Une fois rassuré sur moi-même, je pus me consacrer à mon bain. Alors que je me dirigeais vers la baignoire, je me retournais une dernière fois vers le miroir faisant retomber une mèche de cheveux sur mon œil dans le mouvement (façon Jaclyn Smith dans le générique de Drôles de dames, je la trouvais incroyablement sexy quand elle faisait ça et je voulais essayer de le faire au moins une fois et vu que je n’avais jamais eu les cheveux longs, je n’avais jamais eu cette opportunité. J’étais plutôt contente du résultat). Ah ! J’avais oublié l’essentiel, je n’avais même pas observé mon visage, je ne suis pourtant pas genre d’homme à ne pas regarder une femme dans les yeux. Pensez-y, messieurs, quand vous serez avec un membre de la gente féminine et ceux qui me diront « pour quoi faire ? » n’ont le droit qu’à mon mépris.
Dans la voiture, hier soir, je m’étais dit que mes morceaux de visage n’étaient pas si mal (c’était il y a de nombreux chapitres, comme le temps passe quand on s’amuse). Voyons l’ensemble pour la première fois. Alors, suis-je vraiment mignonne ? Et bien, je n’étais pas moche, c’était indéniable. Je pouvais même dire sans me vanter que j’étais plutôt pas mal. Bon, je suis de parti pris, j’adore les rousses. On en reparlera dans 10 ans, (ou 5 ? Non, 5, ça ne sera pas encore assez, au moins 6 ans, le temps que tu aies l’âge légal, qu’est-ce que je raconte ? Je n’ose pas croire que j’ai écrit ça à voix haute) ma petite, pour l’instant, tu ne m’intéresses pas. Je retrouvais donc ses cheveux roux tombant sur mes épaules, mes yeux, mon nez, ma bouche et même deux oreilles. Tout allait bien, tout était là. Comprenez qu’à côté d’une fille comme ma sœur, il y avait de quoi être complexée. Mieux valait que je ne continue pas l’examen, j’allais me trouver des imperfections (comme cette petite cicatrice au dessus de l’œil gauche qui coupait mon sourcil en deux) et je finirais par me faire les points noirs sur le nez. En conclusion, je me plaisais suffisamment pour ne pas maudire mon sort. Aucun point commun avec moi-même en tout cas, mis à part la couleur des yeux, mais bon, il fallait bien établir un lien karmique entre elle et moi. Et maintenant, l’eau !
J’y plongeais d’abord le bout des doigts. L’eau était parfaite, juste un peu trop chaude, comme je l’aime (j’étais aussi content qu’elle n’ait pas refroidi le temps que je tergiverse). Je m’assis sur le bord de la baignoire et pivotai sur mes fesses, présentant ainsi en premier la partie la plus sensible de mon corps. Quand ma jambe blessée entra en contact avec l’eau brûlante, j’eus de la compassion pour toutes ces pauvres frites suppliciées à l’huile bouillante. Au bout d’une bonne minute à me mordre le doigt pour ne pas hurler, je m’habituai à la température et achevai de m’immerger.
La première fois, ce fut la première fois depuis ce changement de corps et d’époque que j’arrivais à me détendre, seul (bien que le transfert ne datait que d’hier). Le stress de ces deux jours s’envola en même temps que les bulles. Enfin tranquille, sans personne pour me solliciter : ma mère, Véronique, Camille, le Docteur, ma sœur. Pas besoin de jouer les amnésiques tout en glanant des informations pour m’adapter. Tout analyser : ne pas rire, ne pas pleurer, comprendre (Spinoza, vestiges de mon lointain et très médiocre bac de philo). Je ne pensais qu’à moi, qu’à me fondre, qu’à sentir la crasse physique et mentale s’écouler le long de ma peau et quitter mon esprit. Il ne manquait que quelques bougies parfumées, le verre de champagne (pas pour le boire, je déteste l’alcool, juste pour l’image) sur le bord de la baignoire et la chanson de Barry White.
Puis, je pris ma respiration et mis ma tête sous l’eau. Je distinguais, étouffés, le clapotis de l’eau, la formation et l’éclatement des bulles de savon, la voix de Maman, les bruits de porte, … Par la surface, perçait la lumière au plafond qui se déformait et une silhouette se détacha sur le côté. Je voulus crier sous la surprise mais je manquais de me noyer et fis une immersion d’urgence. Alice, accoudée au bord, me dit avec simplicité :
« Ca va, t’es pas morte…
- Mais qu’est-ce que tu fais là ? criai-je presque en tentant de ramener la mousse sur moi pour préserver ma pudeur (il n’en restait plus beaucoup d’ailleurs, j’étais là-dedans depuis combien de temps ? Je me cachai donc la poitrine avec les bras).
- Ne fais pas ta timide, c’est ridicule, on s’est déjà vues nues…
- Peut-être, mais c’est différent maintenant. Tu as frappé avant d’entrer ?
- Ouais, mais tu n’as rien entendu vu que tu jouais au poisson ! »
Elle alla se planter devant le miroir et, après s’être inspecté la face, commença à se déshabiller.
« Mais qu’est-ce que tu fais ? m’affolai-je en me tournant vers le mur.
- Tu me gaves ! Je vais prendre une douche, on a une douche ET une baignoire, je te ferai remarquer.
- Non, tu ne peux pas !
- C’est quoi ton problème ? Tu ne vas pas te remettre à faire la loi ici, ça marche avec Maman, pas avec moi ! »
Elle s’était approché de moi et me menaçait du doigt et, plutôt que de continuer à subir son soutien-gorge exhibé sous mes yeux, je repris mon examen du mur. Elle sembla s’en contenter et, une fois que j’entendis la porte de la cabine de douche se fermer et l’eau couler, je tirais la chaîne de la bonde et j’entrepris, aussi vite que mon état me le permettait, de me sécher, de mettre les sous-vêtements et le pyjama neuf mis à ma disposition (J’appréciais. J’ai toujours détesté rester en pyjama toute la journée, cela me donnait l’impression de macérer dans ma saleté). Alice fredonnait Come as you are alors qu’elle se lavait. Comme je ne savais pas combien de temps elle mettrait, je négligeais le séchage de mes cheveux, me contentant d’un coup de serviette et de peigne en arrachant les nœuds qui s’étaient formés. Je sortis en réussissant l’exploit de ne pas jeter un œil vers la fille qui prenait sa douche.
« Ton bandage, m’intercepta Maman à la sortie.
- J’avais oublié. (Evidemment, avec toutes ses distractions !)
- Il faut faire bien attention, mon chat, pour que ça guérisse bien… »
Et me revoilà à culpabiliser, qu’il est dur d’être une gentille fille !
Je m’assis sur le canapé et elle s’occupa de mes soins. Une nouvelle fois, je constatais son habilité à cette opération et je me risquais à la questionner à ce sujet :
« Ca ne fait pas mal du tout (mensonge), où as-tu appris à faire ça ?
- J’ai travaillé à l’hôpital où tu es restée. Comme j’étais infirmière, cela faisait partie des choses qu’il fallait que je fasse pour les patients.
- Ca veut dire que tu as arrêté. Pourquoi ?
- Et bien… La naissance d’Alice n’a pas été simple et j’ai décidé de me consacrer à elle. Et puis, tu es arrivée aussi et c’est là que j’ai su que je voulais m’occuper de vous deux et juste de vous. »
Elle me racontait cela d’une voix faible et mélancolique, je n’osais pas lui demander d’approfondir.
Et là, un bruit inattendu ! Qu’était-ce ?
A : Rien, j’ai rêvé
B : La porte d’entrée
C : Un débarquement extra-terrestre
D : La réponse D
Prenez votre temps pour réfléchir. N’hésitez pas à appeler un ami au besoin. Je sais que c’est difficile.
Bravo à ceux qui ont répondu la réponse B, vous avez le droit de lire la suite. Pour ceux qui ont choisi C, je comprends votre déception, j’en ferai peut-être l’objet d’un épisode hors-série, mais je dois avouer que le récit prendrait un tour assez étonnant. Je devrais peut-être le faire…
Le temps de Cerise, Partie 2 : Cerise dans l’espace
Non, non, non… Je vous ai promis un récit fidèle, je m’y tiendrai.
Donc, la porte d’entrée s’est ouverte, des extra-terrestres l’auraient fait exploser, donc tout est logique. Ma mère se leva pour accueillir le visiteur dont j’ignorais tout à fait l’identité. Une énorme masse verte apparut. Oh ! Putain, je le savais, Ils viennent pour moi, Ils vont extraire mon cerveau et étudier le phénomène extraordinaire que je représentais. Et Elle parla :
« Cécile ? Tu peux m’aider ? fit une voix d’homme (la Chose était mâle).
- J’arrive ! »
Aider à quoi ? Maman est complice ? Je vous préviens, vous ne m’aurez jamais vivant ! La chose entra, elle était énorme, c’était un sapin.
« Un sapin ? m’exclamai-je.
- Ca, c’est la voix de ma fille ! fit l’arbre. »
Il progressa peu à peu dans l’entrée et, à son extrémité, il y avait un homme. Je le savais, bien sûr, vous ne croyiez pas sincèrement que je pensais me faire enlever par ET.
Mes parents (oui, c’était le père de Cerise, le dernier membre de cette maisonnée à apparaître dans le récit) installèrent cet élément indispensable à des Noëls festifs dans le coin qui devait être traditionnellement le sien d’après les photos trouvées précédemment.
L’homme mystérieux (comme dans toutes bonnes histoires quand un personnage important arrive, ce Papa portait un long manteau couvert de gouttelettes de pluie et un chapeau couvrant une partie de son visage : j’ai rarement connu un tel suspense jusqu’à ce qu’on apprenne qu’à la fin de Sixième Sens, Bruce Willis était mort depuis le début. Je vous en prie, c’est, depuis le temps, le secret le plus éventé de toute l’histoire du cinéma, un gag récurrent. Vous ne le saviez pas ? Dommage, le film aurait été sympa à voir) repartit vers l’entrée pour se mettre à son aise, il me fit une brève caresse sur la tête en passant à côté de moi. Il déposa son manteau et son chapeau sur le porte-manteau, dos à moi (j’admirais son sens de la mise en scène). Mille spéculations traversèrent mon esprit. Voici la première : comme Maman ne m’avait pas encore parlé de lui (ou si peu), il devait être agent secret (je vous préviens avec mille spéculations, il y en aura forcément certaines qui seront un peu tirées par les cheveux, même si je ne pense pas que vous vous attendiez à ce que la première le soit). La deuxième : Pourquoi dissimuler son visage ? Balafré à la guerre, il ne voulait pas m’effrayer par son horrible apparence. Troisième : A la fin du film, on apprend qu’il est mon père !
Il en reste 997, ne partez pas : il faut que je vous parle des reptiliens, d’un culte païen, d’un officier nazi en fuite ou d’un caniche nain. Attendez, je sais que je me rapproche de la vérité. Mais ce que j’allais découvrir dépassait de loin tout ce que ma folle imagination m’inspirait (Enervant, hein ? Je vous sens trépigner devant le bouquin. Si vous avez pris la version eBook, vous avez sûrement quitté pour lancer un solitaire en attendant la suite. Tiens, si je finissais le chapitre maintenant. Mieux, mieux, je finis le livre ici et vous devrez attendre un an ou deux la sortie du prochain tome. En y pensant bien, pourquoi faire ça et frustrer des milliers de lecteurs ? Ou 3… Au passage, coucou, Maman ! Elle a probablement acheté le livre pour me faire plaisir. Tout ça pour quoi, en fait ? Oui ! Mon père, enfin ce père, celui de Cerise, car comme je l’ai brièvement exposé le mien est décédé depuis quelques années dans des circonstances bien particulières que je vais vous exposer tout de suite : c’était par un jour ensoleillé de juin et je… Bon, d’accord, j’arrête. Vous n’êtes pas drôle, vous savez ? Je me mets en quatre pour vous concocter une histoire aussi passionnante qu’amusante et vous… Vous fermez le livre ? NON, STOP, j’arrête, je ferme la parenthèse ! Promis ! Voilà !). Rassuré ? Reprenons.
A ce moment, je vis que…
Mais je laisse passer de justesse grâce à la petite scène de bain ( les bougies, Barry White et j'espère avec beaucoup de mousse même si ce n'est pas écolo).
C'est osé de finir le chapitre par une phrase coupé avec trois petits points. Ca marche clairement, après je ne pense pas qu'il faille utiliser ce procédé trop souvent^^
Encore un chapitre à la fois intéressant et drôle. Cerise peut enfin savourer un moment seule à elle. On découvre aussi son père, qu'on va sans doute pouvoir mieux découvrir avec les fêtes prochaines de Noël. Je suis curieux d'en apprendre plus sur lui, pourquoi il est assez peu présent à la maison.
J'ai bien aimé le passage sur les réponses a, b, c, d et la disgression sur les extraterrestres.
Mes remarques :
"vers le miroir faisant retomber" -> en faisant ?
"je ne suis pourtant pas genre d’homme" -> le genre ?
Un plaisir,
A bientôt !