7.Mala

Par Codan
Notes de l’auteur : C'est au tour de Mala de pénétrer dans la grande Urbaïs...

Cette impression d’immensité l’écrasait à chaque souffle qu’elle prenait dans cette ville. Après leur marche de deux bonnes semaines, les Filles et Fils de Naïa étaient eux aussi arrivés à Urbaïs, au milieu de cette forêt de pierre et de verre. Mala et les siens ne comprirent pas pourquoi un tel engouement se développa autour d’eux mais, obéissant à leur déesse, ils saluèrent la foule avec un légère réserve.

Beaucoup de gens autour d’eux. De bruits assourdissants. D’odeurs : des parfums épicés, sucrés, ou nauséabonds. Les pavés qui s’incrustaient dans leurs pieds nus. Et cette nature domestiquée, qui ne subsistait que dans les pots de fleurs où les hommes avaient bien voulu la faire pousser. Ce dernier point frappa Mala davantage que toutes les autres découvertes. Elle avait appris à vivre au milieu des arbres et des plantes, et devait négocier chaque jour son existence au milieu de la nature. Ici, on pouvait l’assujettir sans que cela ne pose de difficulté. Son regard tomba sur un chien, tenu en laisse par une gamine dont les habits richements décorés ne laissait aucun doute sur le statut social de ses parents. Mala fronça des sourcils. 

Elle s’était attendue à ce que tout soit différent : les nombreux récits qu’en faisaient les siens l’avaient maintes fois alertée. Elle ne s’était pas attendue à pénétrer dans un autre monde. 

 

Mala ne pouvait pas rester longtemps dans la chambre qu’on lui avait attribuée : trop petite, trop fermée, trop solitaire. Elle avait essayé de méditer mais, comme à chaque fois depuis leur départ d’Adeyabo, depuis que sa mère s’était confiée à elle, une seule chose lui revenait en tête. Elle ne parvenait pas à se défaire de la colère qui l’agitait lorsque l’idée de sa mère violée ici, dans cette cité, affleurait la surface du lac habituellement calme de ses pensées. 

Avec difficulté, elle troqua son pagne contre une chemise croisée et une large jupe de combat. Elle avait tenté de mettre le pantalon, mais le tissu frottant contre l’intérieur de ses cuisses l’en avait dissuadée. Elle ne supportait la sensation des vêtements contre sa peau que parce qu’ils constituaient une barrière non négligeable contre le froid qui régnait ici. Les bottines fournies dans la malle à habits étaient elles aussi une obligation. Zalin, Donneur de Naïa, avait été bien clair sur le sujet. 

Elle descendit lentement les escaliers en se maintenant à la rambarde. Ses pieds enfermés étaient gourds et il fallait les empêcher de se prendre dans le tapis. Une fois arrivée au rez-de-chaussée, elle retrouva Baako et d’autres de leurs amis qui l’attendaient. Mala ne les reconnut pas à première vue. Leurs silhouettes revêtues d’ocre et de blanc lui parurent étranges, mais la familiarité revint dès qu’un sourire para leurs traits.

— T’es la dernière, soupira Baako. 

— C’est pas facile à mettre, se justifia-t-elle en tirant sur sa chemise. 

— T’aurais pu te presser, râla Yago, j’ai faim. J’ai vu des tonnes de nourriture là, dans une rue, tout à l’heure quand on passait. Et puis… 

Adija le frappa à l’épaule.

— Arrête de laisser ton estomac parler à la place de ton cerveau.

Ils passèrent la porte d’entrée de leur bâtiment sous le regard des gardes, silencieux dans leur parure dorée. Zalin leur avait dit qu’ils avaient le droit de sortir tous les jours en attendant les candidats thaelins et mushadins. Les Orgoïs étaient arrivés quelques jours avant eux et résidaient dans l’édifice voisin du leur. Ils en croisèrent quelques-uns en descendant vers le centre-ville. En passant près d’eux, le groupe de Mala s’attira des regards noirs coincés sur des mines déjà méfiantes. 

— Ils ont les mêmes tenues que nous, chuchota la jeune Adija en les désignant du menton.

— Peut-être, mais j’ai pas envie d’aller leur faire la causette. 

Ils continuèrent leur chemin avec plus de lenteur que d’habitude. Mala devina que comme elle, ses amis n’étaient pas habitués au poids de leurs chaussures.

Dès qu’ils rejoignirent une rue plus desservie, elle eut le vertige. Il y avait énormément de monde. Les éclats de voix agressèrent ses tympans. L’air se chargeait de parfums capiteux et de milles odeurs provenant des différents étals de nourriture. Elle réussit à distinguer du pain ou de la brioche, mais beaucoup d’autres lui étaient inconnues. Immobile dans la rue, elle hésita à se plonger dans cette marée humaine de couleurs et de bruits. Un gamin la bouscula en courant et ne prit pas la peine de s’excuser. Chez elle, à Adeyabo, elle n’aurait pas eu besoin de le reprendre : une foule de personnes l’auraient déjà fait avant qu’elle n’ouvre la bouche. Ici, hormis Yago qui lança une remontrance outrée, personne ne s’en souciait. 

Baako attendit patiemment qu’elle se remette de ses émotions. Elle inspira un grand coup et se lança. Une imperfection dans le pavé la fit chavirer, mais elle parvint à garder in extremis son équilibre. Au fur et à mesure qu’elle avançait, cela devenait moins compliqué d’évoluer entre les gens, de composer avec ses bottines et de regarder autour d’elle. Elle savait qu’Urbaïs fonctionnait différemment de chez elle, mais elle ressentait une pointe de surprise à chaque découverte : la monnaie qu’une dame échangeait contre un morceau de pain, le tissu brillant et coloré que tirait un marchand pour le montrer à son client, les poteries ouvragées que protégeait une commerçante en houspillant des gamins à aller jouer plus loin avec leurs cerceaux… 

Elle se mit à essayer de décrypter les devantures des échoppes, dans cette langue dure de l’empire qu’elle avait appris depuis toute petite, loin des tonalités chantantes des dialectes alayis. L’un d’entre eux l’attira : Chez le sorcier. Ce dernier mot, “sorcier”, était écrit de sorte à être prononcé dans le dialecte d’Adeyabo. 

On tenait la petite boutique au fond d’une grande rue bien fréquentée, pas très loin de l’arène où tous les divertissements possibles sont offerts par l’empereur. 

Mala ouvrit la bouche pour interpeller ses camarades, mais tous les trois étaient hors de vue parmi la foule dense. Elle soupira, puis leva les yeux. L’échoppe était plutôt grande, par rapport à ses voisines, et sa devanture était faite d’un bois précieux qu’elle reconnaissait. Elle s’avança et y posa les deux paumes. Elle soupira de bien-être en fermant les yeux, s’abandonna à ce contact chaud et rassurant. 

— Tous les Alayis ont besoin de venir se ressourcer ici. 

Elle ouvrit les yeux. Sur le pas de la porte, adossé à la chambranle, un homme d’âge mûr lui souriait. Des yeux noirs pétillants, une allure noble et rassurante, une sympathie débordant autour de lui en une aura chaleureuse. 

Issah. 

Mala se précipita vers lui et l’enlaça. La façon dont il resserra son étreinte et respira ses cheveux avait quelque chose de paternel. Avant que sa mère lui avoue son secret, Mala avait longtemps pensé qu’Issah était son géniteur. 

— Il y avait d’autres moyens de me rejoindre que d’endosser ce rôle, ma belle, lui dit-il de sa voix chaude et douce. 

Il attrapa son menton pour la regarder dans les yeux. Mala vit dans son regard une inquiétude qu’elle ne comprit pas. 

— J’ai été choisie par Naïa, tu n’es pas fier de moi ? 

Les lèvres d’Issah s’étirèrent dans un nouveau sourire. 

— Bien sûr que si, wossi. Allez, rentre un peu. 

Il passa un bras autour de ses épaules et poussa la porte de verre de sa boutique, qui s’ouvrit en carillonnant joyeusement. Le plancher craqua sous leurs pieds. Les étagères s’élevaient jusqu’au plafond et regorgeaient de bocaux et de boîtes qui contenaient, Mala le savait, tous les secrets de la nature. Au centre, des étals regorgeaient de plantes séchées ou réduites en poudre en libre service. Les parfums, condensé de la forêt, redevinrent familiers à ses narines. Il l’entraîna dans l’arrière-boutique, assez exiguë en comparaison de l’espace de vente, où un poêle à bois en fonte ronflait paresseusement. Une théière en métal y sifflait. Issah prit la hanse de bambou et servit le breuvage dans deux grandes tasses de porcelaine. Il en tendit une vers Mala qui la prit précautionneusement,avant d’inspirer longuement : elle reconnut à l’odeur et à la couleur une décoction de ginseng. Il s’asseya sur un haut tabouret de travail, et elle l’imita.

— Tu n’es pas rentré depuis très longtemps, lâcha-t-elle. 

Elle aurait voulu qu’il y ait moins de reproche dans son ton, mais n’avait pas réussi à se contrôler. Comme si la gamine qui avait pleuré son départ, six printemps auparavant, revenait prendre ses droits sur la jeune femme qu’elle était devenue. 

— Je sais, ma belle. Vous me manquez aussi. 

Elle profita du silence pour regarder autour d’elle. Un cahier de comptes bien rempli trônait sur un bureau de bois noble, dans le fond de la pièce.. Les plus anciens étaient conservés dans la bibliothèque fixée au mur, et sans doute que l’un d’entre eux comportait l’écriture de sa mère. Elle sentit sa gorge se serrer en pensant à Ossia. Était-elle encore en vie ? Issah interrompit le flot de ses pensées en lui demandant :

— Et toi, que fais-tu ici ? 

— Naïa m’a choisie, c’est pour ça que… 

— Non, que fais-tu ici. Dans cette rue. Dans cette boutique. 

Elle braqua son regard vers lui. Les yeux sombres d’Issah l’analysaient comme ils en avaient l’habitude. Elle remarqua qu’il avait plus de rides que dans son souvenirs, que ses cheveux s’étaient raréfiés sur le haut de son crâne et que quelque chose alourdissait ses épaules. Il semblait plus fatigué. 

— Je suis venue me ressourcer, confia-t-elle doucement. 

Il ne répondit pas tout de suite, et se contenta de l’observer. Cela la mit mal à l’aise. Elle baissa les yeux sur la tasse qui réchauffait doucement ses mains. Doucement la voix d’Issah brisa le silence qui s’était installé :

— Tu portes un secret en toi, Mala. Je te connais assez pour le voir. 

Rien ne pouvait se dissimuler sous son regard scrutateur. Elle laissa le sien baissé sur sa tasse et haussa les épaules. Après tout, c’était Issah. Elle pouvait lâcher des miettes de ce qui la tourmentait depuis des semaines.

— Je sais que maman a vécu ici, j’aimerais retracer un peu son passé. 

L’évocation d’Ossia le fit imperceptiblement tressaillir. Il connaissait l’état dans lequel elle se trouvait, et Mala soupçonnait que ce soit la raison de sa trop longue absence. Elle porta la tasse à ses lèvres et l’amertume du ginseng explosa sur ses papilles. Après une longue minute de silence, il se leva pour aller vers la bibliothèque. Mala s’attendait à ce qu’il prenne un ancien registre mais revint avec un carnet sentant bon les années passées. Issah le posa devant elle et en ouvrit les pages. Des croquis s’y étalaient, certains en couleur, d’autres en noir et blanc, mais ayant en commun d’immortaliser des scènes du quotidien de la rue. Des personnages se parlant, jouant au cartes, la boulangerie quelques pas plus loin que Mala avait croisée, plein de petites choses croquées avec délicatesse sur le papier crème de ce carnet. 

Et puis, en tournant une page, le souffle de Mala se coupa. C’était cette fois un portrait, le portrait d’une femme, la peau noire comme la sienne, les cheveux collés à son crâne en de multiples nattes, les lèvres pleines, le regard rieur et intense, les pommettes hautes et sculptant son visage avec finesse. Sa mère. 

— Elle a toujours été la plus jolie, commenta Issah. 

Mille questions se bousculaient dans la gorge de Mala sans en sortir. Qui l’avait dessinée ? Quel âge avait-elle, là, immortalisée au crayon ? Comment avait-elle vécu ici, dans cette boutique ? Est-ce que cette beauté franche et chaleureuse avait séduit beaucoup de personnes ? Elle caressa le papier du bout des doigts, retraçant les traits de cette mère qu’elle ne connaissait pas. La maladie avait émacié son visage et rendu son teint livide en permanence. Elle qui aimait tellement la vie était maintenant condamnée à la voir la quitter petit à petit. Mala sentit son cœur se serrer au souvenir d’Ossia, couchée dans leur case, pouvant à peine ouvrir un œil pour voir sa fille unique partir auprès de leur déesse. 

— Je suis heureux que tu lui ressembles autant, chuchota Issah. 

Il caressa les cheveux de la jeune fille dans un geste plein de tendresse. Elle retint comme elle put la détresse qui lui grimpait dans sa poitrine. À qui d’autre aurait-elle dû ressembler ? Qui était ce père que personne ne connaissait ? Issah avait-il la réponse ? 

— Tu étais avec elle, quand maman travaillait ici ? 

Issah secoua la tête en fronçant les sourcils. 

— Non. D’ailleurs, c’était une erreur que de laisser ta mère et Retha sans personne d’autre ici. Maintenant, nous sommes plus nombreux.

Il savait. Mala le perçut à l’inflexion qu’avait pris sa voix, à ses traits qui s’étaient légèrement refermés.

— Pourquoi dis-tu cela ? osa-t-elle. 

Il lâcha un soupir en évitant de la regarder. Mala le vit fermer les paupières, comme pour discuter avec lui-même, puis les rouvrir en ancrant ses yeux dans les siens. L’intensité de l’échange visuel la fit frissonner. 

— Il faut que tu fasses attention, Mala. Urbaïs n’est pas pour nous. Si nous parvenons à survivre ici, c’est pour la communauté, pour rapporter des choses dont nous avons besoin chez nous. C’est parce que nous sommes unis. Retha et Ossia étaient seules toutes les deux.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? 

La douleur d’Issah s’inscrivit dans la grimace qui déforma son visage. 

— Quelque chose qui ne t’arrivera pas. 

Il prit le visage de Mala entre ses mains et caressa ses joues de ses pouces rugueux. 

— Qu’importe ce qu’ils disent là-bas, chuchota-t-il en désigna la direction de l’Amphithéâtre du menton, tu trouveras toujours un Alayi pour t’aider dans la difficulté. Tu es une fille de l’équinoxe. 

Il ne répondait pas. Malgré la sincérité dans le fond de ses prunelles et la douceur de ses gestes, Issah ne calmait pas les inquiétudes de la jeune femme. En esquivant la question, il en faisait naître mille autres. Il fallait qu’elle sache. Il fallait qu’elle tente. Elle avait en lui une confiance absolue, il devait lui donner des réponses.

— Je suis née plus tôt que les autres, chuchota-t-elle. Tu le sais, n’est-ce pas ? 

Il lui embrassa le front, puis l’enlaça de nouveau. Il savait. Le secret autour de sa naissance en était-il vraiment un ? 

— Personne ne doit l’apprendre, murmura-t-il dans le creux de son oreille. Surtout pas la déesse. 

Mala se glaça, et se dégagea de l’étreinte d’Issah. Comment cacher quelque chose alors que leur déesse les visitait en méditation et ouvrait tout ce qui composait leur être en quelques secondes ? Pourquoi ne pas faire confiance à Naïa ?

— Comment je peux faire pour cacher quelque chose à ma déesse ? 

Issah eut un triste sourire.

— Tu es une Alayi. C’est la seule vérité possible.

Elle resta là, immobile, sans oser faire un geste. Horrifiée par le mensonge qu’elle devrait fabriquer pour dissimuler sa véritable identité. Le doute s’était immiscé en elle et macérait dans les eaux troubles de son être depuis des semaines. Issah la tira par le bras avec douceur pour la faire se rasseoir près de lui, et poussa la décoction de ginseng dans sa direction. L’odeur encore chaude fit sortir Mala de sa transe réflexive.

— Naïa m’aurait-elle choisi si elle savait ? 

Elle frémit rien que d’y penser : la déesse ne choisissait-elle pas les individus dignes, pour leurs qualités ? Le mystère de sa naissance entachait-il celle qu’elle était ? Issah exhala un profond soupir. Il reporta son attention sur le carnet et lança un regard chargé de tristesse au portrait d’Ossia, plus jeune. 

— Naïa n’aime que ses propres enfants. Elle ne supporte pas de voir son sang mêlé à celui de ses frères. Tu aurais été forcée à vivre loin d’Adeyabo.

Au fond d’elle, quelque chose se brisa. Pourquoi sa déesse ne pouvait-elle pas l’accepter comme elle était ? Elle pressa les paumes contre la porcelaine tiède, pour essayer de se rattacher à quelque chose de solide alors qu’elle se sentait se noyer. Issah sourit au portrait crayonné toujours entre eux. 

— Ta mère et moi avons toujours été proches, et elle n’a pas pu me le cacher bien longtemps. Pardonne-lui d’avoir gardé ce secret de toi.

Elle haussa les épaules. Elle avait déjà pardonné à sa mère. Le temps fila doucement, laissant Mala plongée dans ses questions sous le regard patient d’Issah. Au bout de plusieurs minutes, Mala oralisa celle qui la préoccupait le plus : 

— Et toi, comment as-tu fait pour que personne ne le sache ? 

Les Alayis se voyaient enseigner dès leur plus jeune âge à ouvrir sa conscience aux autres lors des séances de méditation collective. Une marque de confiance qui ne souffrait d’aucun mensonge. Comment pouvait-elle, du jour au lendemain, dissimuler quelque chose d’aussi énorme aux siens et à sa déesse ? Issah sirota son breuvage dans le silence devenu oppressant de son arrière-boutique. 

— Il faut que tu visualises en toi une petite boîte. Toute petite. Assez pour que personne n’aille l’ouvrir lorsqu’ils viendront te visiter, pour que personne ne la remarque. 

Mala ferma les yeux pour se plonger à l’intérieur d’elle-même. Elle se représenta le pot de peinture à l’argile blanche de Nonnan, dans leur petite case, à Adeyabo. Elle hocha la tête. 

— C’est là que tu y mets ton secret. Il faut qu’il rentre dans cette petite boîte, tout entier. Il faut le plier, le presser, mais il doit rentrer sans déborder. Et tu poses la boîte dans un endroit qui semblerait approprié. Pas dans l’ombre, au risque d’attirer l’attention. Pas dans la lumière, sinon il sera ouvert. 

Mala obéit. Elle tordit difficilement cet énorme secret pour qu’il rentre dans ce minuscule pot à peinture et l’y enferma. Elle chercha l’endroit idéal où le ranger et, après quelques hésitations, le glissa entre plusieurs pots identiques. 

— C’est fait, chuchota-t-elle. 

— Alors laisse-moi vérifier… 

 

Elle finit par rester toute l’après-midi chez Issah. Entre quelques clients, son père de substitution pénétrait sa conscience pour y chercher son secret et dès qu’il le trouvait, Mala s’efforçait de recommencer tout le processus. Long et éreintant, celui-ci l’avait complètement vidée de ses forces. Elle devait revenir demain, pour s’assurer que ses défenses étaient solides. 

Issah la laissa sortir une petite demie heure avant le couvre-feu, mais Mala dut plusieurs fois se faire répéter le chemin. Le retour n’était pourtant pas compliqué : il suffisait qu’elle remonte la rue empruntée précédemment, puis qu’elle retrouve le bâtiment accolé à l’arène où elle et ses congénères avaient pris leurs quartiers. La fatigue et les bottines qui alourdissaient ses pieds étaient de redoutables adversaires pour combattre le pavé. Elle manqua de tomber plusieurs fois sur le chemin. Si bien que lorsqu’elle atteignit les portes d’entrée de son bâtiment, les gardes lui signalèrent qu’elle avait beaucoup de chance d’arriver juste avant le couvre-feu.

Elle entreprit de grimper l’escalier et, malgré les avertissements des gardes, elle choisit d’y aller doucement. Sur le palier du premier étage où elle dût faire une halte pour se reposer, elle reconnu Baako. Les bras croisés sur une chemise qui mettait en valeur sa silhouette musclée, il avait la mine inquiète d’un parent qui ne retrouve pas son enfant. Mala ressentit une vague de honte et de culpabilité à l’idée de lui dissimuler des choses à lui, son meilleur ami, l’allié des mauvais jours comme des bons.

— Où étais-tu ? 

Elle n’eut qu’un sourire éreinté pour toute réponse. Il claqua la langue contre son palais et se pencha vers elle pour l’embrasser. Mala retint un soupir d’aise en sentant l’énergie calme et puissante de Baako envahir son corps.

— Merci. 

Il haussa les épaules comme si ce n’était rien. Puis, sans lui poser de nouvelle question et sans chercher de réponse à la première, Baako glissa un bras précautionneux autour de la taille de Mala et l’emmena vers sa chambre.

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Isapass
Posté le 29/06/2021
Ca fait beaucoup à encaisser pour cette pauvre Mala ! Déjà, comme pour Péon, le déracinement est perturbant, mais elle doit gérer l'ignorance dans laquelle elle se trouve par rapport à l'état de santé de sa mère, la nouvelle qu'elle vient d'apprendre quant à ses origines, et maintenant elle doit renoncer à la transparence qui est toute la base de son éducation... Elle ne part pas avec tous les atouts en main pour les épreuves qui l'attendent !
Et je ne sais pas pourquoi, ce Issah ne me convainc pas vraiment. Je dois être une lectrice parano : quand quelqu'un a l'air trop sympa, je me demande toujours s'il ne cache pas quelque chose (ça me fait la même chose pour Vidal du côté de Péon et pour la sœur d'Aomi XD).
C'est toujours très agréable à lire en tout cas, avec un équilibre bien dosé entre descriptions, introspections, dialogues et avancement de l'intrigue.
Codan
Posté le 18/09/2021
Je pense que de tous les personnages, c'est en effet Mala qui est le plus perturbée par Urbaïs et tous les changements qui en découlent pour elle. Et que tu as parfaitement compris <3
Oh je ne suis pas si sadique... XD tu es trop méfiante !
Un gros merci pour ce petit commentaire sur mon style, c'est compliqué de tous doser... je suis assez contente que ça passe bien !
Elenna
Posté le 28/10/2020
Hum hum... Donc son père n'est pas de son clan. Elle aussi ne rentre pas dans une case il semblerait. J'avoue que j'ai absolument adoré ce chapitre tout en douceur.
Et d'ailleurs, ça ne me surprendrai pas si les 4 se retrouvent dans la même "équipe" pendant le Grand Choix...
Codan
Posté le 28/11/2020
C'est vrai que tu aimes le personnage de Mala et sa douceur :)
Je ne dis rien et je te laisse lire la suite ehehehe
Gabhany
Posté le 16/07/2020
Hum hum on a donc la confirmation que Mala est issue d'un père d'un autre clan ... intéressant ! J'aime bien le point de vue de Malàet sa façon de faire face, elle a l'air forte ET je trouve toutes ces notions de partage avec la Nature très inspirantes !
Codan
Posté le 20/07/2020
Ehehehehehehehe t'as vu juste ! On ne peut pas trop parler de "clans", mais t'as saisi l'idée :D Je suis heureuse que le personnage de Mala te parle, elle a été assez compliquée à trouver pour moi ^^
Notsil
Posté le 09/06/2020
Oh oh, intéressant ! Donc des petits secrets malgré tout. C'est bien que Mala puisse discuter de son lourd secret avec une personne de confiance.
Les dieux ne savent finalement pas tout, et sont donc plutôt exclusifs et jaloux.
Intéressant intéressant...

Petite coquille ici : "Doucen la voix d’Issah brisa le silence qui s’était installé :" -> doucement peut-être ?
C'est agréable à lire, en tout cas ^^
Codan
Posté le 10/06/2020
Ouiiiii j'aime bien imaginer mes dieux finalement très humains ! Parce que bon, ils ont pris un corps humain, il faut bien qu'il y ait des contreparties... Et en fait, la vision avec laquelle ils voient leur peuple est... assez immature en fait. C'est LEUR peuple et personne d'autre n'a le droit d'y toucher.
Merci pour la coquille, et je suis contente que tu trouves ça agréable :D
Xendor
Posté le 20/05/2020
Coucou, le chapitre est intéressant :) Une divinité non omnisciente, tiens tiens ^^ Je compatis pour Mala. Elle se fait un peu balotter de partout, et je salue sa force d'âme.

Je salue aussi ton écriture. Je pense que tu as trouvé là un bon rythme d'écriture. Tu en dis assez, mais pas trop non plus. Niveau dosage de l'information tu gères bien ton affaire.

Hâte de lire la suite :)
Codan
Posté le 20/05/2020
La vache, je viens à peine de poster, t'es Lucky Luke ! xD Hello Xendor, merci de ton commentaire :)

Mes divinités sont plus humaines qu'autre chose mouhaha. Le fait d'être incarné dans un corps humain leur enlève certaines capacités (mais je le dis pas explicitement sinon je lâche trop d'infos et ça alourdit toute ma narration)

Ca me fait extrêmement plaisir ce que tu dis sur le dosage, parce que je fais super attention et j'ai souvent l'impression de pas assez bien doser justement. Ca me soulage d'avoir un regard extérieur dessus, merci beaucoup <3

À dans deux semaines pour la suite :D
Xendor
Posté le 20/05/2020
Tkt, j'ai un peu les mêmes problèmes que toi. Comme je suis typé worldbuilder, il y a toujours la tentation de tout dévoiler. Donc tu peux te sentir rassuré sur ce point, et continuer dans ce sens :)

Mmmm. C'est bien de le savoir. Tu fais bien de ne pas trop le dévoiler (vu que dans ce chapitre on commence à la soupçonner). Cela force un peu le lecteur à se poser des questions, c'est un bon point pour toi.

Lucky Luke ? Non, Batman ^^

Yes, à dans deux semaine :)
Codan
Posté le 20/05/2020
Merci de tes retours copain worldbuilder ! Tu me rassures pas mal !
J'avoue, Batman est plus classe avec son masque xD
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