Je termine une énième partie d’un jeu vidéo à la mode. Je commence à en avoir marre de tuer des zombies. Je balance la manette dans le canapé et je regarde autour de moi.
Je suis seul, comme chaque soir, dans cette immense demeure bien trop grande pour moi. La saison recommence dans trois jours. Plus question pour moi de sortir le soir avec mes coéquipiers. Je sais m’amuser mais je sais rester professionnel aussi.
Mon regard se pose sur le magazine qui traîne sur la table basse face à moi. Je déteste me voir en photo. Pourtant, je n’ai pas le choix. Cela fait partie du job, comme dirait mon agent.
Je grimace : ils auraient quand même pu choisir un autre cliché. J’ai l’air furax et, avec le montage réalisé, on dirait que je vais me jeter sur Austin Milford, le playboy des Black Panthers de Rochester[1].
Notre rivalité n’est un secret pour personne. C’est un bon attaquant, je ne le nie pas. Mais c’est un gamin qui a grandi en croyant que tout lui était dû. Son père est milliardaire. Il a investi dans la télévision, le cinéma, la cyber sécurité, les yachts de luxe, l’élevage de chevaux, le high tech, les réseaux sociaux, l’immobilier, les laboratoires médicaux…
À seize ans, Austin possédait déjà cinq voitures de sport, toutes des modèles de collection. Tandis que moi, je bossais dans les champs pour aider mon père. Le contrat juteux qu’il a signé avec Rochester, alors qu’il n’était même pas majeur, a fait jaser dans le milieu. Personne n’était dupe. Ce n’était pas pour ses qualités footballistiques et ses résultats qu’il avait été engagé.
Contrairement à lui, j’en ai bavé pour devenir titulaire à Charleston. Même si j’ai eu un peu de chance. J’ai été repéré par le coach de l’université de la ville lors de la finale du championnat national, que j’ai remportée avec mon équipe du lycée. Nous n’étions pas les favoris et je n’étais pas le meilleur joueur sur le terrain.
Mais je voulais ce titre et je voulais fuir loin de mes parents et de leur ferme. Alors, j’ai joué ce match comme si c’était le dernier. Je m’arrachais sur chaque ballon, chaque passe, je courais partout, je rendais dingue mes adversaires.
Et puis il y a eu ce coup franc, deux minutes avant la fin du temps règlementaire. Le gars qui les tirait habituellement avait été remplacé et personne n’avait envie d’être son suppléant.
J’ai décidé de prendre mes responsabilités. Je me suis concentré comme jamais. J’ai pris de l’élan, j’ai frappé de toutes mes forces et j’ai suivi du regard le ballon, comme si je pouvais lui donner la force nécessaire de tromper le gardien adverse.
Le temps semblait suspendu. Tout le monde retenait son souffle. Et puis, il y a eu une explosion de joie dans les rangs de nos supporters. Mon but a été élu plus belle réalisation de la saison.
Je me rappellerai de ce moment toute ma vie. Mes coéquipiers se sont précipité sur moi et moi…je chialais comme un gosse tellement j’avais du mal à réaliser que je venais d’offrir le premier titre national à mon lycée.
Suite à cet exploit, j’ai obtenu une bourse et c’est ainsi que, soulagé, j’ai enfin quitté le Kansas pour la Caroline du Sud. Moi, le gamin du Midwest, je me suis retrouvé perdu dans la jungle universitaire. À force de travail, de courage et de volonté, je suis parvenu à m’imposer et à obtenir le très convoité poste de capitaine d’une équipe de MLS.
J’aurais pu ne jamais débuter de carrière professionnelle à cause d’une stupide blessure lors de ma dernière année d’études. J’avais manqué les dernières semaines de la saison et je savais que les recruteurs des clubs pros ne me verraient pas jouer. J’avais déjà enterré mes rêves de gloire et je réfléchissais à ce que j’allais faire de ma vie lorsqu’un courrier était arrivé. Mon coach croyait en moi et il avait fait le forcing pour que je rejoigne les Tornados, l’équipe de Major League de Charleston[2].
Mon histoire, mon parcours, c’est tout le contraire d’Austin Milford. Voilà pourquoi je ne le supporte pas. Il n’a jamais dû se battre pour obtenir ce qu’il désirait. Lorsqu’il est entré à l’université, il a bénéficié d’un horaire aménagé pour s’entraîner avec l’équipe première de Rochester. Toutes les femmes sont à ses pieds, les sponsors lui mangent dans la main et les médias se délectent de ses frasques. Sans compter que, sur le terrain, il est d’une arrogance épouvantable. Même ses propres équipiers ne l’apprécient pas. Il traite tout le monde comme de la merde. Alors, forcément, voir qu’un simple fils de fermiers lui vole depuis six ans le titre de meilleur joueur du championnat, ça ne lui plait pas.
Notre rivalité date de nos débuts. Notre tout premier match opposait nos équipes respectives. J’ai marqué le but de la victoire tandis qu’Austin était exclu pour m’avoir craché au visage. Depuis, les tensions entre nous n’ont cessé de croitre. À chaque match entre nos deux équipes, il essaye de croiser mon chemin le plus possible pour tenter de me faire tomber.
Lors de chaque gala, de chaque cérémonie protocolaire, lors de chaque évènement auxquels nous participons, il s’arrange pour ne jamais se trouver loin de moi et fait en sorte que j’entende toutes ses remarques déplacées à mon égard.
Il ne se passe pas une semaine sans qu’il ne poste un commentaire incendiaire sur ses réseaux sociaux. Mon agent ne supporte pas que je répondre à ce crétin via mes propres comptes mais c’est plus fort que moi. Je n’accepte pas d’être insulté en permanence et que mes capacités soient remises en cause par ce connard fini et ses proches. Sans compter que l’équipe de communication bâtie autour d’Austin a le chic pour balancer de fausses rumeurs à mon sujet au moins une fois par mois. Alors, non, je refuse de rester les bras croisés.
Et le hasard a voulu que le premier match de la saison soit Charleston contre Rochester. Je secoue la tête : j’ai mieux à faire que de penser à ce qui m’attend sur le terrain samedi soir.
Je saisis mon smartphone et consulte à nouveau un article sur un site internet dont j’ai vu passer quelques publicités sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas mon genre de fonctionner de la sorte mais je commence à en avoir marre de tomber sur les mauvaises personnes. N’y a-t-il donc personne sur cette planète qui soit capable de m’apprécier pour ce que je suis ?
Je n’aurais jamais dû acheter cette putain de maison. Son seul avantage est d’être située dans un quartier hautement sécurisé où les journalistes ne peuvent pas pénétrer. Moi, je ne désirai qu’une petite maison toute simple. Cependant, mon agent n’était pas d’accord. Selon lui, je devais vivre dans une propriété de luxe en phase avec mon statut de célébrité. L’appartement en colocation des premiers mois n’était plus une option. J’ai accepté, à contrecœur. Mais ce n’est pas pour cela que je dépense mon fric sans compter. Je sais d’où je viens.
À nouveau, je me concentre sur ce que je lis. Si cela a marché pour certains, pourquoi pas pour moi ? BeYourself[3] se veut être un site fiable, sérieux et qui annonce que huit membres sur dix finissent par trouver l’amour grâce à leurs services. Ils promettent une expérience authentique et une plateforme qui permet aux célibataires de se découvrir à leur rythme sans craindre de tomber sur un faux profil.
Bordel, est-ce que je suis réellement en train de songer à m’inscrire sur un site de rencontres ?
[1] Club de soccer fictif
[2] Club de soccer fictif
[3] Site de rencontres fictif
Comme promis je commente ! Mais bon j'ai pas plus à dire qu'Ella, excellente analyse si je peux me permettre d'ailleurs. :) Ne te décourages pas !
Je viens de mon plonger dans ton récit et il est encore un peu tôt pour que j'en émette un avis digne de ce nom. Néanmoins, je peux déjà dire que je le trouve fluide et d'actualité, que ce soit les réseaux, le matérialisme, la concurrence ou les sites de rencontres...
Je me demande s'il ne va pas y rencontrer son "ennemi" sans savoir que c'est lui... et en tomber amoureux...
A suivre...
Mes remarques:
-" avant la fin du temps règlementaire", réglementaire.
- Mes coéquipiers se sont précipité", précipités.
-"de ma dernière année d’études. J’avais manqué les dernières semaines ", redondance.
-"Notre rivalité date de nos débuts. Notre tout premier match opposait nos équipes. Depuis, les tensions entre nous n’ont cessé de croitre. À chaque match entre nos deux équipes, il essaye de croiser mon chemin le plus possible pour tenter de me faire tomber", trop de "nos", "notre" et redondance avec équipe.
-"que je répondre à ce crétin via", réponde.
-"sur les mauvaises personnes. N’y a-t-il donc personne sur cette planète qui soit capable de m’apprécier pour ce que je suis ?", redondance "personne".
-"je ne désirai qu’une petite maison", désirais.
Au plaisir,
Ella