J'ai mal jaugé la difficulté de tomber amoureuse du mauvais garçon. Les histoires m'ont donné une impression faussée du concept. Pourtant, si je veux falsifier une relation pour la briser à son apogée — pas trop violemment, évidemment, que le cœurtex reste réparable —, je n'ai pas le choix.
Bon. J'exagère peut-être. La première journée de cette Mission séduction s'est déroulée sans accrocs. Yohri et moi nous sommes retrouvés dans un parc grâce à une excuse simple :
— Oriane est trop occupée, en ce moment. Je ne la sens pas apte à m'entendre, alors je me rabats sur toi.
Yohri l'avait avalée. Il avalait des couleuvres. Il aurait avalé n'importe quoi provenant de ma bouche.
Bon.
Dit comme ça…
Le fait est qu'il pourrait m'apprécier, malgré son fond peu adroit. Ce que je lui ai narré hier l'a intéressé et il s'est montré plus à l'écoute que Laurane ne l'a jamais été, même si ses blagues restaient salaces et de mauvais goût, parfois insultantes, ce qui me confortait dans mon objectif.
Sa sœur, mon chrysanthème, avait déjà évoqué ses mille et une conquêtes, amoureuses comme amicales. Comment pouvait-il aussi bien s'entendre avec tout le monde ? Il a certes hérité du même visage ciselé qu'elle, et il dégage un certain charme — notamment lorsqu'il sourit ou agite ses boucles d'or —, mais tout de même !
Pour cette deuxième étape, je sors mes plus belles cartes. J'ai formé au sommet de mon crâne deux tresses fines. Plaquées, elles se rejoignent en un bun élégant qui me grandit et me libère des mèches rebelles qui aiment caresser mon front. Entre ces rambardes capillaires, une succession d'anneaux noués font ressortir ma rougeur, et de part et d'autre de cette œuvre d'art, mes cheveux libres coulent tels des filets de lave.
J'ai l'air d'une Viking.
Je suis une Viking.
« Comment résister à une fille qui se fait si belle pour moi, qui sait mettre ses atouts en avant ? Son vêtement découpé à la poitrine dans la forme de son cœurtex, avec ses saillies qui lui donnent un air de réceptacle cordial, comme si elle attendait à ce que j'y place le mien, à ce que j'y pose mon amour — et merde, qu'elle est bonne sans ses kilos en trop ! »
Ah, je ne le connais que trop bien.
Je grimpe les falaises qui encerclent la Crique de Verre. Nous voulions parler photographie, et coup de maître de sa part, il m'a conviée à profiter de l'heure dorée — le coucher du soleil. J'ai d'ailleurs maquillé mes paupières pour en refléter les couleurs, et même pensé à parsemer ma peau de cœurs similaires aux tatouages qui bordent ses yeux.
Cette attention ne l'empêche toutefois pas d'arriver en retard.
L'océan me sourit, le sable blanc scintille sous ces formations rocheuses. On a bâti cette crique escarpée en veillant à endiguer les blessures de potentiels touristes. Le port qui la longe connecte Kavaran au monde. Malheureusement, seules des marchandises ont l'honneur de monter à bord. Aucun Yerna ne voyage par-delà la rive. Personne n'en a envie. Ils viennent uniquement visiter et profiter de l'air marin au pied du phare, si puissant qu'il éclaire autant la mer que la capitale.
— J't'aurais bien invitée pour l'heure bleue, mais j'sais pas encore si j'ai affaire à une night owl ou un early bird.
Yohri.
Je pâme mon visage d'allégresse : un ricanement, un sourire reflété par l'ECO et un tortillement qui envoie valser mes pans de cheveux libres.
Le sang de mon cœurtex se transforme en acide. Qui aurait cru que jouer un rôle pouvait infliger des blessures physiques ?
— Je savais pas que l'anglais était toujours parlé.
— Il l'est, par quelques déviants dans mon genre. Je me disais que ça te charmerait.
— Faut bien que t'en trouves une utilité, je suppose. Et je vois que t'as fait tes recherches. L'heure bleue ? Vraiment ?
— On peut dire ça. J'ai aussi entendu parler de la ceinture de Vénus… c'genre de chose.
Capturer les paysages de Yer'nayin m'enchante. Le grand frère d'Oriane se penche plutôt sur la photographie amateure, des modèles vivants — ou du moins, des modèles.
— Dis-moi ce qu'est la ceinture de Vénus, alors.
— C'est… La bande du ciel qui vire au rose… qu'on voit quand le soleil se couche ou se lève, parfois, récite-t-il, incertain.
— Bravo, t'as de l'avenir dans le métier.
— Je suis intelligent quand j'veux.
Cette remarque, que je tourne en dérision, m'apporte un léger sourire en coin, que je n'ai pas besoin de falsifier. Son visage s'en illumine d'un deuxième, à l'apparence sincère, comme si ma présence lui suffisait pour être heureux. Devant sa poitrine, l'objet cardioïde réagit. Des bribes de culpabilité me grignotent déjà — son attirance paraît authentique, oui, mais de là à parler d'amour ?
Yohri prononce pourtant un vif intérêt dans tout ce que j'entreprends. Je l'entraîne à capturer le crépuscule, qui se fond dans ses iris rougeâtres. Les minutes s'envolent, comme les brindilles d'herbes que l'on arrache, assis près de la falaise. Si, à mon plus grand dam, sa présence ne me dérange pas, je ne peux m'empêcher de rêvasser lorsqu'il parle. Ses tirades n'en finissent pas et le temps me manque. Vient donc celui d’une de mes étapes intermédiaires — obtenir quelques réponses, tout en découvrant ce mauvais garçon au cœur d'artichaut.
— Tu serais capable de me décrire ce que ressentent les personnes amoureuses ? Tu sais bien que je suis pas le genre de femme qui… a tendance à trouver le bon.
Je n'ai jamais osé aborder la question avec mes parents. Plus jeune, le voyais l'attirance et l'amour comme deux concepts qui me viendraient avec l'âge. Margaret et d'autres me confortaient dans cette idée. Cependant, aujourd'hui, à vingt-et-un ans, je m'impatiente. Au lieu d'attendre que l'on comprenne, peut-être devrais-je comprendre moi-même — pourquoi je semble incapable de sentiments amoureux.
Ce phénomène pourrait-il me mettre en danger ? Je préfère encore manquer d’un type de sentiments plutôt que de tous, comme les Absinthes, mais comment réagir lorsque les couples nagent dans le bonheur, tandis que moi, j’attends, seule, en boule dans mon lit ? Je me dis que de toute façon, l'amour mène irrémédiablement à la douleur ou à la haine. Les ruptures, les disputes, les disparitions ou les accidents ne blessent que lorsqu'ils touchent une personne que l'on aime. Je le répète.
Si je n'aimais pas papa, son brisement ne m'aurait pas autant affecté, alors, au fond, pourquoi aimer, si l'histoire se termine toujours mal ?
Libre à quiconque de me faire changer d'avis.
— Prépare-toi à une dissertation philosophique, se moque Yohri, boucles au vent.
Même son accoutrement lui donne un air de dur à cuir : épaulières métallisées, lanières aux motifs épineux… et pourtant, le ventre et les jambes à l'air, allongé près du bout du monde, sa sensibilité explose.
— Les personnes amoureuses sont... heureuses et tristes, j'pense. Constamment. Quand la personne est aimée en retour, elle est heureuse quand elle retrouve son partenaire, quand elle pense à lui, quand elle partage des moments avec lui, car elle a besoin de lui pour lui apporter du bonheur. Mais elle est triste car elle a peur. Car elle veut éviter l'inévitable. Car elle souhaiterait geler le temps, faire de chaque instant une éternité en sachant que c'est impossible. Car sans lui, elle n'est rien. Et puis, il y a quand la personne n'est pas aimée en retour. Dans ce cas, elle est heureuse sans même comprendre pourquoi, parce que même si elle ne pense qu'aux mauvais côtés une fois seule, bah, croiser la personne qu'elle aime lui suffit. Son sourire… même s'il ne lui est pas adressé, lui suffit pour illuminer sa journée. Sa voix la réconforte. Son attitude la rend admirative et fait de lui quelqu'un de spécial. Malheureusement, quand il n'est plus là, elle pense à lui, encore et encore. Parfois, elle sourit, parfois, elle pleure. Parfois, elle aimerait lui parler, parfois, elle aimerait juste le regarder. C'est un cycle sans fin qui la torture jusqu'à ce que le temps l'oblige à passer à autre chose, conclut-il d'une étrange gaieté.
Les vagues s'écrasent sur les rochers en fond. Est-ce ce que Papa a vécu avec Laurane ? Son amour a-t-il été si puissant pour le briser ?
— C'est un choix double tranchant, alors.
— Un peu, sauf que c'pas toi qui choisis, c'ton cœurtex.
Je me retiens d'en rajouter. Personne ne voudrait des conseils d'une femme n'ayant vécu que des aventures. Personne n'aime entendre « arrête de te prendre la tête ! », « relativise un peu ! » ou « la vie est belle quand elle est simple ! »
Et puis, je pourrais me tromper — peut-être que les amoureux ne devraient jamais perdre espoir, au risque de perdre leur force.
Comme moi, avec papa.
Quel phénomène paradoxal. Si mon cœurtex choisit un jour quelqu'un qu'il juge me correspondre, alors je me laisserais porter, mais en attendant… je n'y crois pas trop.
Yohri, en revanche, a besoin d’y croire, alors je lui ferai croire.
— Mince, le chef a besoin d'aide au Château, bougonne-t-il, concentré dans ce que diffusent ses lentilles.
— Le chef ?
— Le… Mon père, quoi.
Je glousse.
— Déjà ? T'as l'air dégoûté.
— Bah, oui ! Je dois t'quitter. Qui l'serait pas à ma place ? On est pas restés longtemps, en plus. Putain…
— Bon sang, Yohri Malkez, je te pensais pas aussi charmeur et mélancolique.
— Même les plus beaux ont une personnalité, hein.
Quel imbécile. Pourquoi me touche-t-il ? Pourquoi insiste-t-il à me culpabiliser ? Je divague par sa faute. J'avais pour objectif de le trahir et de sauver papa, mais dans une vie comme la mienne, ce genre de conversations intéressantes se comptent sur les doigts de la main.
Je me lie d'amitié avec un homme que je veux briser.
Souffle, Vanny. Souffle.
— Alors tu travailles vraiment toujours, même en vacances, me ressaisis-je en me relevant.
— C'est ça, d'être un ECO. D'ailleurs, j'ai pas osé t'en parler, hier, mais… j'suis désolé pour ton père.
Un vent glacial me fouette le visage.
— J'vous ai entendues, avec ma sœur, continue-t-il. J'suis sûr que c'était quelqu'un d'bien.
— Il est pas mort.
Mes sèches paroles brisent le ciel d'un coup de tonnerre. Yohri se décompose, miette par miette.
— Ouais. Bien sûr.
Il ne m'offre pas son aide. Quelle maigre surprise. Il est ECO, sait que mon père s'apprête à crever, mais ne cherche rien à savoir — et je suis censée tomber amoureuse de lui ? Bon sang. Toute ma sympathie en son égard vient de s’écrouler. Si seulement je pouvais… juste coucher avec lui, et lui briser le cœurtex d'un claquement de doigts.
Hélas, je dois d’abord m'assurer que ma trahison le fera souffrir.
L'horloge tourne, mais elle m'impose une patience qui me manque.
Toutefois, seule Margaret peut quantifier le temps restant. L'impossibilité de savoir le nombre de jours que ma Mission devait durer me frustre.
Je visiterai l'atelier au plus tôt.
ღ
Le visage de la forgeuse cordiale se perd entre dépit et soulagement. Je ne peux pas l'abandonner. La relation fusionnelle qu'Yohri entretient avec son père me donne soif de tendresse familière et je n'ai pas traité la vieille dame il se doit. M'excuser et la garder dans la confidence m'allégerait les épaules.
Les pattes-d'oie déformées par des heures de labeur, elle contemple le vide qui épouse le torse de papa.
— As-tu ramené le cœurtex de remplacement ? J'ai oublié de te le demander, la dernière fois. J'ai jugé bon de le désactiver, car ton père ne sort plus, et d'autres personnes en ont besoin pour accéder à certains lieux publics.
— Je l'ai détruit.
Voilà qui commence mal. La déception dans ses yeux en amande me rapetisse, m'écrase. J'enchaîne les malheurs, je perds son respect par grosses gouttes qui me coincent la gorge ; je tousse ma honte. Le collier que je lui ai rendu a disparu de l'établi. L'a-t-elle jeté ou rangé ?
— J'espère avoir mal entendu, Vanadis.
— J'ai pété un câble. Je l'ai balancé contre un mur et il s'est brisé. Mais mon coeurtex a tenté de m'en empêcher… ou autre chose. Je crois que j'ai encore une chance.
— De ?
— Pas devenir Absinthe.
Le comptoir crée un fossé entre nous, creusé par l'absence de réconfort que j'ai l'habitude de recevoir ici. La voix frêle de Margaret s'épuise, elle se tue à continuer la discussion :
— De quoi parles-tu ?
— Le Dieu auquel tu crois. Peut-être… qu'il existe. Qu'il me protège.
— Non. Soracle n'interfère pas avec la technologie. Pourquoi deviendrais-tu Absinthe ? Est-ce en rapport avec ce que tu m'as demandé la dernière fois ?
— Non, me renfermé-je. Je suis pas venue ici pour ça. J'ai besoin de savoir combien de temps il reste avant qu'il meure. Après, je te demande plus rien, je te le promets.
Margaret contourne son établi et plus rien ne nous sépare. Ses lunettes concassent son nez tel du plomb et tirent son visage vers le bas. La pauvre dame tangue au bord d'un précipice infernal.
« Je ne suis pas sûre d'en survivre. »
Ces aveux. Sa fatigue. Ils me giflent. J'ai tenté de la pousser de cette falaise… pourquoi ?
— Je suis désolée. Tu mérites pas tout ça.
— Ne t'excuse pas, souffle-t-elle en emmenant papa plus loin. Je serai toujours heureuse de te venir en aide.
Près de la vitrine, elle déterre des coffres et en sort des ustensiles médicaux. Ses talents se comptent par milliers. Elle n'a pas besoin de cœurtex pour diagnostiquer ses patients.
— Personne ne nous entend, d'ici ? m'assuré-je, me rapprochant à pas de renards.
— Non, hormis ton père.
— Non. Il nous entend pas. Plus maintenant. Écoute, faut que je te dise quelque chose. J'ai peut-être trouvé un moyen de le sauver.
Ses bras, recouverts de perles et de henné, se bloquent, thermomètre en main.
— Que veux-tu dire ?
— Je peux pas rentrer dans les détails, mais… j'ai besoin de soutien, de quelqu'un qui soit là si j'ai besoin d'aide, et…
— Tu ne comptes pas briser le cœurtex d'un innocent, si ?
— Quoi ? Non... Non.
Pourquoi ?
Pourquoi mens-je encore ?
Pourquoi, à chaque seconde qui passe, me hais-je un peu plus ?
— Dis-moi la vérité, réplique-t-elle.
— La vérité ?
Un rire, bref, incontrôlable, me coupe la parole.
— Je n'abandonnerai jamais papa, voilà la vérité. Si je peux le sauver, je le fais, quitte à me sacrifier.
Remplies d'expérience, ses pupilles divaguent et m'explorent, s'arrêtent un long moment sur mon cœurtex fragile, puis affrontent mon regard, sans doute terrifié. Son autorité peut être implacable.
— Puis-je encore te faire changer d'avis ?
— Si tu avais pu sauver Umbra, tu l'aurais fait ?
Tout son aplomb se découpe en lamelle de chagrins. Même si je ne l'avais que peu connue, prononcer le prénom de cette femme, sa fille, victime d'une tragédie, me demande une force inouïe, car le visage de la forgeuse tombe en miettes à chaque fois. Au fond, elle me voit en elle. En m'aidant, elle l'aide, je le sais. Pourtant, elle repose une main sur papa et ses traits se raffermissent.
— Bien sûr que oui. Et si j'avais pu la venger, je l'aurais fait aussi. Crois-le ou non, je n'ai jamais obtenu ce que je voulais. Du moins, pas encore, d'une certaine manière.
Le sens de ces sombres mots m'échappe. De souvenir, nous n'avons jamais pu mettre de nom sur le responsable — selon elle. Cette pauvre grand-mère a toujours réfuté l'hypothèse de l'accident. Je la comprends, en soi, maintenant que cette sensation d'injustice me ravage à mon tour. Me comprend-elle aussi ?
— Alors, est-ce que tu peux… je sais pas, accepter de pas m'abandonner ? J'ai plus personne. J'ai besoin d'un pilier, quelque chose.
— Je crains ne rien pouvoir te promettre, ma petite. Cependant, oui… oui, bien sûr que je t'accueillerai ici, comme à jamais. J'ai simplement l'impression que par là, tu me demandes autre chose. Quelque chose sur lequel je ne peux pas t'aider. Tu t'apprêtes à enfreindre la loi et je ne peux pas m'y risquer.
Une petite infraction n'a rien de dramatique, si ?
Un soupir m'échappe. Voilà que j'essaie de me convaincre, car elle m'analyse trop bien, et que ma Mission gagne en gravité lorsqu'elle en parle.
— On est d'accord que les ECOs peuvent récupérer un cœurtex en cas d'accident, non ?
— Pardon ?
Ses pupilles s'écarquillent et elle flanche sur une planche de parquet grinçante, comme si elle venait de voir un Absinthe, ou un fantôme.
— C'est pour quelqu'un d'autre, rectifié-je. Oriane. Tu… tu as peur de moi ?
Je balbutie cette question. Je ne peux me permettre de douter. Margaret a reculé par crainte. Mes mains… Elles sont plongées dans mon veston, où repose mon canif. L'avait-elle…
Non…
Je ne suis pas un monstre. Que lui arrive-t-il ?
— T'attaques-tu aux ECOs ? halète-t-elle.
— Mais quoi ? Je veux juste éviter de revivre ce qui est arrivé avec papy… avec Léon ! Je me suis fait une promesse, le jour où j'ai vu son corps, dans cette mare de sang, et pour lui, je me dois de m'y tenir. Mais si tu ne veux plus me voir, je comprendrai. T'as plus confiance en moi.
— Vanadis, tu serais choquée d'apprendre que les ECOs m'ont dans leur ligne de mire depuis bien longtemps.
Un long soupir plus tard, Margaret se ressaisit et reprend son analyse comme si de rien n'était. Son cœurtex brille tel le soleil — pourquoi une institution pareille voudrait-elle l'attaquer ?
— T'en fais partie, pourtant. Qu'est-ce que tu racontes ?
— Disons que depuis l'assassinat d'Umbra au Château, et depuis que l'enquête s'est soldée par un simple accident de sa part, je ne leur fais plus confiance. Ils le savent. Umbra… cette fille était un prodige. Elle n'aurait pas laissé une bombe lui exploser à la figure.
Cette lourde pensée m'étouffe. Je m'échappe de la rancune de la forgeuse et erre à travers les feuilles tropicales qui pendent au plafond. M'éloigner n'est peut-être pas judicieux. Elle aurait apprécié un câlin, voire un mot de consolation, mais je peine à affûter mon point de vue sur cette affaire. Elle range son matériel.
— Qu'importe ce que tu comptes faire, il te reste moins de deux semaines. Il ne tiendra pas plus longtemps. Mais je t'en supplie, ne mêle pas d'autres innocents à tout ça. Ne deviens pas comme ta mère.