— Tu as des ailes dans le dos ? Depuis le réveillon du nouvel an ?
— Tout à fait, Joséphine. Je vois que tu me prends au sérieux. Tu écoutes ce que je dis. Tu me comprends.
— Léopold, c’est formidable !
— Non, c’est pas formidable. C’est terrible. C’est affreux. C’est ignoble. C’est tout ce que tu veux. Mais pas formidable.
— Tu ne te rends pas compte ! Tout ce que tu peux faire avec ces ailes !
— Tu vas pas faire comme Phili qui veut que je m’entraîne à sauter d’un toit…
— Et pourtant, c’est une idée très audacieuse qui me plaît beaucoup.
— Depuis quand es-tu audacieuse, Joséphine ?
— Sans doute depuis que j’ai souhaité d’oser un peu plus.
— Oser ? Toi, Joséphine ?
— Si tu me parles de la chanson, je te coupe les ailes…
— Coupe-les ! Vas-y ! Ne te gêne surtout pas. J’ai essayé, sans succès. Si, toi, tu y arrives, ce serait génial. Vraiment !
— Je ne ferai jamais ça. Je tiens trop à la cause animale.
— Joséphine ! Joséphine ! Je suis pas un animal. Je suis Léopold, ton ami de longue date. Un humain. Un humain avec des ailes, putain !
— Je ne charcuterai jamais un humain-oiseau, ou un oiseau-humain. Jamais je n’arracherais les ailes de n’importe qui.
— C’est pas toi qui veux oser davantage ?
— Oser faire des choses qui me vont envie, de base. Là, ce que tu me demandes… comment dire… ça me dégoûte un peu, beaucoup. Donc non, je ne ferai pas ça. Je ne touche pas à tes ailes pleines de plumes.
— Si tu comptes rester là et me convaincre de sauter d’un toit, tu peux t’en aller.
— Ne réagis pas comme ça, Léo ! Il y a bien d’autres choses à faire, que le toit. Tu peux sauter d’un avion, du haut d’un gratte-ciel, tu peux même devenir l’objet d’une étude scientifique. Un humain avec des ailes, ça va faire parler la presse.
— Non ! Personne ne doit savoir pour mes ailes. Ca doit rester entre toi, moi et Phili.
— Il faut oser se montrer tel qu’on est.
— Je suis pas un foutu piaf, bordel !
— Tu as des ailes, tu parles le langage des humains… Qui es-tu, au fond ?
— Je suis Léopold. C’est tout. N’ose surtout pas prétendre le contraire !
— J’ai envie d’oser plein de choses. Certainement pas te contrarier. En quelque sorte, je veux déployer mes ailes, moi aussi.
— Joséphine… Arrêtons de parler d’ailes, d’oiseaux, de voler. J’en peux plus… Et, me connaissant, on va finir par se prendre le bec…