9. Enfin mousquetaire

Par Eurys

Cela faisait environ une semaine que les mousquetaires avaient été appelés à intervenir chez le gouverneur Feron et une semaine qu'ils contaient, exagéraient et embellissaient leurs actes aux côtés de leurs camarades. Enfin surtout pour Porthos et Aramis, qui avaient toujours eut à cœur l'art de l'expression et de la narration de leurs aventures. Armand avait eu droit à des accolades et des saluts qu'il n'avait encore jamais reçus. Il semblerait qu'il ait fait son... comment l'avait nommé Porthos, baptême du feu ? Bref, il avait failli périr enseveli sous une tonne de pierre ; frôler la mort devait être un rite de passage. Dieu merci qu'il s'était contenté de la frôler.

Hier au soir, le capitaine lui avait intimé l'ordre de se vêtir correctement pour le jour prochain. Il ne lui avait donné aucune autre indication. Bien qu'il n'ait jamais été débraillé en presque trois mois de services, Lacroix décida de sortir un habit qu'il n'avait encore jamais revêtu. C'est ainsi qu'il se présenta à la caserne, vêtu d'une chemise de coton blanc orné de quelques broderies au col, au-dessus duquel était ceinturé un pourpoint de cuire vert-bleuté sombre, fendu aux bras, enserré d'une ceinture de cuir noir à boucle doré. Un pantalon de la même matière et de la même couleur du haut couvrait ses jambes, surmonté de bottes noires.

Sa nouvelle mise avait été remarquée car chacun de ses amis y avait été de leur regard ou de leurs remarques. Aramis fut le plus prompt à causer de sa tenue, débattant de matières et couturiers. Mais même s'il ne se l'avouerait jamais, la réaction qu'il avait le plus cherché, guetté, fut celle de Porthos. Après… l'explosion, il était resté fidèle à lui-même, mais depuis le jour d'après il commençait à s'éloigner, tentant de mettre une certaine distance entre eux. Oh, ils se parlaient, se battaient ou buvaient tous ensembles mais il n'avait plus droit aux clins d'œil complices alors qu'il trichait et qu'il le voyait, plus droit aux blagues graveleuses qu'il savait faire. À rien de plus, si ce n'était une camaraderie. En temps normal, il aurait essayé d'éclaircir la situation mais lui-même ne savait plus ce qu'il désirait vraiment. Lui-même ne comprenait pas ce qu'il s'était passé, juste à ce moment-là. Alors il fallait mieux qu'ils gardent cet éloignement un moment, il ne pourrait rien arranger avec lui s'il ne pouvait même pas remettre de l'ordre dans son propre esprit. Ce jour-là il avait guetté un regard, une réaction. Et il l'eut, bien qu'il ne sache quoi en penser.

Le métis s'était arrêté en le voyant, les épaules raides. Il n'avait jamais eu l'impression d'être à ce point inspecté, même par Treville lors de son premier jour à Paris. Cela dura plusieurs secondes avant que son regard ne remonte et croise les yeux verts du jeune homme. Il arrêta aussitôt son inspection et se figea, le regard toujours accroché avec celui de son vis-à-vis. Il reprit contenance quelques secondes plus tard, et leva une main en guise de salut avant de se dirigea vers D'Artagnan qui avait pour mission d'entrainer les recrues.

Son attitude ne l'enchantait pas mais c'était mieux, du moins pour le moment, jusqu'à avoir éclairci ses propres idées.

L'escalier grinça. Le capitaine apparu, descendant les vieilles marches de bois, Athos à ses talons.

« - Lacroix ! Aramis, Porthos et d'Artagnan ! En selle, nous allons au palais royal. » ordonna le capitaine.

Les quatre hommes interpelés se regardèrent et interrogèrent Athos, cherchant à savoir si cette convocation était de bon ou mauvais augure. Il ne dit rien, se contentant d'un sourire en coin qui rassura quelque peu ses compagnons et parti harnacher sa propre monture.

« - Vous saviez que nous irions au palais aujourd'hui, » dit Armand à Treville alors qu'ils galopaient côte à côte.

Son supérieur se contenta de se gratter la barbe, avant de répondre positivement par un mouvement de tête. Il n'ajouta rien et Armand décida de taire ses questions. Derrière lui, ses quatre amis semblaient causer à voix basse et leur discussion se taisait à mesure qu'il approchait. Cela ne faisait aucun doute, ils lui cachaient quelque chose !

C'était la première fois qu'il foulait le sol du palais royal. Il n'avait été que peu de fois à Paris, plus jeune, mais s'était contenté de l'observer de loin sans jamais s'en approcher. Son père n'était pas de ce repère d'hyènes et de vautours et préférait de loin habiter la résidence parisienne d'un ami que de se rendre dans ce panier de crabes. Treville pénétra une pièce alors qu'ils attendaient dehors. Environ un quart d'heure plus tard, les portes s'ouvrirent et un serviteur leurs fit signe d'entrer.

Armand pénétra doucement les lieux, observant ce lieu où toute la France rêve d'être admise. Ils n'étaient que des soldats mais grâce à Treville ils avaient ce droit, celui de visiter le bureau du roi. La pièce donnait mal aux yeux tant elle était pleine de dorures. Le parquet en point de Hongrie brillait tant il était huilé, il avait presque peur de glisser. Les murs, blancs, était décoré de moulures en or, formant des arabesques qui grimpaient au plafond. Des tapisseries les habillaient, relatant couronnement et grandes victoires et des portraits des précédents rois trônaient, dont celui d'Henri IV, accroché au fond derrière le bureau où siégeait la personne la plus puissante de ce royaume. Louis le treizième n'avait pas la carrure et la force qu'on pouvait attendre d'un roi de France. Encore jeune, de petite taille, il était toujours celui placé trop tôt sur le trône de France. Mais une autre personne se tenait là, derrière le roi. Armand reconnu immédiatement le corps vouté du Marquis de Feron, tenant debout avec peine, se soutenant à sa canne.

Les cinq mousquetaires s'inclinèrent avec révérence, se décoiffant.

« - Mousquetaires ! tonna le roi. Mon frère, le gouverneur de Paris, m'a fait part de votre bravoure il y a de cela quelques jours. Et Treville m'a expliqué vos faits plus en détails. Je tenais surtout à voir l'un d'entre vous. Armand Lacroix, veuillez-vous approcher. »

Interloqué le jeune homme ne bougea. Son cœur commença à battre à vive allure, il ne comprenait rien de ce qui se passait. C'est une main dans son dos qui le poussa discrètement à avancer vers le monarque. Une main forte et grande. Il n'eut pas la possibilité de voir qui l'avait poussé mais il se doutait bien de la personne à qui appartenait cette main.

Le monarque se leva et se plaça à côté de son bureau d'ébène sombre, face au jeune homme qui s'inclina une nouvelle fois.

« - Un genou à terre, » ordonna le roi.

Le cœur cognant de plus en plus fort dans sa poitrine, Armand s'agenouilla. Il comprenait maintenant ce qui allait se passer, et ne pouvait s'empêcher de retenir un sourire qui fleurissait sur ses lèvres malgré lui. Le roi dégaina sa lourde épée, le levant au-dessus du jeune homme qui baissa la tête.

« - À la demande de mon frère et en remerciement pour devoir accompli envers votre souverain, nous vous faisons mousquetaire du roi, serviteur de la couronne et de la France. »

Le jeune homme se releva et s'inclina, essayant de retenir son enthousiasme autant qu'il le pouvait. Il n'entendit rien de ce que dit le roi après cela, il n'arrivait à se concentrer sur rien d'autre que ce moment qu'il venait de vivre. Il entendit à peine le souverain leur donner congé et repris conscience avec la réalité uniquement quand Porthos lui sauta dessus, le serrant de ses bras puissants en le complimentant. À lui suivit Aramis, tout aussi expressif, déblayant sur les joies et les malheurs d'être mousquetaires. Tous ses compagnons le félicitèrent, y allant en gestes et en mots. Le capitaine aussi lui adressa ses compliments il se sentit comme emporté dans un torrent de bonheur. Souriant allègrement sur le chemin du retour, il avait l'impression de perdre pied, le cœur plein de félicité.

Alors qu'ils pénétraient l'enceinte de la caserne des applaudissent et des cris fusèrent de tout sens, assourdissant le jeune homme des acclamations qui lui étaient destinées. Il haussa les sourcils, surpris, toujours juché sur sa sombre monture. Il n'eut pas à se demander qui était l'instigateur de tout cela, il n'y avait qu'un seul homme qui était avec Treville alors qu'il leur annonçait le départ vers le Louvre. Il lança un regard reconnaissant à Athos, heureux de la petite pensé du mousquetaire à son regard. Celui-ci lui répondu d'un de ses rares sourires en coins, avant de descendre et mener son cheval à l'écurie. Armand prit le temps d'observer ses compagnons et repenser à ce qu'il venait de lui arriver… Une douleur se fit sentir dans son cœur, la nostalgie qu'il avait refoulée depuis quelque temps revint plus forte. Son père aurait été fier de lui, de le voir dans cette caserne, fraichement nommé mousquetaire et acclamé par ses compères. Il ferma les yeux, refoulant les larmes qui menaçaient de s'échappait et prit une grande inspiration. Il ne voulait pas gâcher ce moment, il ne voulait pas s'attrister inutilement ; il avait envie d'être aussi, encore plus heureux que ces hommes !

Il imita Athos et descendit, mais avant d'avoir fait un pas il fut assailli de bras, tapes plus ou moins fortes, embrassades ou remarques. Il était mousquetaire, d'esprit et de profession, et ces hommes avaient maintenant un nouveau compagnon à compter dans leurs rangs. La nuée humaine se dissipa et Armand put reprendre doucement le chemin du box de son compagnon animal, sa joie reprenant petit à petit le dessus. Il referma le loquet quand il entendit des pas dans l'écurie. Il se retourna légèrement et vit le géant métis dans son dos, la laisse de sa jument à la main.

Porthos le regarda, souriant légèrement. Armand ne put se retenir de lui sourire en retour ; il se senti en une seconde plus léger comme si le poids invisible qui l'habitait depuis plusieurs jours et qu'il n'avait pas senti s'était envolé. Porthos était venu de lui-même à lui, sans le fuir comme à l'accoutumé. Le métis était plus doué en gestes qu'en paroles et, même s'il ne disait mot, cet acte sonnait comme une excuse. Pas de mots ; l'un s'excusait, l'autre acceptait et s'en était fini. Le jeune homme rougit face au regard toujours rivé sur lui, celui-ci se détourna pour ramener la jument a son habitat et Armand le suivi machinalement.

« - Une certaine personne m'aurait poussé dans le palais, commença-t-il.

- Quel gredin, ironisa Porthos.

- J'aurais pu m'étaler par terre !

- Mais vous ne l'avait pas fait, rétorqua Porthos fier de lui.

Armand rit, s'avouant vaincu.

- Félicitations, dit soudainement le métis, vous l'avez mérité.

- Merci, » répondit-il simplement.

Ils sortirent et soudainement, en une fraction de seconde Armand se retrouva happé dans une paire de bras. Il failli crier quand il senti un renflement face à son ventre et vit les cheveux noir bouclés qu'il connaissait depuis des mois.

« - Constance … » souffla-t-il.

La jeune femme l'avait étreint par surprise et nichait le visage dans le creux de son épaule. Armand hésita sur la conduite à adopter puis finalement lui rendit son étreinte, la serrant doucement contre son torse. Porthos lui lança un sourire en coin et parti sans se faire prier. Finalement Constance le lâcha et il en fit de même. Elle se recula légèrement, de quoi mettre une distance respectable et ria gênée.

« - Ne vous ne faites pas d'idée ! » lui chambra-t-elle.

Armand sourit ironiquement à cette injonction, elle n'en pensait pas un mot mais l'avait quand même remis à sa place.

« - Vous êtes plus une sœur ainée pour moi qu'autre chose, Constance, » lui avoua t'il.

Elle écarquilla les yeux puis souri à cette déclaration.

« - J'ai appris pour votre nomination. Je suis sincèrement heureuse pour vous.

- Merci Constance, cela me touche vraiment de votre part.

- Cela veut aussi dire que je vais devoir me trouver une autre main d'œuvre ! Vous étiez utile pourtant, railla-t-elle.

- J'espère être utile à d'autres choses maintenant ! Mais je serais toujours prêt à servir une belle dame telle que vous, déclara-il en faisant mine de s'incliner.

- Toutes les dames méritent un tel chevalier, peu importe leur toilette, » répondit doucement Constance.

Armand se releva vivement et vissa un regard interrogateur sur la femme, mais au lieu de répondre elle l'informa que le capitaine de Treville le demandait dans son bureau.

Il voulut demander des explications à Constance mais savait que cette femme ne dirait rien si elle ne le voulait pas, alors il déclara forfait et se dirigea vers l'office de son supérieur, des questions en tête.

Il donna de légers coups à la porte et attendit la permission d'entrer ; quand il le fit, Treville se tenait au milieu de la pièce, l'attendant visiblement.

« - Parfait, Lacroix, commença-t-il. À ma demande, une partie importante de votre nomination n'a pu être réalisé au palais royal. Pour être tout à fait franc, je tenais à le faire moi-même. »

Armand le regarda sans comprendre alors qu'il se dirigeait vers un coffre et en sorti en objet en cuire solide, presque noir aux reflets bleu sombre et serti de dorure.

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deb3083
Posté le 10/08/2020
Je me demandais, vu qu'Armand est en réalité une femme, il/elle porte une perruque tu n'en parles pas (ou pas vu ?) Ici dans le chapitre, avec les accolades et félicitations, sa coiffure a dû en prendre un coup non ? Cela pourrait être bien d'ajouter quelques mots à ce sujet, de montrer qu'Armand craint d'être découvert, tout ça...
Eurys
Posté le 18/08/2020
Re coucou ! Alors non il ne porte pas une perruque, j'ai décidé de me baser plus sur le style de la serie The musketeers qu'a la réalité historique ( pour plus de facilité, je l'avoue XD)

Maintenant rien n'affirme totalement que c'est bien une femme 👀 Je n'ai pas précisé que Elle, du chapitre précédant etait Armand
Lyra
Posté le 10/05/2020
Yeeeeeeeeeesss !!! Enfin ! bravo Armand !!!
Un chapitre super qui par son sujet contraste beaucoup avec le précédent et nous recentre sur les mousquetaires !
Les ambiances sont très bien décrites, c'est agréable à lire !
Ooooh, Constance se douterait-elle de quelque chose ??? XD (je sais la réponse mais bon)
Bref mercii pour cette histoire !!
Eurys
Posté le 23/05/2020
Ouiii, enfin il aura plus a traîner et aider constance, IL VA POUVOIR BOSSER POUR DE VRAI !
Haha, Constance, si geniale ♥ Je ne dirais rien je ne di.. mouai XD
Merci a toi de tes commentaires ♥
Lyra
Posté le 25/05/2020
Et oui Armand finit de pelleter du croton qui pue tu vas défoncer les méchants qui puent encore plus !!! (L'hygiène au 17eme...)
Ouii constance Big boss ! Celle qui arrive à faire tenir cette compagnie à elle toute seule !❤️ Vraiment je suis fan XD re merci à toi !!
Eurys
Posté le 28/05/2020
Je suis morte XDD Mon dieu ce que ca ne donne pas envie d'aller défoncer des méchants XD
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