La nuit était sur le point de tomber quand Newton et Rubie regagnèrent le cottage. La camionnette de Stuart n’était pas encore garée dans l’allée et, quand Newton passa une oreille par la chatière, il s’assura qu’aucun bruit ne trahissait la présence de Winnie. Tout n’était pas perdu, mais le temps leur était compté. Dès que l’obscurité aurait gagné du terrain, nul doute que les citrouilles feraient leur entrée en ville pour semer le chaos.
Les deux amis firent un crochet par le jardin où ils libérèrent Mercotte du poulailler.
— Ça sent la mission à plein nez ! s’enthousiasma la poule en leur emboîtant le pas.
Alors qu’ils longeaient le potager, Newton, qui n’avait jamais aussi bien porté le nom de lapin bélier qu’alors, donna un coup de tête dans la bêche plantée au milieu des choux. Les vibrations de l’outil métallique se répandirent sous leurs pieds et, bientôt, un petit monticule de terre se forma, duquel Molly émergea.
— Pile à l’heure. Rendez-vous au point de ralliement ! Lui adressa Newton.
Lorsqu’ils pénétrèrent dans le salon, le détective se mit à taper le plancher à l’aide de sa patte arrière. Quelques secondes plus tard, l’un des tableaux qui ornait le mur bascula sur le côté. Par un trou dans la brique que dissimulait la peinture, le museau de Robbert apparut.
— Tu m’as sonné ? Demanda le rat cambrioleur.
— J’ai un casse pour toi, répondit le lapin.
Dans le même temps, Rubie avait sauté sur le guéridon. Après avoir ouvert la fenêtre, celle-ci s’était mise à miauler à plusieurs reprises, parfois longuement, puis par à coups. Sparrow se posa bientôt sur l’accoudoir du canapé.
— Sa-sa-sa-lut la com-com-pagnie ! piailla le moineau.
Newton grimpa sur le divan afin d’organiser la suite des évènements :
— Bien. Les amis, l’heure est grave. Comme vous avez pu le constater, Bernie n’a pas perdu la tête. Pourtant, la réalité n’est pas telle qu’elle semble être.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? Demanda Mercotte les ailes croisées sur sa poitrine.
Rubie sauta du guéridon et s’avança vers la petite troupe.
— Les citrouilles ne sont pas revenues à la vie. Elles sont possédées, mais par des esprits… pas malins du tout !
Newton acquiesça.
— Ce sont les écureuils.
Robbert se gratta le menton.
— Des écureuils en forme de citrouilles, malin.
— En quelque sorte, confirma Newton. On vous expliquera en route, car il ne nous reste plus beaucoup de temps.
Newton déhoussa les coussins du canapé sur lesquels il avait l’habitude de se prélasser.
— Sparrow, Mercotte, annonça-t-il, vous irez au verger derrière l’église. Là, vous ramasserez autant de pommes et de noisettes que possible. Vous aurez besoin d’aide. Sparrow, tu penses pouvoir rameuter les grives ?
— S-s-s-sans p-p-p-problème ! bégaya le moineau. Elles m’en d-d-d-doive une !
— Penser bien à ramasser le filet qui sert à ramasser les fruits ! J’en aurais besoin pour la suite de mon plan. La remorque se trouve dans la remise, continua Newton, satisfait. Quand elle sera pleine, Mercotte, tu l’attacheras au tracteur et tu la conduiras au centre du village. C’est dans tes cordes ?
— C’est un vieux tas de ferraille rouillé, mais rien n’est impossible à celui qui sait faire fonctionner son réseau… argua avec mystère la poule.
— Parfait. Rubie, Molly, vous venez avec moi. Robbert, nous allons avoir besoin de tes talents de brigand, expliqua le détective en lui présentant les housses des coussins qu’il tenait maintenant comme des sacs vides.
— Laisse-moi prendre quelques outils, et l’affaire est dans le sac, déclara le rat qui, en plus du sens des affaires, avait celui de la formule.
Les rues de Bibury étaient désertes. La lumière poudrait sous les portes des petites maisons en pierres mitoyennes. Newton, Rubie, Molly et Robbert se trouvaient sous la fenêtre de la première chaumière de la rue. Au-dessus de leurs têtes, posée sur le rebord en brique, une citrouille au regard facétieux attendait d’être allumée.
— Comme vous le savez, la cargaison de sucreries en provenance de la confiserie n’a jamais été livrée. Applebye a beau être le seul fabricant de bonbons de toute la région, cela ne veut pas dire que les habitants ne possèdent pas quelques vestiges d’Halloween dernier.
— Attends, ne me dis pas que tu veux que je subtilise les sucreries à des enfants ?
Newton donna un coup de menton affirmatif. Entre ses omoplates, Molly hoqueta de surprise.
— Je veux que tu voles les bonbons avant les écureuils ! Ajouta le détective.
— Désolé mon vieux, mais ça, ça va à l’encontre de mon code d’honneur ! s’offusqua le rat.
— Depuis quand les rats cambrioleurs refusent un casse ? questionna Rubie tout en léchant sa patte avant.
Newton se rapprocha du rat.
— Robbert ! Écoute-moi ! Nous devons agir avant que les enfants ne sortent pour leur tournée. Sinon, les citrouilles se jetteront sur eux pour leur voler leur maigre butin ! S’il n’y a rien à voler, ils les laisseront tranquilles. Tu comprends ?
Le rat arqua un sourcil.
— J’ai tout prévu. Ce n’est pas parce qu’il n’y aura pas de bonbons que la fête sera annulée. Halloween aura lieu, Robbert, fais-moi confiance !