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Lymington
Lysander avait beaucoup d’affection pour la ville de Lymington. Si la maison avait appartenu à sa grand-mère paternelle, il n’en avait pas exactement beaucoup de souvenirs. Après sa morsure, les liens entre son père et sa grand-mère avaient été rudement éprouvés : désireux de les préserver, Charles et sa femme avaient tenu leurs proches à l’écart.
Quand il pensait à ça, Lysander devait s’efforcer de respirer sous la culpabilité qui noyait ses poumons.
Non, Lymington, il l’avait réellement découverte à leur emménagement, en mars dernier. Déjà, les façades colorées du centre-ville, ses rues piétonnes pavées et le chemin iodé qui longeait le Solent, avaient adouci la violence de leur déménagement. Durant son premier été, il avait pu constater le remplissage des rues par l’assaut des touristes. Reconnaissables à leur combinaison short-lunettes noires-appareil photos, ils avaient déferlé dans Lymington comme une étrange marée, visitant l’île de Wight et apportant à la petite ville côtière un souffle de nouveauté.
Puis, comme le ressac, ils étaient repartis, et Lysander avait découvert le plaisir de retrouver sa ville juste en-dessous.
Mais ce que Lysander préférait, et n’avouerait jamais à ses parents, c’était le grand parc municipal qui donnait sur New Forest où il croisait certains habitants. Ces derniers le fascinaient et l’effrayaient, il adorait cette dose d’adrénaline qui émoustillait l’autre mais qu’il devait dissimuler. Quand Lysander apercevait un autre loup-garou, il baissait les yeux et sentait son cœur battre jusqu’au bout de ses doigts.
Il avait déjà vu de ses semblables, mais jamais autant qu’ici. Ses parents le savaient-ils ? Certainement pas, sinon ils ne seraient jamais venus, qu’importe leurs problèmes financiers que cette maison héritée allégeait. Les lycans tournaient la tête vers lui, mais Lysander ne soutenait jamais leur attention. Faire profil bas, c’était la règle de la famille Lancaster.
Néanmoins ces rencontres déclenchaient des crépitements sur sa peau et dans sa tête.
Quant à ce qu’on appelait « New Forest », c’était un vieux projet abandonné par la ville il y avait de cela plusieurs années. Le panneau trônait encore dans le parc municipal, piqué d’humidité ; on se mettait presque à coup sûr des échardes dans la main si on touchait le poteau. La forêt aurait dû être habilitée en réserve naturelle mais, pour une raison que Lysander ignorait, ça ne s’était jamais fait. Désormais, un grillage en interdisait le moindre accès. Un côté du parc s’était même taillé une mauvaise réputation et personne ne traînait vers les buissons qui longeaient une partie de la frontière, si ce n’était des visiteurs nocturnes qui y abandonnaient mégots, bouteilles et autres déchets.
Lysander, lui, aimait faire comme les enfants quand ils s’aventuraient loin des jeux. Il grimpait la pente qui menait au grillage et se plantait devant, les yeux perdus entre les troncs de la pinède. Il y humait la résine et la terre que l’ombre des sous-bois couvrait délicatement et, s’il était chanceux, saisissait le bruit d’un animal qui s’échappait. Souvent des lapins, qu’on pouvait même apercevoir, et un cervidé une fois.
Lysander soupira et, comme par magie, le vent nocturne souffla à cet instant pour caresser les feuilles des arbres de son quartier. Leur bruissement le fit sourire. Dans la rue comme dans sa maison, tout était sombre et silencieux. La vision de Lysander basculait les couleurs en camaïeux de bleus pour lui permettre de bien voir. Le monde prenait alors des allures de fonds marins, ce qui lui plaisait.
Une fois encore, il expira, las de lui-même. Finalement, la majorité des choses qu’il aimait était en rapport avec son côté animal. La nature et les lycans. Cet aspect de lui, il ne l’aimait pas ; tout ce qui pouvait lui rappeler qu’il n’était pas humain comme ses parents ou Ismael.
Il croisa les bras sur le bord de sa fenêtre et y posa le menton. Ce serait une de ces insomnies qui s’accrocherait à lui comme une moule à son rocher. Il avait l’habitude.
Il se redressa soudain, à l’affût et le cœur battant. Il reconnaissait cette sensation. Il chercha à flairer, l’autre attentif comme jamais, mais la personne s’était mise sous le vent. Sa silhouette apparut pourtant, derrière le muret de la maison d’en face.
Une fille, qui l’observait sans détour. Il détailla sa silhouette, petite et menue, les cheveux courts ou attachés. Les yeux jaunes et brillants. Des yeux comme les siens, des yeux de lycans.
La fille se détourna brusquement et partit au pas de course. Les muscles de Lysander se bandèrent et il se figea au moment où il allait sauter de sa fenêtre, persuadé de pouvoir se réceptionner, prêt à la poursuivre.
Tremblant, l’autre lui reprochant sa lâcheté, il descendit sur le sol de sa chambre où ses pieds nus trouvèrent la moquette. Il ferma les volets, les carreaux et tira les rideaux. Puis, comme si ce n’était pas assez, comme si la fille pouvait encore l’attirer magiquement jusqu’à elle, il quitta sa chambre et s’enferma dans la salle de bain.
Ce n’était pas la première fois qu’il faisait couler l’eau au milieu de la nuit, ses parents ne se poseraient pas de questions.
Tiens ? Une ville qui attire les loups-garous ? Voilà qui est intéressant, j'ai hâte de savoir pourquoi.
Et puis lui, isolé au milieu de tous car il n'aime pas sa nature de Lycan, ne veut pas se mêler avec eux...
De plus en plus intéressant, ces Lycans qui se promènent dans les rues de Lymington, cette fille qui le surveille "sous le vent". Tu as de belles expressions, discrètes et poétiques. J'ai beaucoup aimé la résonance entre Lysander et la nature (comme quand il soupire et ce soupir se transforme en brise).
J'ai eu un petit souci de placement du personnage dans ce chapitre-là, par contre, j'ai dû remonter vers le début pour identifier ce qui m'avait gênée : c'est qu'en fait, je croyais que Lysander était dans le parc de New Forest, (alors que, si j'ai bien compris, il était dans sa chambre et se rappelait, entre autre, ses balades dans le parc). Et puis comme je l'imaginais dans le parc et que tout d'un coup il s'est appuyé à un rebord de fenêtre, j'essayais de faire entrer un bord de fenêtre dans un décor de parc municipal, mais ça n'allait pas ^^. Bon, je n'étais peut-être pas très attentive au début !
Je vais lire la suite,
Donc à tout de suite
Lorsque Lysander a dit à son ami qu'il était un loup-garou, la manière dont il l'a annoncé et l'absence de réaction (enfin...pour l'instant) d'Ismael me fait penser que le phénomène "loup-garou" est plutôt commun, bien que Lysander renie cette partie de lui-même, "l'autre" comme tu le dis si bien, qui reste comme une ombre tapie à l'intérieure de lui, une partie qu'il essaye de contenir.
Mais on en sait pas plus...et ça...ça me donne vraiment envie de continuer.
"L'autre ?" Qu'est-ce que c'est? Qui c'est? Quand surviendra-t-il de manière importante dans l'histoire? Trop de questions se bousculent dans ma tête pour que je puisse toutes les mentionner...
Puis, dans ce chapitre en particulier, je trouve que l'ambiance a changé. Lymington donne un côté brumeux au récit. La jeune fille aperçue brièvement me fait penser au fait qu'il n'est pas seul ici, mais cette ville n'a pas l'air comme les autres. J'ai vraiment hâte de voir la suite !
Le sentiment qui ressort le plus est celui d'un adolescent reniant une partie de sa nature. Je trouve que c'est une approche très intéressante pour un récit intégrant des loups-garous, et très pratique pour s'attacher dès le début à Lysander. Il a l'air incompris, confus, perdu. En lisant ça, on a envie de l'aider. Mais entre temps, avec le danger qui va le guetter un moment ou à un autre, aurait-il le temps d'apprivoiser l'autre et de trouver sa place? Je suis actuellement en train d'écrire un récit contenant des loups-garous, et ton approche me semble très judicieuse. Sans meute, un loup se sent trop seul. Seulement, il y en a-t-il une à sa portée? J'espère pourvoir le découvrir !
Prends bien le temps de poser tes bases, car quand l'action et les problèmes arriveront, ça ne sera que d'autant plus fulgurant ! De mon côté, je vais poursuivre ma lecture.
Deux personnes surgissant sur Meutes presque en même temps ? Wow.
Tout d'abord, un énorme merci pour tes compliments. J'aime tes questions, c'est toujours hyper intéressant et important de savoir ce que se disent les lecteurs d'un récit.
Tout comme Claire, arrivée un peu plus tôt sur mes chapitres, je me dois de te mettre en garde :
Le récit est terminé depuis un petit moment. Deux tomes sur mon PC... que je ne pense pas mettre sur PA. Je tiens énormément à cette histoire et aux personnages... Mais pour être honnête, elle n'est pas géniale. Mon récit se perd à un moment, l'intrigue devient un peu bancale. Bref, il est plus que perfectible et je pense un jour le reprendre à la racine... Mais pas tout de suite. Déjà pour laisser passer du temps, et aussi parce que je me concentre sur de nouveaux projets pour le moment.
Je suis désolée :(
Si tu veux t'arrêter y a pas de problème. Si tu veux continuer malgré tout, ou si tu veux me demander les fichiers du reste du tome, c'est d'accord. Mais sache qu'un jour, tout disparaîtra pour recommencer.
Néanmoins, merci d'être venu, et pour cet enthousiasme qui fait toujours très très chaud au coeur ! ♥
Il habite dans une ville qui s'appelle Lymington, ce qui fait quand même plus penser au loup qu'au goéland ; ) et il y a une population importante de lycans dans le coin, qui aiment traîner dans un parc abandonné... Il y a un truc louche derrière tout ça !
En plus, je sens que la grand-mère paternelle n'est pas juste mentionnée pour donner l'origine de la maison, je parierais presque qu'elle n'est pas innocente dans l'affaire de la morsure de Lyz à 4 ans.
Ta description de ce que Lysander ressent quand il laisse un peu plus de place à "l'autre" est très belle, et on a presque envie de le voir lâcher les rênes un peu plus souvent. Mais pas tout de suite quand même, c'est bien qu'il se retienne de courir après cette mystérieuse inconnue qui l'espionne...
Deux petites coquilles avant de passer à la suite :
- « Reconnaissables à leur combinaison short-lunettes noires-appareil photos… » -> photo
- « Des yeux comme les siens, des yeux de lycans. » -> lycan
Et une nouvelle théorie, uhu ♥
Il ne faut pas trop qu'il lâche les rênes, tout de même. L'Autre n'est pas d'un naturel très social ahaha
Merci encore pour tes commentaires (et toute cette lecture ! Tu n'as pas fait d'indigestion ??)
À bientôt !
Lyz a donc été mordu, ce n'est donc en rien héréditaire. C'est encore plus intrigant. Sait-il qui l'a mordu ? Va-t-on revoir cette personne ? Il n'a pas l'air d'avoir eu des interactions avec d'autres loups-garous. En avoir vu, oui, si j'ai bien compris. Mais en avoir dans son entourage, ça n'a pas l'air d'être le cas. Ce que je trouve génial parce que ça change un peu de ce qu'on voit d'habitude. (avec un titre comme "Meutes", je me doute que ça ne durera pas, cet isolement, mais c'est cool de voir Lyz essayer de gérer la chose seul, entouré d'humains dépassés par la chose).
Tu risques de me retrouver très prochainement pour la suite ! Je ne compte pas m'arrêter là !
A bientôt ! Bisouilles !
Parfois on a des doutes sur la façon dont on a tourné un paragraphe.
C'est marrant, pour moi partir de la solitude pour aller vers le grand nombre (oui, on va pas se mentir avec un titre comme "Meutes") me paraissait le plus logique. Mon plaisir c'était de l'imaginer adapter SA normalité à celle de son entourage.
<3
PS : j'ai adoré les deux chapitres précédents, les interactions entre Ismael et Lysander sont vraiment très bien gérés
Mais c'est généralement un de mes défauts : faire traîner les événements. Hésite pas à me le signaler si jamais ça te traverse l'esprit !
Mais pourquoi autant de loups-garous ? Est ce que ça aurait un rapport avec la forêt ? Des bisous
Mais oui, tiens... Pourquoi autant de loups-garous ?? 8)
Des bisous
J'adore ton écriture!
C'est très émouvant et prenant, j'aime ce que tu introduis avec le "il" à l'intérieur de Lysander.
Tes personnages sont extrêmement touchants, Lysander dans sa détresse, sa souffrance et son combat intérieur, Ismael dans sa volonté d'aider, tout en ayant peur de mal faire.
Ce perso en particulier, qui va au-delà de sa sensation permanente et pénible d'être rejeté par son camarade, qui ne sait pas s'il fait bien et qui est déboussolé mais continue d'aller vers l'autre malgré tout, il m'a vraiment beaucoup touchée, t'imagines pas.
C'est un des thèmes que j'essaie de traiter dans mon livre, j'ai hâte de voir comment ça se déroulera chez tes persos si émouvants!
à très vite pour la suite
Merci Joke, je suis toute émue par ton retour. En réécrivant cette partie (et en voulant aller plus à l'essentiel) j'avais peur de perdre la construction de mes personnages. Je les connais très bien alors il est facile de sauter des étapes.
Ton retour me touche et me rassure en même temps.
Quel thème essayes-tu de traiter ? Il faudra que j'aille y jeter un oeil aussi !
A très vite Joke <3
Oh, le thème que j'essaie de traiter c'est l'amitié, c'est mon thème favori. Et avec ça le fait d'aller vers l'autre, malgré les incompréhensions, les doutes, les blessures internes de chacun..
Mais bon là je fais une grosse pause dans l'écriture, alors si tu viens tu ne verras pas grand chose tu sais... Je vais publier mon dernier chap écrit bientôt, et ensuite plus rien avant sûrement très longtemps, et encore, seulement si j'arrive à m'y remettre :)
En revanche je continuerai de passer un petit peu sur la plateforme de temps en temps, et ton histoire fait partie des quelques unes que je suivrai!
A bientôt et très bonne écriture à toi!
La fille a la fenêtre est intriguante, j'espère qu'il va la rencontrer.
Par contre, le chapitre précédent m'a complètement perdue ! il était bien, mais on s'était arrêté sur Ismael et Lyz qui discutent, Lyz qui fait la révélation, et dans le chapitre suivant Lyz est dehors en train de rentrer chez lui et tombe sur Ismael... alors que dans le chapitre précédent Il était dans sa chambre quand Ismael est arrivé ? En plus la crise de la bibliothèque s'est passé juste avant, donc j'imagine qu'il n'y a pas eu de saut dans le temps... bref, est-ce qu'il n'y aurait pas un cafouillage entre tes versions? Ou alors c'est moi qui mélange tout ?? j'ai peut-être loupé un chapitre sans faire exprès mais je crois pas...
Je relirai peut-être tout ça au calme
Je pourrais peut-être trouver un titre récurrent aux flash back, genre "il n'y a pas si longtemps" ou un truc du même accabit.
Bref pas de cafouillage, mais un enchaînement qui n'est peut-être pas encore très clair >< Désolée pour la confusion !