Chapitre 1

Elle fut éblouie par la lumière intense. Cela la sortie de sa rêverie. La radio grésilla un instant, puis la musique se fit entendre plus clairement alors que la voiture sortait du tunnel dans l'obscurité de la nuit.

Avec elle se trouvait Bernard G. et Caroline D. Bernard conduisait et Caroline parlait. Elle, elle écoutait d'une oreille distraite les bavardages de cette covoitureuse banale et pensait en même temps à ce qu'elle laissait derrière elle. 

Alexie avait vingt-et-un ans et n’était pas très grande. Son regard gris était rempli de curiosité. Elle portait ses cheveux châtains mi-long en dégradé. Sa bouche ne s’ouvrait que pour dire le fond de sa pensée. Elle avait hérité du nez de sa mère : petit et en trompette. Jeune fille simple, elle regardait le paysage par la fenêtre, les arbres qui se découpaient dans la nuit et les étoiles qui brillaient, perçant le ciel noir de petits trous lumineux.

Elle quittait enfin le cocon familial pour vivre sa propre vie et surtout sa passion. Depuis toujours elle avait voulu devenir hôtesse de l'air, voyager dans le monde entier, parler des langues étrangères, découvrir de nouvelles cultures. Ses parents l'avaient incitée à faire une classe préparatoire aux grandes écoles de commerce. Alexie avait fini par passer le concours d’hôtesse de l'air sans les prévenir. Reçue, elle avait été obligée de l'annoncer à ses parents et, les mettant au pied du mur, avait pris son billet pour les États-Unis où elle allait dans une université qui formait des hôtesses et des stewards.

_ Et toi Alexie, tu vas où à Paris ? 

C'était Bernard. Le chauffeur de la Mercedes grogna sur le trafic parisien avant d’écouter la réponse de la jeune fille.

_ À Charles De Gaulle. 

_ Oh c'est là que je vais aussi, quel avion prends-tu? 

Caroline s'était retournée pour parler à Alexie avachie sur la banquette arrière. Celle-ci se redressa non sans réprimer un soupir face à la familiarité de la jeune femme assise devant elle.

_ Je vais à New York. 

_ Mais c'est génial ! Tu y vas pour quoi ? Les études ? Les vacances ? Un petit ami ? Les trois peut être ?

La jeune femme gloussa.

_ Si je vous dépose là toutes les deux ça vous va ? Le bus vous y emmène facilement, moi je file après. 

Alexie, heureuse d'échapper à l'interrogatoire de la jeune femme, acquiesça poliment et, lorsque l'homme s'arrêta en double file, sortit de la voiture. Elle ouvrit le coffre, prit sa valise et fila en direction du bus qui attendait à son arrêt avant que Caroline ne puisse l'interpeller.

Arrivée à l'aéroport, elle enregistra son bagage et, après une longue attente, monta dans l'avion. Elle s'assit à la place indiquée par son billet et regarda son téléphone. La petite LED en haut de l'écran clignotait indiquant des messages non lus et des appels en absences. Ses parents, inquiets, avaient essayé de la dissuader de partir et avait continué après son départ en covoiturage apparemment. Alexie composa le numéro de sa boîte vocale.

《Alexie, rentre immédiatement à la maison ! Tu n'as plus douze ans ! Qu'est ce que c'est que ce caprice !?》

《Ma chérie, c'est maman, rentre à la maison s'il te plaît ! Tu nous manques déjà, on ne peut pas te laisser partir comme ça !》

《Alexie, ma puce… On peut peut-être en discuter calmement tous les trois… Je suis sûre que…》

_ Mademoiselle, veuillez éteindre votre téléphone s'il vous plaît. L'avion va maintenant décoller. 

Alexie s'excusa et éteignit son smartphone. Il était maintenant trop tard pour reculer. La jeune fille s'installa mieux dans son siège et jeta un coup d'oeil par le hublot, l'avion avançait doucement sur la route menant à la piste de décollage. Une voix se fit entendre par les hauts parleurs.

_ Mesdames et Messieurs. Bonsoir et bienvenue sur le vol de la compagnie Air France. Je m'appelle Caroline et serait votre chef de cabine pour ce voyage. Ladies and gentlemen. Good evening and welcome…

Alexie se retourna vers l'avant de l'avion, elle avait reconnu la voix. C'était la jeune femme qui l'avait accompagnée dans le covoiturage. Caroline était grande et fine, tout ce qu'il fallait pour être hôtesse. Sa chevelure dorée, attachée en queue de cheval, se balançait pendant qu’elle parlait. Alexie se surprit à avoir une meilleure image de la jeune femme. Elle admirait son métier et se sentait maintenant l'envie de parler avec elle et de lui poser toutes les questions concernant ce métier qu'elle envisageait.

Alors que les hôtesses et stewards finissaient leur présentation des sorties de secours et de la sécurité, les voyants pour attacher la ceinture s'allumèrent. Alexie s'exécuta et vit Caroline se diriger vers l’habitacle destiné au personnel du voyage. L'avion accéléra et commença sa montée vers le ciel. Alexie avala sa salive pour compenser le changement de pression dû à l'altitude. Elle aimait cette sensation d’envol, de légèreté et de liberté. L'avion se stabilisa et le voyant pour les ceintures de sécurité s'éteignit. 

Après une demi-heure de vol, Alexie se décida à se lever. Elle se sentait à l'aise debout dans un avion. Elle se dirigea vers le cockpit. Arrivée devant la cabine du personnel, un homme l’arrêta poliment.

_ Je suis désolé, mademoiselle. Vous n’avez pas le droit d’aller plus loin.

_ Je voudrais voir la chef de cabine, Caroline. 

L’homme se retourna et appela l’intéressée. Caroline apparut derrière le rideau et, en voyant qui la demandait, sourit. 

_ Tiens, c’est ma covoitureuse qui s’est enfuie dans le bus.

Alexie rougit. Elle se sentait maintenant gênée de son comportement immature. Elle s’excusa, prétextant la volonté de ne pas manquer son avion. L’homme se rendit vers un passager qui venait de lui faire un signe. Un silence s’installa entre les jeunes femmes.

_ Tu…

_ Je…

_ Pardon vas-y.

_ Non vous, que vouliez-vous dire ?

_ Déjà je te propose de me tutoyer, je n’ai même pas dix ans de plus que toi.

_ D’accord…

Alexie, d’habitude sûre d’elle, était tout à coup intimidée par la jeune femme. De près elle avait l’air encore plus grande, son visage fin ressemblait à celui d’une actrice américaine. 

_ Euh… Vous… Tu… Hum...

_ Détends-toi, je ne vais pas te manger. Que voulais-tu me demander ?

Le sourire de Caroline redonna du courage à Alexie qui se racla la gorge.

_ Alors voilà, j’aimerai faire votr… ton métier. Je vais dans l’université de New York pour parfaire ma formation. 

Les yeux de Caroline se mirent à pétiller.

_ Waw ! Mais c’est super si tu veux devenir hôtesse ! Tu vas voir c’est vraiment excitant comme métier.

Les deux jeunes femmes échangèrent sur le métier. Caroline était joyeuse de partager ses expériences et Alexie buvait ses paroles comme un enfant écoutant son histoire préférée. La chef de cabine dut finalement laisser la jeune fille pour travailler. Elle lui laissa son numéro avec l'impératif de l'appeler pour la moindre question. Alexie la remercia et retourna s'asseoir à sa place. Le reste du voyage se fit calmement. 

Arrivée à New York, Alexie passa la douane et récupéra ses bagages. A la sortie elle chercha sa famille d'accueil qu'elle avait contactée rapidement avant de partir. Ses yeux s'arrêtèrent sur une pancarte marquée ALEXIE. Deux garçons souriants la tenaient. Ils se ressemblaient beaucoup. Elle s’avança vers eux.

_ Hello, my name is Alexie, I’m from France and…

Les deux jeunes hommes se regardèrent et affichèrent un grand sourire. Ils étaient tous les deux bruns aux yeux verts et leur bouche, allongée par le sourire, était fine et grande. Alexie se demanda ce qu’il pouvait y avoir de drôle dans son introduction. Le garçon de droite se tourna vers elle et avec un sourire encore plus grand lui dit :

_ Salut Alexie ! Moi c’est Mathéo et voici Tyméo mon frère jumeau. Tu n’as pas dû lire la mention spéciale.

_ Vous parlez français ?

Alexie, interloquée, avait la bouche grande ouverte. Elle ne s’y attendait pas. Remarquant son expression idiote, elle ferma la bouche et réprima l’envie de s’enfuir en courant. Le soi disant Tyméo fit une courbette et prit la main d’Alexie pour y faire un baiser. La jeune femme ne sachant encore moins où se mettre, rouge d'embarras, recula et percuta sa valise. Elle tomba sur les fesses. Le sourire de Mathéo laissa place à la surprise, il tendit la main à Alexie pour l’aider à se relever.

_ Tim ! Regarde ce que tu as fait ! Excuse mon frère, il est très… Comment dit-on ?

_ Avenant ?

_ C’est ça, Tim ! Tu es avenant.

Surprise, Alexie regarda les deux jumeaux rire de leur blague. Elle se demanda dans quelle famille elle était tombée. Elle accepta l’aide de Mathéo pendant que Tyméo prenait sa valise. Ils se dirigèrent tous les trois vers une Porsche Carrera noire. Alexie s’arrêta.

_ Tu n’as pas dû lire la deuxième mention spéciale.

Mathéo rit de la blague de son frère avant d’ouvrir le coffre. Tyméo y déposa la valise avant d’ouvrir la portière.

_ Si mademoiselle veut bien se donner la peine.

La jeune fille prit place. Pendant ce temps, Mathéo était passé à l’arrière. Son frère s’installa au volant et fit vrombir le moteur. Durant le trajet, les deux garçons essayèrent de mettre à l’aise Alexie. Ils lui demandèrent ce qu’elle venait faire à New York, des informations sur la France et même si elle avait un petit copain qui l’attendait sagement. Faire parler la jeune fille de son projet fut le meilleur moyen pour elle de s’ouvrir et de sourire aux blagues des jumeaux. Finalement, elle les trouvait gentils. 

Ils quittèrent le quartier de Brooklyn par le célèbre Brooklyn Bridge pour arriver à Manhattan. La voiture s’arrêta devant un vieil immeuble aux briques rouges. Alexie se dit que la famille des garçons avait dû mettre l’argent dans la voiture plutôt que dans le logement. Un vieil escalier menait à une double porte en bois solide avant de continuer vers les étages supérieurs. Elle se ravisa en entrant dans l’appartement. Les lieux sentaient le neuf. Les murs, peints en blanc, éclairaient la pièce grâce aux grandes baies vitrées donnant sur l’Hudson River. Au centre de la pièce régnait un immense salon; sur le côté, une cuisine à l’américaine et au fond, un escalier menait aux chambres, imagina Alexie.

Tandis que Tyméo déposait la valise, Mathéo ouvrit en grand ses bras en montrant l’appartement.

_ Bienvenue chez toi, miss.

***