lucas.
Conan sentit que ce n’étaient pas les seules interrogations que se posait le garçon. Comment était-il parvenu à l’habiter ? Était-il un parasite ? Pouvait-il se débarrasser de lui ? Depuis combien de temps était-il présent ? Pourquoi son nom lui disait-il quelque chose ? Ne pouvait-on pas le laisser tranquille pendant sa mort ? Qu’est-ce qui avait attaqué les souterrains ? Pourquoi Louise y était-elle ? Pourquoi ne lui parlait-elle plus ? Ne lui faisait-elle plus confiance ? Et Roan, que venait-il faire dans l’histoire ? Louise et lui ? Non, ce n’était pas possible, Roan avait une femme et une fille. En même temps, après toutes ces années...
— Tu dérives rapidement sur des rêveries inutiles, s’amusa le logeur.
La tête de Lucas se leva vers le plafond.
— Arrête de lire mes pensées, s’énerva-t-il.
Ses paupières se fermèrent tandis qu’il serrait son crâne de ses mains. Conan se retrouva alors dans le noir. Il percevait la pression que s’infligeait Lucas sur ses tempes. Le garçon supposait qu’il pouvait faire taire l’homme en le coupant d’un de ses propres sens. Si l’ancêtre avait pu sourire, un rictus amusé serait apparu sur les lèvres du jeune Créateur.
— Fermer les yeux ne m’empêche pas de connaître tes sentiments, tes désirs ou tes idées. J’ai accès à tout ton corps, à toutes tes sensations. En tant que spectateur, je vois tout, j’entends tout, je ressens tout.
Lucas poussa un râle d’exaspération en laissant son occupant recouvrer la vision.
— OK, très bien, renonça-t-il. Qu’as-tu à me dire ?
Quelques secondes s’écoulèrent. Conan prenait plaisir à observer les réactions de son descendant. Son cœur battait particulièrement vite et de la transpiration s’accumulait un peu partout sur son corps. Le jeune homme paraissait agité et soucieux. Sa paupière tressauta alors qu’il semblait retenir sa respiration.
— Tu… tu es toujours là ?
À présent à la fois inquiet et soulagé, une partie de lui voulant le congédiement de son locataire, Lucas expira profondément.
— Je suis toujours là, finit par dire l’ancêtre, faisant sursauter le garçon. Mon nom est Conan Bergnac, fils de Francis et Joséphine Bergnac, Comte et Comtesse d’Anjou.
— Comment sais-tu que je suis ton descendant ? fit le jeune homme, une pointe de curiosité perçant son anxiété.
L’aîné aurait aimé sourire de nouveau. Il voyait bien que le Créateur cherchait dans ses souvenirs d’histoire de France. Il se contenta d’affirmer :
— Un nuage gris et colossal me l’a dit avant de me loger dans ton âme.
Lucas était à présent intrigué et perdu. Conan lui donna un temps pour assimiler et poser la question qui lui brûlait les lèvres :
— Le Bien ou le Mal ? murmura-t-il, angoissé.
— Quelle différence cela fait-il ? s’amusa l’ancêtre. Crois-tu que le Bien soit bon et le Mal, mauvais ? Que tout ne soit que blanc ou noir, comme le jour et la nuit ici ?
Sans lui laisser le temps de réagir, étant conscient du fait qu’il n’avait pas les réponses, il ajouta :
— Sais-tu pourquoi ils prennent la forme de deux grandes masses brumeuses de la couleur de la poussière ?
Conan aurait aimé fermer les paupières de son cohabitant. En supprimant un des sens, il lui était plus facile de se concentrer sur la réflexion du garçon. Le nombre d’informations qui arrivaient à la seconde était parfois difficile à gérer en plus de ses propres pensées, sans compter sur le fait que son descendant avait tendance à vite s’éparpiller. Mais celui qui aurait pu fêter son cinquième siècle dans un peu plus de trois mois n’avait pas de pouvoir sur le jeune homme de 22 ans. Il se contenta alors d’observer le cheminement de raisonnement de Lucas, en évitant de se laisser distraire par les allées et venues du robot ovale en grand ménage.
Le Créateur caressa de nouveau le bas de ses ailes alors qu’il réfléchissait aux paroles de son ancêtre. Il s’était visiblement déjà posé la question à plusieurs reprises, sans vraiment trouver de solutions valables. Les nuages gris impressionnaient les êtres humains, apportant la pluie, l’orage, une menace, quelque chose qu’on ne peut dompter ou éviter. Quelle apparence auraient-ils pu avoir sinon ? Deux hommes, deux femmes, un homme et une femme ? Quelle était sa propre représentation du Bien et du Mal ? Un ange et un démon ? Une personne d’une beauté incomparable et une autre à la peau flétrie aussi hideuse que sa grand-tante Mireille ?
Finalement n’était-ce pas la prestance, la figure d’autorité, de divinité qui avait une importance et non leur apparence ? Qu’ils soient représentés par un nuage, une chèvre ou une personnalité connue, l’effet escompté était présent. Qu’ils soient le Bien ou le Mal, ils étaient les Êtres Supérieurs dirigeant les mondes des morts.
— Je vois que tu as déjà étudié cette question. Tu as principalement raison, je suppose.
Conan était particulièrement impressionné par cette analyse. Certains aspects ne lui étaient jamais venus à l’idée et il les approuvait sans vraiment pouvoir les affirmer. Beaucoup d’interrogations planaient sur l’existence des divinités qui régissaient les mondes de la Mort. L’ancêtre aurait aimé débattre à ce sujet plus longtemps, mais il en fut autrement pour Lucas dont les pensées s’étaient interrompues pour laisser place à une nouvelle interrogation :
— Tu ne m’as pas dit pourquoi tu étais à l’intérieur… euh avec moi, dans mon ventre, reprit-il. Je ne sais même pas où tu te trouves. J’ai l’impression de me parler à moi-même. Suis-je devenu fou ? Est-ce le fruit de mon imagination ?
Une fois de plus, Conan aurait aimé esquisser un sourire. La curiosité était également une de ses qualités. Cependant, il aurait préféré que Lucas s’intéresse davantage aux secrets de l’Entre-Deux et ce qui l’entourait plutôt qu’à sa santé mentale. Dans les deux cas, le jeune homme semblait à présent plus serein dans son siège volant. Il s’était un peu avachi et sa création avait pris une forme parfaite afin de ne pas abîmer les deux grandes ailes. Le logeur avait d’ailleurs hâte que son cohabitant les utilisât.
— Tu n’es pas fou, je suis bien présent, tenta-t-il de rassurer son descendant. Peut-être as-tu déjà fait tes propres théories à ce sujet ?
Lucas ne répondit pas. Même dans ses pensées il n’y avait pas de répartie prête, il attendait juste la suite des explications.
— J’étais avide de l’interprétation que tu aurais pu avoir, poursuivit alors l’homme. Je suis intéressé d’observer ta façon de raisonner afin d’appréhender tout ce qui est nouveau et scientifiquement non prouvable. Mais pour répondre à ta question, je suis bien à l’intérieur de ton corps.
« Après un décès, la dépouille reste sur Terre et pourrit dans un cercueil. Il est mangé par les vers et la mort donne alors la vie à de nouveaux lombrics qui se nourriront sur un autre cadavre, et ainsi de suite. Pendant ce temps, l’âme passe les Barrières de la Mort et est envoyée dans le monde qui lui convient. Pour échanger, interagir, vivre d’une certaine façon, l’âme a besoin d’un nouveau corps qui n’est qu’une coquille vide.
Conan fit une pause. Il observa un instant ce qui préoccupait son descendant. Le garçon avait l’air de comprendre où il voulait en venir.
— C’est exact, affirma l’ancêtre. Nous sommes deux âmes dans un seul corps. Je suis assez satisfait de constater que nous réfléchissons de manière identique, ajouta-t-il avec une certaine fierté dans la voix.
L’aîné regretta presque sa dernière phrase. Lucas semblait à nouveau sur la défensive. Il n’aimait apparemment pas être comparé, même pour ce qui était un compliment. Et l’idée de partager son enveloppe ne paraissait pas lui convenir. La contrariété ne l’aida pas à rester focalisé sur ce qu’il venait d’apprendre, à la grande déception de Conan, qui ne put poursuivre son enseignement et le débat qu’il souhaitait mettre en place. Le jeune homme dérivait déjà vers Louise, puis l’attaque dans les souterrains.
— Tu avais parlé de m’aider, se rappela-t-il. Qui est à l’origine de cet attentat ?
Pris au dépourvu, Conan ne réagit pas tout de suite. Il avait un peu lâché cette excuse afin de discuter avec son descendant, peu intéressé des affaires de l’Entre-Deux. Mais il préféra le garder pour lui et retrouver l’attention du garçon. Il finit par répondre :
— Je ne sais pas si tu as remarqué l’expression sauvage des spectateurs. L’air était également empli d’une agressivité presque bestiale. C’est en tout cas l’impression que nous avons eue lorsque tu es entré dans le théâtre, observa-t-il. Tu l’aurais toi aussi senti si tu n’avais pas été occupé à sauver la vie de quelqu’un qui ne peut pas mourir, sermonna l’homme comme s’il parlait à son enfant.
Lucas s’était levé de son siège bleu ciel et arpentait à présent son atelier en faisant les cent pas. Il zigzaguait aisément entre ses inventions et Plik toujours aussi actif. Son esprit était dirigé ailleurs tandis qu’il n’avait pas écouté la fin des paroles de son ancêtre.
— Y aurait-il un nouveau Créateur ? réfléchit-il à voix haute. C’est comme ça que ça a commencé la dernière fois. Peut-être que les Êtres Supérieurs vont venir.
Conan était conscient du peu de temps et d’expérience que le garçon avait dans l’Entre-Deux. Il était normal qu’il pense ce genre de choses. Pourtant le passage du Bien et du Mal était assez rare. Et si l’aîné le savait, c’était qu’il l’eut appris de son cohabitant. Le cinq-centenaire ne fit tout de même pas de réflexion. Il n’avait pas la moindre idée d’où pouvait venir cette attaque, même en fouillant dans ses connaissances et celles de Lucas. Quoiqu’il en fût, cela l’importait peu.
À ce moment-là, le Créateur se prit les pieds dans un objet ovale et métallique. Le petit robot en forme de ballon de rugby voleta jusque dans le champ de vision des deux hommes, prêt à recevoir sa tâche.
— Je suis désolé, Plik. Je ne t’avais pas vu, fit le garçon, comme s’il s’agissait d’une véritable personne qu’il avait bousculée.
Puis, il reprit sa marche à l’opposé de son ami de métal qui se remettait au travail, en aucun cas offensé. Lucas avait une fois encore la tête ailleurs et Conan ne put que subir de nouveau l’égarement de son colocataire d’enveloppe corporelle.
— Attends ! s’arrêta le plus jeune, aussi bien physiquement que mentalement. Comment m’as-tu dit que tu t’appelais déjà ?
Un moment étourdi, l’intéressé ne répondit pas aussitôt. Il savait que ce moment arriverait, mais il aurait aimé que ce soit bien plus tard. Il voyait à présent le cheminement, les conclusions hasardeuses et les nouvelles interrogations farfelues.
— Je me prénomme Conan, fit l’habitant d’un ton plat.
Cette fois, ce fut Lucas qui resta les bras ballants, avant d’oser :
— Tu... Tu es... Le Conan de Louise ?
— Oui, je suis le Conan de Louise, essaya-t-il de garder son calme.
Une multitude d’allégations envahirent le Créateur. Pour le logeur, elles étaient toutes plus absurdes les unes que les autres. Il le voyait visualiser son arbre généalogique dans sa tête, arriver à une conclusion qui ne semblait pas lui plaire, puis recommencer pour toujours tomber sur la même issue. Puis un souvenir revint au jeune homme comme une lumière qui apparaît dans l’obscurité :
— « Louise, pour tes qualités de dirigeante, ta justesse et ta fidélité, j’ai décidé de te récompenser en te rendant ce qui t’a été enlevé avant ta mort. », récita-t-il parfaitement. C’était donc ça ? Je suis le cadeau de Louise ou même le tien puisque tu bénéficies de mon corps. Je ne suis qu’un pantin finalement. Et Tom ? En quoi était-il le présent de Jeanne ? Où est mon frère ?
Pendant que Lucas s’affaissait dans son assise volante, Conan réfléchit aux paroles du garçon. Étaient-ils tous deux la récompense de la Princesse ? Et dans quel but ? Les sentiments du cinq-centenaire et très certainement de la dirigeante avaient largement évolué depuis. Il semblerait d’ailleurs qu’elle se soit éprise du jeune Créateur et l’homme n’éprouvait aucune jalousie à ce propos.
Tandis que les pensées de l’aîné s’estompaient dans une nostalgie du bon vieux temps, il fut ramené dans l’Entre-Deux par Lucas qui semblait mal à l’aise.
— Est-ce que… ? risqua-t-il de demander à voix haute, sans y parvenir.
— Est-ce que Louise est ton ancêtre ? acheva son interlocuteur qui voyait très bien où il venait en venir.
Pour toute réponse, le garçon déglutit avec difficulté et hocha la tête.
— D’une certaine façon, j’imagine que oui, affirma simplement Conan. Je ne sais pas si elle a eu des enfants après ma mort, sinon... Cela peut être Claude ou la fille de l’émissaire d’Espagne, je ne me rappelle plus son prénom. C’était il y a 500 ans !
Le logeur essaya de se souvenir qui dans son entourage aurait pu être enceinte de lui. Cependant, le laps de temps entre sa mort et deux ans plus tôt ne l’aidait pas à se remémorer correctement sa vie sur Terre.
— Comment ça « d’une certaine façon » ? s’inquiéta le jeune homme, inconscient des pensées de l’aîné. Et je croyais que tu étais Le grand amour de Louise.
Cette fois, un rictus mutin apparut sur les lèvres de Lucas. Ni lui ni son occupant ne le remarquèrent alors que ce dernier en était le responsable. Cela ne dura qu’une demi-seconde, le temps pour le plus jeune d’apercevoir les quelques idées de son ancêtre qui les lui dévoilât alors :
— J’étais un garçon comme toi, curieux et ambitieux, raconta-t-il. Mais surtout, rien ne pouvait arrêter ni ma créativité ni mon imagination. J’ai eu l’occasion de travailler avec des inventeurs, des ingénieurs ou ce que vous appelez des chercheurs. Nous n’avions pas l’électricité ou le pétrole, mais la mécanique était là. Après Léonard de Vinci, beaucoup d’hommes se sont lancés dans ses pas et j’en faisais partie.
« Cette notoriété m’a permis de rencontrer de nombreuses personnes et de voyager. Louise savait pour mes aventures, c’était même son idée. Je devais tenir une réputation d’après elle afin d’être bien vu de mes compères, alors que ça me dégoûtait. Quand je partais, j’étais donc libre de fréquenter d’autres femmes et lorsque je revenais, j’étais entièrement à elle. Elle restait celle que j’aimais le plus malgré ses doutes à la fin.
« C’était une belle période, mes parents avaient des terres et de l’argent. Ils étaient en pleine santé pour leur âge, comparé à ma tante. Louise a dû te parler de sa pauvre mère et de son rapide décès, heureusement que Jeanne était là...
Conan s’arrêta dans son monologue. Il avait toujours été bavard, mais ce qui l’avait fait cesser était la pression qui venait de monter dans le cerveau de son descendant. Le jeune homme était en train de faire le lien et cela semblait le bouleverser.
— Je ne comprends pas, fit innocemment l’ancêtre. Louise ne t’a jamais dit que nous étions cousins germains ?
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