Abdel-Lilas, le pasteur des plateaux vosgiens.

Par Sam68

Abdel-Lilas, le pasteur des plateaux vosgiens.

 

S'il m'était conté l'histoire du pastre* Abdel-Lilas, je retiendrais l'image de la figure creusée et lumineuse à la fois, de ce petit bonhomme.

*(terme en langue occitane qui signifie le berger, etymologiquement le pasteur)

 

La trame se déroule à Fresse-sur-Moselle, au cœur d'un petit village d'irréductibles vosgiens qui résistent, bon gré mal gré, à l'envahissement des gens du grand Capital.

C'est ici alors, que notre Abdel-Lilas dirige ses troupeaux et protège sa famille d'une main ferme,d'un cœur chaud et d'un pas assuré.

Enzo, son petit, le suit partout depuis qu'il est en âge de marcher. Alors, son père le sollicite, comme le faisait son ancien avec lui; pour rentrer les bêtes le soir venu,les nourrir la journée et s'enquérir régulièrement de la santé de chacune d'entre elles. En effet, notre ami est un rassembleur. Il prend soin de chacune de ses bêtes, comme chacun de ses invités, comme chaque membre de sa famille. Honnêteté, droiture sont ses maîtres vertus. Et il n'a pas besoin d'en parler, il les incarne, les fait vivre. Il les laisse à voir, les communique,avec qui souhaite s'en inspirer.

Leur compagnon au travail et à la maison, c'est Rififi, leur chien de berger. Il est brave et bien dressé, tel un coucou suisse. Il obéit à son maître au doigt et à l'oeil. Fidèle compagnon pour rameuter le troupeau, pour accompagner la brebis blessée ou égarée. Ici, leschèvres et les brebis se tiennent chaud en hiver.

Les grands sapins fournissent le bois, la forêt, les montagnes et les rivières apportent leur fraîcheur en été. Cela fait trois décennies maintenant qu'ils sont installés sur les plateaux vosgiens. Avec Véronique, sa compagne, Abdel-Lilas a construit un petit havre de paix qui appelle tout demême à des travaux réguliers et rigoureux. Tant sur le bâti, que sur a fabrication de leurs produitsdestinés à la vente. Car leur principal revenu provient de l'amour et du soin qu'ils ont su donner toutes ces années à ces braves bêtes.

Et alors, lorsque le moment est venu, après moultes transhumances, les moutons offrent leur viande succulente et généreuse, nourrie de pâturages nobles et verdoyants. Celle-ci est alors affinée par madame, transformée en saucisses, ou découpée par le pastre avant d'être vendue à la pièce. Ferme et tendre à la fois, goûtue, leur viande se vend à merveille.

 

Les gens accourent d'Alsace et des vallées vosgiennes pour venir chercher quelques pièces tendres,et ainsi s'enquérir également du vaillant couple qui brave à l'année, les changements climatiques capricieux des massifs vosgiens. Les chèvres quant à elles fournissent un lait de grande qualité. L'été dernier, un ami d'Abdel, routier de son état, acheminait un camion de dattes d'Epinal à Remiremont, juste avant la période sacrée de Ramadan. Il connut une surprenante sortie de route,heureusement sans gravité pour sa personne. Le camion s'est tout de même retourné et tout le chargement a basculé à l'extérieur sur le bas côté. Le routier paniqué a alors appelé Abdel pour lui raconter ses péripéties.

L'algérien, natif de Wittenheim en Alsace, a rassuré son ami, comme il sait si bien le faire avec toutle monde qu'il rencontre. Son compagnon pensait alors se débarrasser de sa cargaison. Que nenni, c'était sans compter sur la pénurie de fourrage et de luzerne que le berger des Vosges avait rencontré cette année-là. Ainsi, ce fut près d'une tonne de dattes qui fut stockée dans la grange de la famille Hilali. Pendant les deux années qui suivaient, tous les bestiaux recevaient régulièrement quelques dattes algériennes en guise de complément alimentaire. Le lecteur émérite est invité à s'aventurer alors en terre vosgienne, par vaux et par monts,là ou fées, sautrets*, lynx, renards et cerfs cohabitent joyeusement.

*(petits personnages mythiques des vallées vosgiennes)

 

Depuis plusieurs années, les affaires d'Abdel-Lilas et Véronique tournaient principalement grâce à la communauté maghrébine résidant de part et d'autre de la ligne bleue des Vosges. C'est vrai qu'ils avaient également accueilli plusieurs années, des jeunes adolescents, orientés par l'Aide Sociale à l'enfance. Ils en avaient tiré entre autre, un complément de revenus, mais surtout etavant tout, un supplément d'âme.Une richesse de lien social, de rencontres, de sourires et de larmes. Une sacrée tranche de vie.

Mais, revenons-en à nos moutons. Les revenus issus de leurs ventes de caprins, ne suffisaient plus à couvrir toutes leurs charges pourcette année-ci. Ainsi, eurent-ils le courage et l'idée d’agrandir leurs cheptels, et de diversifier leur gamme deproduits.

Connaissant, parfaitement la culture du Royaume d'Alsace et l'attrait de ses habitants pour la charcuterie, ils se mirent à faire de la saucisse en tout genre. Et du chorizo, du saucisson, et du pâté. Au final, il est possible d'écrire que leur ouverture d'esprit, leur connaissance des terroirs et des gens qui les composent, leur intérêt prononcé ainsi que leur tolérance à l'égard de l'Humain sans toute sasingularité, se cristallisent dans la qualité et belle diversité de leurs produits ainsi que la prodigalité et l'hospitalité de leur accueil.

Et si le lecteur doute qu'il puisse encore subsister sur notre belle planète bleue, en souffrance certes, de telles valeurs cardinales, de surcroît au cœur d'un massif aussi verdoyant que rudoyant, et au cœur d'une société que les médias ligotés ne cessent de dépeindre comme sombre et dégénérescente, qu'il s'essaye alors à arpenter les crêtes vosgiennes en direction de l'Ouest. A l'orange d'un automne naissant, ou au vert d'un printemps renaissant.

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Filenze
Posté le 05/10/2020
Bonjour Sam. Etant plus ou moins originaire de la région que tu décris, je dois dire que j'ai été très émue par le portrait que tu en fait, notamment sur le métissage des cultures qui échappe à l'oeil médiatique. Le ton mythologique, les références antiques, chrétiennes et musulmane, cela m'a égarée au début, car je ne savais plus dans quelle temporalité on se plaçait. Le berger Abdel Lilas, aurait pu être un Moïse trouvant le buisson ardant, mais le chien Rififi et la femme Véronique, cela nous ramène fissa sur le plancher des moutons si je puis dire. Et puis j'ai compris que ça participait à l'originalité de ton écrit : faire d'un conte atemporel un quotidien/ une réalité très circonscrite et tangible dans l'espace et le temps. J'ai aimé :) Pour les retouches : il manque quelques espaces, notamment après les virgules et certains mots sont restés collés.
Sam68
Posté le 07/10/2020
Merci beaucoup chère Filenze.
Encourageant et soutenant, merci.
Je suis en train d'en finir une 4ème, "Axel", que je parais bientôt. J'irais faire un tour sur tes publications également.
Et je vais apporter les retouches au textes, bien vu ;)
Herbe Rouge
Posté le 10/09/2020
C'est intéressant. J'aime l'idée de ces tranches de vie. Le rythme est doux. J'aurais évité le doublon "et si le lecteur doute" (en enlevant celui du dernier paragraphe, qui ne me parait pas nécessaire).
Sam68
Posté le 10/09/2020
Merci beaucoup. Oui, j'en tiendrais compte ;) Merci
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