(8)

Par Dan

8

 

29 janvier 2020

 

Célestine a longtemps nagé dans une mer de lumière. Elle ignore si elle en est sortie, d’ailleurs, ou si elle en sortira un jour. Peu importe : la terreur et le bruit ont reflué si loin qu’elle en a perdu le souvenir, et ne demeurent plus que le calme et la légèreté. Elle flotte. Elle vole. Elle voudrait que ce moment ne s’arrête jamais.

Mais les choses ont déjà changé. Dans le grand blanc qui gomme les limites de son corps, des formes mouvantes se précisent peu à peu. Pas vraiment des silhouettes, encore moins des ombres, mais des nœuds de nacre et de clarté qui se rapproche en ondulant comme des feux follets.

Sans que Célestine en éprouve la moindre crainte, ils l’entourent complètement et resserrent leur ronde. Elle a l’impression de les connaître ; mieux : de les retrouver. Elle se tend vers eux pour les toucher, se confondre, irradier de la même lueur.

Elle se tend vers Eux.

 

 

Célestine ouvre les yeux sur un plafond blanc veiné de craquelures. Son corps douloureux repose sur une surface molle, confortable mais puante, qui crache des panaches de poussière dès qu’elle roule de la tête pour tenter de faire le point sur son environnement.

Le canapé jouxte un mur au papier peint défraîchi : les motifs psychédéliques ont fané et plusieurs lés se sont détachés ou racornis. Deux fauteuils lounge encadrent une lampe tubulaire et quelques meubles à pieds compas occupent le reste de l’espace. Tout ce qui manque pour compléter le tableau du salon modèle des années 60, c’est un téléviseur cathodique coiffé de deux antennes.

Célestine se redresse en grimaçant, mais elle a seulement le temps d’apercevoir le coin repas et la cuisine en formica avant que la porte d’entrée pivote, fendant d’une lame de lumière pâle le couloir qui mène aux chambres. Une silhouette mince y projette son ombre et Célestine retombe dans les coussins, à bout de forces.

— Comment te sens-tu ?

Levi s’assoit sur la table basse et la scrute sans détour. La semi-obscurité accentue les creux fatigués de son visage et un début de barbe poudre sa mâchoire. C’est la première fois qu’il n’est pas rasé de près ; Célestine trouve la chose dérangeante, déplacée.

— Que s’est-il passé ? bredouille-t-elle.

Son bref effort lui a donné le tournis et la nausée. Levi tire une bouteille d’eau de son sac en bandoulière pour l’offrir à Célestine, qui y boit quelques gorgées bienvenues.

— Harry m’a dit que tu n’étais jamais arrivée au dispensaire, explique Levi. Amelia, Charles et Oqruchi étaient également introuvables. Pooja n’a rien voulu me dire, mais j’avais mes doutes, et j’ai fait aussi vite que j’ai pu. Quand je suis arrivé ici, je vous ai trouvés étendus dans l’herbe devant le laboratoire. J’ai immédiatement appelé Harry, mais lorsqu’il m’a enfin rejoint, vous n’aviez toujours pas repris connaissance. Nous vous avons transportés à l’abri pour la nuit.

— La nuit ?

— Vous avez quitté le camp hier.

Le bain de clarté a-t-il vraiment duré aussi longtemps ? Célestine ferme les yeux ; la valse des lueurs a laissé une image rémanente contre ses paupières, comme une envolée de lucioles.

— Les Eux… Ils… Ils étaient là, bafouille Célestine. C’est comme Pooja l’avait dit… quelles que soient les intentions des sandersoniens, ils…

— J’aurais dû me douter que Pooja cernerait le vrai problème en entendant mon discours, coupe Levi. Mais je ne voulais pas que Frankie et Santiago en arrivent si tôt à la même conclusion, alors j’ai préféré ne pas attirer l’attention de la communauté sur la question des Eux. Si les gens prenaient conscience de la véritable menace, ils voteraient la désactivation immédiate de toutes les machines et le reste de mon plan tomberait à l’eau. Santiago lui-même refuserait certainement de poursuivre les démarches pour protéger ses collègues des représailles.

— Mais Frankie…

— Je sais, fait Levi. J’ai deviné ses projets depuis quelque temps, mais j’espérais obtenir des détails avant d’intervenir. J’ai menti pour ne pas mettre la puce à l’oreille de Frankie et lui laisser assez de latitude pour poursuivre ses entreprises. Si quelqu’un parvient à créer une voie de retour vers la sphère, je dois le savoir.

Levi marque une brève pause, durant laquelle il semble mobiliser son courage.

— J’aurais dû en parler au conseil. En apprenant que vous vous rendiez à la base, j’ai supposé que vous espériez comprendre le fonctionnement des machines et si possible les désactiver pour que les sandersoniens n’arrivent jamais et qu’Eux ne frappent pas en retour. Que vous vous méfiiez, vous aussi, sinon de Frankie, au moins des conséquences de l’arrivée des sandersoniens.

« Mais nous sommes hors de danger, désormais, ajoute-t-il, l’air désolé – non : anéanti. Les machines sont détruites et l’accès au laboratoire condamné. Les Eux ont pris les devants, encore une fois, et les sandersoniens ne pourront pas traverser.

— Je n’en suis pas si sûre…, dit Célestine, à qui la nervosité a rendu un peu de vigueur. Santiago a dit que ses collègues seront aussi munis des appareils qui lui ont permis de contourner le filtre. Ils n’arriveront peut-être pas à six de front, mais il suffit qu’un seul survive comme Santiago pour qu’ils retentent le coup. On a seulement gagné un sursis.

Cette fois, Levi baisse les yeux. Il devait savoir qu’un petit contretemps de ce genre ne suffirait pas ; connaissant les sandersoniens et compte tenu des exploits qu’ils ont déjà accomplis, à moins de parvenir à les contacter pour les mettre en garde – si tant est qu’ils prennent la menace des Eux au sérieux –, rien ne les arrêtera. Et si Levi a encore besoin d’un argument pour comprendre que le coup de semonce des dieux ne changera pas l’issue du mois de mars, Célestine en possède un de poids :

— Je t’ai vu, en 1990. Le jour de la naissance de Frankie. Là où elle est née.

Maintenant rivés à ceux de Célestine, les yeux noirs de Levi ne cillent plus, pareils à deux billes de tourmaline. Symbole du pouvoir et de la protection, couleur du sérieux et du solennel.

— C’est assez flou, continue Célestine en s’efforçant de soutenir son regard. Mais je suis sûre que c’était toi. Tu as surgi de la forêt en parlant de la fin du monde, et dans cette forêt, il y avait une brèche de lumière violette que les autorités ont essayé de déguiser en fuite de gaz.

Après ce qu’elle a vécu ces dernières semaines, Célestine est certaine qu’il s’agissait d’un mensonge éhonté, qui en dit long sur l’implication des autorités.

— 1990 ? répète Levi.

C’est tout ce qui l’intrigue ?

— Pourquoi pas 2020, ou 2011 à la limite ? insiste-t-il sans donner l’air d’attendre de réponse, et en enchaînant aussitôt : Frankie, était-elle avec moi ? La Frankie adulte ?

— Je ne l’ai pas vue, dit Célestine. Mais je crois que tu cherchais quelqu’un. Certainement elle, puisque c’est la seule à vouloir partir d’ici. Donc ce serait le signe que tu vas basculer malgré tout : que Frankie va réussir à s’échapper et toi tenter de la rattraper sans y parvenir.

« Je n’y connais pas grand-chose en voyages temporels mais… si je me souviens toujours de toi en 90, c’est que ça va toujours se produire, non ? Vous allez toujours traverser, et si ce n’est pas grâce aux machines de Santiago, ça veut dire que d’autres sandersoniens apporteront d’autres appareils qui vous permettront de franchir la barrière vers la sphère.

Une ride profonde s’est creusée entre les sourcils de Levi, qui semble maintenant réfléchir à toute vitesse.

— Pourquoi tu n’as rien dit ? lâche alors Célestine. Au sujet de tes plans, de tes soupçons ? On aurait pu t’aider.

Il fouille son visage du regard, mais elle est incapable d’interpréter son expression.

— Je me sentais coupable.

Levi détourne les yeux par la fenêtre dont les rideaux miteux voilent un rectangle de matin et les formes vertes des bungalows voisins. Célestine ne dit rien, se contentant d’observer ce profil identique qu’elle a vu s’illuminer d’une larme dans le crépuscule, trente ans plus tôt. Quand Levi reprend la parole, il a exactement la même voix éraillée que ce soir-là :

— Frankie… elle ne s’est jamais vraiment intégrée. Il a fallu trois ans pour que son témoignage apparaisse, et malgré ça, elle a gardé l’espoir de rentrer un jour. Je suis fautif de ne pas l’avoir aidée à trouver sa place, de ne pas avoir su lui donner de bonnes raisons de vouloir rester.

— Elle t’aime, tu sais ?

Levi la dévisage soudain, l’air plus perdu que surpris, comme s’il peinait à comprendre les mots plutôt que ce qu’ils impliquent. Et Célestine ouvre de grands yeux. La question était rhétorique – elle aurait dû l’être. Comment Levi peut-il l’ignorer alors que leur idylle semble être le sujet de ragots préféré de leurs amis ? L’a-t-il aimée en secret sans jamais oser croire à la réciprocité de ses sentiments ? Ou est-il seulement aveugle à ceux de Frankie ?

Pour son bien et pour celui de camp entier, Célestine préférerait la première option. Réalisant qu’ils désirent la même chose et qu’ils l’avaient sous les yeux depuis des années, Frankie n’aurait plus aucune raison de s’enfuir ni Levi de la poursuivre. Mais de toute évidence, Levi n’a jamais envisagé que Frankie puisse s’être attachée à lui de cette façon.

— Si tu ne t’en es même pas aperçu, alors tu lui as peut-être donné une bonne raison de vouloir partir, dit Célestine.

Voilà le fondement des dangereuses entreprises de Frankie : un cœur brisé. C’est puéril et égoïste, mais Célestine peut compatir : elle a commis nombre d’erreurs et renoncé à trop de choses au nom de ses compagnes. Qui sait ? Devant la complète indifférence de Levi, peut-être aurait-elle songé à disparaître elle aussi.

Mais avec cette réponse vient une autre question : comment expliquer son souvenir du futur sous ce nouvel éclairage ? « Ça aurait du sens si ça a un rapport avec Frankie », a dit Charles, et tout le monde est tombé d’accord là-dessus : si quelqu’un est capable de pousser Levi à la fuite dimensionnelle, c’est seulement Frankie.

Qu’éprouve-t-il à son égard pour courir tant de risques, si ce n’est pas de l’amour ? De la pitié ? Encore plus de culpabilité ? Il a raison de se sentir responsable : c’est sa froideur qui décidera Frankie à fuguer, alors peut-être pensera-t-il devoir la retenir ou la ramener pour se racheter.

— Santiago pourrait nous aider, avec un peu de chance, suggère Célestine en se raccrochant à l’accoudoir pour s’extraire du canapé, espérant dissiper le malaise de Levi qui paraît plus déplacé encore que son allure négligée. Il ne savait pas que Frankie comptait pirater ses engins, mais dans la sphère, les sandersoniens ont peut-être étudié et résolu ces micmacs temporels.

Le monde vacille quand elle se lève et ses premiers pas lui coûtent toute l’énergie récupérée depuis son réveil. Elle s’apprête à sortir lorsque les doigts osseux de Levi la retiennent et, pendant un long moment, il se contente de la fixer de son regard de reptile.

— Santiago ne peut pas nous aider, souffle-t-il et, comme s’il voulait tout expulser le plus vite possible, arracher le pansement, il lâche : Il est mort.

Célestine se dégage de sa prise. Toute fatigue oubliée, elle bondit hors de la maison, dévale les marches du porche et traverse le jardin central vers le bungalow d’en face, consciente que Levi la suit. Edward se tient sur la balancelle près de l’entrée, le nez plongé dans son carnet à dessin, et il a juste le temps d’ouvrir la bouche dans une expression alarmée avant que Célestine surgisse à l’intérieur.

Le séjour est étrangement semblable à celui qu’elle vient de quitter : hormis les bibelots qui décorent les étagères, les jouets qui traînent au sol et le cocon blanc étendu sur le sofa, elle pourrait croire qu’elle vient d’entrer dans un palais des miroirs.

— Tu ne devrais pas… !

Célestine ignore l’exclamation d’Edward, s’approche, tire sur le drap et plaque les deux mains sur sa bouche en reculant.

Il ne reste presque plus rien de lui. Plus de lunettes, plus de nez ; le menton, les pommettes, le front écorchés jusqu’à l’os, les lèvres retroussées, et ces horribles yeux sans paupières qui semblent figés dans une expression d’horreur infinie. Brûlé ? Irradié ? Célestine n’a jamais rien vu d’aussi horrible, pourtant elle ne parvient pas à détacher le regard du cadavre défiguré de Santiago.

— Comment… Amelia a dit que la lumière…, bredouille-t-elle derrière ses paumes, chaque mot plus bilieux que le précédent. Pourquoi lui ont-ils fait ça ?

— Je crois qu’ils ont voulu le punir.

Levi, la voix nouée.

— Avec la première vague, les soldats devaient disparaître, mais pas souffrir. Santiago n’avait pas été choisi. Il était indigne aux yeux des Eux.

Célestine se détourne, trébuche et vomit de l’eau acide derrière une maison de poupée. Sans doute averti par l’agitation, Harry fait irruption dans le salon au moment où Edward rabat le drap sur le visage lacéré de Santiago ; il se précipite aussitôt vers Célestine, qui s’est écroulée dans un fauteuil pivotant.

— Que fait-elle là ? cingle le médecin, accusant tour à tour Edward et Levi d’un regard assassin. Vous croyez qu’elle est en état pour ce genre de choses ?

Il la fait boire à sa gourde puis tente de la relever, mais Célestine n’a pas la force d’accompagner son élan. Elle se sent lourde, et vide pourtant, immense et creuse. Rien qu’un poids mort.

En seraient-ils arrivés là si Frankie n’avait pas manipulé Santiago pour s’échapper ? Levi l’a dit lui-même : une fois alerté du danger qu’une traversée massive ferait courir aux habitants de l’icosaèdre et aux sandersoniens ignorants, Santiago aurait renoncé à sa mission et sans doute cherché à dissuader ses collègues de poursuivre la leur. Rien d’indigne à ça, au contraire. Peut-être même assez généreux pour persuader les Eux de lui pardonner son intrusion.

Une pensée douloureuse traverse alors l’esprit embrumé de Célestine, une pensée abjecte qu’elle n’arrive pas à regretter : c’est Frankie qui devrait se trouver sous ce linceul.

— Célestine…, tente Harry.

Mais elle est déjà debout, déjà dehors ; quand elle voit Danai rassembler les sacs au centre du jardin en prévision du départ, Célestine s’empare du sien et prend la direction des remparts sans adresser un regard à personne.

 

 

Ils l’ont suivie en silence, d’abord Amelia, Charles et Oqruchi, trop secoués par leur noyade dans la lumière des Eux pour parler, puis tous les autres venus en renfort. La colline lui a semblé insurmontable, le dédale de la forêt inextricable, mais à chaque fois que la fatigue l’a forcée à s’arrêter, Célestine a repris la route avant que les autres la rattrapent. Elle leur tournait le dos quand ils se sont rassemblés autour des trois Jeep laissées en bout de piste et elle a feint de se passionner pour le vol d’une libellule quand Mazlin et Jamal ont étendu le corps de Santiago sur la banquette arrière de leur voiture.

Célestine n’a jeté qu’un coup d’œil à Frankie, assise sur le siège passager d’un autre véhicule, veillée autant par les yeux fixes d’Edward que par le revolver qu’il tenait dans son giron. Puis elle a grimpé derrière Harry en compagnie de Danai et de Pooja qui, Dieu merci, ne lui a réclamé aucun détail au sujet de leur rencontre du troisième type avec les seigneurs de l’icosaèdre.

— Il faut l’enterrer, lâche Célestine d’une voix enrouée après une heure de mutisme complet alors qu’ils manœuvrent dans la zone de stationnement du camp, où une équipe munie d’une civière attend déjà leur convoi.

— Aussi tôt que possible, répond Harry. Je vais d’abord devoir le… Disons que c’est un cas inédit. Nous avons besoin de tous les renseignements que nous pouvons glaner.

Une autopsie, comprend Célestine. Elle descend de voiture, chancelle sur ses jambes, se raccroche à la portière. Elle veut rentrer chez elle et dormir pendant deux jours.

— Célestine, attends…

Levi s’approche prudemment. Elle comprend maintenant pourquoi il les pensait tous tirés d’affaire : non seulement les machines sont ravagées, mais leur opérateur principal est mort et deux gardes armés escortent désormais leur saboteuse menottée.

— J’en ai discuté avec les autres et nous voudrions te faire une proposition, reprend Levi. Tu t’es intégrée facilement, ton témoignage est là, et il est clair désormais que tu as notre sûreté à cœur. Nous qui sommes là depuis longtemps… Nous avons toujours besoin de sang neuf, de nouvelles perspectives, et d’un œil critique sur certains de nos… éléments.

Célestine se surprend à jubiler devant le regard que Levi adresse à Frankie, lourd de déception et de dégoût mélangés.

— J’en ai besoin, corrige-t-il en détournant les yeux. Une place vient de se libérer au conseil. Elle te revient si tu la veux.

Sa place à elle, qu’elle a perdue en les exposant à un péril dont ils ne sont toujours pas débarrassés, en agissant avec son cœur plutôt qu’avec sa tête. En menant Santiago à sa perte. Il y aurait quelque chose de bassement jouissif à évincer Frankie du conseil, mais malgré sa rancœur, Célestine sait que la vengeance n’est pas une motivation valable ou suffisante pour accepter l’offre de Levi.

Elle n’a rejoint l’icosaèdre que depuis un mois, elle ne connaît même pas le prénom de tous les réfugiés, et quelques drôles de taches sur ses joues devraient la rendre digne du poste ?

— Je vais y réfléchir, élude-t-elle.

Elle croise le regard lourd d’Amelia en quittant le parking, mais elle ne trouve rien à lui dire. La traversée du camp se déroule comme dans un rêve, avec des accrocs et des torsions de temps qui l’amènent presque trop vite sur le seuil de leur bungalow.

De son bungalow.

Elle le parcourt en somnambule et l’odeur du chèvrefeuille l’accueille dans la salle de bain. Là, Célestine remplit l’énorme coquillage et s’asperge le visage d’eau, envoyant quelques gouttes chuinter dans la flamme de la lanterne. Un éclat dans le miroir retient son attention quand elle se redresse et, le souffle court, elle pivote vers la cabine des toilettes sèches. Sur la traverse, les cailloux blancs ne sont plus seulement pailletés de rose : ils rayonnent, étincellent, diffusent un halo palpitant de rouge tirant sur le mauve.

Une étrange tiédeur se répand dans les doigts de Célestine lorsqu’elle les referme sur le plus gros éclat de pierre. Elle y serre le poing jusqu’à sentir les aspérités mordre la pulpe de sa paume, serre encore, puis ses paupières chassent les larmes qui perlaient à ses cils. Elles n’ont jamais gommé ses taches de rousseur, et ce soir, elles n’éteignent pas non plus le brasier qui brûle par petits points sur ses joues.

Ses éphélides noires virent à l’argent et toutes les constellations du monde perdu brillent soudain de mille feux.

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