Les villageois sortirent prudemment de leurs cachettes à la vue de Phobos et du groupe, leurs regards méfiants observant chaque mouvement. Certains fixaient Phobos avec une reconnaissance évidente, tandis que d’autres, plus prudents, semblaient inquiets de voir des étrangers pénétrer leur sanctuaire secret. Un Lizardus plus âgé, portant des cicatrices visibles, s’avança vers eux, son corps massif émergeant de l'ombre. Son regard perçant se posa immédiatement sur Phobos. Le chef des Lizardus, un être massif aux écailles ternies par les années et les batailles, s’avança d’un pas lourd.
Le chef, imposant et sévère, croisa les bras sur sa large poitrine recouverte de cicatrices. « Phobos, » dit-il d’une voix grave et éraillée par l’âge, « tu es revenu, mais cette fois avec des étrangers. Que se passe-t-il ? Pourquoi les amènes-tu ici ? »
Phobos resta calme face à l’interrogation du chef. Il inclina légèrement la tête en signe de respect, mais son regard, toujours aussi froid et distant, ne montrait aucune émotion particulière. « Nous avons libéré certains des vôtres d’une patrouille de vampires. Ils sont blessés et ont besoin de soins. Quant à nous, » continua-t-il en désignant le groupe derrière lui, « nous avons besoin de repos avant de continuer notre route. »
Le silence qui suivit ses paroles fut pesant. Le chef du village jeta un coup d’œil aux Lizardus libérés, qui hochaient la tête avec reconnaissance. « Nous allons prendre soin d’eux. » À ces mots, plusieurs villageois s’approchèrent des Lizardus blessés pour les emmener vers des cabanes de soins. Puis ses yeux jaunes perçants se posèrent tour à tour sur les membres du groupe, mais ils revenaient invariablement sur Phobos, comme s'il cherchait à lire ses intentions profondes.
Autour d’eux, d’autres Lizardus sortaient des cabanes cachées sous les racines géantes, leurs regards méfiants fixant ces étrangers qui pénétraient leur refuge. Certains étaient armés de lances rudimentaires, d’autres tenaient à peine debout, affaiblis par les années d’esclavage.
« Tu nous as aidés par le passé, c’est vrai, » grogna-t-il. « Mais ta présence ici n’est pas sans risques. Les patrouilles vampires deviennent plus nombreuses, et si elles découvrent ce village… » Il observa ensuite chaque membre du groupe restant avec un regard perçant, resta silencieux un instant avant de hocher la tête lentement. « Vous pouvez rester quelques jours. Mais ne traînez pas trop longtemps.»
Aurore, se tenant légèrement en retrait, sentit l’atmosphère lourde s’épaissir. Les Lizardus autour d’eux murmuraient entre eux, certains regardant Phobos avec un respect silencieux, tandis que d’autres semblaient inquiets, se tenant plus à l’écart. L’un d’eux, un jeune Lizardus au visage marqué par de récentes blessures, prit la parole. « Le Vampire nous a sauvés… mais à quel prix ? » demanda-t-il d’une voix hésitante. « Que cherchent ces étrangers ? Ne sommes-nous pas déjà assez traqués par les Vampires sans attirer davantage d’attention ? »
Le chef leva une main pour apaiser les murmures. « Calmez-vous. Phobos n’est pas du genre à agir sans raison, et ces étrangers ne resteront pas. N’est-ce pas ? » ajouta-t-il en se tournant vers le groupe, sa voix teintée d’un avertissement.
Aurore s’avança légèrement, sentant que c’était à elle de répondre. « Nous n’avons aucune intention de vous mettre en danger. Nous ne faisons que passer, et nous repartirons dès que nous nous serons reposés. » Elle parla avec calme, essayant d’instaurer une certaine confiance malgré l’évidente méfiance des villageois. « Nous comprenons les risques que vous courez en nous accueillant. »
Les membres du groupe furent invités à suivre un sentier qui les mena à une cabane plus isolée, cachée sous les racines d’un grand arbre, où ils pourraient se reposer quelques jours.
Cependant, la tension restait palpable. Alors qu’ils marchaient en silence vers leur abri, Aurore sentit les regards pesants des villageois sur eux. Certains murmuraient entre eux, d’autres regardaient Phobos d’un œil inquiet, comme s'ils craignaient que sa présence n’attire le malheur sur leur fragile sanctuaire.
Une fois à l’intérieur de la cabane, Koori fut le premier à parler. « Il y a quelque chose de bizarre ici. Ils respectent Phobos, mais on dirait qu’ils le craignent autant qu’ils le remercient. »
Aurore hocha la tête, observant Phobos du coin de l’œil. Elle aussi ressentait cette étrange ambiguïté. Phobos restait impassible, comme s’il était parfaitement à l’aise dans cette situation tendue. Mais Rairi, lui, ne put retenir sa frustration. « On ne peut pas leur faire confiance, » grogna-t-il. « Ni à eux, ni à Phobos. Nous devons rester sur nos gardes. »
Phobos, debout près de l’entrée, croisa les bras et laissa échapper un léger soupir. « Si je voulais vous trahir, » dit-il d’une voix calme mais tranchante, « ce serait déjà fait. » Ses yeux rouges brillèrent dans l’ombre de la cabane. « Mais continuez de me suspecter si ça vous aide à dormir. »
Le silence retomba dans la cabane, et chacun se laissa tomber sur les lits de fortune, épuisé par les événements de la journée. Mais malgré la fatigue, le repos ne viendrait pas facilement. Car même dans ce village caché, loin des regards des vampires, les ombres de la méfiance continuaient de planer sur eux.
Ils finirent par s'endormir, leurs corps épuisés après les épreuves du marais et les combats contre les vampires. Mais même dans le silence apaisant du village Lizardus, leurs rêves étaient hantés par des ombres. Des cris, des visages inconnus, des silhouettes floues. Le sommeil était loin d'être paisible, et chacun luttait pour trouver un peu de repos.
Le lendemain, alors que les premières lueurs du jour perçaient à peine à travers la brume marécageuse, Aurore fut la première à se réveiller. Le silence pesant du village lui donnait une impression d'isolement total. Elle regarda autour d'elle, ses compagnons encore plongés dans un sommeil agité. Elle-même se sentait engourdie, non seulement par la fatigue, mais aussi par les doutes qui avaient commencé à s'accumuler la veille.
Phobos était déjà debout, silencieux, se tenant à l’entrée de la cabane, son dos tourné vers eux. Il scrutait l’horizon comme s’il guettait quelque chose ou quelqu’un. Il semblait aussi imperturbable que la veille, son attitude distante ajoutant à la méfiance latente du groupe. Aurore l’observa un moment, incapable de comprendre ce qui pouvait bien se cacher derrière ce masque de froideur.
Lentement, les autres membres du groupe se réveillèrent. Koori fut le premier à se redresser, ses yeux se posant immédiatement sur Phobos avec la même méfiance qui le hantait depuis le début. Rairi, toujours irrité, grogna en se levant, tandis qu'Aquarys, encore engourdie par le sommeil, se contenta d'étirer ses bras fatigués.
Phobos finit par rompre le silence en se tournant vers eux, ses yeux rouges fixés sur Aurore. « Nous devons parler, » déclara-t-il simplement, sans laisser la moindre place à la discussion.
Aurore fronça les sourcils, mais hocha la tête. Le groupe, bien que méfiant, s’installa autour de lui. L’ambiance était tendue, personne ne sachant vraiment ce que Phobos allait leur révéler, ni pourquoi il avait attendu jusqu’à ce moment précis.
« Vous avez le droit de savoir certaines choses, » commença-t-il, ses mots mesurés et froids. « Mais ne vous attendez pas à comprendre tout de suite. » Ses yeux glissèrent sur chacun d’entre eux, comme s'il pesait leurs réactions avant même de parler.
Il croisa les bras, se tenant toujours debout, dominant légèrement le groupe assis. « Ce pays est gouverné par la peur et la domination. La politique actuelle est simple : soumettre tout ce qui vit. » Son ton était neutre, mais le mépris sous-jacent dans ses paroles ne pouvait être ignoré. « Les vampires règnent par la terreur, et quiconque ose se dresser contre eux est écrasé. Vous l’avez vu de vos propres yeux. »
Aurore échangea un regard avec Koori. C’était exactement ce qu’ils avaient constaté, et se demandaient si c’était dû à la politique de Lucius. Mais ce qui les troublait, c’était l'attitude de Phobos. Il semblait connaître cette oppression de l’intérieur, comme s’il avait lui-même été impliqué d'une manière ou d'une autre.
« Alors pourquoi tu nous aide ? » demanda soudainement Rairi, son ton chargé de suspicion. « Est-ce juste ta manière à toi de justifier de tuer les tiens avec le sourire ? »
Phobos esquissa un sourire froid, sans chaleur. « Disons simplement que je ne suis plus en accord avec ce que l’on tente d’imposer. Nous n’avons été un peuple très aimable mais disons que cela à quelque peu empiré ces dernières années… Il arrive un moment où même les plus loyaux comprennent que ce n’est pas un système viable. »
Il marqua une pause, laissant ses mots flotter un instant. Aurore le scrutait, cherchant des indices dans ses yeux rouges, mais ils restaient aussi énigmatiques que la veille. « Alors pourquoi nous ? » demanda-t-elle finalement. « Pourquoi as-tu décidé de nous aider, si tout ce que tu dis est vrai ? »
Phobos haussa légèrement les épaules, un geste décontracté qui contrastait avec la gravité de ses paroles. « Ce n’est pas vous, c’est les Lizardus que j’aide. Vous, ce n’est que pour l’argent, il faut bien manger… » Il ne dit rien de plus, mais ses mots étaient lourds de sens. Ils ne parlaient pas directement de l’objectif du groupe, ni de la véritable menace qui pesait sur eux, mais le message était clair : Phobos était contre ce qui se passait dans ce pays, même s'il ne le disait pas ouvertement.
Koori, toujours méfiant, plissa les yeux. « Tu ne fais ça que pour l’argent ? Tu as failli être tué un certain nombre de fois pourtant... » Il y avait dans sa voix une pointe de défi, comme s'il voulait tester Phobos, le forcer à montrer ses cartes.
Phobos resta silencieux un instant, puis son regard se posa sur Aurore, plus intense que jamais. « Tué, moi ? » murmura-t-il finalement. « Vous, en effet, moi pas du tout. »
Phobos laissa planer un moment de silence, ses lèvres esquissant à peine un sourire énigmatique. « Vous vous méprenez si vous pensez que ma vie est en danger, » dit-il d’un ton léger mais pénétrant. « J'ai mes raisons d'être traqué, mais ce n’est pas par peur que je me cache. » Son regard se posa sur chacun d’eux tour à tour, avant de revenir sur Aurore, comme si elle seule pouvait saisir la complexité de ses motivations.
Aurore soutint son regard, perplexe, essayant de percer les mystères qui entouraient cet être si énigmatique. « Alors, pourquoi ? Pourquoi continuer à les défier, pourquoi aider les Lizardus et nous en même temps ? » demanda-t-elle, sa voix teintée d’un mélange de curiosité et de frustration.
Phobos hésita un instant, croisant les bras comme pour garder ses secrets plus proches de lui. Puis, il se tourna légèrement vers la brume qui s’étendait au-delà du village. « Parce que... » murmura-t-il, presque pour lui-même. « Le peuple finit par se soulever, quand la violence devient l'unique loi, et ceux qui se croyaient à l'abri finissent par en payer le prix. »
Le groupe resta silencieux, absorbant ses paroles, cherchant à comprendre les véritables intentions de leur allié aussi impitoyable que mystérieux. Le soupçon ne les quittait pas. Rairi, dont les poings étaient toujours serrés, lança un regard lourd à Aurore, comme pour lui signifier qu’il ne croyait pas un mot de cette déclaration.
Aurore, elle, restait partagée. Phobos ne leur avait pas tout révélé, mais ce qu'il laissait entrevoir était bien plus complexe que ce qu’ils avaient d'abord imaginé. Elle comprenait que ses motivations ne se résumaient pas à l'argent ou à une simple trahison de son peuple. Mais alors, quelle était la vraie raison ? Quelle part jouait-il dans cette immense toile de domination et de rébellion ?
Phobos se détourna alors, rompant la tension d’un geste de la main. « Nous avons assez discuté pour aujourd’hui. Reposez-vous encore quelques heures, puis nous partirons. Le village est sûr, mais les patrouilles se rapprochent chaque jour un peu plus. Nous ne pouvons pas nous permettre de rester ici trop longtemps. »
Alors que Phobos s’éloignait vers la sortie de la cabane, laissant derrière lui un groupe plongé dans le doute et l'incertitude, Aurore s'allongea à nouveau, essayant de rassembler ses pensées. Elle savait que ce voyage les changeait tous, mais la question qui la hantait désormais était de savoir dans quelle direction. Phobos avait-il raison ? Était-il le seul à voir la chute inévitable de ce régime oppressif, ou jouait-il un jeu bien plus dangereux qu'ils ne pouvaient l'imaginer ?
Les ombres du marais semblaient se refermer sur eux, et la brume n'était pas seulement autour de leur refuge, elle semblait s’immiscer entre eux, rendant plus trouble chaque geste, chaque parole. La méfiance persistait, flottant comme une présence invisible entre le groupe et Phobos, et Aurore savait que, malgré leur trêve temporaire, cette méfiance finirait par éclater.
Le temps s'écoula plus lentement que jamais dans ce village caché, mais l’inquiétude ne cessait de croître dans le cœur du groupe. Aurore, toujours sur le qui-vive, savait qu’ils ne pouvaient pas rester ici plus longtemps. Phobos avait raison : les patrouilles vampires s’approchaient, et chaque heure passée augmentait le risque d’être repérés. Ils devaient bouger, et vite.
Finalement, après quelques heures de repos supplémentaires, ils se remirent en route. Le départ fut silencieux, presque solennel. Les Lizardus les regardaient partir, certains avec gratitude, d'autres avec une méfiance palpable. Le chef du village les salua d'un signe de tête, leur rappelant une dernière fois de ne pas revenir. Phobos, toujours en tête, ouvrait la voie, ses sens aiguisés captant les moindres signes de danger. Les autres le suivaient de près, leurs visages fermés, chacun perdu dans ses pensées. Chaque pas les éloignait un peu plus de la sécurité relative qu’ils avaient connue ces dernières heures, mais tous étaient conscients qu’ils ne pouvaient plus se permettre de rester immobiles.
La progression était lente, silencieuse, uniquement troublée par le bruit des bottes s’enfonçant dans la vase et l’eau stagnante qui recouvrait les marais. Le ciel, à peine visible au-dessus des arbres tordus, restait voilé d’une grisaille oppressante. L'air, lourd et humide, pesait sur leurs épaules comme un manteau de plomb.
Aurore, toujours en alerte, sentait la tension monter en elle à chaque pas. Ses sens semblaient plus aiguisés que jamais, comme si le danger était tout proche, juste derrière eux. Et en effet, ce fut à peine une heure après leur départ qu’un mouvement dans la brume capta son attention. Un léger bruissement, presque imperceptible, mais suffisant pour la faire s’arrêter net.
Phobos, sans même un regard en arrière, leva une main pour signaler au groupe de s’immobiliser. « Patrouille », murmura-t-il, ses yeux rouges scrutant l’obscurité mouvante. « Ils sont proches. »
Le cœur d’Aurore se serra. Ils ne pouvaient pas se permettre un affrontement. Ils étaient à peine reposés, ils ne pouvaient pas se permettre de s’épuiser à nouveau. Elle échangea un regard rapide avec Koori, qui, déjà sur le qui-vive, attendait ses instructions.
« Cachons-nous, sans bruit ! », murmura-t-elle à voix basse, fermant les yeux pour se concentrer. Elle laissa sa magie se déployer autour d’elle, tissant des fils invisibles dans l’air humide du marais. Rapidement, sa magie se mit en place. À l’endroit où ils se tenaient, une autre scène se superposait : des arbres tordus, un brouillard épais, de l’eau calme, aucun signe de vie. Ils étaient devenus invisibles aux yeux de ceux qui les poursuivaient.
Les bruits de pas lourds et furtifs s’approchèrent. À travers la brume, des silhouettes se dessinaient progressivement : une patrouille de vampires, aussi silencieux que des prédateurs traquant leur proie. Ils étaient six, leurs yeux rouges brillant faiblement dans la pénombre, leurs mouvements rapides et précis. Leurs regards perçaient les marais, cherchant le moindre signe de leur cible.
Aurore, concentrée au maximum, retint son souffle. Elle pouvait sentir la magie vibrer dans ses veines, maintenant l’illusion autour d’eux. Chaque muscle de son corps était tendu, sa respiration presque inexistante. Le moindre faux pas, la moindre erreur de concentration, et ils seraient découverts.
Phobos, toujours aussi impassible, prêt à les attaquer aux moindres mouvements suspects, ses yeux surveillant la patrouille qui se rapprochait dangereusement. Koori, quant à lui, serrait les poings, prêt à réagir au moindre signe de danger, bien que son visage restait imperturbable. Rairi, le regard perçant, fixait les vampires avec une rage contenue.
La patrouille passa à quelques mètres à peine, leurs bottes s’enfonçant dans la boue épaisse, leurs murmures à peine audibles dans la brume. Un des vampires s’arrêta, reniflant l’air comme une bête traquant son gibier. Son regard se posa sur l’endroit où se trouvait le groupe, mais il ne vit rien d'autre que des arbres et des buissons tordus.
Le temps sembla se figer.
Aurore sentit son cœur battre plus fort. La magie qu’elle utilisait pour maintenir l’illusion pesait lourdement sur elle, chaque seconde augmentant la pression sur ses capacités mentales. Mais elle ne pouvait pas fléchir. Pas maintenant.
Finalement, après ce qui sembla une éternité, le vampire détourna son regard et reprit sa marche, rejoignant le reste de la patrouille. Ils s’éloignèrent lentement, leurs silhouettes se dissolvant dans la brume épaisse des marais. Le danger était passé, pour l’instant.
Aurore relâcha lentement son emprise sur la magie, la laissant se dissiper doucement, comme un voile qui se lève. Elle inspira profondément, sentant la fatigue s'abattre sur elle comme une vague. Ses mains tremblaient légèrement, mais elle ne dit rien. Ils étaient sains et saufs. Pour l’instant.
Koori posa une main légère sur son épaule. « Bien joué », murmura-t-il avec un sourire rassurant.
Phobos, qui n’avait pas dit un mot pendant toute l’opération, se tourna vers elle et hocha légèrement la tête en signe d’approbation. « Nous devons bouger. Ils pourraient revenir avec des renforts. » Sa voix était basse, mais teintée d’une gravité qui ne laissait aucune place à la complaisance.
Le groupe reprit sa marche avec prudence, chaque pas accompagné du souffle lourd de la tension qui pesait sur eux. Aurore, malgré la fatigue qui s’insinuait en elle, tenait bon. Elle savait qu’ils n’étaient pas encore hors de danger, et chaque mouvement dans la brume lui rappelait à quel point leur situation était précaire. Les illusions avaient beau les protéger, elles ne pouvaient pas les sauver indéfiniment.
Alors qu’ils sortaient enfin des marécages, le paysage changea progressivement. Les arbres tordus et la vase laissaient place à des plaines ouvertes, mais le sentiment de vulnérabilité se renforça. Ici, ils étaient plus exposés, sans l’ombre rassurante aient à l’horizon, de petites taches sombres sur la ligne de l’horizon. Leurs toits pointus et leurs murailles de pierre noire projetaient une atmosphère sinistre, comme autant de postes de surveillance disséminés à travers les terres. Le groupe savait qu’il devait éviter ces villages à tout prix. Les patrouilles vampires pouvaient surgir à tout moment, et même la moindre interaction avec des villageois pourrait les mettre en danger.
Le vent, plus frais à mesure qu’ils avançaient, Phobos, toujours en tête du groupe, jetait de temps à autre des regards en arrière. Pas vers des dangers potentiels, mais vers Aurore. Ses yeux rouges, énigmatiques et perçants, ne cessaient de la scruter, comme s’il cherchait à comprendre quelque chose qu’elle-même ignorait. Il avait changé. Depuis leur départ du village des Lizardus, il devenait plus entreprenant avec elle, mais d’une manière subtile. Ses gestes, ses paroles, tout semblait calculé pour la déstabiliser.
Un soir, alors qu’ils avaient trouvé refuge sous un amas de rochers, Phobos s’approcha d’Aurore tandis qu’elle s’occupait de vérifier les provisions. Son ombre imposante se projeta sur le sol, et avant qu’elle ne puisse réagir, il s’était accroupi à côté d’elle, son visage à quelques centimètres du sien.
« Tu m’intrigues, » murmura-t-il, sa voix basse et presque caressante. Il tendit la main pour saisir une mèche de ses cheveux, la faisant glisser entre ses doigts avec une douceur inattendue. « Il y a quelque chose chez toi… que je n’arrive pas à cerner. »
Aurore sentit son cœur accélérer, inquiète, mais elle ne recula pas. Le regard de Phobos la troublait profondément. Elle ne pouvait pas nier l’attraction physique qu’il semblait éprouver pour elle, mais elle savait aussi qu’il jouait avec elle. Il s’amusait à tester ses réactions, à la pousser dans ses retranchements. Et malgré elle, elle se surprit à répondre, d’une voix plus tremblante qu’elle ne l’aurait voulu.
« Tu ne sais rien de moi. » répliqua-t-elle, essayant de maintenir un ton assuré.
Phobos esquissa un sourire, un de ces sourires ambigus qui la laissaient toujours déconcertée. « Peut-être… J’ai pourtant appris certaines choses te concernant…» murmura-t-il avant de se redresser lentement, sans la quitter des yeux. « Mais cela ne rend les choses que plus intéressantes. »
Il s’éloigna, la laissant seule avec ses pensées. Aurore resta immobile un instant, essayant de retrouver son calme. Il jouait avec elle, c’était évident.
Koori, qui avait observé la scène à distance, serra les poings, le visage tendu. Depuis plusieurs jours, il avait remarqué l’intérêt grandissant de Phobos pour Aurore, et cela attisait en lui une jalousie sourde. Il n’avait jamais été du genre à être possessif, mais quelque chose dans l’attitude de Phobos l’agaçait profondément. Ce vampire, aussi mystérieux qu’il soit, jouait un jeu dangereux, et Koori ne savait pas encore comment réagir.
Tandis que le groupe se préparait à reprendre la route, Koori s’approcha d’Aurore, essayant de cacher son malaise derrière son ton dégagé. « Tout va bien ? » demanda-t-il, cherchant une réponse dans son regard.
Aurore, troublée, acquiesça. « Oui, je... tout va bien. » Mais elle ne pouvait s’empêcher de sentir l’inquiétude grandir en elle. Phobos était un allié, certes, mais il était aussi imprévisible. Et si Koori, d’habitude si calme et posé, commençait à être perturbé par cette situation, alors il était peut-être temps qu’elle remette en question certaines choses.
Alors que la nuit tombait une nouvelle fois sur leur route, la tension était palpable. Phobos, de plus en plus proche d’Aurore, continuait de semer le trouble entre elle et Koori. Quant à Rairi, son irritation face à la présence du vampire ne faisait qu’augmenter à mesure qu’ils se rapprochaient de leur destination. Le groupe avançait dans une atmosphère lourde, non seulement à cause du danger extérieur, mais aussi des tensions internes qui commençaient à fissurer leur unité.
La fatigue commençait à les rattraper, et même si Aurore faisait de son mieux pour ne pas le montrer, elle sentait ses muscles s’alourdir à chaque pas. Koori, toujours à ses côtés, restait d’un calme impressionnant, mais elle pouvait percevoir un certain malaise chez lui. Il semblait tendu, plus vigilant que d’habitude, et chaque fois que Phobos s'approchait d’elle, elle remarquait un léger froncement de sourcils sur son visage. Ce comportement n’avait rien d’inhabituel, mais elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui le troublait vraiment.
Ils passèrent à proximité de petits villages vampires, où de grandes tours noires émergeaient du sol comme des griffes sinistres. Chaque fois qu'ils s'approchaient de ces habitations, le groupe redoublait de vigilance, leurs pas se faisant plus lents, plus discrets. Les villages semblaient, silencieux, des silhouettes pouvaient être aperçues.
La nuit commençait à tomber lorsqu’ils décidèrent de faire une halte rapide à l’abri d’un bosquet, une maigre protection contre les patrouilles vampiriques qui rôdaient. Aurore s’assit sur un rocher, observant les vastes plaines devant eux. Le vent soufflait doucement, soulevant des vagues d'herbes sèches qui ondulaient à perte de vue. Malgré la tranquillité apparente, elle sentait une présence oppressante, comme si l’obscurité elle-même les épiait.
Phobos, toujours aussi imprévisible, s'approcha d'Aurore, son visage plongé dans l'ombre, ses yeux rouges brillant faiblement dans la lumière mourante. Il s'assit à côté d’elle sans un mot, laissant le silence s'installer. Pendant un moment, ils ne firent que regarder l’horizon, les tours noires se dessinant à la lueur du crépuscule.
« Tu sais, Aurore, » murmura Phobos d'une voix presque caressante, rompant finalement le silence. « La capitale n’est plus très loin. Mais les pires dangers sont encore à venir. » Il tourna légèrement la tête vers elle, un sourire en coin sur les lèvres. « Es-tu prête pour ce qui t'attend ? »
Aurore fronça les sourcils, perturbée par son ton, mais elle garda le silence un moment. Phobos avait toujours eu ce don de la mettre mal à l’aise, de jouer sur cette fine ligne entre la provocation et le mystère. Elle sentait qu'il testait ses réactions, qu'il cherchait à la déstabiliser, mais pour quelle raison ? Elle ne pouvait le dire.
« Je n’ai pas vraiment le choix, n’est-ce pas ? » répondit-elle finalement, son regard fixé sur l'horizon. « Que je sois prête ou non, je dois avancer. »
Phobos sourit, amusé par sa réponse. « C’est vrai. Mais ça ne veut pas dire que tu ne peux pas apprendre à mieux connaître tes ennemis… » Son regard devint plus perçant, et Aurore sentit une étrange tension naître en elle. Ses paroles étaient lourdes de sous-entendus, et même si elle savait qu’elle ne devait pas se laisser troubler par ses insinuations, il y avait quelque chose dans son attitude qui la perturbait profondément.
Elle détourna le regard, tentant de cacher son trouble, mais elle savait que Phobos avait remarqué sa réaction. Il jouait avec elle, et elle détestait ne pas comprendre son jeu. Pourtant, malgré son agacement, une partie d’elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une étrange fascination pour cet être mystérieux.
Koori s'approcha discrètement du groupe, tentant de masquer son irritation sous un masque d'impassibilité. Aurore, sentant une présence derrière elle, se retourna et croisa son regard. Elle perçut immédiatement quelque chose d’étrange, un trouble qu’elle ne parvenait pas à identifier. « Tout va bien ? » demanda-t-elle doucement, soucieuse de comprendre ce qui le perturbait.
Koori hocha brièvement la tête, évitant son regard. « Oui, ne t’inquiète pas. » Mais ses mots étaient dépourvus de la chaleur habituelle, et Aurore ne put s’empêcher de noter la distance qui semblait s’installer entre eux. Elle fronça les sourcils, mais décida de ne pas insister. Le moment n’était pas propice pour des questions.
Le groupe reprit la route dès les premiers rayons du soleil. Aurore restait en alerte, ses sens aiguisés, toujours prête à utiliser ses illusions pour les dissimuler si nécessaire. Phobos, quant à lui, semblait presque à l’aise dans cette atmosphère nocturne, ses mouvements fluides, comme s’il était dans son élément.
La route vers la capitale semblait interminable. Chaque pas les rapprochait un peu plus de leur destination, mais aussi du danger qui les attendait. L’atmosphère devenait de plus en plus oppressante à mesure qu’ils approchaient, et même Phobos, habituellement si calme, paraissait plus vigilant que d’habitude. La lumière faiblissait rapidement, plongeant le paysage dans des teintes grisâtres qui se fondaient avec la brume environnante.
Aurore, épuisée, sentit une tension croissante dans l’air. Autour d’elle, Koori et Rairi marchaient en silence, leurs visages fermés, le poids de la mission pesant sur eux. Aquarys, quant à elle, ne disait rien depuis leur départ du village, et son silence, d’ordinaire si rare, renforçait l’impression que quelque chose allait mal. Phobos, restait silencieux, mais son regard perçant scannait l'horizon comme un prédateur guettant une proie.
Le paysage changea encore une fois lorsqu’ils aperçurent les premières tours noires de la capitale. Des flèches gothiques se dressaient dans le ciel, déchirant les nuages bas qui roulaient paresseusement au-dessus des toits. La ville semblait être un immense bastion de pierre et d’ombres, une forteresse imprenable qui imposait son autorité par sa simple présence. De larges murailles entouraient la cité, hérissées de pointes acérées et de symboles que seuls les vampires pouvaient déchiffrer.
« On y est presque », murmura Phobos, ses yeux rougeoyant légèrement dans la pénombre. « La capitale. »
Aurore déglutit, sentant la gravité de ce qu’ils allaient affronter s’abattre sur elle. La capitale était encore plus terrifiante qu’elle ne l’avait imaginée. Même de loin, elle pouvait sentir l’atmosphère étouffante qui émanait de cette ville, une impression sinistre. Le contraste entre les plaines silencieuses qu’ils venaient de traverser et les murs imposants de la cité vampirique était saisissant.
« On va devoir être plus que prudents ici, » souffla Rairi, ses yeux fixés sur les hautes murailles. « Entrer est une chose, en sortir vivant, c’en est une autre. »
Phobos les guida vers une série de collines basses surplombant la ville. C’était un lieu stratégique, suffisamment éloigné pour observer la capitale sans attirer l’attention. Ils se tapirent derrière des rochers, observant les allées et venues des gardes vampiriques qui patrouillaient les remparts. La ville semblait grouiller de vie, mais une vie sombre, presque morbide. Des sentinelles marchaient au pas sur les murs, des torches aux flammes bleutées éclairaient les tours, projetant des ombres mouvantes qui dansaient sur la pierre noire.
« Entrer sans se faire repérer va être délicat », murmura Koori, le visage fermé. « Comment comptes-tu nous faire passer ? »
Phobos resta silencieux un moment, réfléchissant. Ses yeux scrutaient les environs avec attention, cherchant sans doute la meilleure approche. « Il y a un faussaire en ville. Il peut nous fournir des papiers d'identité qui nous permettront de circuler sans être trop surveillés. Le problème va être de rentrer. »
Aurore leva un sourcil, surprise. « Tu es sûr qu’on peut lui faire confiance ? »
Phobos haussa les épaules, un léger sourire énigmatique aux lèvres. « Aussi sûr que je puisse l’être dans cette ville. Mais disons, qu’il aime l’argent. » Son ton n'était pas rassurant, mais c’était la seule option qu’ils avaient pour l’instant.
Le groupe resta silencieux, chacun tentant d’analyser la situation. Le vent soufflait doucement, emportant avec lui des odeurs de cendres et de métal rouillé, des relents de la ville vampire. Aurore sentait son cœur battre plus fort. Elle n’avait jamais été aussi proche du cœur du pouvoir de Lucius, et la simple idée d’être dans son royaume, entourée de ses gardes, la faisait frissonner.
Ils décidèrent de passer la nuit à la périphérie de la ville, cachés sous un amas de rochers et de végétation. Le ciel s’assombrissait de plus en plus, et la capitale, avec ses tours gothiques et ses lumières fantomatiques, semblait veiller sur eux comme un prédateur patient, attendant le bon moment pour frapper.
Alors qu'ils se préparaient à dormir, chacun dans ses pensées, Aurore ne pouvait s’empêcher de sentir une pression grandissante. Leurs désaccords passés, la méfiance entre Phobos et Rairi, les tensions avec Koori, le silence d’Aquarys tout semblait secondaire face à l'immense défi qui les attendait.
La capitale n’était plus qu’à quelques heures de marche. Mais l’idée même d’y pénétrer leur donnait l’impression d’entrer dans la gueule du loup.