Je n’ai pas sommeil.
Sur les écrans devant moi dansent des symboles et clignotent des alertes depuis si longtemps que je n’y prête plus qu’un œil torve, vautré que je suis dans mon fauteuil articulé, les pieds croisés et posés près du clavier de commande. Je suis sensé surveiller les allers et venues incessants de mes collègues partis de la navette sur le sol lunaire récolter je ne sais combien de minerais, petits cailloux, rochers et poussières afin d’étudier ENFIN ce que nous cache notre satellite unique et argenté. Il serait temps, vraiment, qu’on en sache un peu plus sur la Dame Blanche de la nuit. Jusque-là, on nous avait inventé, scénarisé, affirmé haut et fort qu’enfin, l’homme avait mis le pied sur la Lune. Que nenni ! Ce n’est que quatre-vingt quinze ans plus tard que c’est effectivement le cas, c’est à dire quatre ans avant notre expédition de maintenant. Le chantier de la base lunaire a vraiment commencé.
Mais ce qui m’intéresse, moi, c’est plutôt l’encart publicitaire affiché sur ma tablette numérique que je tiens entre les mains. «L’univers est infini. Parcourez-le VRAIMENT à la vitesse de la pensée», ainsi est-il intitulé.
Je me suis évertué à entraîner mon corps à voyager dans l’espace pendant des heures, des années, joué du meilleur de moi, me suis soumis à toutes les épreuves demandées pour accéder au privilège suprême de faire partie de l’élite des astronautes. Je n’aspire désormais qu’à l’immobilisme. Mon rêve : voyager sans bouger le petit doigt. C’est ce que promet visiblement cette publicité que je parcoure avec grand intérêt.
C’est vrai. Quoi de plus passionnant que de rendre visite à d’autres que nous nichés quelque part dans le grand univers ? Si on attend que la technologie spatiale parvienne à dépasser la vitesse de la lumière, on sera cloué dans notre système solaire pendant encore des centaines d’années. Alors que les tachions, eux, ne nous attendent pas pour servir de transport gratuit à toute particule de son genre désirant se déplacer. L’institut qui propose ce voyage extraordinaire se trouve à Lhassa, au Tibet. Le toit du monde ! N’est-ce pas un joli symbole pour se rapprocher des étoiles ? J’ai envie. Je veux savoir faire ça ! Ramasser des cailloux sur la Lune, finalement, c’est moyen. Tant d’efforts pour ça alors qu’il suffit de penser à l’autre bout de l’univers pour s’y rendre instantanément.
Vingt-trois heures cinquante neuf.
Une heure qui ne veut plus rien dire ici. C’est celle de Baïkonour. Quelle heure peut-il bien être à Lhassa en ce moment ? Je presse le bouton de la communication avec la base.
«Allo, c’est possible d’avoir une liaison avec un numéro privé, s’il-vous-plait ?»
Un crachouilli caractéristique des abonnés absents me répond.
«Allo !!! Y’a quelqu’un ? ... Allo, la Terre ? Ici Grigori, je voudrais appeler un numéro à Lhassa, s’il-vous-plait.»
Minuit.
Ma tablette se coupe. Écran noir. Un de mes écrans émet un bip d’alarme : liaison avec la Terre HS. Soudain...
- Grigori, nous t’attendons à Lhassa de pied ferme, entendis-je dans mon crâne. La lune est bien trop petite pour les capacités qui sont en toi... viens ! Immédiatement !
Bon tant pis, pas grave, mais c'était super.
C'est gentil d'avoir apprécié même si toi aussi tu as été frustré de ne pas savoir ce que va devenir Grigori.
Ne t'en fais pas, il ne lui arrivera que des bonnes choses.
Biz, Vef'
Bravo, il fallait y penser ! c'était excellent !
Spilou
Je suis contente que ça t'ait plu. Oué, lé un peu désabusé, mon astronaute... ou cosmonaute, enfin... voyageur, quoi.
Biz Vef'
D'ailleurs je l'aime bien ce Grigori, blasé et jamais content.
Je m'étais juste attendue à une chute à la fin, mais bon, rien que suivre les pensées de Grigori ... je sais pas, c'était une ambiance un peu mitigée qui m'a bien plu.
Oui, je sais, c'est un peu tordu, mon truc. Ça vaut ce que ça vaut. Mais tant mieux si tu as apprécié l'atmosphère et le personnage, c'est bien là le principal pour un piti drabble.
Merci pour ton commentaire, Jam'.
Biz Vef'
Mais hormis ce détail, ton texte est bien et son atmosphère un peu blasée rend pas mal du tout ^^
A peluche
Sushi^^
Merci beaucoup, Sushi, pour ton commentaire qui éclaire d'un autre point de vue ce petit drabble.
Biz Vef'
J'aime l'idée de la personne qui a accomplie beaucoup mais se remet en question et décide d'explorer les merveilles de l'esprit.
Nascana
C'est vrai, Grigori est quelqu'un qui a visiblement fait le tour de la question des voyages et qui remet en question le principe d'y parvenir ; explorer plus loin et avec d'autres moyens.
Biz Vef'
La narration était très agréable, et c'était très intéressant de trouver ton style dans ce genre de décor. Merci pour ta participation, Vef' ! =)
Bien trouvé, Danette ! Les Thanotaunautes de Werber ne sont pas innocents sur l'idée que j'ai eue pour faire ce Drabble. Moi, c'est plutôt "L'Empire de Anges" qui suit ce tome que je n'ai pas trouvé génial. Il n'empêche qu'il s'inspire d'une idée pas si farfelue mais encore bien trop d'avant-garde pour être envisagée comme une alternative aux voyages dans l'espace. Ensuite, chacun appréhende cette perspective à sa façon.
Merci à toi de m'avoir commentée.
Biz Vef'
En fait, je me suis un peu perdue en chemin -_- En fait, je crois que c'est le thème de l'espace... J'aime bien les choses bien terriennes en ce moment. Du coup, j'ai eu du mal à m'accrocher.
Cela dit, j'aime bien l'idée de voyage par la pensée. Enfin, sauf que j'ai des souvenirs parasites d'une pièce de théâtre russe à propos de voyages à travers le monde à l'aide de drogues...
Non, en fait, j'étais pas du tout concentrée dessus. Je viendrai peut-être relire quand j'aurai les idées plus claires :P
C'est dommage parce que j'ai un peu pensé à toi en écrivant, vu que je parle de Baïkonour et d'un Russe, Grigori. Tu n'as même pas capté, vilaine !
Faut croire que c'était pas ton truc, ce matin. Tu n'avais pas la tête dans la lune, encore moins dans les étoiles. Une prochaine fois, peut-être.
Biz Vef'