Quelques jours plus tard, lors de mon premier moment de libre, je reprends mon enquête, en explorant les pistes que j’avais envisagées dimanche.
Maryse a trouvé notre exploration un peu difficile, et je ne peux pas mener mes recherches avec elle à chaque fois. Nous avons donc convenu que je m’y attelais seule, et que je lui rapporterai le résultat, voire la méthode, le moment venu. Et je lui confie quelques missions simples et concrètes chaque fois que cela est possible.
Je pars donc en quête de la succession d’Étienne Trontin afin de découvrir ses héritiers et donc une éventuelle descendance.
Je n’ai pas vu les tables de successions et absences lors de ma précédente recherche dans la liste des documents numérisés sur le site internet des archives municipales de Lyon. Avant d’y consulter l’inventaire de tous leurs documents disponibles, je tente ma chance aux archives départementales : depuis que le Grand Lyon est devenu une métropole, plusieurs archives lyonnaises leur ont, je crois, été versées.
Je connais bien le site internet des archives départementales du Rhône sur lequel je me rends souvent au cours de mes recherches généalogiques, pour accéder aux différents documents numérisés proposés. Mais je ne sais pas exactement tous les trésors qu’on peut y trouver. Dans la page « Archives consultables en ligne », chaque rubrique est illustrée d’une belle image représentative de son contenu et se distingue sans ambiguïté des autres. Je parcours rubrique après rubrique pour trouver des documents sur une succession, un testament, un convoi funéraire ou tout ce qui puisse concerner un décès ou une sépulture. « État civil » : non ; « Recensements de population » et « Cadastre » : non, mais ce sera sans aucun doute utile plus tard ; « Notaires » : là aussi, cela pourra me servir plus tard puisque je connais le nom du notaire devant lequel Étienne a passé son contrat de mariage avec sa première femme, même si je n’ai pas la date ; « Insinuations du Beaujolais » : elles avaient cours pendant l’Ancien Régime me semble-t-il, donc ça ne m’intéresse pas ; « Contrôle et Enregistrement » : ça me semble plutôt bien ! Je clique dessus pour en savoir plus. Les explications détaillées du contenu me confortent dans mon choix : parmi ces archives se trouvent entre autres les déclarations de successions. Le défi consiste maintenant à y dénicher un document pouvant contenir des informations sur le décès d’Étienne. Celui-ci date d’avril 1946 et a eu lieu dans le cinquième arrondissement de Lyon (à l’époque, parce que son adresse se situe maintenant dans le neuvième arrondissement, créé, je suppose, par la suite).
Un ou plusieurs champs sont à renseigner : « Bureau d’enregistrement », « Type d’acte », « Année » et « Période (année de début et année de fin) ». Après quelques hésitations dans le choix des valeurs des menus à sélectionner et taper « 1946 » dans le champ des années, je clique sur le bouton « Rechercher » et j’attends les résultats… Deux documents me sont proposés : la table alphabétique des successions et absences concernant les premier et deuxième arrondissements, et celle concernant les quatrième et cinquième ! Quelle chance !
Je clique sur l’image qui ouvre le registre et ses deux cent trois pages. Chaque double page concerne une quinzaine d’individus, un par ligne. Il ne me reste plus qu’à le parcourir pour trouver Étienne. Je saute de page en page jusqu’à arriver au T. Ma gorge se noue… Ayant déjà fait des recherches dans ce type de document, je sais qu’il faut faire attention : les noms sont classés par ordre alphabétique de leur première lettre, mais ensuite, par ordre de date de succession. Étienne étant décédé en avril, il devrait se trouver plutôt au début du T. Après avoir tourné quelques pages, ça y est, je l’ai : TRONTIN Étienne !
Trouver ce que l’on cherche est toujours une satisfaction. Je me demande si je vais pouvoir identifier des descendants d’Étienne, ou au moins recueillir des pistes pour progresser. Je déchiffre colonne après colonne, car toute information est bonne à prendre. Celles de la page de gauche ne m’apprennent rien de nouveau : Étienne était commerçant, il est mort à l’âge de 73 ans le 11 avril 1946, il habitait 1 rue Nérard, et il était l’époux de « Ferrolier ». J’arrive sur la deuxième page… quasiment complètement vide… Pff… Seule la colonne « date du certificat » comporte un tampon « répertoire : néant ». Me voilà bien avancée… Pourquoi la colonne qui listerait les noms de ses héritiers ou légataires, et les biens qu’il a laissés, reste-t-elle vide ? Pourquoi celle précisant les dates et numéros des déclarations des successions l’est-elle aussi… C’est agaçant ! Pour me consoler, je vois que c’est le cas de la majorité des autres lignes, mais c’est toujours frustrant de ne pas avoir d’information alors qu’on pourrait en avoir une ! J’ai déjà rencontré ce type de lacunes administratives : soit l’employé n’a pas fait son travail et tout le monde s’en fout, soit il n’a pas eu les moyens de le réaliser, et ça ne dérange personne ou personne n’a pu y remédier. Dans tous les cas, plus de soixante-dix ans plus tard, je me retrouve face à un vide frustrant. Cela m’énerve, tout comme cela m’avait énervé lorsque j’avais cherché en vain, dans le même type de registre, les héritiers d’un aïeul décédé quelques années après sa femme et laissant au moins deux enfants orphelins. Je maugrée et tapote mon bureau avec quatre doigts de la main gauche.
— Tu fais de la généalogie, toi, on dirait !, me lance Vincent, qui passe à côté de mon bureau au moment où je râle tout haut.
— Tout à fait ! Chaque fois, c’est pareil : je suis contente de m’y mettre et j’imagine déjà trouver la poule aux œufs d’or, et parce que quelqu’un a mal fait son boulot, ma solution tombe à l’eau. Je ne sais pas pourquoi je continue la généalogie…
— Tu es sûre ? C’est pas toi qui sautes au plafond quand tu résous une énigme après t’être creusé les méninges pendant des jours et des semaines ?, m’encourage Vincent. Et puis tout tomberait tout cuit dans la bouche, ça serait beaucoup moins drôle !
— C’est pas faux. Heureusement que tu es là pour me le rappeler, merci !
Ragaillardie par les encouragements de Vincent, je réfléchis cinq minutes pour trouver une autre piste. Quel type de source vais-je pouvoir consulter pour finalement trouver les héritiers d’Étienne et ses éventuels descendants ? Mais je sèche, n’étant pas habituée aux recherches généalogiques descendantes au xxe siècle. De toute façon, je n’ai plus trop de temps, laisser les idées venir sans y penser est préférable. Plus d’une fois, un éclair a jailli de mon esprit alors que je ne cherchais plus à résoudre une énigme. Je pourrai informer Maryse de mes non-résultats plus tard, il n’y a pas d’urgence vu leur contenu.
De toute façon, je suis confiante pour mes prochaines recherches, grâce à une piste que j’ai découverte sur le site internet des archives municipales de Lyon. En effet, j’ai remarqué que les convois funéraires sont en ligne. Je devrais pouvoir identifier le cimetière dans lequel Étienne a été inhumé.