Broderies

Notes de l’auteur : Ce premier texte était contraint en taille, et au thème "Broderie(s)"
Je me suis vite dirigée vers une interprétation un peu libre...
Premier jet 2017
Réécriture 2022

— Bonjour, je suis madame Lesaget, j’ai rendez-vous avec le commissaire Zweigart.
— Un instant je vous prie…
L’agent d’accueil tourne les pages d’un registre.
— L comme Lionel, E, S comme Sophie, A, G, E, T. Comme Thierry.
Le policier opine, décroche son téléphone et pianote quelques touches.
— Monsieur le commissaire. Votre rendez-vous est arrivé.
Il raccroche et me tend un badge.
— Suivez-moi.
Je le suis dans le dédale de couloirs blanc impersonnels du commissariat, parfois rendue plus morose encore par un portrait officiel ou une affiche de prévention. Il frappe à une porte, ouvre sans attendre de réponse de l’intérieur, et annonce « Votre brodeuse est arrivée ». Il y a du mouvement à l’intérieur, et plusieurs personnes en uniforme sortent sans me regarder, avec des mines diverses.
Le policier me tient la porte, et j’entre dans une salle de réunion qui, malgré une tentative manifeste d’apporter de la couleur par d’autres portraits, de groupe cette fois, reste aussi glaciale que les couloirs qui y mènent. Je m’approche du drapeau français monté sur une hampe en bois foncé, et en observe le tissu, un peu par déformation professionnelle.
La porte claque derrière moi.
— Mme Lesage, asseyez-vous je vous prie, me dit un autre policier, grisonnant et l’air fatigué. Merci d’avoir fait aussi vite.
Il me tend des photographies.
— Reconnaissez-vous ceci ?
Je regarde un instant les photographies, dont les motifs me parlent immédiatement.
— O- Oui bien sûr, ce sont des reproductions de broderies célèbres… c’est du beau travail, quel est le support ?
— De la peau.
Je repose précipitamment les photographies sur le bureau en face de moi, l’estomac au fond de la gorge. Pourquoi avais-je été convoquée ?
— Que puis-je faire pour vous aider ? Je suis brodeuse pour une maison de luxe, pas médecin légiste.
— Laissez-moi vous exposer la situation, dit le commissaire en étalant les photos, que je m’efforce de ne pas vraiment regarder.
— La première photographie date du mois dernier. La victime est une jeune femme, trouvé dans une ruelle du centre ville. Le cadavre est couvert de broderies. A croire qu’une jeune adepte des modifications corporelles aurait donné son corps à l’art. On a même cherché un peu dans cette direction, jusqu’à ce qu’on nous signale un deuxième corps, il y a trois semaines. Mêmes conclusions, sauf qu’il s’agit d’un homme d’une quarantaine d’années. Depuis, deux autres corps se sont ajoutés à la liste. Le seul point commun entre les victimes, c’est la broderie.
— Euh… Ils étaient vivants quand…
Je m’interromps, inquiète que ma soudaine curiosité morbide n’entraîne le commissaire à se faire des idées.
— Tout est post-mortem.
— Dieu soit loué.
Je restai un instant figée, comme fascinée par le sublime fragment de sashiko qui couvrait l’épaule de l’une des victimes.
— Voulez vous les voir de plus près ?
— Grands Dieux non ! Je me contenterai des photos. Et si vous avez, des échantillons de fils…
Le commissaire opina.
— De combien de temps avez-vous besoin pour nous transmettre un rapport ?
— Si ça vous convient, je peux vous envoyer mes notes demain matin, je terminerai le rapport avant vendredi.
— Bien, vous pouvez retourner chez vous. Je passerai vous apporter le dossier d’ici une petite heure. Nous comptons sur vous pour ne pas parler de tout ceci.
— Oui, je comprends…
— Mon collègue va vous raccompagner à votre voiture, dit-il en se levant et en me tendant la main.
Je lui tends la mienne également et serre les dents pendant qu’il me brise les doigts. Prenant mon sac à main, j’emboîte le pas au policier de l’accueil qui m’attends devant la porte.
Sur le parking, je frotte mes tempes pour chasser ma migraine et démarre ma Twingo. J’attends d’être loin du commissariat pour téléphoner à Sonia. Cette cruche savait tout avant tout le monde, par un miracle que je ne m’expliquai pas. Inversement, si on voulait prévenir quelqu’un, il fallait prévenir Sonia.
— Salut Béa ! Ça va ?
— Bizarre. Tu te souviens que je devais aller au commissariat ? Eh ben je te dis pas. Ils ont un fou furieux qui tue des gens pour broder !
— Attends, toi aussi tu as été convoquée ?
— Comment ça moi aussi ?
Je remontai la fenêtre pour faire cesser le courant d’air glacé dans ma nuque.
— Ils ont demandé à Janice et Seb aussi.
Finalement, il vaut mieux ne pas rentrer chez moi. Je file à la planque faire disparaître les preuves.

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arcadius
Posté le 12/11/2023
Salut,

Ce texte est intéressant, mais je vais faire une remarque similaire à un point de la précédente, cela semblerait plus logique si le policier détaillait ce qu'il attends dans le rapport : Des détails sur le choix des motifs ? Cela semble illogique, pas besoin de formation en histoire de l'art pour avoir un poste de brodeuse, non ?Donc à moins de mentionner qu'elle a aussi cet expertise là... Le type de point ou le style d'exécution ? Cela me semble plus pertinent, surtout si on suppose que c'est un microcosme où "tout le monde connait tous le monde". De la même façon, la contrainte de longueur n'existant plus, si tu as l'occasion de retravailler ce texte, il serait peut-être préférable de ne pas "sauter" directement sur la demande de rapport, dans la mesure où elle ne semble savoir ce qu'elle fait là. Commencer par mentionner qu'ils ont besoin de son expertise (potentiellement de façon indirecte par l'agent d’accueil).

En revanche, je n'avais pas supposé que ses collègues était ses complices, seulement qu'elle s'inquiétait que quelqu'un finisse par reconnaître son travail s'il continuait d'interroger d'autres "expert" du domaine. La théorie "les carottes sont cuites" ne tient pas, s'il la soupçonnait sérieusement, soit il ne la laisserait pas repartir, soit ils la suivraient pour avoir plus de preuves, mais il serait alors imprudent de se précipiter à sa planque pour détruire celle-ci (en supposant qu'elle est conscience du piège).
Camille Octavie
Posté le 02/02/2024
Bonjour,
Tout ce que tu dis es très juste :) merci ! Les mini-textes sont vraiment compliqués je trouve
Arty
Posté le 19/04/2023
Sympa :)
J'avais aussi compris comme EBeckouel au début. Je pensais qu'ils étaient tous de mèche.
On ne comprend pas vraiment sinon pourquoi elle appelle son amie. On dirait que c'est pour lui faire comprendre qu'ils sont sur leurs traces, sans en faire trop au cas où elle est écoutée. On ne comprend pas vraiment non plus ce que le policier attend d'elle. Mais bon, c'est normal que ce soit le cas, comme tu fais limitée en taille de texte.
Camille Octavie
Posté le 19/04/2023
Bonjour :)
Elle appelle pour faire vivre les rumeurs du "groupe" de femmes, mais elle se rend compte que c'est pas juste un coup au pif, que la police a déjà entendu les autres, et que si elle est dernière c'est probablement que c'est "trop tard", elle est grillée et il ne reste qu'à faire disparaître les preuves ^^'.

Merci pour le retour, manifestement c'est pas clair mon bidule haha !
EBeckouel
Posté le 30/03/2023
Histoire bien menée. Un peu étonnant que cette histoire de tueur un peu détraqué soit le fait d'un collectif de tueurs. Ca ressemble plus au "travail" d'un unique tueur. Quelques fautes : "couloirs blanc impersonnels", "parfois rendue" (dédale), "jeune femme, trouvé", "du centre ville", "qui m’attends",
Camille Octavie
Posté le 30/03/2023
Bonjour :)
Merci pour ce retour ! C'est une très vieille histoire, depuis j'ai acheté Antidote, quand j'aurai terminé ma réécriture de ma saga je ferai ici un bon coup de propre :)
Pour ce qui concerne les autres brodeuses, en réalité elles ont été convoquées et entendues, parce que toutes sur la liste de suspects. Elles ne sont pas coupables.
Grâce à ta lecture je sens que c'est pas clair, je vais réfléchir à comment mieux expliquer cela
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