Au bord du ciel

Par Gnucki

Nanga Parbat, 8035m, 16h31, 25 janvier

Le fin brouillard de ce jour blanc empêche de le discerner, mais le GPS est formel : le sommet est juste là, à quatre-vingt-dix mètres au-dessus de leurs têtes. Comme s’ils voulaient annoncer l’approche du point culminant, les rayons du soleil s’échappent de derrière la crête et font danser des spectres mordorés quelques couches de brume plus haut.

— Tu vois, c’est Pixie !

Elfy se retourne vers Teodor qui affiche un large, mais inquiétant sourire.

— Tu ne devrais pas te découvrir le visage, Teo.

Il le sait. Et Elfy sait qu’il le sait. À moins quarante degrés, avec des rafales frôlant les cent kilomètres-heure, la moindre bribe de peau exposée peut geler en une dizaine de minutes. Moins si le milieu est humide comme ce nuage de microgouttelettes dans lequel ils évoluent depuis quatre heures du matin.

— Pixie voulait voir à quoi je ressemble.

Teodor est encore plus mystique qu’à l’habitude et cela ne rassure pas Elfy. À cette altitude, le manque d’oxygène amoindrit les facultés intellectuelles. En être conscient est une condition de survie primordiale.

Soudain, un rictus déforme le visage rougi de son camarade.

— Est-ce que tout va bien ?

— Un petit mal de boyau de rien du tout.

— Il est tard. Si tu n’es pas bien, nous devrions redescendre.

Se sachant incapable d’autoévaluer son niveau de réflexion, Elfy préfère pécher par prudence. Cependant, une partie d’elle prie pour que Teodor lui dise de continuer. C’est sa troisième tentative de gravir ce sommet en hiver. La deuxième avec lui. Au fond d’elle-même, elle a peur que ce soit la dernière. Cette fois-ci, elle se sent assez forte pour aller jusqu’au bout. Renoncer si proche du but serait un échec encore plus cuisant. C’est le moment ou jamais.

— Je n’ai pas mal à la tête. Ce n’est rien ! répond-il avec un pouce levé.

 

Nanga Parbat, 8125m, 18h07, 25 janvier

Un pas de plus. Les larmes aux yeux, Elfy pose enfin le pied sur le point culminant de cette partie du Karakoram. Elle ôte ses lunettes et secoue la tête pour chasser les dangereuses gouttes.

La brume s’est subitement levée pour être remplacée par la nuit. Jamais elle n’aurait imaginé atteindre ce sommet tant convoité dans ces conditions. Dans ses rêves, il faisait plein soleil et elle pouvait voir à des kilomètres à la ronde, contempler un paysage que seule une poignée d’humains avait pu admirer.

— J’ai mis le temps, mais je suis là, Pixie.

Elfy regarde Teodor qui semble parler à une personne invisible face à lui.

— Tout va bien, Teo ?

— On a réussi, Elfy ! Pixie est très fière de nous. Elle va nous montrer la vérité sur ce monde !

— Tu es sûr que tout va bien ? répète-t-elle en agitant ses doigts devant les yeux de son partenaire.

Teodor ne réagit pas.

— Tu vois ma main ?

— De quoi parles-tu ?

Le cœur d’Elfy s’accélère, lui donnant l’impression de respirer par une paille.

— Est-ce que tu vois ma main ? Je ne plaisante pas, Teo !

— Je vois Pixie.

Une cécité des neiges. A-t-elle été provoquée par le fait qu’il a monté sans lunettes une bonne partie de la journée ? Même dans la brume, la réverbération peut aisément brûler une rétine. Elfy tente de se rassurer, mais en réalité elle est pétrifiée. Perdre la vue est aussi le premier signe d’un problème bien plus grave : un œdème cérébral. Au-dessus de sept mille huit cents mètres, dans ce que l’on appelle la zone de la mort, le sang s’épaissit tellement qu’il fait gonfler le cerveau jusqu’à ce qu’il s’écrase sur le crâne.

Pas de temps à perdre. Dans le doute, il faut redescendre le plus vite possible. En cas d’œdème, c’est son unique chance.

— Incroyable ! s’exclame Teodor dans son coin.

Son délire s’amplifie. Un signe de plus dans le sens de la mauvaise option.

— Teo, tu as un mal aigu des montagnes. Tu m’avais dit que tu te sentais juste un peu barbouillé des intestins. On aurait dû renoncer. Il faut qu’on redescende tout de suite.

— Attends, Pixie souhaite te montrer aussi !

— Elle me montrera une prochaine fois. On y va !

— Comme tu veux, répond Teodor en se laissant traîner.

 

Nanga Parbat, 7283m, 3h24, 26 janvier

Elfy regarde la bosse face à elle. Une centaine de mètres de dénivelé de neige gelée à gravir pour retrouver leur dernier camp, passage obligé pour continuer la descente de la voie Kinshofer. En temps normal, cela n’aurait représenté aucune difficulté, mais, à la vitesse où Teodor avance, il leur faudra quatre heures au bas mot pour en venir à bout.

Son compagnon crache du sang depuis un petit moment maintenant. Après le cerveau, c’est le tour des poumons. Du liquide noie ses alvéoles. L’injection de dexamethasone a fait effet un temps, lui a permis de retrouver assez de vigueur pour arriver jusqu’ici, mais il est de nouveau proche de l’arrêt.

Il faut se rendre à l’évidence, ils n’iront pas plus loin. Elfy avise une crevasse praticable sur leur droite, passe le bras de Teodor sur ses épaules et l’emmène vers leur abri pour le reste de la nuit.

 

K2, 6315m, 7h25, 26 janvier

Adrian s’étire en regardant les premières lueurs de l’aube réveiller le K2. Le vent souffle en rafale, mais avec une fréquence tout à fait raisonnable. Une journée parfaite pour tâter le terrain du prochain camp. Ses retrouvailles avec l’Himalaya, dans la douleur de l’hiver, lui font un bien fou. Cela fait cinq ans qu’il n’est pas venu. Cinq ans qu’Artur et Jacek ont disparu sur le Broad Peak, juste à côté.

Un nuage passe sur ses pensées. Ce souvenir le harcèle, le prive de son énergie vitale depuis ce fameux jour. Ce jour où, dans son orgueil, il avait accepté la séparation du groupe pour atteindre le sommet coûte que coûte. Ce jour où seule la moitié de la cordée était redescendue.

Il est un imposteur dans ce rôle de chef d’expédition. Le plus grand imposteur que l’Himalaya ait jamais connu. Pourquoi a-t-il décidé de revenir ici ?

Soudain, un cri le tire des méandres de ses remords :

— Adrian, on a reçu un appel. L’expédition du Nanga est en perdition à plus de sept mille mètres.

Dimitri le regarde, attendant sa confirmation. Adrian acquiesce. On dirait que le prochain camp va devoir attendre.

 

Nanga Parbat, 7283m, 12h51, 26 janvier

La salive rouge, qui coule sur son menton, contraste avec les lèvres blanches comme la mort de Teodor.

— Teo. Je dois descendre pour récupérer et guider l’hélico jusqu’ici.

Devant son absence de réaction, Elfy doute que son compagnon de cordée l’ait entendu. Elle s’apprête à répéter avant de renoncer.

— Pixie me dit que je dois me reposer, discerne-t-elle dans un murmure.

— Je reviens vite.

 

K2, 4556m, 15h02, 26 janvier

Adrian et Dimitri accompagnés des deux autres membres de leur groupe, Jakub et Pawel, atteignent le camp de base où l’hélicoptère est censé les récupérer. Ils sont heureux. Au prix d’un effort intense, ils ont réussi à descendre assez tôt pour pouvoir être transportés au Nanga avant que la nuit tombe.

Alors qu’ils ne sont plus qu’à une centaine de mètres, un Sherpa sort d’une des tentes en courant pour aller à leur rencontre.

— Hélicoptère vient pas !

 

Nanga Parbat, 6769m, 17h58, 26 janvier

Pourquoi l’hélicoptère ne vient-il pas ? Elfy n’a pas tout compris. On lui a dit de descendre, elle l’a fait. Maintenant, on lui parle d’argent liquide pour payer le vol, des conditions climatiques qui entravent le décollage. Qu’est-ce qu’elle en a à faire, elle ?

Normalement, elle devrait être au chaud au camp de base à l’heure qu’il est. Avec Teodor. Au lieu de cela, elle est seule au milieu de nulle part, dans une purée de pois, qui l’empêche de discerner l’emplacement de son prochain pas.

Le crépuscule s’est emparé de la montagne et Elfy a compris qu’elle va devoir passer la nuit en solitaire, sans équipement pour se protéger des conditions extrêmes. Elle a laissé l’essentiel du matériel de survie à Teodor en pensant que tout serait fini dans la journée.

Avec l’obscurité et la tempête de neige qui se lève, la progression devient trop dangereuse. Il lui reste une seule option : trouver un rocher assez courageux pour s’opposer au vent, creuser un trou et tenter de conserver sa chaleur à tout prix.

 

Nanga Parbat, 6769m, 6h32, 27 janvier

La bouilloire siffle en expulsant une sublime vapeur. Elfy sent sa température interne grimper en flèche. On a monté une tente autour d’elle. Une tente spacieuse avec un énorme réchaud à gaz qui diffuse une douce chaleur.

Une jeune fille souriante s’empare de la bouilloire et lui présente une tasse.

— Un thé ?

Elfy accepte avec bonheur. La tasse insuffle aussitôt de la vigueur et de la souplesse à ses doigts durs comme la pierre.

Après quelques secondes, son hôte se racle la gorge.

— Pardonnez-moi, mais il est d’usage, ici, de donner une de ses chaussures en échange d’un breuvage chaud.

Elfy s’étonne, mais s’exécute. De toute façon, elle n’a plus froid.

— Que faites-vous ici ? questionne-t-elle alors la jeune fille.

— Bien, je vis là. Et vous ?

— Moi ? J’essaie de descendre de cette montagne. Mais on a eu des problèmes et…

— Ce n’est pas la première fois que je vous vois, l’interrompt-elle. Quelque chose me dit que vous n’êtes pas venue ici pour simplement descendre.

— Non, non. Bien sûr.

— Alors, qu’êtes-vous venue faire ?

Le ton insistant de la jeune fille laisse entendre qu’elle attend une réponse précise.

— Je… Je ne sais pas… Je crois que je voulais affronter les éléments.

— Tu mens !

L’atmosphère s’est rafraîchie d’un coup. La flamme de gaz vacille sous l’effet d’un brusque courant d’air.

— Qu’es-tu venue faire ici, Elfy ? répète-t-elle, menaçante.

Elle connaît son nom. Pourtant, l’alpiniste ne se souvient pas le lui avoir donné.

— Je ne sais pas, moi ! se défend Elfy en se recroquevillant sur elle-même.

— Menteuse ! Réponds !

— Que voulez-vous entendre exactement ? geint-elle, acculée.

— La vérité, Elfy. La vérité !

— D’accord ! Je suis venue toucher la mort !

Extirpés du plus profond de sa conscience par la peur et la colère, les mots ont jailli de sa bouche. Des larmes nerveuses se mettent à dévaler ses joues. Elle serre les dents de toutes ses forces pour contrôler le sanglot qui monte.

— J’en ai besoin ! J’en ai besoin pour sentir le sang couler dans mes veines, l’air gonfler mes poumons ! J'en ai besoin pour être sûre d'exister !

À cet aveu, la chaleur est revenue et la jeune fille a retrouvé son sourire affable. Cette dernière s’approche et lui pose une main sur la tête.

— Tu n’es pas encore prête, Elfy.

Sur ces paroles, elle se détourne et fait mine de sortir de la tente.

— Attendez ! Qui êtes-vous ?

— Je croyais que tu avais deviné.

— Une hallucination ?

Son hôte fronce les sourcils en agitant ses ailes dorées.

— Personne n’a jamais eu d’hallucinations sur cette montagne.

Elfy cligne des yeux. Le faisceau de sa lampe frontale éclaire sa botte qui gît dans la neige deux mètres plus loin. Elle ne sent plus son pied.

 

K2, 4556m, 13h15, 27 janvier

Dimitri tourne en rond pour tenter de dissiper sa nervosité. Adrian le regarde. L’alpiniste, de dix ans son aîné, est une légende. Peut-être le meilleur de son époque. Son caractère bien trempé lui fait pousser des jurons à travers la grande tente du camp. Il ne supporte pas d’être cloué à cette altitude alors qu’ils devraient être en train de grimper pour porter secours à leurs camarades.

Adrian sait que Dimitri ne le tient pas en très haute estime, qu’il ne le prend pas au sérieux. Il est conscient que celui-ci n’a accepté de faire partie de l’expédition que pour trouver un financement à ses rêves hivernaux. Il le juge probablement responsable de ce qui s’est passé sur le Broad Peak, il y a cinq ans. Cela n’a pas d’importance. Aussi peu de considération a-t-il pour lui, c’est toujours plus que celle qu’il se porte à lui-même.

— Qu’est-ce qu’ils foutent ? Je leur fais décoller moi leur hélico s’ils ont besoin ! vocifère l’alpiniste.

— Calme-toi, Dimitri, intervient Pawel. Que tu t'énerves ne le fera pas arriver plus tôt.

Adrian comprend son agacement et le partage. Il déplore que des considérations de ressources financières retardent le sauvetage. Pourtant, ils le savent tous : au Karakoram, région reculée du nord du Pakistan, quand les choses tournent mal, on est bien souvent seul.

Un coup de vent pénètre soudain sous la tente :

— L’hélicoptère est arrivé !

 

Nanga Parbat, 6778m, 17h23, 27 janvier

« Je vais crever bientôt plus de batterie »

Elfy appuie sur le bouton d’envoi du message. L’icône de la batterie clignote. Quand l’écran s’éteindra, cela signifiera la fin. Elle sera seule.

Il fait déjà trop sombre. L’hélicoptère ne volera plus ce soir. Elle ne survivra pas une nuit de plus à la montagne hostile. On lui a dit que l’équipe de sauvetage venait d’arriver au camp de base numéro un à quatre mille huit cents mètres.

Désespérée, Elfy fait le calcul. En pleine nuit, avec la neige hivernale, ce serait un miracle qu’ils progressent à plus de cent mètres par heure. Il leur faudrait donc vingt heures pour la rejoindre. Même s’ils étaient capables de tenir la distance, ce serait au péril de leur vie. Même s’ils y arrivaient, elle serait déjà morte. Le réchaud qu’elle a pris n’a plus de gaz. Sans possibilité de faire fondre de la neige, elle n’a plus d’eau à boire. Les premiers signes de déshydratation et d’hypothermie l'assaillent.

Un instant, elle renonce.

Puis, elle se souvient de la jeune fille fée. Se pourrait-il que ce soit Pixie ? Pourquoi n’a-t-elle jamais demandé à Teodor à quoi celle-ci ressemblait ? Elle devient folle. Voilà qu’elle croit à ses hallucinations.

Cependant, la réminiscence de sa conversation avec son rêve lui rappelle sa motivation, la raison qui l’a poussée à escalader cette montagne dans les pires conditions possibles.

Elle n’est pas venue s’abandonner à la mort. Elle est venue la combattre.

Son piolet accroche la neige. Ses nerfs électrisés la relèvent dans un mouvement sec.

 

Nanga Parbat, 4800m, 17h33, 27 janvier

L’hélicoptère fait un tour sur lui-même et repart vers la base militaire de Skardu.

Les quatre alpinistes sont là avec tout le matériel nécessaire pour le sauvetage. Les choses sérieuses vont pouvoir commencer.

Dimitri s’approche d’Adrian.

— Je peux te parler en privé ?

Ils s’arrêtent, tandis que Jakub et Pawel vont déposer leurs affaires à proximité des tentes déjà dressées.

— Ils vont nous ralentir, lâche son aîné.

— De quoi parles-tu ?

— Elle est très haute. On va devoir tracer si on veut arriver à temps. Jakub et Pawel vont nous ralentir.

Adrian reconnaît bien là le parler sans détour de Dimitri. Il est presque étonné qu’il ne lui demande pas de partir seul. L’alpiniste est connu pour être friand des ascensions en solitaire. Peut-être n’a-t-il pas une si mauvaise opinion de lui, après tout.

Jakub et Pawel n’ont ni l’endurance ni l’expérience du vétéran des huit mille mètres, c’est certain. S’ils n’arrivent pas à suivre, dans ce contexte où la moindre minute compte, cela pourrait changer l’issue de leur quête. S’ils n’arrivent pas à suivre, ils pourraient se retrouver obligés de se séparer.

Et cela, Adrian ne le veut pour rien au monde. Alors, il acquiesce et prend congé de Dimitri pour rejoindre Jakub et Pawel.

— Les gars ! On doit partir tout de suite, mais il faut préparer le matériel ici pour quand on redescendra Elfy et Teodor. Est-ce que je peux vous laisser vous en charger ?

— Oui, pas de problème ! s’exclame Jakub.

Pawel confirme d’un hochement de tête. Après tous ces mois ensemble, Adrian ne se rend compte que maintenant du respect que lui portent ses compagnons. Il sait qu’ils ont envie plus que tout de venir. Pourtant, ils acceptent sa décision avec le sourire, comme pour le décharger de leur déception.

— Merci. Vous assurez.

Adrian se retourne. Dimitri lui tend déjà son sac.

 

Nanga Parbat, 6336m, 21h47, 27 janvier

La partie de descente dans laquelle évolue Elfy est particulièrement pentue. L’alpiniste est obligée de mobiliser tout ce qui lui reste de vigilance dans chacun de ses pas.

Soudain, son crampon, trop peu enfoncé dans la neige glacée, dérape. Elle bascule. Son cœur bondit. À ce degré d’inclinaison, une erreur de ce type se paye de sa vie. Elle le sait intimement, car elle l’a déjà vu.

Son épaule frappe le sol. Elle roule une fois, deux fois, puis c’est au tour de sa tête de venir cogner.

Elle est sonnée. Son cerveau poursuit la chute. Pourtant, par miracle, elle est immobile. Allongée sur le dos et à bout de souffle, elle perd son regard dans les impénétrables volutes de brouillard que tente de percer sa lampe frontale.

Après quelques minutes, son pouls a ralenti et Elfy peut de nouveau respirer normalement. Elle se rassoit. Un plateau de taille non identifiée a arrêté sa dégringolade. Elle doit bouger. Irrigués par un sang qui charrie des glaçons, ses membres s’engourdissent. Elle prend une impulsion pour se redresser. Insuffisante. Elle retombe. Difficile de se relever sans pente pour l'aider et avec ce pied gelé qui lui donne l’impression de marcher avec un plâtre.

De dépit et de haine, elle cingle le sol de son talon anesthésié. Son bras bascule dans le vide. Sous le choc avec sa chaussure, un bloc de neige est tombé. Elle est au bord d’un précipice, peut-être une corniche prête à céder.

Elfy enlève tant bien que mal son sac heureusement très allégé, le jette sur le côté, avant de rouler à sa suite. Si elle n’avait eu ce geste d’énervement, si elle n’avait eu cette horrible gelure, elle serait probablement en bas de la falaise à l’heure qu’il est.

 

Nanga Parbat, 5573m, 22h51, 27 janvier

Adrian et Dimitri avalent les mètres comme on avale un shot de vodka. Leurs gestes sont sûrs, efficaces. Sans se concerter, ils se relaient régulièrement en tête. Ils s’assurent peu et se servent des attaches de cordes fixes dès que possible pour maximiser leur vitesse de progression.

Dimitri est déterminé et avance sans à-coups.

De son côté, Adrian vit un moment rare, une transe de douleur euphorisante. Il a mal comme jamais il n’a eu mal. La souffrance physique soigne la souffrance psychique. Dans cette altruiste et dantesque ascension, il sent son esprit qui guérit.

 

Nanga Parbat, 6020m, 1h24, 28 janvier

D’après son GPS, le camp deux devrait se trouver par ici. Elfy fouille l’obscure brume d’un regard flou. Sans succès. Il est peut-être à quelques mètres seulement. Son espoir dérisoire et insensé était d’y dénicher une recharge de gaz oubliée pour faire fondre un peu de neige. Mais, face aux infimes chances de réussite, inspecter l’ensemble de la zone lui semble insurmontable.

Alors, à bout de force, elle fait un pas de plus vers le bas.

 

Nanga Parbat, 6000m, 1h50, 28 janvier

D’après les dernières informations, Elfy devrait se trouver dans le coin. Ils ont réussi à atteindre les six mille mètres dans un temps record. Cependant, Adrian est inquiet. Lors de l'ultime point de synchronisation, l’équipe de secours lui a dit que l’altitude d’Elfy n’évoluait plus.

— Elfy ! hurle Dimitri à côté de lui.

Ils se meuvent dans une telle mélasse qu’ils pourraient passer à dix mètres d’elle sans la voir. La trace principale de la voie est invisible, ensevelie sous des mètres de neige hivernale, amenuisant encore leurs chances de rencontre. Si l’alpiniste est inconsciente, ils pourraient mettre plusieurs heures à la trouver.

— Elfy !

Un chuintement dans la nuit, le vent rugit.

— Elfy !

Un chuintement dans la nuit, le vent s’est tut.

— Là !

Dimitri se précipite, Adrian dans sa foulée. Une forme humaine à genoux dans la neige les accueille en levant faiblement les bras.

Elfy.

 

Nanga Parbat, 6000m, 2h31, 28 janvier

Ses sauveurs ont installé une tente pour deux personnes afin de la protéger des rafales assassines. Un réchaud à gaz plein de promesses fait fondre la neige dans une casserole de métal cabossée. À côté d’elle, Adrian fait infuser du thym, tandis que seule la tête de Dimitri dépasse par la fermeture éclair de leur abri trop exigu.

L’hypothermie agite le corps d'Elfy de tremblements incontrôlables.

— Il faut aller chercher Teodor, bégaie-t-elle.

Les deux hommes échangent un regard.

— La tempête arrive, entend-elle murmurer Dimitri à son compagnon.

Adrian reporte son attention sur elle.

— Est-ce que Teodor crachait du sang quand tu l’as laissé ?

— Oui. On doit se dépêcher.

Adrian se tourne de nouveau vers son partenaire. Un hochement de tête plus tard, Dimitri disparaît.

— On doit te redescendre, Elfy. On va te donner des médicaments, te réchauffer un peu et on partira.

Elfy comprend ce que cela signifie. Elle n’arrive pas à y croire. Ses yeux se ferment un instant et elle revoit ceux de Teodor.

— La gelure est sur quel pied ? la réveille Adrian.

Dans un état second, elle montre sa jambe gauche.

— On va regarder ça.

Adrian lui tend une tasse de thé fumante et, avec un doux sourire, lui dit :

— En échange de ta chaussure.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Herbe Rouge
Posté le 12/06/2023
Bonjour,

Une superbe histoire dans laquelle je me suis laissée emportée aisément. Tous les personnages sont très bien travaillés.
Tout autant le danger que l'attrait que peut avoir l'ascension d'un tel sommet sont parfaitement retranscrits, c'est vraiment chouette.
Et que "Pixie" soit réelle ou pas, qu'importe au final, elle fait de toute façon partie de cette montagne.
Gnucki
Posté le 13/06/2023
Bonjour Herbe Rouge !

Merci pour ce petit commentaire :)
J'espère que tu n'as pas eu trop froid tout là haut !
Isapass
Posté le 05/12/2020
Arrrrgggh ! J'y ai cru, pourtant ! Autant je me disais que pour Teodor c'était foutu, autant j'ai cru jusqu'à la fin qu'Elfy serait sauvée et même qu'elle ETAIT sauvée ! Mais non...
Magnifique nouvelle en tout cas : on ne doute pas une seconde de la cohérence des actions et du ressenti des alpinistes, tant les sauveteurs que les égarés. Et le sentiment d'urgence est implacable, alors même que tu n'utilises aucun "artifices" de forme pour le provoquer. C'est uniquement le timing et tes explications qui font le job.
Bref, rien à dire : c'est une nouvelle brillante, à la fois en termes de qualités "techniques" que d'émotions. Merci pour ce texte !
Gnucki
Posté le 06/12/2020
Merci d'être passée par ici, Isapass !

Je suis très heureux que tu aies eu du plaisir à te rafraîchir sur ma nouvelle. Merci pour les compliments qui me donnent de la confiance pour mes futurs écrits. :)

Et félicitations à toi pour tes 1000+ commentaires. C'est impressionnant !
Slyth
Posté le 19/11/2020
En lisant cette dernière phrase, je me suis dit que c'était foutu. Que c'était la fin pour Elfy.

Ça m'a arraché une sorte de sourire un peu nerveux. Le genre de réaction qui va de paire avec un récit fantastique, j'ai l'impression. J'aime beaucoup le fantastique d'ailleurs, ça faisait longtemps que je n'en avais pas lu !

En tout cas, j'ai été très vite embarquée dans ton récit. C'est une tension particulière qui y règne parce qu'on sent très vite que le temps presse mais, en parallèle, les personnages n'avancent que très lentement à cause des conditions extrêmes. Il y a cette impression d'être un peu piégé et de ramer pour se débattre. Ça a un côté un peu frustrant et, en même temps, ça tient vraiment en haleine jusqu'au bout.

Merci pour cette découverte en tout cas !
Gnucki
Posté le 19/11/2020
Merci d'avoir partagé ce que tu as ressenti en lisant ma nouvelle, Slyth.

Ça m'a fait très plaisir !
Liné
Posté le 18/11/2020
Bonjour Gnucki,

J'ai suivi de loin ton arrivée sur PA et tes avancées dans ton journal de bord. Et je suis ravie de découvrir ta plume à l'occasion des HO !

Cette nouvelle est efficace. Le décor est planté d'emblée, la narration se déroule en toute fluidité, les personnages sont brossés avec juste ce qu'il faut pour qu'ils existent dans cette nouvelle et seulement dans cette nouvelle. Au final, pas vraiment de chute (je ne suis pas fan du fait d'appliquer des règles de convention dans le seul but d'appliquer des règles de convention) mais une histoire qui nous tient jusqu'au bout, avec un début et une fin.

J'ai particulièrement aimé la position que tu prends sur le but de l'expédition (défier la mort, etc.). C'est un des mystères de la nature humaine que l'alpinisme illustre très bien, je trouve : ce rapport que certain-es entretiennent avec les limites, le dépassement, le défi... Tu explores ces thèmes à travers ton personnage, mais sans nécessaire trancher, ce qui est selon moi tout à ton honneur :-)

Je me suis demandé s'il ne faudrait pas décrire un peu plus les sensations physiques extrêmes (le froid, la faim...) - mais j'ai conscience d'appliquer sur ton histoire mes propres réflexes d'écriture. Et en définitive, le décor est suffisamment bien planté pour qu'on comprenne.

Dans le détail (je suis du genre pinailleuse) :

"Jamais elle n’aurait imaginé atteindre ce sommet tant convoité dans ces conditions. Dans ses rêves, il faisait plein soleil et elle pouvait voir à des kilomètres à la ronde, contempler un paysage que seule une poignée d’humains avait pu admirer." -> on peut avoir l'impression (même si le sens de la phrase est limpide) que "dans ces conditions" se rattache à "convoité" + répétition de "dans/dans".

"Normalement, elle devrait être au chaud au camp de base à l’heure qu’il est." -> J'aurais tendance à inverser : "normalement, à l'heure qu'il est..." (je trouve ça toujours plus clair et direct quand les compléments sont donnés avant le reste, comme un panneau indiquant où/quand/comment on se situe).

"Elfy a compris qu’elle va devoir passer" -> qu'elle allait devoir

"le vent s’est tut." -> tu

Merci pour cette chouette moment de lecture, et à bientôt par ici ou sur le forum !
Gnucki
Posté le 19/11/2020
Salut Liné !

Merci d'être venue faire un petit tour par ici !

"J'ai suivi de loin ton arrivée sur PA et tes avancées dans ton journal de bord. Et je suis ravie de découvrir ta plume à l'occasion des HO !"
Je ne pensais vraiment pas qu'un de mes textes serait aux HO ! Surtout après si peu de temps. Merci MariKy !
À ce propos, félicitations pour tes nombreuses nominations aux HO. J'irai y découvrir la tienne !

"Je me suis demandé s'il ne faudrait pas décrire un peu plus les sensations physiques extrêmes (le froid, la faim...) - mais j'ai conscience d'appliquer sur ton histoire mes propres réflexes d'écriture."
Je l'aurais probablement fait si j'avais été dans une façon d'écrire plus classique pour moi (ie. avec beaucoup de temps devant moi) ! Là, comme je devais écrire en cinq heures (sans bêta avec une relecture à l'arrache) ce que je fais normalement en vingt (sur un mois avec bêta et multirelectures), je pense que je me suis instinctivement concentré sur l'action en elle-même.
Après, si tu es une vraie fan des longues descriptions des états d'âme ou des sensations, il est probable que je n'en aurais pas fait assez quand même. ;)

Merci pour ce gentil commentaire et pour les petits conseils stylistiques et corrections bien utiles.

"Merci pour cette chouette moment de lecture, et à bientôt par ici ou sur le forum !"
À bientôt sur un de tes textes ! ;)
itchane
Posté le 07/11/2020
Bonjour Gnucki !

J'ai beaucoup aimé ce récit qui est dans la pure tradition fantastique de la littérature française, avec le doute qui perdure sur la présence ou non d'un élément magique qui pourrait être simplement psychologique : )
J'aime beaucoup retrouver ce schéma dans tnouvelle, j'ai l'impression de retrouver mes cours de français du lycée ♥
itchane
Posté le 07/11/2020
(mon message a été coupé suite à une fausse manip', je continue ici)

J'ai été happée par l'ambiance de la montagne et les enjeux de vie et de mort, j'ai trouvé que cela fonctionnait super bien. Effectivement, Adrian arrive peut-être un poil tard, mais cela ne m'a pas trop gênée non plus dans le sens où le faire apparaitre plus tôt serait un peu spoiler sur le fait que la première team va avoir besoin d'être sauvée... donc cela a du sens de faire apparaître le sauveur un peu plus tard il me semble. C'est un équilibre difficile à trouver.

J'ai beaucoup aimé la relation entre Adrian et Dimitri, le fait que l'un a tellement mauvaise estime de lui-même qu'il est convaincu d'être détesté par celui qu'il admire, Dimitri, alors qu'en fait ce dernier reconnait tout de même son niveau et son talent. C'est vraiment assez beau je trouve.
C'est une psychologie de personnage subtile que j'ai beaucoup appréciée : )


Comme d'autres plumes je n'ai pas été toujours très sûre de la façon dont Elfy communique pour en savoir plus sur l'hélicoptère ou pour donner sa position, c'est sans doute évident quand on connait le milieu de la montagne mais en grande ignorante, je n'ai pas bien compris par exemple comment Adrian et Dimitri savent qu'Elfy est d'abord descendue puis ensuite n'a plus bougé ?

Dans le détail du texte j'ai relevé trois petites formulations étranges :
• "s'échappent de derrière" > ce "de de" n'est pas très élégant à l'oreille, je pense qu'il y aurait matière à le faire disparaître pour une formulation plus fluide
• "plus mystique qu'à l'habitude" > cela m'a fait bizarre, je ne sais pas bien si ça se dit, plutôt "que d'habitude" ou "qu'à l'accoutumée" non ? À vérifier ^^
• "Elfy a compris qu'elle va devoir" > instinctivement j'aurai mis "qu'elle allait devoir", mais je ne sais pas si ce n'est pas juste moi, il faudrait vérifier la concordance des temps pour trancher ^^"

Pour le reste, bravo pour cette nouvelle que j'ai beaucoup aimé ! ♥

Gnucki
Posté le 12/11/2020
Salut Itchane !

Désolé pour le petit délai de réponse !
Merci beaucoup d'être venue lire mon texte. :)

"J'ai beaucoup aimé ce récit qui est dans la pure tradition fantastique de la littérature française, avec le doute qui perdure sur la présence ou non d'un élément magique qui pourrait être simplement psychologique : )
J'aime beaucoup retrouver ce schéma dans tnouvelle, j'ai l'impression de retrouver mes cours de français du lycée ♥"
Oui, c'est du fantastique "à l'ancienne". Bien vu. ;)

"J'ai beaucoup aimé la relation entre Adrian et Dimitri, le fait que l'un a tellement mauvaise estime de lui-même qu'il est convaincu d'être détesté par celui qu'il admire, Dimitri, alors qu'en fait ce dernier reconnait tout de même son niveau et son talent. C'est vraiment assez beau je trouve.
C'est une psychologie de personnage subtile que j'ai beaucoup appréciée : )"
Je suis vraiment content que leur relation t'ait plu. C'est vraiment ce que j'ai essayé de transmettre.
Tu es la première personne à m'en parler. Jusqu'ici, je pensais que c'était un peu raté.

"Comme d'autres plumes je n'ai pas été toujours très sûre de la façon dont Elfy communique pour en savoir plus sur l'hélicoptère ou pour donner sa position, c'est sans doute évident quand on connait le milieu de la montagne mais en grande ignorante, je n'ai pas bien compris par exemple comment Adrian et Dimitri savent qu'Elfy est d'abord descendue puis ensuite n'a plus bougé ?"
Elle a une sorte de téléphone satellite qui lui permet de communiquer avec son ami en charge des opérations de secours (jusqu'à ce qu'elle manque de batteries).
À vrai dire, avant que vous me le disiez, je ne m'étais pas du tout rendu compte que j'avais omis cet aspect de la nouvelle. ^^'

"Pour le reste, bravo pour cette nouvelle que j'ai beaucoup aimé ! ♥"
Merci, Itchane, ça me fait très plaisir. Et merci pour ton commentaire (ainsi que les petits conseils stylistiques) ! :)
MariKy
Posté le 04/11/2020
Eh bien, il me faut une couverture supplémentaire après la lecture de cette nouvelle !
C'est un récit haletant que tu nous proposes, la tension monte de paragraphe en paragraphe. J'aime beaucoup l'alternance de point de vue entre Elfy et Adrian qui ajoute un suspens supplémentaire. Bref, j'ai dévoré du début à la fin.
Je m'attendais à une touche de fantastique plus prononcée mais j'étais tellement plongée dans la survie d'Elfy que l'apparition de Pixie ne m'a pas plus intriguée que ça. Dans le contexte du récit, où tu amènes beaucoup d'informations plus scientifiques, j'ai plutôt lu ce passage comme une hallucination. Ce qui ne lui enlève aucune qualité, j'ai adoré :)
Gnucki
Posté le 05/11/2020
Salut MariKy !

Merci beaucoup d'être venue lire ma nouvelle et de m'avoir laissé un petit commentaire. :)

C'est du fantastique "à l'ancienne" : est-ce une hallucination ou Pixie existe-t-elle vraiment ? Il y a un doute sur le côté surnaturel.
Ton interprétation est donc tout à fait valide !

En tout cas, je suis très content qu'elle t'ait plu.
Raza
Posté le 26/10/2020
Bonjour !

Je ne sais pas quelle profondeur de commentaire tu as envie d'avoir, mais je parie sur un détaillé.
Ce n'est que mon avis, et j'espère être constructif, n'hésite pas à me dire si je fais fausse route. :)

J'ai beaucoup aimé le côté vivant, cette force du combat entre la vie et la violence de la montagne, c'est bien rendu.
L'histoire est haletante, car trop courte pour qu'on se lasse, mais assez longue pour qu'on se pose des questions sur la survie.
L'aspect "fantastique" m'a plu, mais c'est peut-être un faible personnel pour ce genre de chose. :)
Un point sur lequel je suis plus mitigé, le style très scientifique. Parfois c'est trop exposé (ex qui me gène: À moins quarante degrés, avec des rafales frôlant les cent kilomètres-heure, la moindre bribe de peau exposée peut geler en une dizaine de minutes. Moins si le milieu est humide comme ce nuage de microgouttelettes dans lequel ils évoluent depuis quatre heures du matin.), parfois c'est d'une justesse merveilleuse (ex que j'aime:Après le cerveau, c’est le tour des poumons. Du liquide noie ses alvéoles. L’injection de dexamethasone a fait effet un temps, lui a permis de retrouver assez de vigueur pour arriver jusqu’ici, mais il est de nouveau proche de l’arrêt.)
Ensuite, l'introduction du nouveau personnage m'a perturbé, car elle arrive (mais ce n'est que mon impression) assez tard.
Une petite broutille, c'est les noms Elfy et Pixie qui m'amènent dans un univers qui n'a rien à voir avec l'histoire.
Enfin, si je devais retenir un seul point à améliorer, c'est les dialogues, qui manquent de cette force du reste du récit (ce n'est que mon avis, bien sûr).


Je te fais ici une liste de détails qui m'ont interpellé à la lecture. Pour les clichés, leur présence ne gêne pas en soi, mais si tu les remplaces ça peut donner plus de force.
Cette liste est dans l'ordre du texte (enfin j'espère):

- je m'attendrais à ce que la phrase "tu vois, c'est Pixie" soit quelque chose comme "voilà mon visage, Pixie", vu l'explication qui est donné plus bas.
- cliché : pêcher par prudence
- ils n'ont pas de bouteille d'oxygène ? (je ne me serais pas posé la question si tu n'en avais pas parlé)
- pourquoi dangereuses gouttes ?
- pourquoi son coeur qui accélère lui fait penser à sa manière de respirer ?
- pourquoi elle doit descendre "récupérer" l'hélicoptère ?
- "ils sont heureux" je pense que je n'ai pas besoin d'expliquer :)
- Elle apprend les nouvelles de l'hélicoptère par radio ?
- cliché : purée de pois
- j'ai eu du mal à comprendre ce qui se passe dans le paragraphe qui contient "Si elle n'avait pas eu ce geste d'énervement"
- avalent les mètres comme on avale un shot de vodka : l'image m'a paru étrange, puisque il n'y a qu'un seul shot, alors qu'il y a plusieurs mètres.
- le personnage d'Adrian n'est pas assez développé pour que j'achète que son esprit "guérisse" (en gros, il ne m'a pas paru si malade).
- Ils se connaissent ? l'emploi du prénom me paraît étrange, mais quand j'y réfléchis, je me dis que c'est bien ce qu'ils feraient, donc je ne sais pas.
- typo : le vent s'est tu (sans t)
- j'imagine qu'ils vont l'abandonner, mais j'ai l'impression d'en être moins sûr qu'Elfy.
Gnucki
Posté le 27/10/2020
Bonjour Raza !

Et merci d'être passée faire un tour sur ma nouvelle pour ce commentaire détaillé. :)

"Un point sur lequel je suis plus mitigé, le style très scientifique. Parfois c'est trop exposé"
Tu as tout à fait raison. À la vitesse où j'ai écrit la nouvelle, j'avoue ne pas avoir pu me préoccuper de la finesse d'exposition. Ça fait un an que j'ai écrit ce texte et l'exposition est une des choses que j'ai le plus travaillée depuis.
Merci d'avoir mis le doigt dessus, en tout cas, et d'avoir précisé ce que tu aimais et ce qui te semblait trop mécanique.

"- ils n'ont pas de bouteille d'oxygène ? (je ne me serais pas posé la question si tu n'en avais pas parlé)"
Ils grimpent en style alpin, donc sans bouteilles d'oxygène. C'est ce qui a provoqué le drame, mais c'est aussi ce qui fait l'intensité du défi.

"- pourquoi dangereuses gouttes ?"
eau + -40°C = glace très très rapidement

"- pourquoi son coeur qui accélère lui fait penser à sa manière de respirer ?"
Dans la zone de la mort (au-dessus de 7800m en gros), il est extrêmement compliqué de respirer. Il faut un contrôle de son effort physique maximal pour ne pas s'asphyxier.
Pour la référence: David Breashears, un alpiniste a dit (alors qu'il utilisait pourtant de l’oxygène en bouteille) qu'il avait l’impression de “courir sur un tapis roulant et de respirer à travers une paille”.

"Elle apprend les nouvelles de l'hélicoptère par radio ?"
Elle a des contacts réguliers avec son contact qui a lancé l'opération de secours. En relisant, je me rends compte que cet aspect est peut-être trop implicite sur le début de l'histoire.

"Si elle n'avait pas eu ce geste d'énervement"
C'est pourtant un point important pour l'aspect fantastique. Il faut que je le rende plus clair.
En gros, si elle n'avait pas enlevé sa chaussure auparavant, elle n'aurait pas eu le pied gelé, n'aurait donc pas tapé la neige avec et ne se serait pas rendu compte qu'elle était au bord du précipice.
Sa rencontre (ou son hallucination suivant l'interprétation) lui a donc probablement sauvé la vie.

"avalent les mètres comme on avale un shot de vodka"
Ouch ! La comparaison n'est vraiment pas top, effectivement. :D
Pour le coup, au passage, c'est un peu un gros cliché sur les Polonais, j'admets (souvenir d'un mariage là-bas ^^').

"- le personnage d'Adrian n'est pas assez développé pour que j'achète que son esprit "guérisse" (en gros, il ne m'a pas paru si malade)."
Tu n'es pas la première à me le dire. Je sais que cet arc est plus faible que l'autre. En deux jours, je n'ai pas pu avoir le recul nécessaire sur ce point. Cependant, je n'ai toujours pas de solution aujourd'hui pour améliorer ça...
C'est probablement le plus gros point noir de la nouvelle, j'en suis conscient.

"- Ils se connaissent ? l'emploi du prénom me paraît étrange, mais quand j'y réfléchis, je me dis que c'est bien ce qu'ils feraient, donc je ne sais pas. "
J'imagine qu'ils se sont déjà croisés, car les alpinistes de l'extrême ne sont pas si nombreux. Cependant, même si ce n'est pas le cas, c'est le genre de communauté où on se tutoie de prime abord.

"- j'imagine qu'ils vont l'abandonner, mais j'ai l'impression d'en être moins sûr qu'Elfy."
Teodor est, selon toute vraisemblance, mort depuis un moment déjà. L'équipe de sauvetage a réalisé un exploit exceptionnel en montant aussi rapidement. Grimper 1200m de plus sans connaître le lieu exact où se trouve Teodor et avec une chance infime qu'il soit encore vivant (et infinitésimale qu'il puisse redescendre avec eux), ne servirait à rien (et les mettrait eux-mêmes en grand danger). Aider Elfy à descendre va déjà représenter un effort conséquent, vu son état.
Elfy le sait très bien au fond d'elle. Elle ne l'avait pas encore accepté consciemment, car elle avait besoin de l'espoir de sauver Teodor pour continuer à avancer.

Merci, Raza. Ton commentaire m'a vraiment permis de confirmer les points forts, mais surtout les points faibles de la nouvelle. Quand j'aurai un peu de temps pour la reprendre, ça me sera d'une grande utilité. :)
Au passage, je lisserai un peu stylistiquement pour enlever les derniers accrocs.
Rachael
Posté le 19/10/2020
Hello Gnuki,
J'ai lu un certain nombre de récits de montagne, et je trouve le tien tout à fait à la hauteur. On sent le froid, le danger, le vent, la mort qui s'approche. Franchement, ça m'épate que tu n'aies jamais fait d'alpinisme, parce que c'est très réaliste (j'ai une petite expérience moi-même, mais rien de si extrême). Il manque peut-être l'aspect "matériel" d'alpinisme, mais ce "manque" ne dessert pas tellement ton récit, puisque tu te focalise plus sur le ressenti de ton personnage.
Ca montre une fois de plus que l'écriture peut tout...
Bravo !

un mini détail : "le sang s’épaissit tellement..." d'après tout ce que j'ai pu lire sur le mal des montagnes, le sang n'épaissit pas...
Gnucki
Posté le 20/10/2020
Salut Rachael et merci pour le petit commentaire !

Je suis très heureux que le texte paraisse crédible d'un point de vue alpinisme ! Le crédit en revient surtout aux textes et interviews que j'ai pu lire et qui m'ont inspirés. C'est un sport d'une rare intensité, je pense.
Vu que tu en as fait, tu dois pouvoir confirmer. :)
Quels sommets as-tu grimpé ?

Pour le sang qui s'épaissit, j'avais trouvé l'information dans des articles sur la "zone de la mort" :
- https://kairn.com/altitude-quest-ce-que-la-zone-de-mort-et-comment-y-survivre/
- https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/06/12/au-dessus-de-7-000-metres-on-arrive-dans-la-zone-de-la-mort_1716908_3216.html
J'admets ne pas avoir challengé l'information plus que ça et ne pas savoir dans quelle mesure ce phénomène participerait au mal des montagnes. :)
Rachael
Posté le 20/10/2020
D'après ce que j'ai lu modestement de mon côté, il me semble qu'il n'y a pas complètement concensus sur les phénomènes physiques liés au mal des montagnes, mais, bon, je t'avoue que je n'ai pas creusé plus que ça...

J'ai fait quelques longues voies d'escalade en montagne dans les Alpes (du côté des aiguilles rouges vers Chamonix), et des sommets faciles dans les écrins (j'avoue que j'ai oublié les noms... le râteau je crois et un autre), des sommets divers dans les Pyrénées (carlit, mont perdu, pic du midi d'Ossau), mais c'était plus de la rando qu'autre chose.
Côté haute altitude, j'ai testé la montée vers le camp de base de l'Everest et fait un sommet trèèès modeste qui donne une vue d'enfer sur l'Everest (le kala patthar, à 5600 m). C'est de la rando, mais l'altitude, ça fait bizarre quand même... la première nuit à 5000, tu ne dors pas.
J'ai arrêté un peu tout ça après avoir eu ma fille... Je confirme que c'est intense, et quand même bien risqué, de par le milieu de la haute montagne qui est intrinsèquement dangereux (rochers qui tombent, météo qui peut se dégrader vite, chamois qui te font tomber des pierres sur la tête, etc...), sans même parler de la haute altitude.
Je continue l'escalade, c'est moins risqué !
Gnucki
Posté le 20/10/2020
Ça doit déjà être bien sympa d'approcher tout ça !
Pareil, j'en suis à l'escalade en salle pour le moment ^^'

Merci encore pour ton commentaire et ton avis d'alpiniste amatrice. :)
Elka
Posté le 19/10/2020
Salut !
Ton JdB m'a guidé ici et je ne regrette pas, quelle nouvelle ! Le froid est arrivé jusqu'à moi (fort heureusement, j'étais parée avec mon plaid). Tu dis que c'est une histoire vraie, tu es alpiniste ? Il y en a tout cas une réelle maîtrise du sujet. Des équipement, certes, mais surtout de l'urgence, des risques, des souffrances. Si c'est un sport/métier que tu pratiques, ça se sent ! Sinon... Ben, chapeau bas.
Finalement, la présence de cette Pixie est presque anecdotique, mais le lien avec la fin fonctionne parfaitement.
J'ai pris un grand plaisir (glacé) en lisant ta nouvelle. Bravo à toi !
Gnucki
Posté le 19/10/2020
Merci beaucoup, Elka, pour ce commentaire qui est mon premier sur Plume d'Argent. :)

Je n'ai jamais approché l'alpinisme de prêt ou de loin. En revanche, c'est une discipline qui me fascine quand elle touche à ces extrêmes. J'ai lu pas mal d'articles pour essayer de comprendre les motivations de ces explorateurs et ce qu'ils peuvent vivre dans leurs périples.

En ce qui concerne l'histoire vraie qui sous-tend le texte, c'est celle d'Elisabeth Revol : https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/elisabeth-revol-plus-haut-plus-vite-plus-fort-12-la-montagne-tueuse
Donc, pas trop de mérite pour le scénario.
Le « Je vais crever bientôt plus de batterie » est un SMS vraiment envoyé (si ma source n'est pas erronée), par exemple. Pixie, la chaussure, ne sont pas non plus de pures inventions de ma part.
Cette tragédie m'a inspiré un mélange de sentiments d'une intensité rare. J'avais envie d'écrire ma version de ce récit pour, quelque part, y participer et ressentir encore plus loin cette émotion.

En tout cas, je suis très content que la nouvelle t'ait plu ! :)
Vous lisez