Je n’ose plus bouger, je sens toujours cette main sur ma hanche et très vite ce souffle à nouveau froid dans ma nuque. J’ai envie de hurler, de m’enfuir et de frapper cette chose dans mon dos. Le ronflement de Léo qui ne se doute de rien résonne dans la chambre, me stressant encore plus. Il ne se rend pas compte de ma détresse, de la peur que j’ai, car cette chose est collée à moi. Je sens mes muscles devenir douloureux, se cramper légèrement.
— Ouvre les yeux…
Cette voix glisse encore dans mon oreille, je me mets à trembler et sa main semble se resserrer un peu plus sur ma hanche. Je bondis soudainement en avant, gardant les yeux fermés, j’allume la lumière d’un coup et me retourne pour ne voir que Léo. Celui-ci se réveille dans un grognement d’ours et me regarde avec une telle haine, que j’ai presque plus peur que ce que je viens de vivre. Cependant mon cœur tambourine bien trop vite dans ma poitrine pour que je m’inquiète de lui.
— Nan, mais ça ne va pas… Merde tu es tout blanc, hey, ça va ??
Cette fois j’ai entendu l’inquiétude dans sa voix, il se lève et me rejoint rapidement. Il me prend dans ses bras pour tenter de me calmer tellement je suis tremblant. J’ai l’impression d’avoir hyper froid et sa chaleur me rassure en même temps. Un sanglot m’échappe, alors qu’il me frotte doucement le dos pour me calmer tout en me disant que tout va bien. J’arrive à me calmer au bout de quelques minutes, il me fait m’asseoir sur le bord du lit.
— Il… La chose… Elle était là.
— Non il n’y avait rien Alex, tu as fait un cauchemar, c’est parce qu’on en a parlé. Ton esprit a focalisé dessus et tu as eu l’impression de la voir.
— Je t’assure… elle m’a touché la hanche…
Je finis par me relever tout en baissant mon pantalon sur ma hanche. Évidemment il n’y a aucune marque, je me souviens qu’elle n’était apparue que le lendemain à l’hôpital. Je me mets à trembler et les sanglots remontent. Léo me reprend dans ses bras le temps que je me calme de nouveau avant de me refaire m’asseoir. Il allume la table de chevet et éteint la grande lumière avant de nous faire glisser dans les draps. Cette fois il se tient face à moi et m’entoure de ses bras de façon protectrice.
— Voilà on va dormir comme ça et cette chose ne pourra pas te toucher, d’accord ? Il faut que tu dormes, tu es encore fatigué de ton infection.
— Oui… pardon… je murmure.
Je ferme alors les yeux, blotti contre son torse. Les bras de mon ami ne m’ont jamais paru aussi grands et enveloppants, je m’y sens tellement bien que je finis enfin par m’endormir après un énième sanglot qui me secoue. Je m’agrippe à son haut alors que le sommeil me happe, je n’entends pas de voix froide, pas de sensation douloureuse. Je ne sens que ses bras chauds et protecteurs autour de moi.
À mon réveil je n’ai pas de sensation d’engourdissement comme la dernière fois, je me suis senti tellement rassuré dans les bras de Léo. Mais je me retrouve rapidement seul quand il doit partir pour la fac. Assis sur le canapé avec une tasse de café entre les mains, je sens une angoisse profonde remonter en moi. Mes mains se mettent à trembler et je finis par lâcher ma tasse qui se brise au sol. Le bruit me ramène à la réalité, il faut que j’appelle mon psychologue. Je compose son numéro rapidement et je l’entends me répondre au bout de trois sonneries.
— Alex, comment vas-tu ?
— Bonjour, je… j’ai fait un cauchemar hier soir. Je crois… que j’ai fait une sorte de crise d’angoisse.
— D’accord, j’ai un créneau de libre dans trois heures, tu peux venir ? me demande-t-il, un peu inquiet.
— Oui… oui, je vais venir merci beaucoup.
Je finis par raccrocher, les mains toujours aussi tremblantes. Il faut que je prenne mes médicaments pour le traitement de mon infection. J’arrive à me lever malgré mes jambes tremblantes, je prends mes cachets avant de décider de prendre une douche pour me détendre. Je ferme les yeux sous le jet brûlant qui vient à bout de mes courbatures. Je laisse l’eau couler sur ma peau, sans rien faire d’autre, la tête levée vers le plafond.
— Alex…
J’ouvre les yeux et regarde autour de moi, il n’y a rien, mon imagination a encore frappé. Au fond de moi j’ai l’impression que mon imagination n’y est pas pour quelque chose, j’ai vraiment l’impression que ce que je vois et ce qui me touche la nuit est bien réel. C’est trop réel pour être mon imagination, il faut que j’en parle à mon psychologue rapidement. En m’essuyant, je regarde ma hanche, une légère trace rouge est en train d’apparaître, là où la chose m’a touché. Oui ce que je vis est bien réel.
Je ne mets pas longtemps à m’habiller et à sortir pour rejoindre le cabinet. Dans la rue je me sens presque en sécurité, je ne suis pas seul c’est surtout ça. Je marche vite jusqu’à ma destination, patientant dans la salle d’attente avant de me retrouver face à mon médecin.
— Alors ? Tu semblais bien paniqué quand tu m’as appelé tout à l’heure, me demande-t-il.
— Oui… en fait il y a quelque chose qui s’en prend à moi dès que je ferme les yeux. Quelque chose de pas humain avec une voix froide.
— Tu es sûr ?
— Oui elle me laisse des traces sur la peau.
Je me lève pour lui montrer la trace rouge en forme de main sur ma hanche.
— Hier soir, elle m’a touché la hanche et j’ai senti que c’était glacé. En prenant ma douche j’ai vu ça, lui dis-je un peu tremblant.
— Hum ? À l’hôpital ils ont détecté que tu avais le sang un peu plus fluide que la normale. Ce qui entraîne des bleuissements plus facilement. Il est possible que tu aies simplement posé ta main sur ta hanche et que tu aies marqué, essaie-t-il de me rassurer.
— Je vous jure que c’est cette chose qui m’a fait ça…
— Alex… les démons, fantômes et autres choses du genre n’existent pas. Tout ça fait partie de ton imagination, tu as eu l’impression que quelque chose te touchait la hanche alors que c’était toi ou ton ami… Léo c’est ça ? Je vais te prescrire des calmants, comme ceux de l’hôpital, le temps que ton infection soit guérie et que tu puisses dormir un peu, d’accord ?
— Mais je… D’accord, dis-je en baissant les bras.
Je n’ai pas envie de prendre de calmants je suis sûr de ce que j’ai senti et vu. Cette chose est bien réelle, prendre des calmants ne me rassure pas au contraire. J’ai peur d’être bien plus vulnérable encore, que cette chose profite que je sois plongé dans un sommeil très profond pour me faire du mal. Mon psychologue me tend mon ordonnance avec un sourire qui se veut rassurant.
— Tu vas voir tu vas te sentir mieux, l’arrêt de ton traitement a peut-être été trop brutal et avec ce qui t’est arrivé ça n’aide pas. C’est ton imagination d’accord, cette chose n’existe pas.
Je lâche un soupir, peut-être qu’il a raison. En ressortant du cabinet, je ne suis pas plus avancé qu’avant, même une fois à l’appartement et les médicaments sur la table. J’ai allumé la télé pour me sentir moins seul, avoir la sensation qu’il y a un humain avec moi. Je finis par me caler sur le canapé, regardant un feuilleton débile. Petit à petit je me sens sombrer, n’ayant pas la force de lutter contre la fatigue qui s’accumule depuis quelques jours.
Je ferme les yeux et m’endors profondément, mon rêve est à nouveau centré sur moi enfant, ainsi que cette ombre avec moi. J’ouvre soudainement les yeux, sorti de mon sommeil, je veux me relever, mais impossible. Tous mes membres sont engourdis et pèsent des tonnes, comme si j’étais paralysé. Je veux hurler, mais le son ne sort pas de ma gorge et je sens soudainement mon cœur emballé par la panique.
— Alex…
La chose est là, elle est dans un recoin de mon appartement, même allongé sur le canapé je la vois distinctement. Elle est floue, sombre et semble avoir un corps tordu. La chose se cambre avant de se retrouver à quatre pattes sur le sol. J’entends ses ongles gratter la planche et petit à petit elle se rapproche de moi, une odeur nauséabonde commence à se faire sentir, comme un cadavre en décomposition.
— Alex !
Je reprends le contrôle de mon corps, bondissant du canapé pour me remettre debout. La chose a disparu, mais Léo se tient à la porte d’entrée et me regarde étrangement avant de se pincer le nez.
— Ouah ! Mais tu as des remontées d’égout chez toi ! Pardon je t’ai réveillé, c’était flippant tu avais les yeux ouverts en plus…
Je le regarde, complètement perdu. J’ai le cœur qui bat à tout rompre dans ma poitrine, s’il n’était pas arrivé à temps que ce serait-il passé ?