À ma fille Mélina

Par Djack
Notes de l’auteur : La fin de la lecture modifiera l’avis que vous vous ferez à son début. N’hésitez pas, allez jusqu’au bout.

Melina.

Tu es née dans une société différente de la mienne. Tu courras après l’argent mais ne sois pas cupide. Comme tout Père, j’essaierai de t’inculquer des valeurs vitales - celles qui donneront un sens à ta vie. Ai-je dit comme tout Père ? Désolé, ça c’était avant. Avant quand rien était remis en cause. Avant quand les réglages de la société, par défaut instauraient une hiérarchie familiale. Avant quand on reconnaissait une femme ou un homme sans qu’il ne s’explique. Instinctivement nous distinguions le bien du mal, la femme de l’homme, le raisonnable de l’absurde. Pourtant, si on ne s’en tient qu’à la parole de ta société, celle dans laquelle tu es née, nous ne réfléchissions pas bien, voire “pas” tout court. Elle nous reproche de ne pas remettre en cause, de tout accepter des règles sociales pre-établies. Elle, elle sait mieux le faire. D’ailleurs aurai-je tort de dire que c’est la seule différence entre ta société et la mienne ? - la réflexion. Maintenant, elle réfléchit sur tout. Avant. Pendant. Après. Un immense temps de préparation précèdent l’acte, pour faire pire que notre époque. 

Comment réagirais-tu si je te disais que tu n’as que cinq ans, tu ne peux pas manger trop de sucreries, que tu ne peux pas regarder la télé tard dans la nuit, que tu ne peux pas avoir un permis de conduire et toutes ces autres choses ? Mais à toi ma fille bien-aimée, je t’accorde le privilège d’avoir le libre arbitre, à ton âge, sur ton choix de rester une fille ou de devenir un garçon. Que penserais-tu de cela ? C’est vrai qu’à ton âge tu es trop petite pour réfléchir. Ta société ne s'intéresse pas à ton âge, elle te laisse le soin de faire un choix dans l’ignorance sans toutes tes facultés possibles, puis elle croise les doigts, espérant que tu ne regrettes pas cela. 

Mis à part l’irresponsabilité, pourras-tu me donner une autre raison qui pourrait pousser un parent à laisser son enfant faire un choix “moralicide” ? Cette question n'a aucun rapport avec le paragraphe précédent. Avant, quand quelque chose d’insensée était prononcée par une personne, on étouffait cela à l’instant, la personne admettait sa stupidité et y remédiait.

Maintenant, quand quelque chose d’insensée est prononcée, gare à qui ose l’étouffer, paraît-il qu’il stresse sa vie en étant trop sérieux. Ils font toute une série de challenges inutiles, stupides et insensés, promets-moi que tu ne tomberas pas dans le panneau ? Il n'y a pas moyen de leur faire entendre raison. Le réglage des paramètres du nouveau monde veut que l’intello ferme sa bouche face aux actions de l’idiot, pour ne pas l’offenser. (Intello c'est le diminutif de intellectuel. De toutes les façons, tu t'y habitueras. Cette façon d'utiliser la langue est très courante dans ta société). Qui ose se prononcer est traité de mature. J'ignore depuis quand la maturité est un défaut ? 

Ils confondent stupidité et humour. bêtise et immaturité. aberration et émancipation. La découverte du pétrole est une raison légitime pour éteindre son feu de bois ?

Je te laisse sur ces petits mots de réflexion ma petite Mélina. Peut-être que tu auras l’âge adulte quand tu découvriras ce texte, sache que je donnerais tout pour t’offrir une enfance saine si tu me promets d’aimer ta mère, elle t’aime autant que moi. Garde en toi l’orthodoxie. J’ai gardé mon parapluie ouvert au dessus de toi pour te préserver des flottes de cette pluie d’immoralité qui ne cesse de tomber sur cette société. Puis-je - ma dulcinée, te demander de ne pas te fier à cet arc-en-ciel que tu verras de temps en temps ? 

Écoute ta mère. Elle a misé tout son amour sur toi. Sur toi, nous avons misé. Ta mère ignore l’existence de cette lettre, quand tu la liras, les larmes qui couleront de ses doux yeux seront une preuve qu’elle pense comme moi. Crois toujours en l’humanité. Crois en toi. Crois en l’excellence. Crois aux études. Crois en ta mère. C’est elle qui était prête à quitter ce monde pour te laisser y entrer. Moi j’étais juste à côté, non loin - espérant que tout se passe bien. Ne fais pas confiance à tes yeux. Fais de la raison, le juge du procès auquel se livreront ton cœur et tes émotions. 

 

Je t’embrasse, ma tendre fille Mélina.

 

Papa. 


 

 

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