Causalité 1

Par Limalh

Aux confins extrêmes des méandres spatiaux, parmi toutes les galaxies existantes, une a été scellée puis rendue imperceptible. De cette manière, la Créatrice de l’univers veilla à ce que l’entité monstrueuse qui y fut emprisonnée ne soit jamais dérangée. Voici le premier point de causalité de cette épopée, chevauchant fougueusement le continuum espace-temps. Bien avant ce fait, ce coin du cosmos regorgeait d’une magie pure, qu’aucune autre zone de la création n’égalait. Puis l’abominable péché fut commis...

Chapitre I : Amour, Pomme et Serpent !

 Paramisse demeura le premier corps céleste de l’univers, à s’être vue confier par la mère, la responsabilité de formes de vie pensante. Ses progénitures se divisaient en trois espèces : sorcier, Elfe et Sirène. Cette civilisation ayant abordé son âge d’or depuis quelques millénaires se complaisait tant dans sa quiétude, qu’aucun d’entre eux ne soupçonnait l’existence du deuxième continent.

Cette vaste étendue, rendue invisible par les huit cloches dorées de Karistal l’entourant, arborait le nom d’Éden. Chaque espèce habitant la galaxie, qu’elle soit intelligente, sauvage ou végétale, provient de ce lieu enchanté empli de trésors qui te paraîtraient fabuleux. Ce sanctuaire de la vie était devenu si commun et solitaire à celle qui en était la Gardienne, que son seul désir restait de le fuir.

 À la nuit tombée, comme à son habitude, la geôlière du Néant s’assura que le sortilège emprisonnant la mortifère créature ne comportait aucune faille. Durant le trajet de retour, à travers les mille et une variétés de fleurs composant le jardin, il lui sembla distinguer un lointain gémissement.

« Je commence à devenir folle, efforcée de solitude », pensa-t-elle

 Cela faisait des milliers d’années qu’elle veillait sur son paradis ! Seules les créatures célestes détenaient le privilège d’observer et de pénétrer l’enceinte du jardin. Néanmoins, jamais l’un d’eux n’y posa la pointe du pied !

 Un autre cri se fit entendre ! Il n’était plus question pour la belle Elfe aux cheveux argentés de douter de sa santé mentale. De son regard chakratique pourpre, elle ordonna à la nature de se taire...

 De nouveau, des pleurs retentir. Pour obtenir une vue d’ensemble du vaste domaine coloré, la geôlière invoqua son pouvoir de gravité. Positionné dans les airs, son esprit vogua à travers son territoire. Elle finit par percevoir à quelques mètres de l’arbre au fruit argentin (fournissant l’éternité), un landau de bois blanc ! En moins d’une seconde, grâce à sa vitesse elfique, elle franchit les kilomètres la séparant de l’enfant. Elle resta envoûter par son magnifique regard chakratique, or, signe que la mère l’avait touché de sa délicatesse. Le bambin au bras, la Gardienne s’évapora d’une simple pensée.

 Arrivée dans sa villa, elle se préoccupa dans un premier temps de soulager les besoins impérieux du bébé. Une fois langée et repue, elle l’installa douillettement au milieu du lit. La nourrice improvisée examina de plus près le morceau de tissu enrobant le garçon. Dans la poche de la doublure, elle remarqua une enveloppe à son attention. Le cœur de la geôlière s’accéléra. Sans réellement savoir pourquoi lorsqu’elle l’ouvrit, ses mains se mirent à trembler.

Yamina Siriki, geôlière du Néant.

Je te confie l’un de tes futurs descendants, mon fils Kieran. L’apprentissage que tu lui fourniras est primordial pour la survie de l’univers.

Comme toi, on m’a désignée Gardienne. Tu comprendras assurément par ta fonction que les tâches qui nous sont déléguées dépassent ce que nous pouvons révéler. Dans un avenir

lointain, le trésor que je t’abandonne sera amené à assurer ta relève.

Prends soin de mon bébé.

Les années défilant, elle finit par devenir une mère poule pleine d’amour pour ce petit être qui légua sa solitude au rang de souvenir. Conformément aux instructions de la lettre, elle enseigna son art à Kieran. Plus que doué, lorsqu’il aborda l’âge adulte, l’apprenti avait assimilé tout le savoir de son professeur.

 L’existence au sein de ce merveilleux jardin pesait au jeune homme, qui rêvait d’aventure et de découverte. La vision des terres Paramissiene grouillante de vie, et de nouvelles expériences captivait son âme. Malgré les recommandations et mises en garde de sa mère adoptive, sa curiosité l’incita à visiter les espèces exceptionnelles peuplant la planète ; dont il désirait ardemment devenir l’un des rouages.

 De péripétie en mésaventure, il finit par croiser la route de la magnifique Lyana, sorcière guérisseuse d’un modeste village longeant les eaux pourpres de la mer Mystique. Au premier regard, il en tomba follement amoureux. Pendant plusieurs semaines, il se déplaça quotidiennement jusqu’à la chaumière de sa belle afin de lui déclarer sa flamme. Malheureusement, sa timidité le poussait à rebrousser chemin.

 Ce matin-là, afin de refaire son stock de potions, Lyana sortit plus tôt qu’à l’accoutumée. Kieran arriva au moment où elle franchissait le seuil de sa porte. Pris de panique, il se terra derrière les immenses tonneaux renfermant les litres d’hydromel, entreposés en vue des festivités du solstice d’été, prévues dans les jours à venir. Elle emprunta la direction de la forêt. L’instinct de l’amoureux transi lui intima l’ordre, d’emboîter le pas à la plus belle personne de l’univers.

 Sous l’œil attentif de Kieran, dissimulée derrière un fourré de ronces, la jeune femme s’adonnait à sa cueillette de gui, valériane, menthe, orties et tilleul. Quand jaillissent d’un buisson, deux individus recouverts de longues capes camouflant leurs visages. Celui endossant la tenue rouge, engourdit la sorcière d’une pichenette de magie sur le front. Son complice, revêtant la verte, positionna la guérisseuse sur son épaule droite, de la même manière que l’on chargeait une botte de foin…

 D’une poussée de chakra doré, ils regagnèrent les hauteurs de la forêt. La rage au ventre, Kieran s’élança à son tour tel un preux chevalier, prêt à risquer sa vie pour sauver sa princesse. Une course effrénée s’engagea. Bien que les kidnappeurs disposèrent de quelques secondes d’avance, Kieran, élevé par une Elfe, n’eut aucun mal à les rattraper.

 Le chaperon rouge projeta une vague d’air, esquiver avec facilité par l’apprenti gardien. Le capuchon vert installa Lyana sur une large branche, puis l’attaqua. Son point qu’il avait transformé en métal vint rencontrer la joue de Kieran. S’il ne lui avait pas conféré la robustesse du Karistal au dernier moment, ce n’était pas la main de son adversaire qui se serait brisée lors du contact, mais bien sa mâchoire.

 Voulant en finir promptement, c’est par le truchement de son esprit qu’il ordonna à la flore environnante de se saisir des brigands. Pourchassés par les lierres, ronces et autre plante reconnaissant l’autorité de l’apprenti Gardiens, les deux individus fuirent sans exiger leur reste. Une fois certain que les ordures aient bien déserté, Kieran la prit dans ses bras. D’une seule pensée, il la conduisit, jusqu’à sa chaumière. Pendant de longues heures, il la veilla avec une patience qu’il ne se connaissait pas. Lorsqu’elle émergea de son sommeil, il ne put s’empêcher de lui demander d’une voix suave :

— Vous portez-vous bien, belle demoiselle ?

— Parfaitement. Merci de m’avoir sauvée. Pourquoi m’espionnez-vous, noble sorcier ?

Il était indubitable que la façon de se tenir du jeune homme empourpré ainsi que son phrasé délicat ne revêtait rien de commun avec le patois local.

— Dans un souci d’honnêteté, je dois avouer que je vous observe depuis fort longtemps. Votre regard m’a envoûté le jour où nous nous sommes croisés pour la première fois. Je me prénomme Kieran.

— Je reconnais que vous m’attirez vivement, Kieran. Je vous ai également remarqué. J’attendais avec impatience que vous m’abordiez.

— Remercions donc ces brigands, car sans eux, je ne suis pas certain que j’en aurais éprouvé le courage.

 Sans se poser de questions, les deux jeunes gens toujours tremblants d’émotions ; se rapprochèrent puis s’enlacèrent pour échanger un timide baiser. À la seconde où leurs lèvres se rencontrèrent, leurs âmes furent liées à jamais. Une lumière soyeuse blanchâtre les enveloppa, et dans les bras l’un de l’autre, ils s’endormirent paisiblement. Les mois s’écoulèrent et l’attachement de nos tourtereaux s’épanouissait. Le tandem éprouvait le besoin de vivre plus que de simples rendez-vous clandestins. Malgré le peu de temps qu’ils avaient passé ensemble, la certitude que leur passion serait éternelle s’imposa. L’unique souhait du couple était de fonder une famille.

La magie de l’amour symbiotique demeure une chose rarissime et indéfectible, qui permet à deux entités de n’en former qu’une seule.

**  

La Gardienne du néant s’affairait à examiner les sécurités énergétiques enserrant l’arbre majestueux de la connaissance, lorsqu’elle sentit distinctement la présence familière de son apprenti.

— Mère, je dois vous entretenir d’un choix fondamental et je ne reviendrais pas dessus. Je vous en informe uniquement, en gage de respect.

 Yamina, pour l’avoir déjà vécu dans son passé lointain, maîtrisait parfaitement les effets de ce lien de l’esprit qui voulait que chaque moment séparé de sa moitié se transformât en pure souffrance du corps.

— Je t’écoute attentivement, mon enfant...

Sa voix était brisée par les conséquences découlant de cette conversation.

— Lyana emménage au sein d’Éden. Cela me permettra d’assurer mes futures fonctions ainsi que ma destinée, sans avoir à sacrifier mon âme sœur.

— Bien, comme tu le souhaiteras, Kieran. Quand va-t-elle nous rejoindre ?

— Dès demain. J’irai la récupérer au coucher du soleil à l’entrée de son village.

— Je m’occupe de veiller à son installation. Ne t’inquiète pas.

Le fils adoptif l’enlaça durant de longues minutes. Ce qu’il ne remarqua pas, c’étaient les larmes silencieuses de sa mère.

— Je te laisse terminer de tester les sécurités. Il se trouve que j’ai fort à réaliser pour sa venue.

 La geôlière se précipita dans la salle aux vitraux. Ce chef-d’œuvre, ouvragé de ses mains, racontait l’histoire de sa grande passion d’antan, qu’elle s’était vu sacrifier au profit de sa destinée. Il était hors de question que son fils affronte l’expérience du chagrin d’amour et se retrouve, un jour, séparé de ces enfants, comme cela l’avait été pour elle.

 Elle s’assura que toutes les issues étaient condamnées. La gardienne sélectionna dans son immense collection de livres celui s’intitulant Grimoire des Siriki. Au-dessus du tome regroupant le savoir de son clan, elle croisa d’abord le majeur et l’index, les replia et finit par former un cercle avec le pouce.

— Ouvre-toi au passage du sortilège de Gaudium. Il s’exécuta, faisant défiler ses pages à une vitesse telle qu’un vent souffla dans la pièce.

 Le procédé était plus rudimentaire qu’elle ne l’avait pensé. Il suffisait de graver à l’aide de son sang l’identité de la victime à damner sur une pierre de Karistal, puis de la laisser brûler dans un feu vif. Yamina se mit à l’œuvre sur le champ. Une fois la roche dans les flammes, elle entama la formule maudissante.

— J’implore l’esprit de la mort ! Iblisse ! Roi des Djinns, viens à moi et anéantis cette âme.

Un tourbillon de fumée bleutée se révéla face à la Gardienne, une voix aux consonances démoniaques retentit au cœur de la manifestation.

— La geôlière de mon père, quelle surprise ! Si même les gens de ton genre m’invoque... Pour satisfaire ta demande, il y a un coût ! Es-tu prête à sacrifier ta vie ?

— Pour préserver mon garçon du malheur, je te la donne immédiatement !

— Parfait ! Tu disposes encore de temps, avant que je vienne récupérer ton âme. Ne t’inquiète pas,.. je passe toujours cherché mon due !

***  

Kieran réjouit de la nouvelle, ne put patienter jusqu’au lendemain pour l’annoncer à sa fiancée. À l’instant où il franchit son vortex, il fut pris d’un malaise. Il en décela aussitôt la source. Lyana était au plus mal ; son âme appelait la sienne à l’aide.

 Il se précipita dans la chaumière de la guérisseuse, il y retrouva Lyana allongée au sol, vomissant un sang aussi noir que du charbon. La couleur anormale révélait qu’elle était victime d’une malédiction. Une voix d’outre-tombe résonna :

— Ta mère a ordonné son sacrifice, il te reste une chance de la sauver ! Vas-tu la saisir, Kieran Darck ? Pour ce faire, il te suffit de lui octroyer une bouchée d’une des succulentes pommes de ton jardin.

 Perdant sa lucidité, ce dernier s’empara de sa future épouse et fonça dans son vortex. Il débarqua au pied de l’arbre de la connaissance, Yamina s’y trouvait !

 Kieran ne put contenir sa rage. Avant qu’elle n’ait l’occasion d’articuler un mot, il plongea avec force sa main dans le thorax de la traîtresse. Elle le regarda avec un étrange soulagement ! Puis avec un sourire morbide, il lui extrait l’organe. Durant quelques secondes, coincer dans sa paume, le cœur chaud continua de pulser. C’est avec nonchalance, qu’il le balança au milieu d’un parterre de rose de cristal bleuté. Le corps s’affala sur l’une des racines émergeant de la prison.

 Fou de douleur, il en avait oublié la première règle d’Éden : ne pas tuer en son sein. De ce fait, le premier sceau retenant le chaos fut rompu. Par la suite, il brisa le deuxième en croquant à pleines dents l’irrésistible fruit rouge, il en préleva un fin morceau qu’il glissa entre les lèvres de son amour. Cette dernière fut aussitôt enveloppée d’un cocon de chakra laiteux.

 Juste avant l’explosion du jardin et conformément aux instructions de la créatrice de l’univers, qui avait orchestré tout cela : j’expédiais la Villa ainsi que Lyana sur Terre par le biais d’un vortex interplanétaire. En attendant sa nouvelle vie : qui cette fois-ci, se déroulera dans sa véritable époque d’origine. Pour ce faire, je contins l’âme du trépassé Kieran dans une fiole, avant qu’elle ne rallie l’entre deux mondes.

Je t’assure que la libération du Néant et toutes les souffrances qu’elle engendra demeurent un mal nécessaire à la réalisation de la création.

Suite à sa dévastatrice attaque de Paramisses, le peu de survivants restant fut conduit sur ta planète.

Leurs descendants y vivent secrètement, au sein d’une cité invisible, au cœur du Sahara !

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