Le soleil se couchait et embrasait l'horizon. Les nuages devenaient oranges, puis roses, puis rouges. Iris alluma les néons et l'atelier devint le nouvel astre à des kilomètres à la ronde. Noé pensa à la sorcière. Il avait replongé une dernière fois pour disposer un masque de hibou aux plumes de verre sur sa porte d'entrée. Les lumières étaient alors éteintes.
Il alluma la scie circulaire et le bâtiment entier se mit alors à trembler, certainement d'impatience ou d'excitation. Le vieil homme passa dans la machine les poutres qu'ils avaient repêché un peu plus tôt dans la journée, et les débita en cube de 30cm ; sur 30, sur 30. Puis il les empila avec les autres dans un coin, la fillette monta dessus et prit la pose avec un manchot. Une photo fut prise. Évidemment.
Les papillons de nuit commencèrent à envahir l'espace et Iris essaya de les attraper, pendant que le vieil homme préparait à manger. Il coupa et vida un poisson avec un couteau de cuisine quelconque, sans utiliser sa lame noire. Le repas fut frugal mais il ne s'éternisa pas, il y avait encore à faire.
La petite fille s'installa au milieu des oiseaux et lut un livre. Pendant ce temps, son aîné taillait les cubes avec son sombre couteau. Il coupait très bien, passant dans le bois comme dans du beurre, sans qu'il n'y ait besoin de l’affûter. De nouveau masques naquirent ce soir là. Des joyeux, des tristes, des coléreux, des impassibles. Des vieux, des jeunes, des animaux, des humains, des démons, des anges. Des grossiers, des subtils. Des visages qu'il avait oublié, mais dont l'impression générale persistait. Il y avait toute une ville à repeupler.
« Grand Père, toi qui crées avec une griffe de la mort, quelle est l'histoire de ton couteau ? »
« Tu devrais pourtant le savoir, jeune fille. Allons, ne souris pas comme ça. Tu fais peur sous ton masque. Je vais te la raconter, cette histoire. »