C'est con un cierge

Hier soir, j’étais boulevard du Montparnasse. Je revenais d’un magasin où le vendeur m’avait dit, au
détour d’une phrase :
« -Vous savez, si vous y croyiez pas, ça risque pas d’arriver. » Ce mantra m’a soufflée. Elle a eu un tel
écho en moi que je suis persuadée qu’on en a perçu la vibration jusqu’en haut du sacré cœur. C’est vrai
ça, j’y croyais plus. Mon espérance incandescente s’est éteinte depuis quelques temps. J’avance à tâtons,
sans savoir où ni pourquoi, et je crois bien que je tourne en rond. Mes tâtonnements m’ont conduit à
Saint-Germain. J’ai poussé la porte massive de l’église. J’avançais jusqu’au chœur. Je vis le Christ sur
la croix, les bras en l’air ballants, il me regarda en soupirant :
« -Qu’est-ce que tu fous là toi ? ». Je ne sus pas quoi lui répondre, je détournais les talons et alla voir sa
mère, qui serait sans doute plus clémente. La vierge brillait, auréolée de dizaines de cierges. C’est con
un cierge. Les fidèles l’allument et leurs enfoncent des tiges en métal dans le cul. Ils se consument tout
en se faisant sodomiser. Ils acceptent leurs sorts, et ont même le culot d’être rayonnants. Si je me
sodomiser devant la vierge, je peux vous assurer que je ne rayonnerais pas. Je m’assis sur le petit banc
inconfortable (ils n’ont décidemment aucune considération pour les fessiers ces curés – cul raie- je suis
d’humeur blasphématoire ce soir). Une génuflexion fit tinter le fonds de mes poches. Quelques pièces y
avaient trouvés refuges. J’en introduisis une dans une fente et embrasa la mèche d’un cierge. Celui-ci
échappa un râle rauque lorsque la base en pointe pénétra la cire. Tiens, un cierge moins con que les
autres. Celui-ci brûlait d’une larme. Elle était pâle et aqueuse, mais oscillait bien comme les autres. Un
cierge pleureur. Je me dis qu’un tel miracle valait bien une petite prière. Les yeux clos, je fus témoin du
vide abyssal de mes entrailles. On percevait encore l’écho émit par le vendeur de tout à l’heure. C’est
dingue d’être aussi creux. C’est triste aussi. Peut-être est-ce pour ça que mon cierge n’est pas coiffé
d’une flamme comme les autres. Je ne savais pas quoi dire au bon Dieu moi, déjà que son fils m’a fait
un accueil glacial y’a pas un quart d’heure... Je pourrais le remercier, mais de quoi ? J’ai une vie de
merde. Même un caillou a une vie plus palpitante. Il lui arrive d’être coincé entre les rainures d’une
chaussure et de parcourir le monde. Je pourrais lui demander de ne plus avoir une vie de merde. C’est
pas mal ça. Je voudrais une vie de bulle. Une bulle de savon soufflée par un enfant à une fête
d’anniversaire, un soir de juin. Je flotterais en l’air, dans une légèreté enivrante. Je refléterai des rayons
lunaires, et atteindrais des sommets sous les applaudissements des mains qui s’élèveraient vers moi.
S’élever sous les ovations enfantines, voilà ce que je veux. Ma prière achevée, je constatais que la larme
n’était plus nichée sur sa mèche. Je la cherchais d’abord par terre, en quête d’une petite flaque sur les
dalles froides. Mais non, rien de ce genre sur le sol. Un espoir s’empara de mon corps jusqu’alors

désespéré. Je levais les yeux, et vis qu’une rondeur sublime se hissait jusqu’à la voute étoilée de Saint-
Germain. Remplis de sensations riches, je l’applaudis.

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